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Samedi 2 décembre 1995 | La mécanique du cœur | Maylone & Eileen

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Sam 8 Mai 2021 - 17:29


Samedi 2 décembre 1995

La mécanique du coeur

Maylone & Eileen

360 grammes de plumes qui auraient été plus utiles à gratter sur le parchemin d’un examen ! 40 centimètres de squatteuse parasitaire sur un oreiller, une table ou une épaule ! Une chouette effraie qui se fichait pas mal de mon aversion pour les animaux de compagnie puisqu’elle s’était autoproclamée mon familier en cheffe sans autre forme de procès. Mais par Merlin, si j'avais refusé rat, crapaud et autre bestiole emplumée, c’était qu’il y avait une raison non ? Déjà que je ne roulais pas sur l’or, s’il fallait en plus débourser pour une énième bouche – ou bec -  à nourrir !

- Putain Maylone, ta chouette a chié dans mon gobelet !
- Ce. N’est. Pas. Ma. Chouette. Martelais-je d’un ton grinçant.

Le volatile ainsi rejeté me lança une œillade courroucée comme elle avait l'habitude de le faire depuis plusieurs jours. Personne ne savait d’où elle venait, encore moins ce qui la poussait à s’amouracher d’un adolescent. Elle avait tenté de se glisser jusque dans les salles de classe mais s’était ravisée devant le regard de félin contrarié du professeur Mcgonagall. Bon gré mal gré, la chouette avait accepté de loger à la volière sans laisser passer une occasion de se percher sur mon épaule. Et puisque l’animal s’était soulagé en bonne et due forme, elle atterrit d’un battement d’aile sur son perchoir préféré. Malgré son envie insistante de me coller, elle savait qu’elle grillerait toutes ses chances en déféquant sur mon épaule au liseré rouge. Pas folle la guêpe !

Je pivotai sur son banc, balançant souplement mes jambes par-dessus l’assise de bois et quitta la Grande Salle finalement guère remplie. Les étudiants n’étaient jamais légions à se lever aussi tôt un samedi matin afin de pouvoir profiter d’une grasse matinée, nez enfoui dans l’oreiller et bave au coin de la trogne. Si moi-même j'avais quitté la chaleur de ma couette au profit d’orteils frigorifiés par l’air d’hiver, ce n'était pas pour les beaux yeux de la bibliothécaire, encore moins pour l'odeur poussiéreuse de ses reliques de papiers. Je balayais les révisions d'un revers de main parce que je faisais partie de ces types insupportables qui ne portaient pas grande attention aux cours mais qui s'en sortaient toujours d'une pirouette.

Non, je sacrifiais mon sommeil au profit d'une cause juste qui faisait ressortir ma magnanimité de Gryffondor. J'avais donné rendez-vous à Eileen dans la salle de musique et elle savait très bien que je n'hésiterais pas à aller décrocher ses fesses de son matelas - ou de toute autre surface accueillant son derche d'amie -  moi-même si elle ne s'y pointait pas. J'avais déjà prouvé que ça ne me faisait pas peur de débouler dans le dortoir féminin, nouveaux boobies au torse par la force de mon don.

Arrivé dans la salle de musique, devant le piano, je passai une main dans ma tignasse en bataille rose et me laissai tomber sur le petit banc, la chouette toujours perchée sur mon épaule. J'ouvris ce que j'appelais mon gilet du samedi, celui que j'avais le droit de porter le week-end avec des pin's de mes groupes de musique préférés, moldus et sorciers. En descendant la fermeture éclair, j'affichai à la face du monde mon T-shirt estampillé Red Hot Chili Peppers. Charlie soupirait toujours que je manquais affreusement de goût et de discrétion avec tout ça mais je la rassurai en disant que de toute façon, les mangemorts ne résisteraient pas longtemps à sortir leur vilain nez masqué de leur cachette pour me régler mon compte de sang-de-bourbe. Autant dire que ma grand soeur n'appréciait que modérément mon humour.

