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[Octobre 1995] Fièvre acheteuse | Johann A. Kayser & Levine Serger & Delyla Gavril

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Dim 9 Fév 2020 - 21:47


Fièvre acheteuse Johann A. Kayser & Levine Serger & Delyla Gavril Le stress était à son comble. Elle attendait, sans grande patience, faisant jouer ses ongles sur le bois du comptoir comme si cela allait changer quelque chose. Elle n'avait pourtant pas le choix, sachant que le vendeur devait probablement faire de son mieux pour trouver ce qu'elle demandait. Si tenté était qu'il lui en restait. Aujourd'hui, ce n'était pas elle qui était derrière le comptoir. Non, aujourd'hui, elle était elle la cliente. Et Delyla ne rigolait pas avec la santé de ses chats. Elle avait maintenant ses petites habitudes quant aux produits qu'elle achetait pour eux, et, naturellement, la nourriture en faisait partit. Alors, lorsqu'elle s'était rendu compte, la veille au soir, que le sac de croquette était presque vide, et qu'elle n'en avait pas d'autre, ça avait été la catastrophe. Elle avait donc profité d'être en repos pour se rendre à la ménagerie magique. Elle ne doutait pas du fait qu'ils avaient de quoi lui vendre de la nourriture pour chats, mais dans la marque qu'elle voulait pour la quantité qu'elle demandait, c'était moins sûr. Cependant, la nature faisait parfois bien les choses, et le vendeur était revenu avec sa commande, qu'elle avait payée sans plus d'hésitation. Les bras chargés, mais l'air soulagé, la couturière était sortit de la ménagerie magique, et remontait maintenant le chemin de Traverse pour rejoindre sa nouvelle destination.

Le chemin de Traverse était rempli de monde, si ce n'était bondé. Bien qu'elle y était habituée depuis 5 ans maintenant, la couturière se surprenait encore à s'extasier de la foule qui ne cessait de traverser Traverse (sans mauvais jeu de mot) tout au long de la journée. On pouvait dire que l'endroit portait bien son nom, au vu du débit de passage qui se faisait chaque jour. Mais là n'était pas ses réflexions du moment, il lui fallait retourner chez elle pour déposer tous ces achats, et se libérer un peu les bras. En effet, elle n'avait pas fait qu'un seul magasin, d'autres avaient subit son passage, et il fallait bien qu'elle admette que ses bagages commençaient à peser.

Se dirigeant vers la zone des logements, elle était passée devant la librairie Fleury et Bott qui attira soudainement son attention, la faisant se stopper net : en vitrine, un livre qu'elle attendait avec impatience. Cela faisait un moment qu'elle attendait sa sortie pour se le procurer, et le voilà maintenant disponible. Mais était ce bien raisonnable ? Évidemment, la question ne se posait même pas. Tant pis pour ses sacs déjà bien plein, elle ne pouvait définitivement pas repartir sans, ce n'était pas vraiment négociable.

Obnubilée par son envie d’acquisition, elle en oubliait jusqu'à la présence d'autres personnes autour d'elle, si bien qu'elle avait involontairement percuté quelqu'un, qui sortait tout juste de la boutique de livres au même moment qu'elle se décidait à y entrer. La surprise du choc lui avait fait lâcher ses sacs d'achats, qui avaient atterri au sol sans aucune douceur. Confuse, elle s'était alors confondu en excuse, tout en commençant à ramasser ce qui lui appartenait.

« Vous n'avez rien ? Je suis vraiment navré, je ne regardais pas devant moi, c'est de ma faute. »
:copyright: Justayne
Delyla Gavril
Membre
Delyla Gavril
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Ven 17 Avr 2020 - 17:22
Fièvre acheteuseBuy. Resell. The entire Muggle world works with these simple, repetitive actions. They start again. Again. They never really stop. The wizards too. What makes us different, outside of our powers, in the end?
Samedi 07 octobre 1995,

Le sorcier observait les différents clients se trouvant dans K&W, Kingdom of Spooky Pets. Aujourd'hui, c'était Aaron qui en était à la tête, et ce, depuis que Johann était devenu professeur. Il ne regrettait pas son choix. Les décorations avaient changé, attirant l’œil des passants plus facilement. Il avait même remarqué certaines personnes qui, alors qu'elles ne l'auraient jamais fait par le passé, se dirigeait maintenant vers l'allée des Embrumes, ou plus exactement à la jonction entre le chemin de Traverse et les dédales sombres. Leur destination était son ancienne boutique. Son meilleur ami avait bien fait les choses, s'assurant de rendre l'animalerie plus attrayante, de façon à avoir une clientèle plus diversifiée.

Bien sûr, en temps normal, il ne s'y serait pas rendu en personne. Pour parler avec son complice, il préférait de loin envoyer des missives par le biais de son phénix. C'était à la fois plus sûr et plus rapide. Ce qui l'emmenait aujourd'hui n'était en rien en lien avec ses activités illégales, cependant. C'était pour le bien-être de Poudlard qu'il était venu, plus précisément des animaux qu'il avait à sa charge. Hagrid n'étant toujours pas revenu, c'était à lui que le Directeur avait confié le bon soin des créatures appartenant à l'école. Heureusement, ça ne dérangerait pas le trentenaire. Son métier officiel était une passion et s'occuper de bêtes était un passe-temps particulièrement attirant pour lui. Aussi, il n'avait pas cherché de contact direct avec le patron, n'en ayant pas besoin dans cette optique.

Par ailleurs, il aurait largement le temps de le visiter plus tard, chez lui, sans doute dans le mois. Autant pour discuter du bon vieux temps que pour s'assurer que certaines... affaires fussent en bonne voie. Un nom plus exactement : Beurk. Un gros poisson à pêcher, dont l'appât n'avait pas encore été trouvé. Entre leurs statuts de sang-purs et la présence d'une Malfoy dans la famille, ça avait tendance à compliqué d'autant plus leurs plans. Ils devaient les retarder, surtout avec le potentiel retour d'un certain mégalomane, mais pour le magicozoologue, ça ne voulait pas dire les stopper. D'autant qu'il avait de nouvelles pistes à explorer. S'il s'y décidait. Il avait des valeurs et il ne jugeait pas un tel choix comme acceptable. Pour l'instant. L'avenir lui dirait s'il se trompait.

