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[16/11/1995] Vigilance constante | ft. Lévine Serger & Stanislas Ibranovitch

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Jeu 19 Nov 2020 - 23:39
Vigilance constante
ft. Lévine Serger & Stanislas Ibranovitch
Vous prendrez autre chose, monsieur ?, dit Andrée avec un sourire commercial.

— Ce sera tout, merci.

Le client déposa le montant qu’Andrée lui indiqua sur le comptoir - vingt-cinq Gallions, onze Mornilles et trois Noises. Une jolie somme, mais les ingrédients et substances qu’elle vendait étaient relativement chers. La chaîne de la Boutique de l’Apothicaire, Mr Patterson et elle-même, et spécialement leur point de vente de Pré-au-Lard, se targuait de ne proposer que des produits d’une qualité excellente, aux vertus puissantes et parfois introuvables sur le marché. C’était leur grande force et ils avaient peu de concurrence en Angleterre.

Conséquence directe de leur succès, Mr Patterson réfléchissait à un service de livraison en gros pour étendre son offre et sa clientèle jusqu’aux deux Irlande. Il parlait de lancer l’opération pour le printemps ou l’été 1996.

Andrée adressa un hochement de tête à l’homme en face et entreprit d’emballer les bocaux. Il lui avait acheté des produits assez communs, qu’on lui réclamait souvent. Le stock baissait à vue d'œil. Il faudrait qu’elle en refasse une commande avant de tomber en rupture. Elle en prit note sur son agenda, à la date du lundi suivant : sa réunion hebdomadaire avec son patron lui permettrait de lui en toucher quelques mots.

Habituellement, elle avait la main sur le stock de sa boutique et sur les commandes qu’elle passait, mais la marque avait récemment changé de sous-traitant. Meilleure qualité, à peine plus cher, avait argumenté Mr Patterson devant une Andrée mécontente. Elle n’avait pas demandé d’où venait la marchandise. L’heure n’était pas aux économies mais à la fidélisation de leurs consommateurs.

— Une excellente journée, salua la jeune femme en tendant le paquet au client.

— À vous aussi, répondit l’autre. À bientôt !

La clochette suspendue au plafond tinta lorsqu’il passa la porte. Le visage d’Andrée perdit aussitôt son sourire et retrouva son air taciturne. L’inconvénient d’être commerçante : il fallait jouer le jeu en permanence.

La Boutique de l’Apothicaire était petite mais la jeune potionniste s’y sentait à l’aise. De l’extérieur, rien ne la distinguait des autres maisons si ce n’était un panneau suspendu à la devanture. Même façade, mêmes pierres grises et anthracite, mêmes larges fenêtres aux allures industrielles. La porte différait un peu : elle était en bois léger, comme les autres, laissait passer les courants d’air, comme les autres, mais un propriétaire précédent l’avait peinte en vert pomme pour ajouter une touche de couleur à l’ensemble un peu morne.

L’intérieur, en revanche, n’avait rien d’une nature morte. Deux des quatre murs de la boutique étaient tapissés d’étagères. De petits caissons coulissants y étaient alignés, chacun soigneusement étiqueté avec le nom d’un produit, ses caractéristiques de base et son prix au kilo. Des motifs peints s’animaient d’une étagère à l’autre, fantaisie artistique d’Andrée. Des renfoncements nivelaient le mur çà et là et d’autres rangements y étaient installés.

Quand on survolait le tout des yeux, on avait l’impression d’un méli-mélo désorganisé duquel seule Andrée avait la parfaite connaissance. Quand on passait très proche de leurs poignées cuivrées, on distinguait parfois les effluves de ce qu’ils contenaient.

Devant certaines étagères - bloquant partiellement leur accès - se tenaient des tables à plusieurs étages. On y trouvait de tout : des bocaux remplis d’ingrédients mystérieux, plus communs ou colorés, enfermés dans leurs prisons de verre épais ; des carnets abandonnés avec des inscriptions, fruits de la prise de note de certains clients pour déterminer la proportion exacte de ce qu’ils devaient acheter - Andrée avait bien vite compris que ce genre d’accessoires était indispensable dans sa boutique - ; des revues spécialisées dans les potions ou dans la recherche des effets de plantes quelconques - certains titres vantaient même les mérites de découvertes moldues - ; des fleurs séchées dans un herbier, elles sentaient même un peu la terre mouillée ; et d’autres babioles dont la raison d’être pouvait paraître nébuleuse mais qui se révélait toujours excellente.

Au milieu, l’espace était occupé par un îlot circulaire. Ce qu’il mettait en valeur variait au gré des semaines. Parfois, Andrée y proposait des recueils de recettes de potions amusantes ou d’usages d’herbes médicinales. D’autres fois c’étaient des cartes, des livres anciens, des artefacts magiques ou autres curiosités que la jeune vendeuse avait dénichées on ne savait où. Ces objets n’étaient pas à vendre ; d’ailleurs, bien souvent il s’agissait de prêts. Andrée les proposait à la contemplation pour les amateurs de pièces rares de collection.

Le plateau de l’îlot, sculpté dans du bois aux aspérités prononcées, donnait envie d’y passer sa main pour en ressentir les imperfections.

Au sol, un tapis persan aux motifs complexes et chaleureux recouvrait des lattes de parquet usé. Sur sa moquette un peu rugueuse, des chevaux et autres animaux fantastiques se disputaient la première place d’une course endiablée le long des franges de la carpette.

Au plafond, des luminaires aux vitraux colorés, ciselés dans des formes géométriques et tranchantes.

Andrée observa avec satisfaction son magasin. Rien n’était laissé au hasard. De la lumière fantomatique qui filtrait à travers les verres glacés de ses immenses fenêtres à l’odeur subtile de fleur séchée qu’elle laissait flottait dans l’air, chaque élément avait sa place précise.

En attendant son prochain client, la jeune femme fit le tri sur son comptoir. Les vieux parchemins à l’odeur prononcée côtoyaient les factures et autres bilans de vente. Elle les sépara en deux piles distinctes, rangea les plus vieux documents dans une pochette spéciale et la fit disparaître d’un coup de baguette magique.

Les factures quant à elles furent rigoureusement alignées pour que pas un coin ne dépasse de leur empilement.

La jeune femme arrangea le pot-pourri qui parfumait l’espace, secoua les rideaux pourpre pour les débarrasser de leur poussière et délassa les feuilles des quelques plantes grasses qui ornaient certaines tables.

Puis voyant que la ruelle du magasin était déserte, elle se retira dans l’arrière-boutique. Son repère. L’un des endroits qu’elle appréciait le plus.

Elle attisa les flammes de la cheminée et se saisit d’un pot en terre cuite qui reposait sur son rebord.

— Saint-Mangouste, Bureau de Gabriel Barnabey, dit-elle à l’intention de l’âtre en pierre.

Les flammes crépitèrent en vert. Aussitôt la française plongea la tête dans le foyer émeraude.

— Miss de Kerimel, l’accueillit un visage jovial. Vous aviez rendez-vous ?

— Avec le Dr Barnabey. Je suis en avance de quelques minutes.

L’infirmière acquiesça et la fit attendre le temps qu’elle aille chercher Barnabey. La communication par cheminette n’était pas agréable mais elle s’en accommoderait.

Quelques minutes plus tard, Barnabey fit irruption dans la pièce. Ses traits étaient déformés par les flammes et les cendres qui lui collaient aux yeux. Les rides qui structuraient son visage semblaient bien plus profondes qu’à l’habitude et sa barbe de trois jours, plus hirsute.

— Andrée, l’accueillit-il. Comment allez-vous ?

— Je ne me plains pas, répondit la jeune femme. Nous devions confirmer les modalités de la prochaine commande.

— L’équipe logistique a tenu une réunion ce matin et a invité les têtes de plusieurs services de l’hôpital pour l’occasion. Comme je vous l’ai dit, une réorganisation en interne a un peu perturbé notre manière de fonctionner et…

Barnabey hésita : pour une fois, il se rendait compte qu’il s’aventurait en terrain glissant. Il avait déjà livré des informations sensibles à Andrée par le passé. Fort heureusement, elle ne les avait pas utilisées contre eux et il n’y avait eu aucune suite pour lui - c’était aussi pour sa discrétion qu’il estimait sa prestataire -, mais il fallait qu’il fasse attention.

Il sourit, d’un sourire d’excuse, d’un sourire qui réclamait sa compréhension.

— Enfin bref, nous avons consigné les diverses potions qu’il nous faut sur une liste que je vous fais parvenir sous scellé. Je vous avertis de suite, Andrée, les quantités sont assez importantes. Mais vous serez rémunérée à la hauteur des efforts que vous aurez fournis, c’est évident.

— Je n’en doute pas.

Ils échangèrent les banalités d’usage - comment vont les affaires ? le temps se rafraîchit, ces temps-ci -, puis Andrée coupa court à la conversation. Elle n’aimait pas beaucoup la sympathie exacerbée de Barnabey et préféra ne pas s’éterniser.

La liste des potions arriva moins de vingt minutes plus tard, transportée par hibou à la forte corpulence. La cire, frappée du blason de Saint-Mangouste, dut être désenchantée pour être brisée. Une combinaison de runes en protégeait l’accès : l’approvisionnement de médicaments de la plus grande clinique sorcière d’Angleterre devait rester confidentiel.

La potionniste parcourut la liste des yeux, nota mentalement les diverses indications et recommandations et signa le contrat qui l’accompagnait. Promesse de silence et gage de qualité pour l’un des partis, assurance de paiement et de renouvellement pour l’autre. Ils étaient tous les deux gagnants.

Andrée glissa le parchemin paraphé dans l’enveloppe, la scella à nouveau et la rendit à son transporteur. L’oiseau, taciturne, s’envola sans demander son reste. Elle n’eut même pas le temps de lui offrir l’une de ces friandises nauséabondes qu’elle achetait spécialement pour les coursiers de ses clients.

Le fracas caractéristique de la porte ouverte trop brutalement la tira de la contemplation du rapace nocturne qui s’éloignait. Alertée, elle ne prit pas le temps de déposer sa liste avant de se précipiter dans l’espace de vente. La clochette tintait encore lorsqu’elle atteignit le comptoir.

Son air alerté se mua en agacement. Presque automatiquement, sa posture se fit plus défensive.

Serger et Ibranovitch.

Évidemment.

Fidèle à lui-même, l’Auror Ibranovitch n’avait pas hésité à abuser de l’accueil chaleureux supposé d’un magasin pour se faire voir - en l’occurence pour se faire entendre. Au risque dans le cas présent de fracasser une porte déjà fragile contre le mur.

Derrière lui, Serger, bien plus discret, fermait la marche.

Andrée serra les doigts autour de son parchemin. Le bruissement du papier qui se froisse lui parut lointain et désagréable tout à la fois. Comme de la laine de verre qui serait venue poncer sa contrariété à vif.

— Ibranovitch, Serger, salua-t-elle, parce qu’il fallait bien les accueillir. Heureuse de retrouver ma porte en bon état après votre arrivée remarquée.