En attendant Eileen, mes doigts se promenèrent sur les touches du piano. J'entamai un air qui se jouait souvent au piano-bar en fin de soirée lorsque Jimmie - le propriétaire - passait un coup de balais entre les restes de clients mélancoliques.

Maylone Allister



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Dim 11 Juil 2021 - 18:35

Le 02/12/95

La Mécanique du Cœur

ft. Maylone Allister

Ne te laisse pas ronger par la culpabilité, ce n'est pas facile à supporter. Tristesse, rancœur, solitude, haine pour soi-même, c'est le premier pas vers l'abandon et l'obscurité.

J

amais ce jour ne le serait, mais il l'aurait dû : un samedi parmi tant d’autres. C'était ce qu’avait espéré la Gryffondor. Allongée sur son lit, dans son dortoir, perdue dans une tour qu’elle ne reconnaissait plus vraiment, la demoiselle n’avait envie de rien. Même Hermione, pourtant loin d’être son amie, avait tenté de lui adresser la parole. Eileen ne l’avait pas écoutée et n’avait pas eu envie de l’entendre. Sans doute voulait-elle s’assurer qu’elle se remettait du départ de Tabata, puis de la disparition d’Elyana ?

Un léger rire, emprunt de sarcasme, perça le silence de la pièce vidée de ses occupantes. L’amie de Potter ne se doutait pas une seconde que l’une de ses camarades se trouvait actuellement sous sa forme de renard, proche des enclos de Poudlard, dans la forêt interdite. Elle ne pouvait pas imaginer que la King n’avait pas le choix : elle se devait de se lever pour s’assurer qu’elle ne manquait de rien dans sa cachette. Elle ne doutait pas une seconde que le stress, l’appréhension et l’idée d’être renvoyée pour ce qu’elle faisait rongeait à petit feu sa fougue et ses espoirs.

N’était-ce pas hilarant ?, pensait la jeune femme. Si drôle qu’elle en venait à découvrir que son malheur rongeait son envie de rêver, le bonheur qu’elle souhaitait inspirer et ses meilleurs souvenirs.

« Expecto Patronum. », souffla-t-elle, la voix brisée.

Un bleuté d’une pâleur fantomatique. La perle incrustée au manche de sa baguette s’était teinte ainsi depuis plusieurs jours. La magicienne n’avait pas envie d’en changer. Elle n’avait aucune force, ni la forme de se lever et d’accepter cette nouvelle journée.

Un peu comme son patronus qui, si elle était parvenue à lui offrir une forme animale durant certains entraînements, ne se révélait à elle qu’en une minuscule forme blanchâtre, si fine qu’elle offrait une lumière plus faible encore qu’un lumos.

La fumée s’évapora à la simple pensée qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même et sa main retomba mollement sur le matelas. Ses doigts fatigués relâchèrent leur prise fragile sur le bois. Celui-ci roula du lit jusqu’à frapper le sol et termina sa course sous sa table de chevet.

Eileen soupira. Elle ne souhaitait voir personne, mais le mot laissé par Maylone la veille sur cette même table de chevet ne laissait que peu de doutes. Elle qui avait fui la salle de musique depuis presque un mois allaient devoir s’y rendre. Le né-moldu ne lui laissait aucun choix et le simulacre de lettre, qu’elle percevait du coin de l’œil, la narguait encore de sa présence, de cette idée.

Elyana, s’imposant à son esprit, finit par la décider. Comme une âme en peine, l’adolescente se laissa rouler en dehors de ses couvertures, attrapa quelques affaires, puis disparut dans la salle de bain.

L’eau brûlante sur sa peau eut le mérite d’éveiller ses sens. Puis, après s’être habillée, devant le miroir, elle chercha à sourire. Le reflet qui lui fut renvoyé lui fit prendre conscience de ses traits tirés par le manque de sommeil. La douleur dans ses joues lui rappela durement que ses esquisses appartenaient, pour l’heure, au passé.