Pour l'heure, néanmoins, il avait d'autres préoccupations. Debout devant le bureau où se trouvait la caisse, une main déposée sur le bois sombre, il patientait. La vendeuse, Maria, était partie depuis quelques minutes pour trouver sa commande. Il y avait de nombreuses fournitures. De la nourriture, des éléments pour les soins ou encore des décorations et des appareils ensorcelés pour reproduire au mieux le milieu de vie de la faune en captivité. Il voulait s'assurer que chaque être qui était, ou qu'il ferait venir, à Poudlard se sentît à son aise.

Elle finit bien sûr par revenir, lui offrant tout le matériel exigé. Il paya la somme demandé à l'aide de l'argent qu'il avait pris dans les coffres du château, après avoir suivi scrupuleusement les indications des gobelins plus tôt dans la journée — ces derniers refusaient tout vol potentiel et la sécurité avait clairement été renforcé depuis l'affaire du coffre 713. Après avoir salué l'employée qui l'avait reconnue, il quitta l'endroit et ordonna à un elfe de maison, invoqué pour l'occasion, de déposer tout le matériel dans son bureau à Poudlard.

Il avait un peu de temps devant lui et avait bien l'intention de fureter quelques minutes, peut-être quelques heures, après la réalisation de ses obligations. C'était ainsi qu'il s'était retrouvé, plus rêveusement que jamais, loin de toutes ses préoccupations habituelles, à remonter la rue commerçante. Agile, il avait essayé d'esquiver au maximum de bousculer ou d'être bousculé par les passants, sans pouvoir y parvenir complètement.

Jusqu'à se figer sur place, ses alarmes mentales se remettant à sonner à la seconde. Jusqu'à les remarquer. Delyla et Lévine. Ensemble était un bien grand mot, tant il eut une vision éclairée de la scène, les voyant tous deux se rentrer dedans avec une force qu'il n'aurait pas imaginé de prime abord. Il eut donc toute l'occasion de s'éclipser, d'éviter une nouvelle confrontation avec l'Auror. Il ne le fit pas.

Il ne se voyait pas disparaître sans laisser de traces de son passage, alors que sa couturière attitrée, depuis qu'elle s'était installée en Angleterre, se retrouvait dans une telle position. Il l'avait connue en Russie, elle débutait à peine son apprentissage pour son futur métier, alors qu'il terminait sa propre formation de zoologiste magique. À l'époque, rien n'aurait pu leur laisser présager que leurs destins se recroiseraient des années plus tard et quand il l'avait reconnue, il n'avait pas hésité à lui offrir l'opportunité de faire valoir ses talents en s'occupant de ses propres commandes.

Nonobstant les mises en garde de son propre esprit, il décida de se rapprocher. Il acceptait de se jeter tête la première dans ce piège qui n'en était pas encore un. Il n'était pas préparé, il n'avait pas prévu de revoir Mister Auror, mais il devait bien avouer, au fond de lui, qu'une confrontation imprévue de ce type ne lui déplaisait pas. Johann était un ancien Serpentard. Il aimait prévoir, élaborer à l'avance, s'assurer que ses préparations fussent parfaites. Il était un élève de Salazar, mais tout disciple de cette Maison qui se respectait vraiment avait également besoin d'adrénaline. Lui-même recherchait parfois cet état particulier. Il lui arrivait d'accepter de lâcher prise, de mettre l'ambition et la ruse de côté, pour laisser parler le courage et ce grain de folie caractéristique, caché, qu'il appréciait chez lui, comme chez les verts et argents.

« Vous n'avez rien ? Je suis vraiment navré, je ne regardais pas devant moi, c'est de ma faute. »

En quelques enjambés, il était sur place, à côté des deux infortunés. Une mise en scène, rien de plus. Il dégaina le bois d'if, ressentant la connexion entre lui et sa compagne de toujours, l'exaltation du pouvoir entre ses mains. Loin de laisser parler cette partie sombre de sa chère amie, il la fit voltiger dans les airs, lançant un enchantement informulé. Rien de compliqué. C'était quelque chose que tous les sorciers prenant soin de chez eux connaissaient. Ordonner le rangement. Ainsi, les articles se soulevèrent et, dans une danse captivante pour des yeux non-initiés, retrouvèrent d'eux-mêmes leurs emplacements dans les sacs. L'avantage, avec ce genre de sortilège, c'était qu'il n'y avait pas besoin de connaître les positions initiales des objets.

La véritable entrée dans l'arène. Il rangea la demoiselle qui lui avait permis cette petite prouesse, puis se rapprocha encore des deux autres protagonistes. D'un geste de la tête en soulevant son béret, tout en prenant la parole, il les salua.

« Miss Gavril, Mister Serger. »

Il offrait directement l'information qu'il connaissait les deux, sans rien laisser d'autre paraître dans le timbre de sa voix, à la fois grave et lent. Bien sûr, cela servirait sans doute bien plus à son chasseur personnel, mais c'était en réalité une invitation indirecte à rechercher des informations où il n'y en avait pas. La sorcière n'était qu'une connaissance avec des capacités étonnantes. Elle ne savait rien de ses véritables activités. Pour elle, il n'était que l'un des deux associés ayant créé la fameuse boutique où il s'était rendu plus tôt, avant de devenir professeur.

Parlant de la demoiselle, il se baissa pour l'aider à se relever, l'invitant d'un geste élégant de la main à s'en saisir pour la tracter. Elle n'en avait pas réellement besoin. C'était superflue, pouvant être perçu comme inutile. Pour Kayser, toutefois, ça avait son importance. La politesse et le maintient des apparences. Suite à cette pause, sa pratique de discoureur naturellement en place, il reprit la parole tout aussi lentement, s'adressant autant à l'un qu'à l'autre.