Derrière son ton sarcastique se cachait une prudente analyse de la situation. Parce qu’elle savait précisément pourquoi ils se tenaient sur le palier de son commerce.
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HRP :
Andrée de Kerimel
Modo poker face
Andrée de Kerimel
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Mar 24 Nov 2020 - 18:34
Vigilance constante.Lévine & Andrée & Stanislas
If you were dead or still alive I don't care. I don't care. Just go and leave this all behind. 'Cause I swear (I swear), I don't care. ( I don't care → Apocalyptica ) ••• Il pleuvait. Il pleuvait toujours. Les jours étaient courts. L'automne. L'arrêt brutal d’ensoleillement. Il avait quitté son lit. Sa chambre. Le jardin. Les limonades et citronnades. Il était loin. Trop près de tout le reste. De ce monde. De ces baldaquins. De ces hublots donnant sur le vide, sur l'eau, sur le vert ambiant. Il faisait noir. Il faisait nuit. Et il ne voulait pas dormir. Il étouffait. Il était comprimé. Comme serré par une main de géant. Il s'était traîné dehors. Les couloirs étaient déserts. Le silence l'avait déchiré. Cueillit jusque devant une impasse. Mur gigantesque. Des grilles. Des squelettes. Des souris. Et lui. Loin du cigare. Loin du lotus. Loin de son sourire. Une délivrance. Un secret.

« Puisque je te dis que je sais ce que j'ai vu ! », Stanislas jeta ses paumes sur son bureau dans son élan, accentuant le désastreux chaos qui y régnait depuis plusieurs dizaines de minutes.

De toutes ses connaissances, Stan était à la fois le plus prévisible, qu'il en devenait surprenant. Capable de se pavaner d'une réussite, pour finalement rejeter les louanges de la gloire à l'une des têtes les moins fournies du bureau, puis, s'endormir aux aurores sur un dossier urgent, pour se réveiller à l'aube de sa remise, et enfin, insister pour contrer ses obligations – en empruntant le chemin menant à l'ambré d'un verre - mais les rechercher sur des détails mordant sur la corde sensible de son esprit juste et idiot. Assit sur son siège, les bras croisés, Lévine le regardait s'agiter, beugler dans tous les sens, espérant secrètement qu'il en viendrait à une rupture d'anévrisme, tant la veine palpitant sur sa tempe semblait sur le point d'exploser. Il était au zoo à observer un singe dans sa cage. Ses doigts gagnèrent le tube de tabac disposé derrière son oreille, à califourchon, pour finalement l'ôter et en caresser l'embout entre son index et son pouce, appuyant sur le filtre par intermittence.

Il avait peu dormi. Assez pour ne pas vouloir enfoncer sa tasse de café fumante, entre les deux yeux exorbités de son équipier. Son mal de tête s'était apaisé durant sa sieste et se raviverait sans doute plus tard dans la journée. Sûrement lorsqu'une note viendrait mettre un terme au désaccord de deux des employés. Droit comme un I, Elnath se démenait pour garder un semblant d'intégrité à son espace de travail, agité par les pulsions violentes de son voisin. Les meubles étaient bancals. À croire que le budget gargantuesque passait d'abord par les poches des chefs d'unité avant de servir aux employés. Sans doute était-ce pour ça que les talons de Callaghan changeaient chaque semaine. Pour lui, il eut un semblant de compassion qui ne dura qu'une demie-seconde. Lui aussi, payé souvent les éveils de son équipier au point de vouloir l'assommer de ses dossiers pour le faire taire.

Se détachant du deuxième round se profilant à l'horizon, il quitta l'orage de la dispute opposant le nouvellement diplômé à son ancien formateur, pour ouvrir son tiroir. Celui du haut. Il souleva les quelques prises de notes sur l'enquête en cours, pour extirper les pages jaunies de la gazette. Elle avait fait grand bruit. Elle en faisait encore. Les photographies animées étaient identiques. Comme dans ses souvenirs. Halloween. Tissu de conneries ayant renforcés son méprit pour les scribouillards du journal. Son aversion pour tout ce monde de cons.

« Tu ne sais pas ce que tu as vu, Stan, rends-toi à l'évidence ! », rétorqua Cliff bien tapis derrière la pile précaire de parchemins roulés, qu'il tentait de faire tenir d'un bras. Dommage qu'il n'y ait pas de fenêtre pour les souffler d'un coup de vent. « Tu peux pas harceler une pauvre fille sous prétexte que son père était un salopard, si ? », peu assuré sur la fin de sa phrase, moins acide, il chargea sur sa personne un regard interrogatif. Qu'ils le laissent en dehors de tout ça. Pour une fois qu'il était tranquille. Dans un semblant de paix psychique. Presque équilibré.

Les joues rouges, les narines frémissantes, les mains tremblantes sur sa plume à papote d'un rouge vif, Stanislas prit une grande lampée d'air. Il n'était pas d'humeur à l'entendre gueuler. Il en avait eu assez pour la fin de la semaine. Pour tout le mois. Prenant sur lui, Lévine se redressa, remettant en place ce qu'il avait dérangé. Le tiroir scellé d'un sortilège, il remit droit son encrier dans un coin, le superposant à son carnet en cuir, récoltant les indices grignotés par ci, par là. Le portrait d'une jeune fille les genoux dans la boue. D'une gorge ouverte sur des cordes. D'une disparition dans une ruelle. Les avis de recherches pliés, repliés, et gardés précieusement. La pulpe de sa chair retraça les aspérités du bois poli, y prélevant la fine pellicule de poussières et de cendres qui s'y étaient déposées. Il les souffla sur sa peau, les répandant dans l'air. La hanse à la main, il retira une gorgée du goudron informe qui leur était servi. Au moins parvenait-il à le maintenir éveillé. Concentré.

« Mais puisque je te dis qu'elle est louche ! L’œuf, ça tombe jamais loin de l'arbre. », fulmina le brun en retour, les derniers mots étouffés dans sa barbe.

« La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre. », le reprit l'apprenti sans lever le nez, pointilleux des détails, déclenchant une réaction en chaîne.

Un effet papillon. Comme au ralenti, le presse-papier se fit projectile. Le cristal d'une tête d'oiseau, un corbeau peut-être, s'envola jusqu'à la tour de Pise tenant par miracle, la faisant imploser en une nuée de feuilles volantes. Dans tout ce bordel, dans tous ces cris, il y avait quelque chose d'artistique. De rassurant. Ses lèvres s'étirèrent d'un sourire fin. Imperceptible. Futile. Fragile, qui se fana en un battement de cil, le temps que les papiers ne rejoignent le parquet y formant un tapis. Comme cette fois. Comme dans ce bar. Comme à cette fête. Dans sa gorge naissait les prémices d'un rire. D'une complicité qui s'activa d'un regard. C'était dérangeant. Déstabilisant. Ça partait. Parfois ça restait. Des moments de faiblesses qui le faisait attendre, accepter, apprécier l'étincelle de malice illuminant les yeux de son équipier. Peut-être que son sens de l'humour n'était pas toujours aussi détestable. Peut-être que son contact n'était pas aussi dégoûtant.

« Toi, tu m'crois, hein partenaire ? », bredouilla Ibranovitch en fixant ses lucarnes droit dans les siennes. La chaleur qui crispa ses nerfs au surnom, le fit grincer des dents. Il voulut soudain le frapper. Dans la mâchoire. Faire taire cette envie de lui dire oui, de céder, en lui pétant le nez, l'arcade, en lui donnant envie de se barrer, de le lâcher. Il resterait. Stan, il revenait à chaque fois. Trop têtu. Trop borné. Trop… Lui. C'était usant. Avec un soupir, il hocha la tête, abandonnant une bataille perdue d'avance. Ce type était complètement barge. Un con bon a enfermé.

« Alors, on part à la chasse aux preuves. »

Et il se sentit encore plus con que lui de l'avoir appuyé.  

***

Les rues de Pré-au-Lard n'étaient jamais désertes. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Les Trois-Balais était bondé. Des types accoudaient au comptoir. Des soûlards un peu éméchés. Une bonne entente générale. Beaucoup de bruits pour rien. En sortir lui fit du bien. La foule était oppressante. Trop dense. Il se sentait petit. Ridicule. La brise chatouilla ses pommettes, et il ne résista plus à allumer le bout de sa cigarette d'un claquement de doigt. La fumée tapissant son palais alluma ses synapses de nicotine, détendit ses épaules. À bien y réfléchir, un verre n'aurait pas été de trop. Une fée verte. Un peu de poison pour agrémenter le tout. Pour rendre le chemin plus supportable. Il avait promis à sa mère de ralentir, de lever le pied. Il se retrouvait à appuyer sur l’accélérateur en s'envoyant dans le mur, dans le fossé. Dans le boulevard, les passants se bousculaient, surchargeaient le devant des boutiques.

Ce n'était pas pire que Traverse. Pas forcément mieux. À sa droite, Stan s'impatientait. Il tapait du talon, les mains dans son pardessus. Aucun uniforme sur le dos. Une tenue civile où s'était greffée leur insigne. Comme un pin's que l'on accroche à sa veste. Argenté aux deux baguettes se chevauchant, sur le fond d'un M ministériel. Le symbole de l'autorité, de la loi. La belle affaire. Séparés du troupeau, de la marrée humaine allant d'un côté, puis de l'autre dans un fouillis informe, ils ne détonnaient pas. Un peu ordinaires. Un style quelconque. Du noir pour l'un sur du gris, de la couleur foncée, un peu de bordeaux en chemise pour le deuxième. Dans leurs débuts, on leur avait répété que le criard ne servait à rien. Que le rouge était le seul admis sur le terrain. Il avait au moins une utilité : Il cachait le sang. Une leçon qu'il avait apprise en se retrouvant couvert de tripes sur un pantalon blanc.

Dépassant certaines têtes de quelques centimètres, il mena la marche. Un pas traînant, freiné par l'embouteillage devant la poste. C'était partout pareil. D'un monde à l'autre. Du coude, il fit tanguer un paquet tenu à bout de bras par une vieille dame. Serviteur du peuple, Stanislas l'aida à le maintenir en place dans un sourire charmeur. Le flot ininterrompu de la femme lui en fit oublier leur déplacement et sa rancune tenace envers la porte qui n'était plus très loin. Elle lui parla de son fils, de son travail au ministère – à croire qu'ils s'y retrouvaient presque tous par la force des choses-, de son mari à la retraite et de son ancien boulot. Elle avait été couturière, modéliste de tissus pour une enseigne de prés à porter encore cotée. Le bonhomme lui, s'était reconverti dans la vente de boules à neiges enchantées pour les enfants après des années de service dans une brigade de la police magique. Un petit officier sans histoires, sans tracas qui s'était fait sauter trois doigts durant une intervention. En moins de dix minutes, il en sût plus sur la famille de Madame Devis, que sur celle de son binôme. Lui semblait en être comblé, content de fuir son devoir dans une conversation épuisante de banalités. La vie de Monsieur et Madame tout le monde était d'un ennui, qu'il s'en décrocha le menton d'un bâillement.

Finalement, peut-être qu'il aurait préféré traiter des dossiers sans importance, plutôt que de devoir supporter le bavardage incessant et inarrêtable des deux commères. Sa cigarette était déjà finie. Et il hésita à en allumer une deuxième. L'étreinte entourant ses épaules ne lui en laissa pas le temps. Ragaillardit, Stan l'empoigna à bras le corps pour l'embarquer jusqu'à l'impasse donnant sur l'enseigne sobrement intitulée : La boutique de l'Apothicaire. Une porte fragile qui avait mainte fois était mise à l'épreuve par l'impulsivité notoire de son incapable coéquipier. Et pour leur énième visite de courtoisie, ça ne fit pas exception. Un bam sonore se fusionna au bruit du carillon.