L’idée même de faire semblant, une journée de plus, lui donna envie de rebrousser chemin et de s’enfermer dans les rideaux de son lit. Elle n’en avait pas la possibilité et ce simple fait lui arracha un nouveau souffle exaspéré.

Loin de ses vêtements scolaires, sa baguette de nouveau cachée dans la manche de sa veste, la lionne arpentait les couloirs vers le sixième étage. Quelques minutes plus tôt, elle racontait sa journée de la veille à un renard effrayé, qui cherchait à la fuir et à s’échapper. Maintenant, elle se dirigeait vers la salle de musique, ses instruments oubliés, sans se soucier des regards en coin et des murmures dans son sillage.

La porte de l’abattoir finit par apparaître au détour d’un couloir et, encore une fois, la King eut envie de faire demi-tour. Des années à cohabiter lui avait fait prendre conscience d’une chose : elle ne savait jamais à quoi s’attendre avec Maylone. Il l’avait trop surpris par le passé pour qu’elle ne se doute pas d’une arrière-pensée, mais laquelle ?

Avec plus de repos et moins d’égocentrisme malheureux, la demoiselle aurait tout de suite compris que c’était son état qui le préoccupait. Le simple fait qu’elle ne le remarquait pas témoignait de sa fragilité émotionnelle du moment. Les cauchemars qui se répétaient, les envies de dormir durant les cours, son incapacité à réussir la moindre potion, aussi simple pouvait-elle être, avait dû revenir aux oreilles du garçon.

Elle qui n’était plus vue à faire le moindre tour de magie était également un signe. Tout comme sa trompette, sa guitare ou les autres instruments exposés dans le club d’art et lecture qui restaient loin de sa personne. Aussi, combien de temps Salazar tiendrait-il sans sa guitariste, question qui pouvait se poser ? Si Chaïm, Roxane et Allistair tentaient de se souder autour d’elle, aucun n’était parvenu à la faire sortir de son mutisme.

Peut-être parce qu’ils n’avaient pas su l’atteindre. Peut-être parce que, malgré tous leurs bons sentiments, ils n’avaient pas compris comment y parvenir.

Eileen poussa le battant et se figea à l’encadrure. Le spectacle de la chouette effraie accroché à l’épaule du garçon l’aurait fait rire dans d’autres circonstances. Là, ce fut la mélancolie et la tristesse qui se dégageait du morceau qui la transporta bien loin de Poudlard.

Les images se succédèrent. Tabata, ses sourires et ses accolades, puis ses larmes et sa colère. Elyana, ses fou-rires, ses remontrances, puis ses transformations et sa fuite. Sessho, ses regards doux, ses doigts qui dansaient, puis son mutisme et ses mots. Aria, leurs cachettes, ses joues rosies, son émerveillement, puis sa froideur et son abandon.

Eileen n’eut pas la force de les retenir. Ses larmes s’échappèrent et glissèrent sur ses joues. Par honte, la jeune femme ferma la porte, désireuse de n’être vue par personne d’autre que son ami.

La magie moldu avait un grand pouvoir. Il pouvait émerveiller des foules ou mettre en colère. Il pouvait impressionner comme insupporter.

La musique, elle, était le plus beau des langages.

Tristesse, violence, abandon, colère, rage, haine, joie, espoir. Il n’y avait parfois aucun mot pour décrire ses ressentis. Il n’y avait que des instruments pour se les approprier et les partager.

« Ne dis rien, s’il te plait. », supplia la cinquième année d’une petite voix enrouée par le manque de mots qui franchissaient ses lèvres.

Sans attendre la réponse, comme empressée, la King traversa la salle au pas de course et s’empara du violoncelle. C’était pour elle, dans son répertoire, l’instrument qui s’accordait le mieux au piano. Rapidement, toujours sous le coût de cette urgence qu’elle ressentait, elle vérifia l’accordage, puis se plaça face au garçon.