« Aucune blessure, rassurez-moi ? »

Autour d'eux, les quelques passants s'étant arrêtés pour observer la scène reprenaient maintenant leur marche. Bien sûr, dans l’amas de personnes, il y avait sans doute des curieux qui se cachaient encore, mais qu'importait ? Ce n'était pas dans un lieu avec autant de passage que les deux hommes se risqueraient à un duel mental réellement prenant, d'autant plus devant une auditrice. Quoi que. N'avait-il pas lancé le coup d'envoi, après tout ? Quelle pièce inventerons-nous aujourd'hui, Chère Consœur, Cher Confrère ? Faites-moi rêver, faites-nous voyager. Fantasmons.
1508 mots.
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Johann A. Kayser
Admin acerbe
Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Jeu 23 Avr 2020 - 21:10
Fièvre acheteuse.Lévine & Johann & Delyla
J'arrive au bord du lac, j'aimerai bien que tu sois là. C'est juste un endroit à moi, j'aimerai bien que tu le vois. Avant la nuit, on va au paradis. Je me sens bien, ici, je me souviens, de toi même sous la mitraille. ( Le lac → Indochine ) ••• Il faisait chaud. C'était ainsi que commençait toujours l'été. Une chaleur étouffante. Un soleil éclatant. Une envie partagée entre en profiter, se prélasser sur l'herbe, ou s'échapper à l'ombre du salon. Camouflé par l'air artificiel du ventilateur. Il n'avait pas su se décider. Comme toujours. Faire un choix. Il s'était assit sur le perron, là, à côté de la jardinière, ses jambes découvertes exposés aux rayons, et la nuque à l'abri. Un livre était posé à ses côtés. A sa droite. Il n'en avait lu que quelques lignes. Il était fatigué. Il voulait dormir.

Des pas s'arrêtèrent dans son dos, faisant planer une ombre. Une grande. Large. Il avait levé la tête, plissant les yeux. Un visage carré. Des pommettes saillantes. Des lèvres ouvertes sur un sourire. Des yeux marrons. Une barbe mal taillée. Il avait sourit. Mimétisme agaçant. Une main s'était posée sur sa tête, chassant ses mèches de son front. Les yeux fermés, il avait profité. Ce n'était agréable. Pas vraiment. Mais pas si mauvais. Comme un chien habitué aux coups, il attendait toujours qu'il vienne. Mais jamais il n'était arrivé. Une caresse. Une de plus. Il faisait chaud. Atrocement. Peut-être était-ce la limonade dans ses mains, qui l'avait décidé ? L'herbe était un meilleur choix. Au moins pour cette fois.


***

Appuyé contre la porte vitrée, il regardait. Les feuilles étaient tombées dehors. Le jardin n'était pas grand. Pas trop petit. Il n'y avait que deux arbres. Un pommier et un cerisier. Il n'aimait ni l'un ni l'autre. Sous l'un d'eux, le plus imposant, une balançoire s'animait. Il n'y avait pas souvent grimpé. Par manque d'envie. De confiance. D'intérêt. Les mains dans les poches, s'était la terrasse qu'il observait. Un bac à fleurs dans un coin, près des marches. Il avait aimé s'y asseoir. Attendre que le temps passe. Il y était toujours seul. Tranquille. Ici n'était pas pareil qu'ailleurs. C'était un instant d’accalmie. De repos après une bataille acharnée. Il en avait livré plusieurs, plus haut. Des bains de sang épuisants. Il faisait jour. Il faisait gris. Il n'allait pas pleuvoir. Pas tout de suite. Demain peut-être ? Sans doute. C'était la saison. Les fleurs seraient arrosées. Elle n'aurait pas à le faire. Et lui non plus. Un gain de temps. D'énergie. Il n'en aurait pas eu la motivation de toute manière.

Du coin de l’œil, il voyait son reflet. Neutre. Fatigué. Sans masques. Il n'en avait pas encore besoin. Bientôt. Dans quelques minutes. Lévine n'avait pas dormit. Il n'avait pas réussi. Mille questions s'étaient bousculées, à toute heure. Un débat philosophique inutile, monologue intérieur sans conséquences. Ils l'avaient gardé éveillé, aux aguets. Mélancolie. Souvenirs vagues. Toujours égaux. Identiques. Ses séjours se répétaient. C'était pour ça qu'il ne restait plus. Plus la nuit. Plus de cauchemars. Plus de douleur lancinante. Un peu comme des vacances. Un mois d'Août continuel, sous la chaleur d'un été toujours trop court. Il n'aimait pas la chaleur. Ni le froid. Il était trop indécis. Jamais en accord un opinion déjà décidé. Face à lui-même, pouvait-il s'autoriser à avouer ? Ne pas continuer à patauger dans un marré de mensonges, de faux semblants. Pouvait-il se comprendre ? Pas vraiment. L'orange des feuilles avait tourné à la boue. Il préférait le vert. La rosée éclairée plutôt qu'un manteau enneigé.

Comme une photo en sépia, ancienne, au ralentit, il s'y revoyait. Garçon discret, silencieux. Toujours à l'étroit dans sa chaire, dans sa tête. Dehors, toujours, ou souvent. Là, près des tulipes fanées. Il y avait fréquemment un livre. A sa droite. Jamais à gauche. Jambes tendues sur la pierre, qu'il vente, pleuve ou neige. La lecture n'était pas restée. Remplacée par la fumée d'un poison, d'un remède à ses angoisses, sa tétanie et ses pensées distordues. Un baume toxique, qu'il gardait toujours sur lui. Il y avait toujours des urgences. Il l'avait comprit. Et peut-être qu'elle aussi. Il ne savait pas.

Que lisait-il avant ? Des contes ? Peu probable. Des récits d'aventures quelques fois. Mais pas aussi souvent qu'ils l'auraient voulu, souhaités. Des histoires horrifiques, de celles dont il se rappelait. Des villes ensevelies sous des gravats de cupidité, d'avidité, de bêtises humaines. Il était fasciné par ce chaos mérité. Obsédé par les conséquences d'actes mit bout à bout provoquant la destruction d'un monde. Il suffisait de mettre le feu au poudre pour que le monde s'enflamme. Il en était impressionné, et inspiré. En partant, il n'en avait prit que deux. Le Meilleur des Mondes et 1984. Il s'y retrouvait. Aujourd'hui plus encore. Un Big Brother sceptique et omniscient au dessus de la tête, comme une épée de Damoclès. La censure. Les mensonges. La propagande. N'était-ce pas ainsi qu'ils vivaient heureux ?