Au moins était-elle encore entière au retour que manqua de se prendre son attaquant dans le nez. Ce qui n'aurait été que justice. Le pas lourd, Ibranovitch fit valoir son autorité dans une démarche abusivement virile et surjouée. Comme un cow-boy dans un mauvais film. Lévine, plus sobre, lui emboîta la marche en levant les yeux sur le plafond. Il était assez bas. Tout ici ressemblait à un trou, une tanière un peu encombrée de bocaux étiquetés. Voyant poindre une paire d'escarpins de l'arrière-boutique, il profita de son temps de trajet pour jeter un coup d’œil circulaire autour de lui. Simple reconnaissance du terrain. L'habitude de rechercher un défaut, quelque chose sortant de l'ordinaire. Trop occupé à bomber le torse de toute son hostilité, le métisse choisit de la jouer plus fine. Limier, il se décala d'un pas-chassé pour tourner vers lui l'un des pots translucides, accrochant les brins séchés d'une herbe médicinale.

« Ibranovitch, Serger. Heureuse de retrouver ma porte en bon état après votre entrée remarquée. », les salua la gestionnaire de l'endroit d'un ton poliment cynique.

Délaissant les bourgeons de Valériane, il crissa des talons pour venir faire face à la stature droite d'Andrée de Kerimel. Le port noble ne laissait aucun doute sur ses origines. Petite bourgeoise sortie de son confort par son acariâtreté. Tout en elle respirait l'arrogance, l'orgueil démesuré. La voir de ses bras croisés et de son naturel provoquant, lui donner envie de lui faire une corde de ses notes de factures. Une aversion physique dès la première rencontre, dès le premier échange. Ne disait-on pas que la première impression était toujours la bonne ? Celle que lui avait laissé la potionniste gardait dans le fond de sa gorge une bile amère. Celle du dédain inné. Pourtant, loin de s'en parer dans une grimace sans équivoque, il ajusta son plus beau sourire sur son faciès, dans une finesse hypocrite à souhait. En retrait, il prit soin de rester dans le dos, pas totalement, pour rester en visu de l'employée, d'un Stanislas esquissant un rictus en coin.

« Tu sais qu'un bonjour ne t'écorchera pas toujours la gueule, de Kerimel ? », asséna l'Auror, les sourcils frémissants d'une pointe de colère refoulée. D'une affaire de coopération entre malfaiteurs et extrémistes était née une rancœur personnelle. Ici, Stan lui faisait penser à un chien. Un molosse refusant de lâcher son os à ronger.

« Stanislas, je t'ai connu plus courtois envers la gent féminine. », le reprit Lévine en enfournant ses mains dans ses poches. Ses phalanges butèrent contre son anneau. Un grognement accueillit ses remontrances. « Ne fais pas honte à la profession en te comportant comme un rustre s'il te plaît. Sinon, autant d'or est déjà la mettre sous Veritaserum sans passer par les formalités d'usages. », des mots savamment choisis, qu'il prononça en venant gratter son menton de trois de ses doigts.

« Bonjour. Navré du dérangement, vraiment... », le miel de sa fausse compréhension fit tressaillir son expression avenante sur un sarcasme plus mordant.

« Ouais, bonjour. », bon gré malgré Stanislas desserra les dents sur un semblant de professionnalisme, l'enterrant la seconde d'après. Il était désespérant. Un éléphant dans un magasin de porcelaine. « On voudrait voir les derniers reçus et dernières transactions de la boutique. »

Toujours aussi peu subtil.

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Lévine Serger
Admin rusé
Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Mer 9 Déc 2020 - 17:31
Vigilance constante
ft. Lévine Serger & Stanislas Ibranovitch
De ses yeux très sombres, Andrée observa les deux nouveaux venus.

En commerçante compétente, bien sûr, la vendeuse avait l'habitude d'accueillir ses clients par un sourire, un bonjour et la promesse d'un accompagnement s'ils le désiraient. Ces habitudes lui coûtaient beaucoup d'énergie et lui valaient des courbatures aux zygomatiques, elle qui exprimait si peu ses émotions à l'habitude, mais elle ne pouvait y échapper. Elle s'en accommodait plutôt bien ; l'arrière-boutique lui servait de refuge lorsque les contraintes sociales devenaient trop... contraignantes, justement.

La différence majeur entre les deux Aurors et ses autres visiteurs, c'est que les premiers n'étaient pas ses clients. Ils ne comptaient rien acheter – Andrée en mettait sa main dans le chaudron. Elle n'avait aucune raison d'être courtoise avec eux. Les strictes règles de bienséance suffiraient pour éviter un procès pour outrage à un agent. Comprendre : pas d'insulte, pas de violence physique, mais le reste était permis.

La jeune femme perçut un infime mouvement du côté du plus discret. Chacun de leurs gestes seraient analysés ; chacune de leur intention serait décelée. Elle n'avait aucune confiance ni en l'un, ni en l'autre. Ibranovitch était trop tapageur et trop haineux à son égard. Et Serger était... eh bien, il était Serger.

Il ne laissait rien paraître. Son stoïcisme et son sarcasme permanents la frustraient. Parfaits reflets de ce qu'elle tentait de mettre en application à chaque instant, sauf qu'il semblait y parvenir bien mieux qu'elle. Plus qu'un danger, il était indésirable.

— Tu sais qu'un bonjour ne t'écorchera pas toujours la gueule ?, lâcha Ibranovitch dans sa délicatesse habituelle.

— Sans doute pas quand on le mérite. Sauf que dans le cas présent, je doute que ce soit le cas, cingla Andrée.

— Stanislas, intervint Serger, je t'ai connu plus courtois envers la gente féminine. Ne fais pas honte à la profession en te comportant comme un rustre s'il-te-plaît. Sinon, autant d'ores et déjà la mettre sous Veritaserum sans passer par les formalités d'usage.

Andrée pencha la tête sur le côté. Un chien qui gueulait, c'était tout.

— Je peux vous le fournir, si vous le désirez. Rien de plus facile, trouvez-moi les ingrédients.

Son ton suintait d'ironie et de sous-entendus.

Elle croisa les bras. Sa journée se déroulait pourtant bien, jusqu'à présent. Les visites des deux agents n'étaient jamais prévues, jamais annoncées. Ils avaient le chic pour débouler lorsqu'ils avaient le plus de chance de gâcher toute sa semaine.

Andrée leur tourna le dos et se dirigea vers son comptoir. Consciencieuse, elle se contraignit à les accueillir comme il se devait.

— Bonjour, messieurs (1). Que me vaut le déplaisir de votre visite, cette fois-ci ? La dernière remonte un peu, à présent. Oserais-je penser que je vous manquais ?

Elle prit soin de noter toutes leurs réactions. Quelque part, Andrée s'amusait beaucoup à chacune de leurs joutes verbales ; elle savait qu'elle encaisserait son lot de coups bas, mais elle aimait à penser qu'elle ne se défendait pas trop mal à ce jeu-là.

Ce fut Serger, le plus diplomate d'entre les deux, le plus mielleux également, qui répondit :

— Bonjour. Navré du dérangement, vraiment...

— Ouais, bonjour, grogna Ibranovitch.

— Vous savez bien que mes portes vous sont toujours ouvertes.

Ibranovitch serra les dents. Il était si obtus, songea Andrée. Si transparent. Un peu moins brutal, et peut-être serait-il devenu un peu plus attachant.

— On voudrait voir les derniers reçus et dernières transactions de la boutique, dit-il enfin.

Le regard d'Andrée ne lâcha pas l'Auror quelques instants. Quelle était la motivation, cette fois-ci ? Avaient-ils senti quelque chose ? L'ancienne Serpentard savait à quel point Ibranovitch la haïssait. Il était capable de vouloir lui retourner ses papiers sans raison valable. Elle était aussi consciente qu'il cherchait depuis des années à déterrer les preuves de sa culpabilité, une culpabilité qu'il imaginait sans doute passible d'Azkaban.

Pourtant, elle n'était pas inquiète. Il était empressé et pataud ; elle était distante et observatrice. S'il trouvait de quoi l'accabler, un élément concret, palpable et présentable, il passerait devant sans même l'apercevoir.

Elle prenait tant de temps à maquiller l'ensemble de ses activités que le légal devenait illégal et l'illégal, trop confus pour qu'on l'aperçût. Seul un expert en la matière était capable de discerner le vrai du faux.

— Je ne pense pas que mes factures aient beaucoup plus d'intérêt que la dernière fois, objecta Andrée.

Elle leur fit toutefois signe de la suivre dans son arrière-boutique. Une porte en bois léger, blanc et vierge d'inscription, en barrait l'accès à gauche du comptoir. Elle la laissa ouverte pour que les deux agents se sentissent libres de la suivre.

L'arrière-boutique était minuscule. Aux yeux de la jeune femme, c'était là tout son charme : pas de place pour les grands vides insignifiants, pas d'espace pour l'inutilité. Les murs étaient couverts de cadres aux dorures extravagantes. Tape-à-l’œil mais utiles : chacun d'entre eux supportait des recettes, des propriétés d'ingrédients ou des listes de produits. La collection mixait ses propres découvertes aux documents qu'elle avait pillés dans le bureau de son beau-père. Une unique fenêtre perçait l'harmonie de ces affiches ; elle était couverte par un rideau lourd et ne laissait filtrer aucune lumière.

Au milieu de l'odeur de parchemin et du mélange de senteurs d'herbes en tout genre, on décelait avec peine celle de la cire des bougies qui se consumaient. Elles étaient les uniques points d'éclairage de la pièce.

Sur une surface, un chaudron miniature bouillonnait. Les amateurs reconnaissaient la préparation d'une potion contre les engelures. Accolé au mur du fond, un meuble en bois sombre croulait sous les documents. Tout était parfaitement à sa place malgré l'impression d'encombrement.

— Faites attention où vous marchez, prévint Andrée.

Elle se dirigea vers l'étagère, tira un classeur plein à craquer, posa son doigt sur un intercalaire orange. À l'intérieur, les feuilles étaient empilées, triées et annotées. Un enchantement permettait au dossier de contenir bien plus de documents que son aspect extérieur ne le suggérait.

La potionniste sélectionna un pan entier dans ses parchemins. Elle ressortit de l'arrière-boutique : la clarté du jour serait nécessaire pour déchiffrer le fouillis de chiffres et de références qu'ils contenaient. En les tendant à Ibranovitch, elle haussa légèrement les sourcils.

— Voici nos factures depuis la dernière fois que vous êtes venus. C'est un peu complexe, mais tu sais faire ton travail, n'est-ce pas ?

Elle tut le fait qu'elle le pensait incapable d'en déchiffrer les termes techniques, tout Auror qu'il fût. La plupart des articles étaient codés selon une nomenclature propre à Patterson – elle-même s'y perdait parfois, surtout depuis le changement de fournisseur. Lors de leur première perquisition, il avait mis trois-quart d'heure avant de renoncer.

Un geste vague de la main indiqua aux agents qu'ils pouvaient utiliser l'îlot central : il était plutôt dégagé. Andrée fit mine d'oublier l'absence de tabourets.