L’archet dans une main, les doigts de l’autre prêts à s’écorchaient sur les cordes, elle attendit. Maylone commença à jouer. Encouragée, elle le suivit. Pour la première fois, elle souhaitait vraiment se livrer. Pour la première fois, elle se mettait à nue, elle exhibait ses maux.

Eileen M. King
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Dim 10 Oct 2021 - 23:12
Tu crois qu'on les reverra ? Ceux dont la présence nous font plus mal que leur absence. Ceux qui ne sont pas morts mais qui ne sont plus là. J'aurais préféré qu'ils crèvent. Pour ce qu'ils ont fait, pour ce qu'ils n'ont pas fait, pour qu'on ait moins de peine, pour qu'ils ne souffrent plus, pour qu'on ne souffre plus.

Les larmes glissaient sur les joues d'Eileen. Une cascade de souffrance qui dessinait des rigoles éphémères. Elles ne se voyaient pas sur sa peau claire, quoique elles n'auraient pas été davantage visibles sur un épiderme noir mais il les devinait au faible tremblement de sa poitrine, à ses yeux bleus brillants sur l'iris, rouges sur le blanc. Il avait cessé de jouer pour pivoter sur son tabouret d'un mouvement souple. Son corps s'était penché en avant, ses coudes prenant appui sur ses genoux noueux. Dans le geste, ses lunettes avaient glissé sur le bout de son nez et la silhouette de son amie était devenue floue. Il les avait redressé, impatient. Puis la cinquième année avait prit la parole. Une voix éteinte dans une gorge nouée. Un simulacre d'existence. Un son qui l'incarnait en chiot blessé, une phrase articulée qui lui laissait une miette d'humanité. La douleur n'avait pas de pitié pour ses hôtes.

- Ne dis rien, s’il te plait.

Il avait ouvert la bouche. Sa glotte sursauta. Il avait dégluti afin de ravaler les mots qui menaçaient de franchir la barrière de ses lèvres. Eileen traversa la pièce. Une silhouette rendue ombre par la faible luminosité matinale. Une semi-obscurité qui traçait un losange de lumière sur son visage, miroir fantasmagorique des vitraux de la salle de musique.

Archet dans une main, elle attendait. Souffrance à ses traits, elle attendait. Elle attendait qu'il lance la première note. Fasse le premier pas. Qu'il l'emmène sur un chemin. Un chemin étroit. Pas assez large pour qu'ils marchent côte-à-côte. Ils devaient progresser en se suivant sans jamais se retourner. Ils n'avaient plus besoin de leurs yeux. Leur corps était devenu une entité mouvante sans tête pensante.

Lentement, il replaça ses jambes sous le piano. La chouette était devenue étonnamment silencieuse. Peut-être même qu'elle s'était endormie, bénéficiaire d'une quiétude animale. Les mains de l'adolescent se suspendirent dans les airs. Il tourna brièvement le regard vers Eileen. Le doute. Qui ne dura pas.

On ira au bout de ce chemin, Eileen.

La musique débuta. Un premier pas. La mélodie animait ses pieds. La mécanique éraillée d'un corps en sang. Il fut tenté de se retourner. La mélopée du violoncelle résonna à ses oreilles. Un contact à ses tympans. Une main dans la sienne. Rassurante. Mais pas assez. Pas assez pour faire oublier que ses notes n'étaient pas aussi belles que les siennes. Les doigts butèrent, faute de véritable apprentissage. Il continua. Il n'était pas parfait. Ses pupilles ne pouvaient pas se passer de leur barrière en verre cerclée de doré ; il n'avait pas besoin de ses yeux pour voir Eileen. Il était un Sang-de-Bourbe ; ses veines impures se lisaient à travers sa peau à mesure qu'il martelait les touches.