La lumière s'alluma, grésillante. Il devait changer l'ampoule. Demain. Plus tard. Des pas descendirent les escaliers. Ils grinçaient encore. Enchaîné par le fait de les réveiller, il s'était souvent retenu de s'échapper, de fuir sur son perron habituel pour une observation muette d'étoiles en constante évolution. Lentement, il se détacha de la fenêtre, la main sur l'un des blocs du comptoir, à quelques centimètres de la cafetière. Une dame voûtée entra. Elle n'avait jamais été grande. Même avec ses talons. Une ménagère standard, ordinaire, conforme à la norme. Ronde, les joues fournies, signe de bonne santé. Elle portait souvent des robes. A pois, c'était ainsi qu'elle les adorait. Rouge et blanche. Jamais de jaune. Un tablier à la taille et des boucles brunes autour du visage. Elle s'était rêvée pin-up dans sa jeunesse. Le chocolat avait laissé place au sel et au poivre mélangés. Une teinte terne pour un air blafard, grisé par la maladie, par l'usure d'un combat sans fin, sans aucune victoire. Elle avait encore maigrit. C'était inquiétant.

«  Maman, ne bouge pas, je t'apporte ton gilet, tu vas avoir froid. », une attention prévenante, naturelle. Elle l'avait élevé ainsi. Elle serait déçue s'il n'agissait pas de cette manière. Sa reconnaissance avait-elle de l'importance ? Un peu. Avec les années, toujours plus.

« Ne t'embêtes pas avec ça, mon chéri. », eut-elle le temps de lui répondre, tandis qu'il quittait la pièce par l'arche arrondie, faisant le pont avec l'entrée.

Il y avait trente marches. Il les avait compté. Il ne prit pas la première porte à droite. Il tourna à gauche et continua jusqu'à la fin. Elle ne l'avait pas fermé. Elle oubliait maintenant. La pièce était tordue. Il n'y avait aucun rectangle. Aucun coin parfait. Une chaise en arrivant, contre l'armoire en bois, un lit brodé, une bibliothèque à côté de la fenêtre. Elle lisait un roman d'amour. Elle lui avait souvent parlé d’Orgueil et Préjugé. En lui, elle voyait Darcy. Sa lampe de chevet était encore allumée. Bol retourné de verre sur un pied d'un or écaillé, factice. Il s'en approcha, pour tirer sur le fil, faisant taire son éclat d'un simple clic. Ses doigts arrachèrent les lunettes à la monture fine, aux branches reliées d'un cordon en cuir. Sur le dossier du fauteuil, plié comme il l'avait laissé, un châle de laine bordeaux, usé, vieil héritage d'une grande tante éloignée.

En bas, elle l'attendait, assise à la table ronde, devant son plateau en plastique. Une tasse fumante d'un thé citronné coincée entre ses mains tremblantes. Elle aimait ça, il le savait. Avec un sourire, il l'approcha. Image factice d'une bonne humeur. Elle s'inquiéterait. Elle le faisait toujours. Avec douceur, il enroula ses épaules de l'étoffe chaude, faisant taire de la pression de ses paumes les agitations de son dos. Sans un mot, il attrapa la pince du sucrier, qu'il avait prit soin de placer à côté du vase du dernier bouquet de ses amies sur le napperon de la salle à manger. Il en ajouta deux à sa boisson de fin de matinée. D'une main, il passa le cordon de ses lunettes autour de son cou, lui laissant le soin de les hisser sur son nez. Elle appréciait lire le journal pendant le déjeuner. Pour ensuite s'attaquer à ses mots croisés une fois les dernières nouvelles digérées. En prévention, il avait placé son crayon papier à sa droite. Tout devait être parfait. A sa place. Il ne voulait pas bousculer sa routine. Elle en avait besoin. Doucement, il se décala, la laissant boire une gorgée, puis prendre une bouchée de sa biscotte beurrée. Il s'assit à ses cotés, veillant à ce qu'elle mange.

« Tu as bien dormis ? Tu n'as pas été réveillée par le chien du voisin cette nuit, j'espère ? », demanda-t-il en posant ses mains liées sur ses cuisses. Devant sa main manquant d'assurance, il s'empressa de l'aider, soutenant le dessous de la tasse du bout des doigts, la guidant jusqu'à ses lèvres, puis sur son appuis une fois les premières miettes avalées.

« Non, ne t'en fais pas, je ne l'ai pas entendu. Et toi, mon chéri ? Tu m'as l'air si fatigué. », elle était inquiète. Tout le criait. Sa voix tendre, maternelle, et son regard doux. Devant elle, c'était compliqué. Tout l'était. Elle était parfois dupe. Mais pas toujours. Trop peu souvent sur tout ses essais. Il continua de sourire, chassant sa remarque en secouant la tête.

« J'avais du travail. Mais ça va aller mieux dans les prochains jours. », commença-t-il en déplaçant sa serviette à carreaux de sa main d'un mouvement inconscient. « Je t'ai préparé un jus d'orange, le docteur a dit que les vitamines seraient bénéfiques. Tu le veux tout de suite ou tu préfères attendre d'avoir fini ton thé ? », un changement de sujet. Un de plus. Il était passé maître. Avec elle, les compliments ne fonctionnaient pas. Plus maintenant.