Elle retourna à son comptoir, l’œil rivé sur les Aurors. Ne jamais laisser ses adversaires hors de surveillance. Ne jamais les lâcher du regard.

Une tasse de café, remontant incontournable pour ce genre de moment. Une cigarette, son anesthésiant au quotidien. Lors de situations inconfortables, rien de tel que la nicotine.

Mais Andrée était Andrée – elle venait de la haute-société française et les bases de son éducation ne l'avaient jamais quittée. Alors elle disposa son service à café sur le haut de son comptoir, prenant bien garde à ce que les deux tasses et le sucrier soient alignés, le pichet plein juste à côté. Comme il était hors de question qu'elle leur serve elle-même le café, elle se contenta de leur tendre son paquet de cigarettes à moitié plein.

— Je pense que tu fumes, Serger ?, demanda-t-elle, la voix égale.
Code by Ariel


(1) En français quand elle le dit.

HRP :
Andrée de Kerimel
Modo poker face
Andrée de Kerimel
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Mar 15 Déc 2020 - 16:11
Vigilance constante
feat Andrée de Kérimel & Lévine Serger | Jeudi 16 novembre 1995
Les entrées remarquées, c’était son truc à lui. Bomber le torse, faire du bruit, arriver sûr de lui. En général ça faisait flipper les gens, ça imposait le respect. Ça le mettait déjà en bonne position pour soutirer les informations qu’il fallait. Ça marchait en général. La porte avait bien claqué comme il fallait en heurtant le mur et carillon avait bien signalé leur arrivée par son tintement joyeux. L’entrée remarquée, c’était chose faite. Niveau effet en revanche… Il en fallait plus, à cette garce de De Kérimel pour être un temps soit peu impressionnée. Son espèce de faux sourire sournois l’agaçait déjà, tout comme son accueil mielleux de bassesse.

« Ibranovitch, Serger. Heureuse de retrouver ma porte en bon état après votre entrée remarquée. »

Oh si elle savait à quel point il avait envie de la lui lancer en pleine tête, ça foutue porte. Peut-être qu’il l’encadrerait au bureau, figeant son sourire débile comme un trophée de sa réussite. Il la sentait pas cette… il n’avait plus de mots à force pour parler d’elle. Il savait qu’il ne pouvait pas la haïr juste parce que son père était une enflure coincée à Azkaban. Cliff le lui répétait sans cesse et il n’était pas le dernier à savoir combien les parents et la progéniture pouvait être différents. Mais bordel ! Ça se voyait comme un cognard en pleine tronche qu’elle était louche elle aussi ! Il n’avait pas de preuve, n’en avaient jamais eu un seul et bon sang ça le mettait en rogne. Il avait l’impression de tourner en rond dans cette histoire, comme un chien qui savait que sa friandise était planquée sous sa gamelle retourner mais n’arrivait pas à trouver comment la retourner. La comparaison n’était pas glorieuse mais l’idée était la même. Il savait qu’il n’était pas loin, que les éléments pour la mettre en pièces étaient proches mais il était incapable de mettre le doigt dessus. C’était frustrant. Rageant. Et son putain de sourire accroché à sa face ne l’était pas à changer d’idée.

« Tu sais qu’un bonjour ne t’écorchera pas toujours la gueule, de Kérimel ? » Il n’avait pas pu s’en empêcher, c’était sorti tout seul. Si seulement elle pouvait juste arrêter de se la ramener sans cesse. C’étaient eux les forces de l’ordre. C’était donc à eux de parler et à elle de se taire. Il aurait pu laisser passer un silence – même si à part son déni, tout le monde savait qu’il en aurait été de toute manière incapable – mais cette manière de répondre… Ses poings se serrèrent dans ses poches. Par Merlin, qu’il rêvait de lui en envoyer un en plein milieu du nez !

« Sans doute pas quand on le mérite. Sauf que dans le cas présent, je doute que ce soit le cas. » Je rêve. Dites-moi que je rêve. L’audace de la potionniste le figea un instant alors qu’il portait son regard sur le bric à brac environnant. Elle n’avait pas osé faire ça, quand même ? Je vais m’la faire. J’vous jure je vais m’la faire. Il s’apprêta à riposter – par les mots ou les poings, la manière n’était pas encore totalement arrêtée – lorsque Lévine le reprit, toujours avec son ton calme mais ferme.

« Stanislas, je t’ai connu plus courtois envers la gente féminine. » Il fulmina intérieurement d’être repris devant elle, d’autant plus par son coéquipier qui devait théoriquement le soutenir, pas l’enfoncer. Ah oui il savait être courtois avec la gente féminine ! Tant qu’elle n’avait pas cet air de chartier baveux ! « Ne fais pas honte à la profession en te comportant comme un rustre s’il-te-plaît. Sinon, autant d’ores et déjà la mettre sous Veritaserum sans passer par les formalités d’usage. »

Mais en voilà une bonne idée ! Ça lui éviterait ses remarques débiles sur son innocence et ses foutus papiers qu’elle leur lançait sous le nez à chacune de leur venue ! « Je poux vous le fournir, si vous le désirez. Rien de plus facile, trouvez-moi les ingrédients. » Oh bon sang, pour une fois qu’ils étaient d’accord ! Qu’est-ce qu’il prendrait son pied à enfin pouvoir prouver aux collègues qu’il n’était pas un simple fou borné. Il n’était pas fou ! A l’idée de son succès on put voir un sourire se dessiner sur ses lèvres, caché derrière un léger mordillement de lèvre. Ce n’était pas le moment de jubiler, ils n’avaient rien pour le moment.

« Bonjour, messieurs. Que me vaut le déplaisir de votre visite, cette fois-ci . La dernière remonte un peu à présent. Oserais-je penser que je vous manquais ? » Manquer était peut-être un peu fort, mais disons que pouvoir lui lancer son venin en pleine tête était une bonne occupation pour cette semaine. Les regards de Lévine le tenaient au silence, du moins pour le moment. L’un n’était pas le supérieur de l’autre, mais Stan respectait trop son collègue pour déroger à ses ordres silencieux.

« Bonjour. Navré du dérangement, vraiment... » Il se sentit obligé de grogner un vague bonjour, pour la forme. Parce qu’il ne fallait pas trop faire honte à la profession comme disait Serger. Mais avec de Kérimel en face de lui tout devenait plus compliqué à supporter.

« Vous savez bien que mes portes vous sont toujours ouvertes. » Un instant son regard se porta sur la porte béante à l’entrée qui laissait pénétrer dans la boutique les aléas de la vie extérieure. L’idée d’y encastrer l’apothicaire le tenaillait toujours, mais après un soupir mental devant cette délicate saveur de satisfaction qu’il en tirerait, il reprit contenance et reporta son attention sur le sujet du jour à savoir : la foutre dans la merde.

« On voudrait voir les derniers reçus et dernières transactions de la boutique », ordonna-t-il dans un semblant de politesse pour ne pas trop froisser les codes à nouveau. Il était hors de question de lui demander un tant soit peu de bonne volonté dans son ton ou un simple s’il te plaît, il se sentait déjà suffisamment généreux de lui offrir une phrase construite et ordonnée au lieu de quelques mots beuglés à la sauvette.

Leurs regards s’accrochèrent un instant, duel silencieux qu’il refusait de perdre. On pouvait y lire aisément à quel point il méprisait la femme en face de lui. Il ne la connaissait pas réellement de manière plus approfondie que les quelques brefs échanges qu’ils avaient, mais son intuition lui laissait toujours une désagréable sensation au creux de l’estomac. Il pourrait saccager son affaire entière, la traquer jour et nuit pour pouvoir prouver au monde entier quel genre d’ordure elle pouvait-être. Son impassibilité et la finesse de sarcasmes l’épataient aussi, un peu, en quelque sorte. Il avait une adversaire à sa taille, mais son venin l’agaçait parfois. Il le lui rendait bien.

« Je ne pense pas que mes factures aient beaucoup plus d’intérêt que la dernière fois. », l’entendit-il seulement répondre avant d’obtempérer néanmoins. « Ça c’est à nous de voir. » Alors qu’elle se détournait et leur faisait signe de la suivre, il soupira profondément, résistant à l’envie d’en rajouter. Non, un peu de sobriété ne faisait pas de mal.

L’idée de s’engouffrer dans des dédales remplis de trucs divers et plus ou moins identifiables déplaisait légèrement à Stan. Sa flemme lui disait de patienter tranquillement à l’accueil. Mais en même temps si elle décidait à se tirer par une porte dérobée il aurait l’air bien con à poireauter solo en l’attendant. Valait mieux la suivre, dans le doute. L’ensemble que formait l’arrière boutique était… déroutant. Il ne pouvait pas juger de l’encombrement ambiant, on aurait juré voir le capharnaüm de son bureau version beaucoup plus grand. Elle avait l’air de s’y retrouver malgré tout, un peu comme lui dans ses affaires. Dégoûté à l’idée de trouver un quelconque point commun entre lui et la sorcière, il reporta son regard sur les cadres beaucoup trop dorés et imposants et moches dans ce décor sans lumière. « Clairement, si t’essaies de nous faire croire que t’es clean en nous emmenant dans une pièce de merde avec un bordel monstre t’es mal barré. » C’était sorti tout seul alors qu’il avait le nez en l’air, tentant de déchiffrer la recette d’une potion contre… la pousse des poils de nez, peut-être ? Il n’en avait absolument aucune idée, il ne parvenait pas à lire l’intitulé.

Il ne l’écoutait déjà plus, perdu à tenter de trouver un quelconque élément qu’il pouvait utiliser contre elle. Mis à part son éclairage rupestre et l’amoncellement de choses en tout genre il ne pouvait rien lui reprocher. Si ce n’est son existence, mais elle n’avait pas trop choisi. Non, tant qu’il n’avait pas fourré son nez dans l’immense classeur qu’elle lui tendait. Il n’avait rien.

« Voici nos factures depuis la dernière fois que vous êtes venus. C’est un peu complexe, mais tu sais faire ton travail, n’est-ce pas ? » Elle était sérieuse ? Il avait globalement enterré la hache de guerre – ou du moins l’avait-il recouvert sous une couche de sable aussi épaisse que sa patience – elle pouvait faire un effort ! Alors qu’il saisit l’ensemble de la paperasse barbante qu’il haïssait plus que tout – plus encore que de Kérimel en personne – il ne put s’empêcher de la fixer, le visage fermé. « Fais pas la maline. J’vais finir par te coincer et te faire bouffer tes putains de papier. » Double haine dans la même phrase. Jackpot.

Sans un mot de plus il se détourna d’elle, se réconfortant en ne lui laissant pas le temps de se dégager du passage et en lui heurtant l’épaule. Elle n’avait qu’à être plus rapide, ce n’était pas son problème. Arrivé auprès de l’îlot il lâcha bruyamment le contenant des factures sur la surface, faisant résonner son poids d’un bruit sourd dans l’espace restreint. Quitte à être désagréable, autant y aller jusqu’au bout.

Plus avidement que devant l’appel d’un whisky Single Malt de vingt ans d’âge, il se mit à farfouiller, à regarder ligne par ligne, à associer les lettres, à tenter d’en comprendre le sens, d’en détourer le flou pour reconstituer le casse-tête qu’il constituait. C’était Lévine qui était doué pour ça, pas lui. Mais il était hors de question de perdre la face devant la potionniste. Il se débrouillerait.