La pente du chemin se fit plus raide. Le touché sur les blanches et sur les noires se fit plus doux. A quoi ça servait de lutter ? Il n'avait qu'à se laisser emporter. Aspirer. Par un vide qui le dépassait. Peut-être que le son de leur musique les interpellerait. Peut-être que le bruit de leur chute les ramènerait.
Maylone Allister
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Mar 24 Mai 2022 - 21:01

Le 02/12/95

La Mécanique du Cœur

ft. Maylone Allister

Ne te laisse pas ronger par la culpabilité, ce n'est pas facile à supporter. Tristesse, rancœur, solitude, haine pour soi-même, c'est le premier pas vers l'abandon et l'obscurité.

J

adis, Eileen aurait fait une pause entre les différentes interprétations musicales. Cela faisait maintenant vingt bonnes minutes que la demoiselle avaient entrainée son ami dans sa danse frénétique. Elle hurlait ses larmes et pleurait ses cris au travers des accords qui lui venaient, retrouvant ainsi une forme de spontanéité qui, cependant, n'était pas de tout repos. Elle n'était ni simple à suivre pour Maylone, ni bonne pour les doigts malmenés de la musicienne. Cela ne l'arrêta pourtant pas et, arrivée au bout de son inspiration, elle força pour continuer.

Le déclencheur de ce qui allait suivre fut une vérité si simple qu'obnubilée par sa souffrance, la Gryffondor n'y prêta aucune attention. Son corps, fatigué, malmené par ses dernières journées, ne pouvait suivre la cadence. Son esprit, aspiré par les méandres de ses plus sombres pensées, ne pouvait supporter l'échec.

La fausse note stridente fut comme une bombe à retardement.

Eileen arrêta de jouer sur le coup et se figea un instant sur place. Sans que rien put prédire à son compagnon ce qui allait se jouer dans l'esprit de sa camarade, cette dernière chercha à observer les alentours. C'était comme si elle souhaitait trouver une ancre pour s'éviter la tempête qu'elle pressentait et qui était sur le point de se déclencher.

Ses larmes étaient comme les premières gouttes d'une pluie fine qui, bien qu'indicative, ne pouvait faire deviner le cumulus et l'ouragan qui s'approchaient. La musique fut comme un vent qui se lève, témoin des premières vagues plus puissantes. Ce son sifflant, lui, était comme le coup de tonnerre qui ne laissait plus de doute.

Il était néanmoins trop tard pour faire marche arrière. Elle n'était pas armée, sur sa pirogue, pour faire face au tsunami qui lui arrivait dessus, mais elle n'avait plus le choix. Elle n'était pas capable de fermer les vannes, de fermer la porte, d'arrêter cette noirceur qui l'engloutissait. Elle avait retenu l'eau dans le vase trop longtemps, il devait se vider au risque de se briser. Les premières fêlures pouvaient déjà être aperçues, il ne devait pas y en avoir d'autres.

Eileen avait toujours eu une imagination débordante. Enfant, elle s'imaginait être une princesse sauvage qui affrontait des dragons, bien loin des préoccupations habituelles des petites filles qui rêvaient du prince charmant. En grandissant, cette évasion onirique était devenue une force, un moyen d'échapper à la cruelle réalité qu'était devenue sa vie. Ce jour-ci, elle prit une autre tournure, mais la jeune femme ne parviendrait pas à déterminer le bénéfique ou le négatif.

Maylone et la salle de musique avait disparu.

C'était comme être transportée dans un tout autre pan de l'existence. Face à elle se tenait Tabata, le visage déformé par la rage. Souvenir cruel, mais nécessaire, son doigt recousu était tordu, preuve de l'existence de cette soirée qu'elle aurait préféré enfouir au plus profond de sa mémoire et oublier. Elle ne le pouvait pas ou, plutôt, ne le devait pas, même si ça restait difficile de jours en jours.

« Des années. Des années d'amitié. Des années à être fidèle, à être honnête, à ne rien te cacher. Et pour quoi ? Pour apprendre que tu me mens depuis des années ! Pour me retrouver... »

Eileen leva une main en direction de la blonde, souhaita dire quelque chose, sans parvenir à sortir le moindre son. Tabata se recula, sans retenir un rire sarcastique.