« Je le prendrai si tu acceptes de manger quelque chose ce midi. », lui répondit-elle catégorique. Madame Serger avait toujours ce qu'elle voulait. Tout au moins avec lui. Et avec son défunt mari, qui n'avait jamais su lui refuser quoi que ce soit. Autoritaire, délicate et bonne vivante, elle s'était imposée reine, femme et mère. Il hésita. Un court instant. Trop long. Elle posa sa main sur la sienne, l'encourageant a accéder à sa requête d'une esquisse bienveillante. « S'il te plaît, Lévine. Pour me faire plaisir. »

Il n'avait pas faim. Presque jamais. Comme si un creux s'était formé avec les années. Un gouffre que la nourriture, l'alcool, le sang, les contacts, ne pouvaient combler. Ça lui faisait mal. Comme une torsion de l'estomac. Un coup de couteau dans l'intestin, qui remontait jusqu'à sa gorge, l'empêchant de s'exprimer. De formuler son trouble. Quand avait-il commencé ? Ce n'était pas récent. De pire en pire. De plus en plus présent. Mais il acquiesça, souriant. Pour lui faire plaisir. Pour ça, il pourrait faire avec sa nausée. Satisfaite, elle libéra sa main, rassurée par sa capitulation. Il se leva avec un bon cœur falsifié. Le réfrigérateur remplit par ses soins lui laissa trop de choix, de possibilité. Un yaourt. Le moins lourd qu'il pouvait trouver. Et le jus d'orange. Devant le regard insistant de sa mère sur le retour, il consentit à attraper la pomme traînant dans le panier de fruits en passant.

« Tiens, maman. Tu as prit tes médicaments ? », il se réinstalla à sa place, disposant le verre à portée, pour qu'elle puisse s'en saisir sans efforts.

« Je les ai prit, oui. Arrête de t'inquiéter autant, mon chéri. Ce n'est pas bon à ton âge. », une réprimande manquant d'énergies, qui lui arracha un rire. Elle aimait qu'il nourrisse des soucis à son égard. Le souffle amusé qui suivit son bref éclat enjoué le lui confirma. Le vide reprit aussitôt, manquant de briser le masque qu'il avait vissé sur son visage.

« Je sais que tu adores ça, au fond de toi, maman. » Il croqua dans sa pomme dans sans conviction, bien qu'il y mit du siens. Un mordant feint, convaincant. Un appétit qui n'était pas au rendez-vous, mais qu'il avait apprit à simuler. En réponse, elle força sur ses bras pour venir mettre une tape sur son bras.

« Je ne te permet pas, petit insolent. », elle le fixa d'une œillade complice derrière sa tasse, qu'elle prenait soin de tenir des deux mains. « C'est ton jour de repos aujourd'hui, n'est-ce-pas ? Tu devrais aller te promener, t'aérer, plutôt que rester enfermer avec ta vieille mère. »

Il haussa les épaules. Il n'avait pas de repos. De jour définit. Ce n'était qu'une succession de longues journées. Un peu plus à chaque fois. Toujours plus difficiles. Insupportables. Il avait à faire. Mais elle n'était pas obligée de le savoir. Elle n'en avait pas besoin. Moins elle était au courant de ses affaires et mieux il s'en portait. Mieux c'était pour eux.

« Tu as raison. Je vais aller me promener. Ça me fera du bien. », il lui sourit. Une fois de plus. Elle ne posa aucune questions. C'était prévisible. Elle respectait cette intimité qu'il avait prit soin d'imposer sur ce monde. Celui qu'il détestait, mais auquel il revenait toujours. Ironie qui fit naître la bulle d'une souffrance tranchante dans ses entrailles. Douce douleur. Belle amie. Des retrouvailles attendues, qui l'enfermèrent dans cette cage brumeuse de sinistres pensées. « Je passerais prendre ton ordonnance en revenant. Monsieur Aldelman viendra te voir dans l'après-midi pour s'occuper du jardin et veiller à ce que tu ne manques de rien. N'hésites pas à l'appeler si tu as besoin de quoi que ce soit. »

Lévine se releva, coinçant le plateau entre ses mains tout en énumérant le programme d'une journée déjà chargée. Il posa son fardeau dans l'évier. Une routine. Une boucle qu'il répétait encore. Et encore. Prendre l'éponge. Mettre du savon. Frotter. Rincer. Poser. Un schéma qu'il faisait chaque jour. C'était lassant. Mais nécessaire. Il ne savait pas combien de temps il continuerait. Un an. Deux. Trois. Ou plus. Une fourchette d'un extrême à l'autre.

« Je t'ai mit son numéro sur le réfrigérateur, avec celui des urgences. »

Il posa l'assiette sur l'égouttoir.

« J'ai appelé le cardiologue hier, il va nous renvoyer les résultats de tes examens dans la semaine. »

La tasse la rejoignit.

« Il ne t'a rien dit à ce sujet ? »

La cuillère.

« Seulement que je devrai reprendre rendez-vous le mois prochain. Quand on aura les résultats, j'appellerai pour le médecin. Il nous donnera plus d'explications. »

Le verre, juste au-dessus de la tasse.

« Monsieur Douglas a prit de tes nouvelles quand il est passé. »

Il se figea, le couteau à beurre enfoncé dans l'éponge. Un homme qu'il n'avait vu que deux fois. Le jour de son arrivée dans ce monde, plus supportable qu'une allée sombre. Et à l’hôpital. Après quatre coups de feu.

« Tu lui as dit quoi ? »

Il pinça les lèvres. Elle ne le voyait pas. Le couteau claqua contre le premier couvert.

« Que tu allais bien. Et que tu ressemblais de plus en plus à ton père. »

Une remarque innocente. Sans arrières pensées. Mais qui le foudroya. Un éclair qui avait tétanisé ses membres. Il vit flou. Rouge. Sa main se crispa sur le rebord en inox. Son père. Son père. Une main se posa sur son épaule. Grande. Doigts crochus. Souffle sur la nuque. Glacial. Gelé. Des frissons remontèrent le long de sa colonne. Il plia l'échine. Vaincu. Face à lui, il n'était rien. Un vers. Une tâche sur sa chaussure. Rien. Rien. Rien. Il susurra à son oreille. Voix caverneuse. Lointaine. D'outre tombe. Il ferma les yeux. Le plus fort qu'il le put. Il avait payé double. Une prestation exceptionnelle. Un client prestigieux. Il fallait qu'il soit parfait. La nausée monta. Grimpa le long de son œsophage. Une bile acide qui claqua contre ses dents. Il cracha, ne pouvant la contenir. Il sentait les mains sur ses hanches. Impérieuses. Dominatrices. Une bouche se plaqua près de son oreille, le souillant un peu plus de caresses interdites.  

La colère agita ses épaules. Il allait le tuer. Le faire souffrir autant qu'il en avait rit, s'en était délecté. Le souffle court, haletant, et le front luisant d'une sueur froide, c'est à peine s'il entendit les pas feutré derrière le comptoir.

