Boîte aux lettres d'Andrée de Kerimel

À
Mlle de Kerimel
Poudlard
ANGLETERRE
** avril 1985


Chère Andrée,

Je ne sais comment commencer cette lettre. Tant de temps est passé sans que nous ne prenions la peine de nous écrire… J’invoquerai cette excuse sans doute invalide, mais la voici : nous étions jeunes au moment de notre séparation, nous ne nous rendions pas compte de nos valeurs respectives.

Aujourd’hui, je m’en rends compte, et j’ai conscience de celle que tu avais en tant qu’amie. Si tu le veux, renouons contact.

Beaucoup de choses ont dû changer dans ta vie ; l’Angleterre doit être très différente de la France et l’ambiance qui y règne également. Je ne te cacherai pas que nos journaux relaient certains événements ayant court dans ton pays. Ils ont récemment parlé d’une arrestation massive survenue en février… Et le nom de John Leigh en faisait partie. Nous étions jeunes, mais pas suffisamment pour oublier le nom de l’homme qui t’a fait tant pleurer à l’époque.

Je ne te ferai pas l’affront de te demander des précisions sur son implication, mais sache que tu as tout mon soutien.

Comment cela se présente-t-il pour toi ? Quelles sont tes perspectives pour l’avenir suite à cette tragédie ?

De mon côté, tout va pour le mieux. Mère vient d’achever son traitement pour un cancer que l’on a découvert l’année dernière. Les traitements sorciers ne sont pas optimaux, mais couplés aux méthodes moldues, ils ont fait des merveilles. Père est finalement revenu à la maison, après des années de silence. La confiance ne règne pas tout à fait au Manoir, mais je pense qu’ils font des efforts pour moi. Pour mon bien-être, ma santé, tu imagines…

De mon côté, j’essaie de ne pas laisser la rancœur prendre toute la place, mais il faut avouer que c’est parfois compliqué, surtout lorsqu’il prétend avoir une quelconque forme d’autorité sur ma personne.

Je veux tout savoir de ta pas si nouvelle vie. N’hésite pas à me donner des nouvelles !

Avec toute mon affection,
Emilie BC, ton amie dévouée

À
Miss Babin-Chevaye
Académie de Beauxbâtons
FRANCE
** avril 1985


Chère Émilie,

Je ne sais te décrire quelle émotion j’ai ressentie en recevant ta lettre. Il m’a semblé que les fantômes de mon passé ont refait surface, mais j’ai la sensation diffuse qu’il s’agit d’une bonne chose.

Je ne peux que m’excuser pour ce très long silence. Il est difficile d’en faire abstraction, mais tu connais Mère et son autorité hors du commun. Je me sens lâche, mais c’est ainsi – je n’ai, de mon côté, pas eu le choix que d’ignorer tes premières missives.

Je suis navrée que ce contexte si sombre serve de prétexte à nos retrouvailles.

Pour être très honnête avec toi, je vis l’incarcération de Leigh comme un soulagement davantage que comme un fardeau. Son ombre planait constamment sur le Manoir et sur mes décisions. Ne plus avoir à m’en soucier m’allège l’esprit d’un poids considérable, même si je le considére(ais) comme une clé pour revenir en France. Je suis un peu perdue quant à mes buts et aux moyens dont je dispose pour y parvenir, mais il faut avancer.

En revanche, je ne saurais prédire les effets qu’elle aura sur l’attitude de Mère. Pour le moment, dans ses lettres et dans les interviews menées par notre journal national, elle reste fière et la tête haute.

De mon côté, cela me donnera des excuses pour rester à Poudlard le temps des petites vacances.

La seule chose qui m’incommode, dans cette affaire, sont les regards de biais que les autres étudiants me lancent. Ils ne sont jamais très tendres lorsque cela peut donner naissance à des rumeurs, mais ils sont particulièrement malveillants en ce moment. C’est peut-être pour cela que je m’entends si mal avec le reste des étudiants.

Tu m’as manqué, Émilie, et tu me manques encore. Si tu savais comme je regrette nos échanges d’enfants et nos éclats de rire !

Penses-tu pouvoir me visiter en Angleterre, prochainement ? Je n’ose en faire la requête à Mère, mais tes parents ont toujours été moins sévères que les miens. Peut-être que malgré leur situation délicate, ils t’accorderaient cette faveur. Veux-tu le leur demander ?

Je m'excuse pour mon français peut-être approximatif - il y a bien longtemps que je n'en ai parlé un mot. J'ai mis du temps à écrire cette lettre : les phrases se dérobaient sous ma plume.

J’attends ta prochaine missive avec impatience,

Amicalement,
AK