« Pour me retrouver avec un doigt arraché par ta faute. Par ta faute, oui. Tout est ta faute, tu m'entends ? Tu n'as pas le droit de le nier !
Elle a raison, reprit une voix plus calme, que la vipère refoulée identifia comme celle d'Elyana. Regarde-moi, emprisonnée par mon propre corps. Et tu ne fais rien pour m'aider. »

Eileen ne les voyait pas vraiment, mais devinait les formes devant ses yeux embués. Elle ne l'avait pas remarqué au départ, mais la Wyatt tenait Sleepy dans ses bras, plus exactement un renard.

« Si tu n'avais pas voulu faire ton intéressante, avoir ton nom sur la Gazette du Sorcier, rien ne me serait arrivé, tu en as conscience ? »

La voix de Sessho fut comme un coup de poignard. La jeune femme l'avait refoulé, encore et encore, refusant de voir la douleur que ça lui procurait. Elle se sentait coupable, fautive du cauchemar qu'avait vécu le Serdaigle. Sans elle et ses idées idiotes, tout ce qui était arrivé durant cette nuit n'aurait été qu'un mauvais rêve.

« Vous auriez dû deviner qu'on ne peut pas lui faire confiance. J'aurais dû deviner qu'il ne faut pas te faire confiance. Incapable même de garder un secret aussi précieux, c'est affligeant. »

Aria se manifesta à son tour, piquante pour frapper le peu d'estime qui lui restait d'elle-même. Eileen n'en pouvait plus. Elle voulait que ça s'arrête. Elle refusait que ce soit la réalité. Ce qui lui fit prendre conscience de la véracité de sa pensée fut les mots suivants, prononcés par Roxane, puis Chaïm.

« Tu m'avais juré de ne pas m'abandonné. Tu devais être mon soleil, mon guide, pour que je ne recommence pas. J'ai échoué, par ta faute, parce que tu ne me regardes plus. Je ne veux plus te voir.
Plus personne ne désire te voir. Tu devrais disparaître. Tu devrais partir. »

Jamais, même quand elle les avait repoussés avec toute l'ardeur dont elle pouvait faire preuve, les membres de Salazar ne l'avaient abandonnée. Jamais, même si elle avait frappé leurs égos les uns après les autres pour s'enfuir, ils l'avaient laissée partir.

Elle se mentait à elle-même.

Elle voulait que ça s'arrête.

Elle s'imaginait le pire, même si elle devait se concentrer sur le meilleur.

Elle voulait que ça s'arrête.

Elle ne voyait que l'obscur, même si elle était baignée de lumière.

Elle voulait que ça s'arrête.

Elle était tiraillée par une solitude accablante, même si elle était entourée et soutenue.

Elle voulait que ça s'arrête. Son souhait, à force de se le répéter, se réalisa. Quand elle rouvrit les yeux, elle était dans la salle de musique. Le violoncelle était abandonné sur son socle et le piano ne chantait plus. Le silence, sur l'instant, fut d'un repos bienvenu. La sorcière, en captant son ami du regard, décida cependant de le briser.

Dans les faits, Eileen s'était enfermée dans son imaginaire qu'une poignée de secondes. Elle avait pourtant la sensation que ça faisait une éternité qu'elle s'y était réfugiée, avec tous ses démons en guise de compagnons. Retrouver la réalité lui paraissait dès lors la meilleure option.

Elle devait retrouver un semblant de vie.

Elle voulait que ça s'arrête.

Elle prit une grande inspiration, sécha ses larmes d'un revers de main et fit quelques pas pour pouvoir prendre une chaise. Elle plaça le dos de celle-ci en direction de Maylone et s'installa dessus à califourchon avec ses bras, croisés, reposés sur le dossier.