« Lévine ? Mon chéri ? Ça ne va pas ? »

Il sursauta, s’extirpant des griffes d'un agresseur imaginaire. Les paupières papillonnantes, il ne su quoi répondre. Quoi dire. Revenir sur Terre. Il était à la maison. Loin du Lotus d'Or. Chez lui. C'était aussi là-bas. Putain.

« Si. Ça va, maman. C'est juste.. », il hésita, prenant le temps de rendre à sa voix un semblant de normalité. Elle ne devait pas savoir. Pas comprendre. « C'est l'acidité de la pomme. J'ai du mal à digérer. J'ai fini. Je vais rentrer à l'appartement et prendre une douche. », il posa l'éponge sur son support métallique. Il ouvrit le robinet en grand, et s'aspergea le visage. Puis, certains que son masque de bonne humeur tiendrait, il se tourna dans sa direction, lui offrant son plus beau sourire. Le plus faux. Le plus convaincant.

« Je la rangerai en revenant. Je devrai être là pour vingt heures. »

Elle lui sourit. Un sourire maternel. Sans artifices. Ça lui retourna l'estomac. Heureusement qu'il avait déjà recraché tout son contenu.

« Tu fais attention à toi. Je t'aime, mon chéri. »

Il ne répondit pas. Il hocha la tête. Lévine ne savait jamais répondre à ça. C'était bizarre. Au final, l'amour l'était. Passionnel. Platonique. Décidé par la naissance. Il était étrange. Il ne le comprenait pas. Il avait essayé. En vain. Peut-être ne pouvait-il pas aimer. Pas saisir cette émotion. Ce sentiment. Peut-être que oui, il ressemblait de plus en plus à son père.

***

Deux heures. Il lui avait fallu deux heures, pour enlever cette sensation de toucher sur sa peau pâle. Il avait frotté. Sans doute trop. Ses bras le brûlaient. Sur les côtés de ses ongles, de la peau manquée. Rongée par ses dents angoissées, terrifiées. Dans la solitude, le silence de son séjour, il l'avait entendu. Ils auraient pu converser. Échanger sur leurs handicaps sociaux. Mais il ne venait jamais pour ça. Un souvenir à vif, déchirant de réalisme, qui le mettait toujours dans cet état. Faible. Vulnérable. Sous son emprise. Sous le joug d'un souvenir. Il le détestait. Se haïssait encore plus. Il avait frappé. Beaucoup. Les coussins. Le mur. C'était pour ça qu'il avait du mal à tendre les doigts. Il l'aurait oublié, s'il n'avait pas du le faire pour se saisir d'un paquet, d'un sac cartonné. Plus blafard et les cheveux encore humides, il n'avait pas prit la peine de se parer de sa plus belle coiffure. Il ne verrait personne aujourd'hui. Aucun collègue. Pseudo ami.

Peut-être qu'il pourrait revoir son emploi du temps. Il voulait enquêter sur cette fille, cette nouvelle disparition. Il ne savait pas par où commencer. Où donner de la tête. Elle bourdonnait encore. C'était insupportable. Comme si des bêtes grouillaient dans sa boîte crânienne. Fourmillaient dans ses neurones déjà au bord de l'explosion. Ils sifflaient. Lui renvoyaient au visage son propre manque de contrôle. La migraine l'accablait. L'empêchait de réfléchir, de mettre bout à bout deux pensées cohérentes. Elle empirait. Un peu à chaque secondes. Autour de lui, ça hurlait. Ça criait. Si fort qu'il ferma les yeux à la caisse. Il voulait qu'ils se taisent. Que tous la ferme. Sa main migra sur sa tempe. Elle pulsait encore de son ascenseur émotionnel. De sa montrée en fureur, de la panique diabolique, à une chute douloureuse. Terrifiante. Un cerveau ne pouvait pas suivre. Un cœur non plus. Son organisme le suppliait, lui implorait un repos bien mérité. Une sieste. Une dose.

Oui, peut-être qu'il pouvait changer ses plans. Mettre fin à sa journée. La rendre plus courte. Distordre sa perception du temps par un produit qui aurait le mérite de l'arracher à sa pathétique existence. Rayer de sa liste les quelques substituts qu'il n'avait pas encore essayé. Tentant. La cigarette ne faisait rien. Il avait essayé à l'allée. La nausée avait enflé au rythme de ses inspirations répétées. Elle l'avait emporté. L'avait fait chavirer près du point de transplanage. Finalement, toute la pomme n'avait pas été évacuée. C'était désormais le cas. Il voulait une porte de secours. De sortie. Une fuite temporaire. Un replis. Tout était trop puissant. Fort. Il devait flotter. Suspendre sa descente infernale. Ralentir la vitesse de l'impact pour ne pas se briser en mille morceaux. Il allait en crever. N'était-ce pas ça qu'il voulait ? Agoniser comme un chien comme tout avait commencé ? C'était donc le moment ?

Sa vue tourna lorsqu'il bouscula un client. Un homme. Petit. Plus que lui. Le vieux barbu grogna, mécontent. Qu'est-ce-qui le retenait de lui en mettre une ? De le virer de sa route ? Rien. Pourtant, il ne bougea pas. Ne broncha pas devant son regard porcin. Son nez n'était pas droit. Il voulait le redresser. Il n'aimait pas que les choses ne soient pas ordonnées, symétriques. Ça le rendait malade. Sa maniaquerie s'infiltra, gonflant ses nerfs déjà sur le point de craquer, se déchirer. Il tremblait. Suffoquait. Il y avait trop de monde. Pourquoi était-il venu ? Pourquoi avait-il tenté cette folie ? Rapidement, il s'éloigna, cherchant à se faufiler. Fleury et Bott était surpeuplé. Il avait acheté quoi déjà ? Un livre qui traînerait sur sa table de nuit durant des semaines, des mois, avant que persuadé de l'avoir lu, il ne le range dans un carton. Un bouquin sur la gestion de la colère. Vaste blague. Connerie.