D’autant plus que Serger venait d’être alpagué par la sorcière – dans tous les sens du terme – pour une cigarette que, Stanislas s’en doutait, il ne refuserait très certainement pas. Il se sentait seul et perdu devant les listes de prix et de produits, aussi l’entendait-on marmonner des jurons de son meilleur cru, concentré comme rarement il ne l’avait été.
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Stanislas Ibranovitch
Membre
Stanislas Ibranovitch
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Mer 27 Jan 2021 - 16:42
Vigilance constante.Lévine & Andrée & Stanislas
If you were dead or still alive I don't care. I don't care. Just go and leave this all behind. 'Cause I swear (I swear), I don't care. ( I don't care → Apocalyptica ) ••• Lévine n'aimait pas les gens. Le monde. La foule. Le bruit. L'atrium était un aquarium qu'il observait d'un œil désabusé. Tous les poissons étaient les mêmes. À Pré-au-Lard, dans ces rues surpeuplées, c'était du pareil au même. Un amoncellement d'informations trop aléatoires pour être traitées de manière optimale. Comme un surplus de nombre, d'équations insolubles dont il avait perdu l'intérêt curieux. Les mains dans les poches, il avait déboulé derrière une porte claquante et une démarche de canard boiteux. L'intérieur était serré. Des étagères dans tous les coins, tapissant les murs de fioles aux couleurs changeantes, où poisons et antidotes se côtoyés sans étiquettes. Les branches séchées d'un brin un peu violet l’interpellèrent et il s'en approcha de deux grandes enjambées. Son ongle alla à leur rencontre, de ces feuilles nervées léchant le plexiglas.  

Son équipier n'était pas fin. Parfois, il s'était questionné sur son manque de délicatesse et ses causes. Il l'imaginait criant pour un rien. Un gamin un peu capricieux qui devait se faire entendre. Qui ne voulait perdre aucune miette de cette attention bancale que l'on pouvait lui accorder. Il n'était pas l'aîné. Trop approximatif, trop fluctuant. Comme un feu d'artifice mal programmé. Il gesticulait, se roulant dans la boue d'une hyperactivité mal contrôlée, d'une énergie lumineuse insupportable. Un justicier qui s'en allait toujours au devant des ennuis, des querelles, de toutes ces choses qui mettaient son binôme en crise de nerf. Parfois, oui, parfois, il se demandait d'où lui venait ce besoin d'exister. Et la seconde suivante, il décidait qu'il s'en fichait.

Ses paumes rappèrent sa veste, jusqu'à échouer dans les plis de sa veste en cuir, faisant claquer les pointes contre ses mollets dans son demi-tour. Ses talons grincèrent sur le parquet, et la perspective d'en décrocher une planche par mégarde lui sembla réjouissante. Seulement pour contempler l'air ahurit et au bord de l'implosion de la française. Que c'était jouissif. Il ne regrettait pas d'avoir quitté les fonds marins pour se suspendre à la danse de deux invertébrés dans un vivarium.

Discret et s'amusant de la situation, il assista aux prémices de leur discussion piquante. Il n'y avait que face à elle, cet insecte indésirable, que Stanislas pouvait déployer tout son talent pour l'impulsivité sarcastique. Un humour se fendant d'un rictus mauvais pour les deux partis. L'un était en peine de se retenir de s'étrangler dans ses accusations, et l'autre, gardait sous la main les instruments de son art, quelque part sous le comptoir. Soufflant par le nez les méandres d'un rire contenu, il hasarda un cessé le feu temporaire, ajoutant son grain de sel à un plat d'ors et déjà savamment relevé. Stan se courba sous l'ordre sous-entendu lui imposant le silence, puis quelques bribes polies qui lui coûtèrent bien plus qu'un dossier complet à rédiger.

« Stanislas, je t'ai connu plus courtois envers la gent féminine. Ne fais pas honte à la profession en te comportant comme un rustre s'il te plaît. Sinon, autant d'ores et déjà la mettre sous Veritaserum sans passer par les formalités d'usage. », trois de ses doigts s'étaient relevées sur son menton parfaitement rasé, dans le sursaut d'une mission qu'il avait éclipsé maladroitement à son arrivée. Dont il ne voulait pas spécialement ce souvenir. Trop consciencieux, trop protocolaire, il avait rangé son aversion pour le faciès mielleux et rigide de son alliée involontaire. Trois, qu'il lui soufflait sous couvert de morsures habiles, enfonçant ses pupilles dans celles de son homologue.

Il n'avait pas le choix de se référer à elle. Trop loyal pour résister aux ordres, à la cause, il gardait de côté cette haine incompréhensible pour cette femme qui ne lui inspiré que le mépris et la méfiance. Elle ressemblait à toutes ces demoiselles bourgeoises quittant leur confort pour quelques sensations, jouant de leur charme spirituel et intellectuel pour fendre la vigilance des hommes. Une comédienne se pavanant sur les planches de sa vie avec l'élégance factice d'une prédatrice. Un moustique tournant autour de lui avec la férocité d'une lionne. Elle lui pompait toute bonne humeur de son insupportable bourdonnement. Celui-ci ne tarda pas à se faire entendre de nouveau, lui arrachant malgré lui un soupir entre ses dents serrées sur un rictus enjôleur, presque aimable.

« Je peux vous le fournir, si vous le désirez. Rien de plus facile, trouvez-moi les ingrédients. », les provoqua-t-elle. Il sentait dans la crispation des épaules de son collègue qu'il n'était pas contre l'idée. Ce qui était à la fois peu rassurant pour la suite de sa visite au zoo, et terriblement tentant. Ses lèvres se retroussèrent sur une esquisse ironique, et tout dans son jeu, se décida à répliquer.

« Sans doute cela rendrait notre conversation plus agréable de vous montrer que nous n'avons pas eu nos Aspics par hasard. En seriez-vous plus rassurée de vous retrouver en compagnie de cerveaux bien remplis ? », faussement bienveillant, il courba l'échine dans une posture voûtée et un regard par-dessus la silhouette de Stanislas. Une fausse bonne intention enrobée du sucre de sa raillerie habituelle. Un vouvoiement distant qu'il gardait toujours en place.

Un pluriel qui avait englobé le molosse braillard contre sa volonté. Un peu comme un ressort comique dans une contrepèterie un peu salée. Retournant derrière son comptoir, la sorcière se prêta au théâtre de la bonne entente. Deux aurors entrent dans une boutique... On dirait le début d'une mauvaise blague, se dit-il en assistant au numéro d'Andrée, le sourire toujours sur le visage, creusant ses fossettes dans son effort.

« Bonjour, messieurs. Que me vaut le déplaisir de votre visite, cette fois-ci. La dernière remonte un peu à présent. Oserais-je penser que je vous manquais ? », l'un des termes lui avait échappé, chantant à l'oreille, étranger dans son phrasé. Un Français auquel il ne se faisait pas. Une courtoisie débordant de cynisme. Un monstre sous une belle gueule. Leur ressemblance se retrouva au placard, lorsqu'il dénia accorder un crédit à son reproche voilé, s'excusant du dérangement et de leur entrée plus que remarquée et inconvenante. Il n'avait pas été élevé à enfoncer des murs sur un coup de tête.

Stan grogna un bonjour de mauvaise grâce, à son grand désarroi. Lui qui l'avait connu plus combatif et entêté, se retrouva se retrouver déçu de son obéissance. L'animation manquerait cruellement si c'était le cas. Ils y revenaient toujours. Dans cette boutique sentant les breuvages et les herbes, guidée par la paranoïa justifiée d'un enquêteur dépourvu de logique. Il lui reconnaissait son flair. Ultime compliment qu'il pouvait bien lui faire. S'en retournant à sa contemplation de la décoration intérieure – qu'il connaissait déjà à force de visite-, il laissa l’ukrainien trouver une raison au dérangement des lieux. Les factures cette fois-ci. Après la réserve et l’entrepôt privé du propriétaire. Une constante dans sa manière de procéder, qui lui fit revoir son jugement. Il n'était pas docile. Mais prévisible.

Roulant des yeux avec l'acting d'un dramaturge, il emboîta le pas aux deux adultes, contournant sans rechigner les présentoirs à infusions et les bourgeons figés flottant dans un air stagnant. La porte de l'arrière-boutique grinça sur ses gonds. Son impression était identique à sa précédence visite. Tout était petit. Et à la fois trop grand. Une accumulation de chaudrons fumants ne comportant jamais la même solution épaissie. L'effluve engloba ses narines et il en fronça les naseaux par instinct. Potion contre les engelures, devina-t-il en frottant le bout de son nez de son index. Il sentait encore la cigarette.

Les fenêtres étaient barrées, couvertes d'épais rideaux enfouissant la pièce dans un éclairage sommaire de bougies suspendues. Des chandeliers évoluant dans une galerie d'art noble, pouvant se retrouver dans un hall prestigieux. Un bordel ambiant nuancé par un perfectionnisme pointilleux. Pas de tableaux mais des recettes, des notes, des rappels utiles. Il en lut une en diagonale, avant d'être contraint à se concentrer sur les jérémiades enfantines de son équipier et l'imposant meuble en bois massif finissant de remplir la salle. Il n'aimait pas les grands espaces. Les jardins trop décorés s'opposant à son espace aseptisé au possible. Un charme contradictoire qui le fit longer l'une des tables pour s'y accouder nonchalamment.

« Ne fais pas l'enfant. Tu es ridicule.  », s'entendit-il marmonner à l'intention de Stanislas, le laissant par la suite se saisir des documents. Un classeur plein à craquer, prêt à laisser échapper un tas de parchemins cryptés.

« Voici nos factures depuis la dernière fois que vous êtes venus. C’est un peu complexe, mais tu sais faire ton travail, n’est-ce pas ? », fit-elle narquoisement, faisant intérieurement bouillonner le chien enragé que savait être Ibranovitch. En double coup de poings dans un ego surdimensionné, sans cesse malmené par des recherches aboutissant sur du vide, il ne se départit pas de son répondant, se parant de sa plus belle expression neutre et fermée. Et revanchard, il y vit là un retour de karma doublé.

« Fais pas la maline. J’vais finir par te coincer et te faire bouffer tes putains de papier. », grossier et emprunt d'une colère naïve, marquant d'une pierre blanche qu'il ne connaissait toujours pas le terme subtilité.

Il était comme un enfant migrant d'enclos en enclos. Une vipère aspic les emmenant dans la clarté relative de la pièce commune. Et un fauve grognant sur des papiers. Du pouce, il massa son rire silencieux devant toute la peine déchirant les traits tordus de Stan. Le dos tout en appui contre le comptoir, il alterna entre les cent pas de l'un et les déplacements minutieux de l'autre. Un service à thé échoua à sa droite, et c'est avec une joie feinte qu'il accepta la cigarette, l'extirpa adroitement de son enveloppe cartonnée. Le tube entre les dents, il en alluma la mèche d'un claquement de doigts, flambant l'intérieur de sa paume protectrice d'une délicate lueur chancelante.