« Est-ce que..., commença la jeune femme, sans trop savoir par où commencer. Est-ce que ça t'est déjà arrivé de voir ta vie défiler devant tes yeux, comme un vieux film mis au ralenti, sans vraiment arriver à capter l'essence même de ce qui se passe autour de toi ? »

C'était brouillon, c'était difficile, mais à offrir les premiers mots, elle comprit qu'elle avait irrémédiablement besoin de se confier à quelqu'un. Roxane n'était pas un bon choix : elle avait ses propres démons à gérer, tout comme Chaïm. Alistair, s'il n'en avait pas, devait déjà s'occuper des deux autres en son absence.

Sessho aurait fait un bon choix, mais elle ne voulait pas lui rajouter un poids sur les épaules. Lui-même ne parlait pas.

Aria aurait fait un bon choix, mais son secret s'était brisé comme un miroir soufflé par une rafale contre un rocher.

Joris, elle n'était pas assez proche de lui pour ce genre de confession, pas à ses yeux.

Il ne restait plus que le métamorphomage. Il était le seul capable de l'entendre et de la comprendre. Si, loin d'être stupide ou aveugle, Eileen se doutait que lui-même avait ses doutes, elle pourrait s'en inquiéter plus tard, une fois remise sur pied et capable de marcher seule sans béquilles.

« J'ai… J'ai cette boule au fond de l'estomac, comme une pierre trop lourde qui m'empêche d'avaler quoi que ce soit, qui m'empêche de fermer l'œil la nuit et qui aspire toute mon énergie et me donne envie de rester coucher. Elle était déjà là, mais j'ai l'impression que, depuis quelques semaines, elle prend du poids. »

Comment, factuellement, lui exprimer ce qu'elle ressentait ? Elle ne savait pas si elle en était réellement capable, mais elle se devait au moins d'essayer. Elle prit une nouvelle inspiration, sans ravaler ses larmes cette fois, serra les poings, les dents et reprit dans un sifflement presque colérique.

« Elle est là, elle est là depuis des années et elle me nargue. Elle me nargue jours après jours. Elle me répète que j'suis une menteuse, que j'suis une ratée, que j'suis pas adaptée aux sorciers… Elle me répète que je suis insupportable avec ma demande d'attention, mon arrogance cachée, ma violence endormie… Elle me dit que j'suis vicieuse, cupide, sournoise... »

L'adolescente s'arrêta quelques secondes, avala difficilement sa salive, puis poursuivit, encore.

« Le pire, le pire, c'est pas que j'la crois ou pas. Le pire, le pire c'est que j'lui donne raison. J'fais des actions stupides pour m'attirer l'admiration des autres et derrière j'suis même pas capable d'm'assurer qu'ils iront bien. J'suis tellement autocentrée qu'j'ai fait brûler un putain de journal par les nerfs sans même penser une seconde au principal concerné… J'suis tellement autocentrée qu'j'ai brisé le secret le plus important qu'on m'avait confié parce que j'suis qu'une putain de droguée… J'suis tellement autocentrée qu'j'ai foutu des tonnes de gens, dont des amis, en danger sans même réfléchir une seconde à c'qui pouvait vraiment se passer... »

Eileen, après son monologue, releva son regard vers Maylone. Les sillons sur ses joues laissaient voir sa détresse et le gouffre dans ses yeux son appel à l'aide.

« J'me déteste, Maylone, renifla doucement Eileen, en se mordant la lèvre inférieure. J'me hais… Et je sais pas comment faire pour continuer... »

Je ne vois plus rien. Je suis aveuglée. Prend ma main. Prend ma main et guide-moi. J'ai peur dans le noir. J'ai peur des monstres qui se tapissent dans les ombres. J'ai peur des ombres qui veulent m'engloutir. J'ai peur de la main sous le tapis qui tient une seringue et qui attend pour me la planter. J'ai peur du démon qui se cache sous mon lit la nuit quand je ferme les yeux. Chasse-les, chasse-les tous, je t'en supplie.



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