Il bascula à droite. Puis à gauche. Manège qui le crispa, l'assomma. De l'air. Il fallait qu'il s'éloigne. De tout. De lui-même. Il se sentait à l'étroit. Comprimé dans un corps trop petit pour contenir cet afflux d'émotions, de ressentis. Les vannes étaient pleines. Beaucoup trop. Plus que d'habitude. Et il ne voulait pas les évacuer. Il voulait que ça pète. Qu'il en finisse en beauté, en apothéose, les veines ouvertes de son ressentiment, de sa rancune, de son désespoir. Il réussit à sortir. Une bataille gagnée. Les joues qu'il pensait rouge, écarlate de son effort pour s'en extirper, il n'en fut rien. Blafard du front jusqu'au cou. Bleuit sur les phalanges et violacé sous des yeux devenus ternes. Un fantôme. Un cadavre. Un camé en manque d'espoir.

Il faisait frais. Mais pas assez. Le souffle, il laissa son regard errer, hagard. Où aller ? Que faire ? Il aurait dût rester chez lui. Imploser loin de l'attention. Mourir en silence. Et non en martyr sur le bord d'un trottoir. C'était ainsi que ça aurait du se passer. L'oubli. Il était toujours préférable de se pendre que de se faire sauter au gaz. Au moins, on emportait personne avec soi. Mais il n'était altruiste au point de croire qu'il en serait capable. Il voulait du spectacle. Du grandiose. Un fin digne de son début de pièce sordide. Tout ça pour ça. Une lutte de dix ans, pour ça. Il pouvait se sauver. Temporairement au moins. Un vaccin contre sa cruelle incinération. Une aiguille bourrée de sentiments enfouies. Une barrière contre cette douleur sourde. Lui hurlant au visage sa propre inutilité. Il devait s'en procurer. Et attendre qu'elle fasse effet. Qu'elle daigne le délivrer de ce reflet si déchirant.

Un choc le ramena sur Terre, loin de cette douce délivrance. Il tangua en arrière, se cogna contre une ou deux autres personnes, avant de parvenir à se stabiliser en accrochant ses doigts meurtris à la façade de la boutique. Un sifflement lui échappa. Colère. Douleur. Tout se mélangea, le faisant s'étouffer. De sa tête, tout avait migré. Tout s'était déplacé. Partout. Jusqu'aux bouts de ses doigts, de ses pieds. Des fourmillements désagréables. Un vertige insurmontable. Il ferma les yeux, s'échappant de la réalité, du présent. Quelques secondes. Qui suffirent à l'ancrer davantage dans son sac de nœuds émotionnel. Ne jamais faire ça. Il n'avait pas retenu la leçon. Tout tournait. Doucement, il posa son front contre son bras, qui reposait contre le mur en brique. Sourd, il n'entendit pas les mots d'une blonde confuse. Aveugle, il ne remarqua pas leurs articles mêlés, tombés au sol. Rien n'existait. Si ce n'est ce gouffre gigantesque s'étendant sous ses pieds. Cette galerie de miroirs qu'il était obligé de venir visiter. Ce terrible constat.

« Miss Gavril. Mister Serger. »

Une voix. Lointaine. Mise en sourdine. Comme s'il portait des bouchons d'oreilles. Il se força à respirer. Difficilement. Ça brûlait. Ça piquait. Une nuée d'aiguilles dans une poitrine comprimée. Il toussa pour les faire s'en aller, les évacuer. Rien n'y fit. Rien ne changea. Était-il réellement en train de tomber ? Il eut le réflexe de se mettre dos au mur, puisqu'il chuta. Lentement, pour finalement ne ressemblait qu'à une silhouette prostrée. Il ramena ses jambes vers lui, pour y accoler ses bras croisés, et la tête vers l'arrière ne faire qu'une chose : Respirer. Lutter contre cette souffrance lui paralysant les bronches. Une fournaise réduisant ses poumons en cendre. Les consumant.

« Aucune blessure, rassurez-moi ? »

Il eut envie de rire. De s’écaffer. Un ricanement sarcastique secoua ses épaules. Qui s'acheva sur un râle suppliant. Une pathétique comédie. Une tragédie shakespearienne des plus grotesques. C'était tordant. Il pouvait se moquer. Se tordre de sa faiblesse face à un adversaire qui saurait s'en souvenir, s'en servir. Pourquoi fallait-il qu'il tombe sur lui ? Entre tous ? Callaghan s'en serait amusée, aurait trouvé des prétextes pour rendre son quotidien encore plus invivable. Et lui, qu'allait-il faire ? Lui jeter au nez qu'il ne valait rien finalement ? Qu'il n'était pas aussi intéressant qu'il l'avait supposé pendant leur première rencontre ? Sûrement. C'était si drôle.

« Je suis au meilleur de ma forme, Monsieur Kayser. », répondit-il pour sa part, levant une main en salut et dédramatisation. Tout allait bien. Parfaitement même. Il ne sentait pas capable de se relever, mais mise à part ça, il se sentait en pleine forme. Son cynisme serra ses muscles. Piqûre de rappel. Il avait mit les pieds dans une cheminée, dont il était la bonbonne de gaz. Quel bordel.

« Et je suis désolé, c'est moi qui ne regardais pas où j'allais. Vous n'avez rien ? », cette fois-ci vers la blonde, qu'il daigna observer. Petite. Fine. Un teint de poupée. Comme beaucoup qu'il avait croisé là-bas. Elles étaient souvent choisit. Préférées aux autres. Il sourit. Un rictus difficile, un masque presque inexistant. Une courtoisie fausse. Hypocrite. Qu'ils le laissent pourrir là. Qu'ils s'en aillent. Il était bien là, au sol, comme un chien à lécher les pavés. Personne ne faisait attention à lui. Personne ne s'arrêterait. C'était bien ainsi.

« Vous avez sûrement pleins de choses à faire, mh ? Je ne vous retiens donc pas maintenant qu'on sait que tout le monde va bien. Au plaisir. » Sourire, toujours sourire.

C'était le nerf de la guerre. Et il continua. Il ne bougea pas, sauf pour détourner son visage de leur direction. Il ne voulait pas rajouter de la chantilly sur sa situation déjà merdique, ingérable. Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? Merde.