« Je fume toujours en bonne compagnie. », souffla-t-il avec une lueur suffisante, gonflant sa poitrine d'une lourde inspiration en ponctuation. Une virgule marquant un cran d'arrêt. Son regard décolla de l'expression de la suspecte, et il croisa les bras, parfaitement à son aise. « Regarde le nom des clients, Stanislas. Un est peut-être fiché chez nous. », une hypothèse sans doute erronée distillée comme un morceau de viande.

« Ensuite, concentre-toi sur les quantités d'élixirs commandés. », un os qu'il lui jetait entre les dents pour l'occuper, le temps qu'il se penche sournoisement sur le côté, à portée de chuchotements inaudibles. « Horus a gagné un nouveau regard. », du majeur, il cogna contre la porcelaine d'une pichenette, récoltant l'écho d'une tasse vide. « Je ne prendrai pas le risque que tu m'empoisonnes. », une conclusion qui l’amena à se replacer dans son exacte position, le dos droit, l'air strictement détendu.

« Alors, tu trouves quelque chose ? », s'enquit Lévine en tirant sur le tube en incurvant ses joues.

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HJ:
Lévine Serger
Admin rusé
Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Dim 14 Fév 2021 - 21:20
Vigilance constante
ft. Lévine Serger & Stanislas Ibranovitch
Les yeux fixés sur Ibranovitch, Andrée était songeuse. La situation n'était pas inconfortable – quoiqu'elle se serait volontiers passée des airs sournois et calculateurs de Serger -, mais elle ne comprenait pas leur acharnement. Ils revenaient sans cesse à la charge, à chaque fois animés d'une volonté renouvelée. Elle doutait parfois de leur intelligence, même si comme Serger s'était senti obligé de le lui rappeler, ils n'avaient pas obtenu leur place par hasard. Chacune de leur visite était vide de preuve. Vide de protocole. Ils lui réclamaient les mêmes papiers, les mêmes aveux, les mêmes signes de faiblesse. Inlassablement, elle leur offrait les premiers et leur refusait le reste.

Pourquoi la traquaient-ils encore sur ces motifs obsolètes ? Affiliation avec un quelconque gang de néo-Mangemorts, ou d'ex-Mangemorts peut-être, contrebande, magie noire : vus et revus. Habituels et décevants de banalité. Andrée ne se satisfaisait pas de la banalité. Il y avait tellement plus à découvrir sur elle...

Son attention se porta sur Serger : aussi sombre qu'indiscernable, aussi méprisant qu'inoffensif. Elle connaissait sa haine pour elle. Elle n'en avait jamais compris la source, ne souhaitait pas comprendre. L'antipathie qu'elle lui vouait était tout aussi infondée.

Sa manie de la vouvoyer, parcellaire, incohérente, la faisait doucement rire.

— Je fume toujours en bonne compagnie, avait-il lâché en acceptant la cigarette.

La réponse tint en un reniflement dédaigneux, inaudible et évocateur. Opportuniste déguisé.

Le regard d'Andrée avait soigneusement tracé les mouvements de l'agent, son itinéraire, son assurance et ses hésitations. Elle dut se rendre à l'évidence : comme d'habitude, elle ne comprenait pas Serger. Un des rares individus qu'elle ne parvenait pas à cerner.

Sans doute tenait-elle là l'origine de leurs différends. Peut-être aussi la raison de la bizarre estime qu'elle lui portait, bien cachée parmi ses sentiments contradictoires.

Elle n'aimait pas Serger mais elle s'en méfiait. Peu de gens pouvaient s'en targuer.

— Ravie d'en faire partie, rétorqua-t-elle avec un sourire malicieux, loin de se formaliser du regard froid de l'Auror. Tu devrais l'aider, il a l'air en difficulté.

Elle fit mine de s'intéresser à ses propres tâches tandis que Serger se penchait sur la besogne de son collègue. Les mouvements d'Ibranovitch étaient durs et rageurs. Une fois de plus, elle se demanda ce qui le motivait. À quoi bon perdre ainsi son énergie pour une cause qu'il savait perdue d'avance ? À quoi bon se ridiculiser auprès de ses supérieurs après chaque nouvelle perquisition ?

Car Andrée savait que le milieu des Aurors était exigeant et que les erreurs ne pardonnaient pas. Il était impensable qu'Ibranovitch – ou n'importe qui d'autre – passe au travers des sobriquets de ses équipiers après l'échec d'une mission. Plus : elle ne doutait pas qu'une remontrance de ses supérieurs l'attendait en l'absence de preuves. Solides.

— Regarde le nom des clients, Stanislas, entendit-elle. Un est peut-être fiché chez nous.

Elle haussa les sourcils mais ne fit aucun commentaire. Qu'on lui brûle la main si Serger pensait réellement ses dernières paroles.

Le silence se fit quelques instants, rompu par les froissements du papier, les grattements de la plume d'Andrée et les volutes de fumée qui se dissipaient dans l'air. La tension qui se dégageait d'Ibranovitch était perceptible ; un jeu récurrent pour la française, qui adorait le pousser dans ses retranchements. Éplucher des factures était fastidieux ; celles de la Boutique étaient d'autant plus compliquées à comprendre, à cause de la nature des transactions. Certains ingrédients étaient rares et dangereux, même s'ils étaient légaux ; on les référençait grâce à des codes et une nomenclature figés. Impossibles à décrypter si on n'était pas du métier.

— Ensuite, concentre-toi sur les quantités d'élixirs commandés, conseillait encore Serger.

Au moins procédait-il de manière méthodique, contournant la difficulté des désignations. Andrée ne pouvait qu'approuver – l'efficacité restait la clé du succès.

L'Auror se pencha vers la française, comme complice d'une mauvaise blague. Il repoussa le breuvage qu'elle lui avait offert.

—  Horus a gagné un nouveau regard, souffla-t-il. Je ne prendrai pas le risque que tu m'empoisonnes.

— Tu penses bien que je m'y prendrais autrement si je souhaitais t'éliminer, rétorqua la jeune femme en se resservant une tasse. J'ai bien d'autres chaudrons dans mon atelier1.

Ne pas montrer son agacement, songea-t-elle en inspirant profondément. La politesse était un signe indiscutable du contrôle qu'elle gardait sur elle-même. Hors de question que Serger le lui fasse perdre. Hors de question d'esquisser le plus petit des signes de soumission.

Connard.

Serger se remit droit, le regard à nouveau concentré sur son acolyte.

— Alors, tu trouves quelque chose ?

Andrée, elle, commençait à se lasser de leur manège. Elle admirait la ténacité, mais ils allaient trop loin. Ibranovitch ne parviendrait pas à déchiffrer ces documents, c'était une évidence. Serger, pour elle ne savait quelle raison, sans doute un fond de machiavélisme, se délectait de voir son collègue s'enfoncer dans son bourbier. Peut-être était-ce un moyen d'imposer sa supériorité ou de dissimuler un quelconque complexe d'infériorité.

Peu importait : la situation traînait et s'étirait. Inutile. Elle avait plusieurs commandes à satisfaire et n'arriverait à rien avec ces Aurors à la Boutique.

Elle se retira sans un mot dans l'arrière-boutique, examina un instant son étagère pleine à craquer. L'ouvrage qu'elle cherchait était volumineux, aussi le trouva-t-elle en un instant. Au milieu des fines tranches de papier et des dossiers magiquement réduits, le bouquin avait l'air d'un géant au milieu d'une armée de nains.

Lorsqu'elle revint dans la pièce principale, l'air était saturé des tensions qui demeuraient entre les Aurors et la potionnistes. Andrée retint un froncement de sourcils, barra le passage aux injures et à la colère qui cherchaient à prendre l'avantage, et se composa son sourire le plus ironique.

— Ibranovitch. Ceci devrait t'aider.

Elle balança le livre au milieu du comptoir central, insensible au nuage de poussière qui s'en dégagea. À l'intérieur, de fines lignes aux caractères honteusement petits en parcouraient les pages. Depuis son arrivée dans la société de Patterson, Andrée s'était arrangée pour ne pas avoir à l'ouvrir souvent.

— C'est un répertoire de nos produits, de nos expéditeurs, avec les références correspondantes. Il est mis très régulièrement à jour par Patterson, le directeur de la Boutique. Ton Graal pour comprendre ces factures. C'est outrageusement détaillé, je te préviens.

Elle guetta l'expression d'Ibranovitch. Le soulagement prendrait-il le pas sur la colère ?

— N'envisage pas de refuser cette aide, avertit-elle. Tu en aurais pour le reste de la semaine. Même avec ce livre, je ne garantis pas la rapidité de ta progression – mais au moins tu ne pourras pas prétendre que je n'y ai pas mis du mien.

Andrée battit des cils. Faites-moi signe quand vous aurez terminé, aurait-elle voulu ajouter, j'ai d'autres choses à faire. Elle n'en dit rien. Les lèvres toujours étirées en un rictus moqueur, elle se tourna vers Serger :

— Pourquoi ne t'y plongerais-tu pas également, agent2 Serger ? Il me semble que vous iriez plus vite à deux. (Elle s'approcha, baissa perceptiblement la voix, prit tout de même garde à ce qu'elle soit entendue par Ibranovitch :) À moins que tu t'estimes trop important pour ce genre de basse besogne ?
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(1) Transcription sorcière de l'expression : « J'ai bien d'autres cordes à mon arc ».
(2) En français quand Andrée le dit.

HRP :
Andrée de Kerimel
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Andrée de Kerimel
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Mar 20 Avr 2021 - 16:56
Vigilance constante
feat Andrée de Kérimel & Lévine Serger | Jeudi 16 novembre 1995
« Ne fais pas l’enfant. Tu es ridicule. »

Deux petites phrases. Minuscules, insignifiantes, à peine murmurée entre les dents de son collègue. Deux petites phrases qui finalement firent tout basculer dans sa tête. Stan lança un regard noir à l’autre Auror. Alors c’était comme ça qu’il le voyait ? Comme un enfant ridicule ? Il était vrai qu’à côté de Mister Serger il passait pour un con, mais il était sûr d’être digne d’un peu plus de considération. Va te faire foutre, pensa-t-il en se dirigeant vers son îlot, les bras chargés de dossiers.

De temps à autres il relevait le nez de cette écriture bancale et beaucoup trop petite. Ils peuvent pas écrire plus gros ? Un parchemin ça coûte pas trois ans de salaire d’un ministre à ce que je sache. Il ne trouvait rien, ne comprenait rien. Les lettres s’entassaient dans un amas indistinct, formant des courbes qu’il suivait rageusement des yeux. Parfois il glissait son doigt sur le papier, en suivant le tracé pour tenter de reconnaître les courbes familières. Mais à ce rythme là il lui faudrait des heures – ou des semaines plutôt – avant de parvenir à ne serait-ce que retranscrire dans son jargon l’intégralité du texte.

Alors parfois il relevait la tête et observait le manège de l’apothicaire et de Serger. Les sourires mielleux de la première lui donnait des nausées et l’attitude ubuesque de l’autre lui donnait des envies de meurtre. Il entendait tout mais ne disait rien, faisait le sourd pour tenter de ne pas passer pour un gamin intenable.

« Tu devrais l’aider, il a l’air en difficulté. » Crève, vipère. « Regarde le nom des clients, Stanislas. Un est peut-être fiché chez nous. » Mais bien sûr. Et puis c’est marqué Mangemort dangereux en rouge clignotant avec son adresse et ses partenaires aussi ? « Ensuite, concentre-toi sur les quantités d’élixirs commandés. » Eh bah viens le faire alors Monsieur Je-sais-tout si c’est aussi facile.

