Droit dans son siège, les mains jointes sur les cuisses, Sessho regarda autour de lui avec un désarroi visible en un tic de sourcil. Un coup d’œil sur son âme sœur désignée le fit se raidir – eusse-t-il était possible de l'être autant – sur son assise. Il la gratifia d'une esquisse crispée mais néanmoins polie, de celle qu'il réservait au corps enseignant les mauvais jours. S'il n'était pas camarade de la rancune et de la vengeance, l'ignorance dont l'affublait régulièrement l'irlandaise avait achevé de tuer la curiosité qu'il ressentait pour tout à chacun, d'autant plus à un premier face-à-face. Le silence s'étira entre-eux, tout aussi bien qu'il changea de méthode d'approche ; sans se départir de son sourire, il orienta son regard non pas sur la Viperyn, mais sur les chandeliers, de quoi lui apporter un peu d'espace autour d'une table qu'il jugea aussitôt trop petite – en tout cas pas assez grande pour esquiver le candélabre s'il venait à voler dans sa direction à la moindre tournure mal à propos.
Prompt à améliorer sa psyché et continuer d'avancer sur le chemin sinueux de la guérison, il s'était laissé tenté par les arguments de ses camarades sans en négocier les incohérences ou se cacher derrière des excuses toutes près faîtes. Ainsi, les devoirs furent remit à la soirée s'il désirait continuer à creuser l'avance qu'il grignotait sur son emploi du temps, se dégageant ainsi des instants de loisirs ou de simples balades – chose qu'il avait peu réitéré depuis sa redécouverte du piano et de son amour inconditionnel pour la musique. Si l'instrument le dispensait de remarques sur son teint pâle – qu'il se forçait à rendre moins cadavérique en ne cédant pas à l'impulsion de purement et simplement fuir ses draps lorsqu'un cauchemar s'invitait dans son sommeil – il devait bien reconnaître que son manque d’interaction sociale pouvait, indirectement certes, participer à son isolement et alimenter cette envie tenace de ne plus renouer avec qui que ce soit.
La méfiance s'était mût en une paranoïa qu'il avait jusqu'à présent évité depuis son « accident ». Bien que réservé et discret, le japonais n'était ni timide, ni misanthrope. Il ne considérait nullement l'être humain comme une espèce nihiliste ou inintéressante, bien au contraire. Il était même de ceux qui en défendait les actions, aussi mauvaises puissent-elles être, y cherchant les raisons par delà l'atrocité. Pour autant, il s'était parfois fait surprendre par une peur lui attrapant le ventre quant, par obligation, il se retrouvait au milieu d'un échange qu'il n'avait pas eu le temps d'anticiper. La surprise le rendait alors irritable et il cherchait alors inconsciemment une menace pouvant surgir de n'importe où, que ce fusse d'une ruelle, sous une table ou de sa propre ombre.
Ainsi, il avait répondu favorablement, analysant sa situation : Cela ne pouvait plus durer. Se reprenant en main, il s'était plié à la règle du binôme imposé par les panneaux en vue du grand hall, où son agression avait précipité une nouvelle réforme idiote et inutile. Une part de lui s'en était voulu, aussitôt balayé par la certitude absolue d'être une victime qui avait pour devoir de se préoccuper de son rétablissement et non de l'avancée de la dictature entre les murs du château. Callum s'était porté volontaire pour, selon ses dires, être une escorte plus que convenable. Récemment, chacun avait prit pour lui de faire cesser l'hégémonie de la langue de bois au sein de leur amitié, offrant un nouveau départ à leur relation, sans pour autant que les confessions pleuvent directement. Moins fier et têtu – peut-être non jugulé par le couteau du déni -, Sessho se sentait de partager son secret au compte goutte, par quelques indices ou sous-entendus dans une conversation, à défaut de désirer l’exhiber aux yeux de tous.
Le hasard avait placé Merula sur sa route, elle qui était dépositaire d'un verbe acéré et d'une réputation désastreuse. Pas qu'il en soit le premier à s'en laisser intimider, il devait reconnaître que les rumeurs n'étaient sans doute pas uniquement dût au bouche à oreille, de ce qu'il avait pu être témoin. Elle savait être froide, cruelle et mauvaise.
Mais plutôt que d'en être rebuté catégoriquement, il préféra choisir la seconde option qui lui était donner : La comprendre.
Profitant de la barrière des flammes situait entre-eux, il joua de la lumière pour porter sur la jeune fille un intérêt inédit. Elle le rendait curieux.
«
Ils ont au moins eu le bon goût de mettre les sang-purs ensemble. », lui dit-elle en plissant les yeux.
«
Cela relevait donc d'une importance capitale ? », rétorqua-t-il sobrement en bougeant légèrement pour se placer plus confortablement.
Sans être naïf si idéaliste, il était au fait de ce que son rang pouvait signifier à l'étranger, bien que dans sa contrée natale, il ne soit pas autant sujet de discussion, ni par ses pairs, ni par des étrangers à la noblesse. Cela renforçait la passion qu'il nourrissait à l'égard de son pays d'adoption, tout en continuant à l'éloigner inexorablement des dogmes défendus par certains camarades. Elle le détailla et il choisit de surmonter son regard avec un sourire sans prétention.
«
Je vais être charitable et te donner une chance de m'impressionner, Shiny, Ce n'est pas tous les jours qu'un garçon obtient cette opportunité. »
Suffisante, arrogante et hautaine, ainsi fut l’apparente aura de Merula Viperyn. Une sombre cape de mauvaise humeur l'enveloppant toute entière dans un camouflage idéal pour faire peur à ses proies, ou dissuader un prédateur plus imposant de s'en prendre à elle, sous peine d'être empoisonné par le plus terrible des venins. Dans sa propre analyse psychique, il s'était penché sur mille et un livres traitant du mal-être adolescent, qu'il soit issu de l'esprit d'un sorcier ou d'un moldu – il devait bien reconnaître que leur société était autrement plus avancée sur ce sujet – pour décortiquer ses réactions et en déduire ce qui devait l'être. De fait, ses lectures l'avaient mené à saisir les notions de barrières, non pas uniquement comme celle qu'il était capable de placer mentalement, mais belle et bien de façon comportementale ; agresser pour ne pas l'être en retour. La cruauté pouvait être l'acteur d'une grande souffrance intérieure.
Par delà le noir, il discerna un peu de gris. Elle lui fit davantage penser à un hérisson plutôt qu'à un serpent mortel.
«
Je n'en doute aucunement, Merula. Tu permets que je t'appelle ainsi ? - demanda-t-il en jouant de pouce sur le dos de sa main, tranquille. -
Tout au moins pour notre tête-à-tête. Nous ne sommes pas à une réunion mondaine, inutile de nous montrer aussi protocolaire. »
Il laissa planer quelques secondes, avant de reprendre d'une voix calme et douce :
«
Tu sembles difficile à impressionner. Tu dégages beaucoup d'assurance, c'est intimidant pour la majorité des gens. Tu ne manques pas de mordant, ce qui à mes yeux est une qualité, il est essentiel d'avoir du répondant pour survivre. », il captura son regard dans le sien, voulant y sonder ce qu'il avait deviné : Le gris derrière le noir.
Il prit une brève inspiration, puis, se penchant en avant, colla ses coudes à plat sur la table. En venant ici, il s'était engagé à jouer le jeu de la Saint Valentin. Son timbre se fit plus bas.
«
La question est : Est-ce-que tu me donnerais la chance de t'impressionner ? »
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