Dire que Stanislas était aigri et en colère serait très légèrement minimiser les choses. En réalité, il fulminait, enrageait. Regardez-les qui minaudent comme deux pauvres cons avec leur thé et leur clope de merde. Allez vous sauter à l’étage qu’on en finisse et arrêtez de me prendre pour un demeuré. Soliloquer l’apaisait quelque peu, même si cela ne l’aidait clairement pas à y voir plus clair. Il ferma un instant les yeux et respira profondément. Penser méthodique. Il tenta de les ignorer, fermant son esprit et ses oreilles à tout ce qui l’entourait.

Le bruit d’un immense ouvrage qui atterrit sur les feuilles qu’il tentait d’aligner pour y voir plus clair le fit crisper les mains et serrer les dents. Sur sa tempe, il sentait déjà sa veine palpiter de colère et il n’aurait pas été étonnant de voir virer ses traits au zinzolin tant sa colère se faisait grande. « Ibranovitch. Ceci devrait t’aider. C’est un répertoire de nos produits, de nos expéditeurs, avec les références correspondantes. Il et mis très régulièrement à jour par Patterson, le directeur de la Boutique. Ton Graal pour comprendre ces factures. C’est outrageusement détaillé, je te préviens. » C’est ton attitude de française en puissance qu’est outrageuse, cloporte. « N’envisage pas de refuser cette aide. Tu en aurais pour le reste de la semaine. Même avec ce livre, je ne garantis pas la rapidité de ta progression – mais au moins tu ne pourras pas prétendre que j’y ai pas mis du mien ».

Non mais allez-y traitez-moi d’abruti tant que vous y êtes, on ira plus vite. Il était clairement temps qu’il se reprenne et ne manifeste aucun signe d’énervement. Lévine le connaissait trop bien, peut-être que lui le verrait. L’Ukrainien leva rapidement les yeux vers elle avant de les replonger sur sa lecture. Hors de question de lui montrer une quelconque émotion qu’elle pourrait utiliser à son avantage. Il ne savait plus trop quoi faire. Le plus précis aurait été de pouvoir comparer étape par étape les quantités de produits de la boutique, les détails des factures et les clients mentionnés, mais cette démarche leur prendrait des mois et ne les mènerait sûrement à rien d’autre qu’un mal de crâne immense et inutile. Ou alors… Nan, il ne pouvait pas perquisitionner la boutique et rassembler les potions pour les faire vérifier. Le temps d’avoir la paperasse nécessaire, tout aurait disparu. Il se sentait dans un cul de sac que sa rage et son entêtement ne faisait que rendre beaucoup plus étroit.

« Pourquoi ne t’y plongerais-tu pas également, agent Serger ? Il me semble que vous iriez plus vite à deux. A moins que tu t’estimes trop important pour ce genre de basse besogne ? » Stanislas ne put retenir un petit pouffement dans un rictus discrètement mauvais. Oulah, messire est beaucoup trop classe et intelligent pour s’intéresser aux petits papiers de madame. C’est plus simple d’y envoyer les pauvres gueux sans cervelle. Putain d’apprenti dictateur de merde.

Il était hors de question de laisser voir à ces deux gugus qu’il était en difficulté et ne savait plus par où avancer. Il sortit un calepin de sa poche et y inscrit quelques mots, des références qu’il trouvait étrange et des noms inconnus au bataillon. C’était bien peu de choses, mais on ne pourrait pas lui reprocher de ne pas essayer.
Stanislas Ibranovitch
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Stanislas Ibranovitch
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Jeu 6 Mai 2021 - 16:08
Vigilance constante.Lévine & Andrée & Stanislas
If you were dead or still alive I don't care. I don't care. Just go and leave this all behind. 'Cause I swear (I swear), I don't care. ( I don't care → Apocalyptica ) •••
Tu es ridicule.

Ses mots étaient sortis tous seuls. Un venin trop dur à contenir. Une insulte doucereuse. Mauvaise. Insidieuse. Son regard noir l'avait brûlé. Sa colère lui avait fait courber l'échine. Ses reproches lui avait donné la sensation d'avaler une poignée de verre pilé.

Tu es ridicule.

Il avait été dur.

En le voyant s'agiter, pester contre le monde entier le nez dans les papiers, il en prit pleinement conscience. Pour la première fois. L'amusement laissa sa place à autre chose. À une torsion dans l'estomac qui le fit grimacer dans son sourire. Qui le conforta dans une bouillie coupable. Le remord l'attrapa à la gorge, le faisant s'étouffer dans sa fumée de cigarette. C'était désagréable. Renfrogné, les bras croisés, il l'observait fouiller, décrypter, se retenir d'arracher des pages sans queues ni têtes pour un néophyte, pour mieux en faire de l'origami qu'il enfoncerait dans le gosier de ses détracteurs. Lui comprit. Stan était un chien. Un chien fou. Aussi dangereux qu'admirable. Désordonné au possible. Flemmard. Râleur. Dragueur. Mais il avait du flair. Plus que quiconque. Une moindre qualité pour contrebalancer tout le reste.

Il visait juste. Souvent. Et ne savait probablement pas pourquoi ni comment. Lévine savait. Il devinait. Il enquêtait. Plus raisonnable. Plus pragmatique. Plus méthodique. Une part de lui désirait, capricieux, le voir ressortir victorieux de la boutique. Une preuve sous le bras, l'air comblé d'un devoir accompli. Mais il ne le pouvait pas. Son devoir, sa loyauté le lui interdisaient. Il avait juré. Promit sur le sang. Sur tout ce qu'il avait, une nuit d'orage, en haut d'une tour vertigineuse, attiré par le précipice d'une cascade blonde. Par la vengeance. Par le rêve de s'allonger au milieu des cendres du monde, et de s'y trancher la gorge dans un mélange de sel et de salive en renonçant à des principes naissants. À cette réalisation soudaine qui l'avait poignardé le soir d'Halloween.

« Pourquoi avait-il couru ? Pourquoi avoir pris ce risque ? », s'était-il demandé. Plusieurs fois. Il aurait préféré ne pas trouver la réponse.

Lévine garda la face, détachant chaque remue-ménage intérieur de ses expressions. Pour mieux garder son sang-froid. D'avenant, il était passé à narquois. Conspirateur dans son murmure. Calculateur dans son humour, en repoussant la tasse de thé de l'index. Puis faussement soulagé à la réplique de la brune, exagérant son émoi d'une main sur la poitrine.

Vicieuse garce. Qu'il devait bien se coltiner pour la cause.

Ils perdaient leur temps. Les minutes passaient et sa patience aussi. Il admirait son entêtement. Cette détermination farouche qui l'empêchait d'abandonner malgré ses échecs. Mais ça ne le menait à rien. Seulement à une impasse. L'homme au cigare avait un proverbe : La colère amène à la stupidité. Et la stupidité à la mort. Montrer ses faiblesses, ça revenait à tendre le couteau pour se faire tuer. Il voulut accélérer les choses. Le forcer à réfléchir avec autre chose que ses émotions. À raisonner intelligemment, méthodiquement pour que rien ne lui échappe. En vain. C'était pire.

Il aurait dû se taire. Il allait se taire.

De Kerimel s'éclipsa dans l'arrière-boutique et il en profita pour se masser les tempes. Tout ça commençait à le dépasser. Il hésita entre le laisser à son acharnement et filer à l'anglaise pour une enquête plus importante, ou lui dire sans détours de s'arrêter pour le bien de ses nerfs.

Il n'en fit rien.

Jusqu'au retour de la potionniste, un bouquin à la main. Énorme ouvrage poussiéreux qui s'éclata sur le comptoir dans un épais nuage. Savoir qu'elle l'avait certainement sorti d'une étagère dans la remise le dégoûta. La couverture en cuir était usée. L'inventaire ne datait pas d'hier. De plusieurs années de commerce, sans doute. Un peu réticent, il gratta la surface du bout de l'ongle pour dégager les lettres sur la tranche. Le nom du propriétaire. Rien de bien original. Il en déplia les pages d'une bonne moitié pour jeter un coup d’œil aux pattes de mouches débordant dans les marges. À la limite du lisible sans une loupe. Il ne doutait pas que quiconque de censé ne s'épuiserait pas à lecture sans une bonne raison.

Ce qu'il n'avait pas.

De la main, il repoussa le livre un peu plus loin, à quelques centimètres du service à thé pour le laisser au bon soin de son équipier s'il voulait s'y risquer. Ce dont il n'était pas convaincu le connaissant. Il était motivé à la faire tomber. Mais pas assez pour renier sa vocation à fuir la paperasse.

« Ibranovitch. Ceci devrait t’aider. C’est un répertoire de nos produits, de nos expéditeurs, avec les références correspondantes. Il est mis très régulièrement à jour par Patterson, le directeur de la Boutique. Ton Graal pour comprendre ces factures. C’est outrageusement détaillé, je te préviens. - Pas sûr qu'il accepte ça sans broncher. - N’envisage pas de refuser cette aide. Tu en aurais pour le reste de la semaine. Même avec ce livre, je ne garantis pas la rapidité de ta progression – mais au moins tu ne pourras pas prétendre que j’y ai pas mis du mien. »

Il l'entendait déjà rajouter un : De rien, exagéré. Ce qui ne la rendit qu'un peu plus insupportable. Il en aurait fait de même. Ce qui n'arrangeait rien.

Son aide reçu un écho silencieux, n'accaparant pas une seconde de l'attention de l'ukrainien. Honteusement prévisible au demeurant. Expirant tragiquement un filin de tabac blond, il affala ses coudes sur le bois poli, rejetant la nuque vers l'arrière dans un détachement horripilant. Avec un peu de chance, ils allaient s'allouer à une joute sanglante. Qu'il n'ait pas fait le déplacement dans le vent. Il détestait ça. Autant que la saleté et l'odeur de renfermé émanant du registre, qui lui arrachèrent un froncement de nez assez évocateur.

« Pourquoi ne t’y plongerais-tu pas également, agent Serger ? Il me semble que vous iriez plus vite à deux, en s'approchant, elle chuchota faussement, A moins que tu t’estimes trop important pour ce genre de basse besogne ? »

Oh, tu n'as pas idée, eut-il d'abord envie de lui susurrer. Bien qu'à la place, il se redressa de toute sa hauteur pour se planquer devant la jeune femme d'un claquement de talons, les bras tendus de part et d'autre de son aide providentielle, les lèvres retroussées d'un mépris acide. D'une finesse menaçante. Théâtralement, il fit planer entre eux une atmosphère de nicotine d'une lampée, maintenant en suspens le tube entre son pouce et son index.

« J'estime seulement que mon équipier n'a pas besoin de mon aide, puisqu'il est assez compétent pour trouver des résultats seul. », il arqua un sourcil, humectant sa bouche dans un instant de flottement. « Vous parlez d'un Auror, Miss de Kerimel. », le nom glissa mielleusement sur sa langue. « Pas d'un simple civil. »

Collant son genou au pilier du comptoir, il aplatit légèrement son buste pour porter sa gueule à quelques centimètres de l'oreille de sa cadette, de sorte à n'être entendu que d'elle. Et de personne d'autre.

« Ta minable boutique tient encore debout parce que je le veux bien. N'oublie pas à qui tu t'adresses. », lui souffla-t-il froidement.

Il attendit de voir l'effet de sa menace, pour se redresser, reprenant son attitude extravertie et détendue, lissant sa veste du plat de la main. Son sourire alla jusqu'à faire pétiller son regard d'une étincelle victorieuse. Rayant le parquet d'un demi-tour, il rejoignit son binôme en de grandes enjambées, pour lui ôter les papiers. Il les survola rapidement, dans une réflexion fragile. Avec un soupir, il les délaissa pour les faire léviter d'un revers entre celles d'Andrée.

« On va placer la boutique sous surveillance pour les deux prochains jours, tu en penses quoi ? », proposa-t-il à Ibranovitch, en levant le doigt pour donner son dernier argument. Celui qui finirait de le convaincre. « Et le lendemain, je reviendrai moi-même fouiller l'endroit. Et si ça ne marche pas, je la mettrai sous Veritaserum. », sur le dernier mot, il s'était tourné de trois quarts vers la spécialiste, la fixant une dizaine de secondes, entendu. À mille lieux de son ton léger, et du ricanement qui avait secoué ses épaules ne serait-ce qu'un instant.

Il voulait prendre l'air. Il voulait marcher. Il voulait déambuler dans la foule. En faire partis et en être étranger. Peut-être que finalement le poison dans le thé aurait été préférable.

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Lévine Serger
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Comme de la neige sur le sable

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Jeu 1 Juil 2021 - 22:00
Vigilance constante
ft. Lévine Serger & Stanislas Ibranovitch
Andrée n’avait jamais vraiment compris la relation qui liait Serger et Ibranovitch. Ils étaient collègues, c’était un fait. Coéquipiers, même – sur le terrain, leur survie dépendait de leur mutuelle entente. Mais il y avait autre chose qu’elle ne parvenait pas à qualifier. Une rivalité, une amitié effarouchée, une dynamique de dominance, peut-être ?

Impossible à déterminer. En tout cas, l’attitude de Serger et la défiance d’Ibranovitch n’avaient rien d’anodin. Si elle avait été davantage portée sur le mystère des comportements sociaux des êtres humains dans leur environnement naturel, peut-être se serait-elle risquée à l’analyse de leur jeu compliqué.

Mais sur le moment, leur présence prolongée sur les lieux était bien plus incommodante qu’une pseudo relation incompréhensible. Trouver un moyen d’aider Ibranovitch devenait primordial pour son humeur, la fin de sa journée et sa santé mentale. Sans se départir de l’attitude hautaine qui la caractérisait – elle préférait le terme « noble », mais on avait tendance à déprécier son comportement -, elle suggéra à Serger d’aider son binôme.

Qu’on en finisse, aurait-elle dû ajouter.

— J’estime seulement que mon équipier n’a pas besoin de mon aide, puisqu’il est assez compétent pour trouver des résultats seul, répliqua Serger, aussi imbuvable qu’elle-même. Vous parlez d’un Auror, Miss de Kerimel. Pas d’un simple civil.

— Moi-même j’ai du mal à déchiffrer ces registres, alors que je travaille le nez dedans tous les jours depuis six ans. J’ai du mal à croire que vous y parviendrez en si peu de temps.

Elle se retint de se masser les tempes mais la lassitude perçait dans sa voix. Qu’attendaient-ils de plus ? Que cherchaient-ils exactement ? À cela, elle pouvait répondre, mais elle pouvait également affirmer qu’ils ne trouveraient rien.

Et elle était sûre qu’au moins Serger savait qu’ils feraient chou blanc. Ibranovitch était sans doute trop convaincu de sa culpabilité pour envisager que la Boutique fût vierge de tout méfait, mais l'autre la connaissait. Il lui arrivait certes d’utiliser les réseaux que lui offrait la Boutique, mais elle signait toujours avec son nom d’emprunt. Jamais avec le sien propre, jamais avec celui de Patterson.

La Boutique était blanche comme neige et le resterait.

Serger la fixa de ses yeux froids, implacable.

— Ta minable boutique ne tient debout que parce que je le veux bien. N’oublie pas à qui tu t’adresses.

La remarque lui fit l’effet d’une gifle. Son corps se crispa de haut en bas, ses paupières se plissèrent et ses poings se serrèrent. S’il souhaitait jouer à ce petit jeu, elle le suivrait avec plaisir – la potionniste n’était pas la seule à détenir des secrets qu’elle aurait préféré enfouir au fond de son passé. Elle n’était pas de ceux qu’on rabaissait à un rang qu’elle surpassait en tout.

Sa voix se fit polaire, parée d’intonations bien plus glaciales que celles qu’elle avait l’habitude de prendre :

Toi, n’oublie pas à qui tu t’adresses.

Une inspiration pour se calmer, puis les inflexions de son discours se firent moins brutales :

— Maintenant, je vous prie de partir. Vous patinez visiblement et j’ai d’autres choses à faire.

Au moment où Serger se détourna, apparemment fier de la réaction qu’il avait engendrée, elle s’alluma une autre cigarette. La nicotine lui brûlait la gorge mais la colère qui naissait des provocations de l’Auror était bien plus ardente.

Un instant, elle plaignit Ibranovitch. Lui supportait vraisemblablement cet exécrable personnage à longueur de journées – une plaie, une torture, un supplice, tous les synonymes lui semblaient adéquats à la situation.

— On va placer la boutique sous surveillance pour les deux prochains jours, tu en penses quoi ?, dit Serger en levant le doigt.

Au fond d’elle, Andrée espéra que son coéquipier s’apercevrait de la manœuvre : lui donner l’impression d’avoir le choix tout en continuant de prendre les décisions. Même si elle utilisait les mêmes stratégies au quotidien, les agissements de Serger la mirent encore plus en colère.

— Et le lendemain, je reviendrai moi-même fouiller l’endroit. Et si ça ne marche pas, je la mettrai sous Veritaserum, ajouta-t-il en esquissant un mouvement vers elle.

Un mouvement imperceptible, qui suffit à assombrir le regard de la jeune femme.

Crève, cracha-t-elle à l’intérieur. Il se passerait d’elle pendant quelques semaines. Quelques mois. Le temps que la hargne et la rancœur ne se calmassent un peu.

— Tu ne trouveras rien de plus qu’aujourd’hui. (Elle força ses membres à se détendre, modula sa voix :) Et sans motif valable, l’utilisation du Veritaserum est interdite. Mais vous devez le savoir, puisque vous êtes des Aurors.

Elle souffla la fumée de sa cigarette, se perdit une demi-seconde dans ses volutes.

— Pas de simples civils, acheva-t-elle.
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Andrée de Kerimel
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Andrée de Kerimel
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Lun 18 Oct 2021 - 12:16
Vigilance constante
feat Andrée de Kérimel & Lévine Serger | Jeudi 16 novembre 1995
Partir d’ici le plus vite possible. Avec ou sans preuve tangible, peu importe. C’était tout ce qu’il avait en tête. Fuir cet étrange manège de snobs à trois gallions six mornilles. Ils étaient insupportables à se chamailler la supériorité pendant qu’il était le seul couillon à tenter de travailler et de trouver quelque chose. Comme si Serger avait décidé d’emmener son toutou renifleur pour qu’il trouve quelque chose.

- J’estime seulement que mon équipier n’a pas besoin de mon aide, puisqu’il est assez compétent pour trouver des résultats seuls. Vous parlez d’un Auror, Miss de Kérimel. Pas d’un simple civil.

Enfin Lévine avait décidé de reconnaître qu’il avait été un merveilleux connard avec lui ? Au fond de lui la boule qui s’était niché dans son estomac se détendit quelque peu. Son collègue avait tout de même de la considération et de l’estime pour son rang, similaire au sien, après tout. Levant la tête à cette remarque, il retint de peu un léger sourire. Aussi monstrueux soit-il par moments, Lévine était déjà pardonné.

- Moi-même j’ai du mal à déchiffrer ces registres, alors que je travaille le nez dedans tous les jours depuis six ans. J’ai du mal à croire que vous y parviendrez en si peu de temps.

De sa position, il se trouvait face au profil de son coéquipier et au dos du parasite français. Aux paroles de cette dernière, on put le voir effectuer un geste de tête d’exaspération. Elle pouvait pas fermer sa gueule elle ? J’avais le droit à un compliment, puterelle. T’étais pas obligée de la ramener. De demi-joyeux il était redevenu bougon, mais plus pour les mêmes raisons. Un véritable enfant.

Il n’entendit pas les propos tenus à l’asiatique, il aperçut seulement son geste, sa manière de s’approcher délicatement de sa proie comme s’il allait lui sauter à la gorge. C’était toujours quelque chose d’assez impressionnant qui faisait très souvent son petit effet. En revanche il perçut la réponse de de Kérimel.

- Toi, n’oublie pas à qui tu t’adresses.

Stan se redressa de toute sa carrure, comme si c’était à son tour de lui sauter à la gorge. Et contrairement à son équipier, lui ne la lâcherait pas tant qu’il n’aurait pas terminé de s’occuper de sa carcasse.

- Outrage à agent dans l’exercice de ses fonctions, ça te parle ? Ça me ferait plaisir de t’embarquer dans les règles de l’art mais pour ton bien être et le mien, redescend d’un ton.

L’attitude et les mots de Stan eut l’air de l’aider à comprendre qu’il était temps de se calmer. Sage décision.

- Maintenant, je vous prie de partir. Vous patinez visiblement et j’ai d’autres choses à faire.

Nous aussi on a d’autres choses à faire que résister à l’envie de t’arracher les yeux. Avant qu’il ne dise quoique ce soit de plus, Lévine prit les devants.

- On va placer la boutique sous surveillance pour les deux prochains jours, tu en penses quoi ?  Et le lendemain, je reviendrai moi-même fouiller l’endroit. Et si ça ne marche pas, je la mettrai sous Veritaserum.

Hochant la tête dans un petit rictus satisfait, il referma les ouvrages et regroupa les papiers avant de dupliquer le tout d’un sort et les faire léviter.

- J’en dit que ça me va. Et qu’on embarque sa paperasse pour ne pas continuer à trop l’importuner, ce serait dommage.

Son ton s’était fait à son tour mielleux. Il le maîtrisait moins que les deux individus dans la pièce, mais son intonation semblait à la fois mielleuse et agressif. Totalement parfait.

- Tu ne trouveras rien de plus qu’aujourd’hui. Et sans motif valable, l’utilisation du Veritaserum est interdite. Mais vous devez le savoir, puisque vous êtes des Aurors. Pas de simples civils.

En passant devant elle, il prit le soin de s’arrêter et de lui cracher quelques mots au visage.

- Crois-moi, je finirai par trouver un motif valable pour te foutre sous Verita. Que tu le veuilles ou non, tu finiras par tomber.

Emmenant ses ouvrages à sa suite il sortit de l’établissement, profitant de la claquer au passage suffisamment fort pour qu’elle s’ouvre à nouveau et laisse la possibilité à Lévine de sortir à son tour. Il était largement temps de rentrer au bureau et de retrouver l’équipe, ne serait-ce que pour oublier l’image de sa face de merdeuse.
Stanislas Ibranovitch
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