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Jeu 21 Mai 2020 - 14:53


Fièvre acheteuse Johann A. Kayser & Levine Serger & Delyla Gavril Elle venait de percuter quelqu'un par manque d'inattention. C'était typiquement le genre de situation qui la faisait se sentir cruche. Pas à cause des autres, mais à cause d'elle-même. Incapable de regarder où elle mettait les pieds, obnubilée par son envie d'achat, elle avait percuté quelqu'un. Un homme, qui semblait un peu plus jeune qu'elle. Ce n'était pas sa faute à lui. De toute évidence, le choc l'avait autant surpris qu'elle. Quelle idée de rentrer comme une furie aussi... Traverse était bondé de monde, les commerces l'étaient sûrement aussi, elle aurait pourtant dû se douter que des gens chercheraient à sortir. Ce n'était pas comme si elle n'avait pas fait d'autres magasins juste avant, elle savait à quoi s'attendre. Il fallait croire qu'elle n'avait pas commis de gaffe depuis déjà quelque temps pour que ce genre de situation arrive. Le problème était que ça venait d'engager quelqu'un d'autre dans cette situation, et qu'elle n'était pas vraiment friande d'embarquer les gens dans ce genre de moment gênant qui aurait facilement pu être évité si elle avait fait un peu plus attention au monde qui l'entourait. Ça lui servirait de leçon pour les prochaines fois.

Delyla s'était confondu en excuse, essayant de remettre de l'ordre dans les affaires qui étaient tombés, pour que le brun puisse récupérer les siennes qui s'étaient mélangées au reste dans la chute. Mais elle avait à peine eu le temps de faire plus de rangement qu'une voix l'avait interpellé, la faisant tourner et relever la tête pour voir de qui il s'agissait.

« Miss Gavril, Mister Serger. » 

Johann. Évidemment qu'elle le connaissait, et même depuis plus longtemps que ce que leur relation pourrait laisser penser. Une rencontre dans son pays natale, qui aurait pu s'arrêter comme tant d'autres. Mais il fallait croire que le destin avait décidé de croiser leur chemin de nouveau. Adorant son métier, elle avait été ravie qu'il lui confie ses commandes. Depuis, elle s'en occupait avec le plus grand soin, tout comme les autres commandes qu'on lui faisait. Chaque vêtement dont elle s'occupait était précieux à ses yeux, et elle faisait toujours de son mieux pour s'assurer de fournir un travail de qualité.

En moins de temps qu'il en faut pour le dire, il avait lancé un sort de rangement sur les marchandises, et tout s'était remis à sa place dans les sacs. La blonde se faisait la réflexion qu'elle aurait pu y penser, la surprise de la collision avait dû brouiller ses pensées. Elle avait accepté la main que le magizoologue lui avait tendu pour s'aider à se relever, le remerciant poliment d'un signe de tête. Même si la nécessité du geste pouvait paraître superflue, il restait agréable. En soit elle n'avait rien de bien grave, elle espérait surtout que la personne qu'elle avait percuté ne s'était pas fait mal, ou n'avait pas perdu de marchandise à cause de la collision. Mais Johann avait été plus rapide qu'elle pour poser la question.

« Aucune blessure, rassurez-moi ? » 

Elle avait laissé le jeune homme répondre en premier, remarquant qu'il semblait avoir été plus déstabilisé qu'elle puisqu'il se retrouvait assis par terre. 

« Je suis au meilleur de ma forme, Monsieur Kayser. Et je suis désolé, c'est moi qui ne regardais pas où j'allais. Vous n'avez rien ? »

Debout sur ses jambes, Delyla ne se sentait pas spécialement mal. Si elle avait pu ressentir une douleur quelconque, elle semblait déjà être passée, ou alors elle ne s'en rendait pas compte. L'avait-elle simplement ressentit ? Elle n'en était pas sûre, mais sûrement. Son cerveau avait probablement préféré l'occulter pour le moment à cause de la surprise.

« Plus de peur que de mal, je vais bien. Encore pardon, j'étais dans mes pensées et j'ai avancé trop vite, j'aurais dû faire plus attention avec toute cette circulation. »

Elle aurait dû, mais elle s'était laissé distraire par la vitrine. Enfin, plutôt par ce qu'elle contenait. 

« Vous avez sûrement plein de choses à faire, mh ? Je ne vous retiens donc pas maintenant qu'on sait que tout le monde va bien. Au plaisir. »

Cet ouvrage qu'elle avait impatiemment attendu, mais qu'elle patienterais pourtant à acheter. Il n'était pas plus important que le jeune homme qu'elle venait de percuter à cause de lui. Cet objet n'était là que pour satisfaire une envie capricieuse d'achat compulsif, et cette envie n'était pas plus importante que la sécurité des gens qui se trouvaient autour d'elle. Un objet pouvait attendre.

« Vous ne voulez pas d'aide pour vous relever ?»

Elle lui avait tendu la main, comme Johann l'avait fait avec elle un peu plus tôt. C'était par sa faute qu'il avait été déstabilisé, et elle ne voulait pas le laisser ainsi alors qu'elle fautive de son état. Quelle gourdasse, si seulement elle avait fait plus attention...
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Mer 23 Sep 2020 - 10:26
Fièvre acheteuseBuy. Resell. The entire Muggle world works with these simple, repetitive actions. They start again. Again. They never really stop. The wizards too. What makes us different, outside of our powers, in the end?
Samedi 07 octobre 1995,

Les mains du sorcier retrouvèrent rapidement le confort des poches de son manteau. Ses yeux, eux, restèrent cependant bloqués sur Levine qui ne se relevait pas. Si, au départ, l'homme s'était attendu à un nouveau plateau d'échec mental, il enfonça son envie au plus profond de lui pour l'oublier. Dans la manière de se tenir de Mister Auror, quelque chose clochait. Un homme de sa trempe, ayant pour habitude de se mettre en danger, aurait déjà dû se relever. Les chasseurs étaient habitués aux chocs, à la douleur, à la violence. C'était leur quotidien. De fait, normalement, ce n'était pas une petite collision involontaire qui les forçait à rester prostrés dans un coin.

« Je suis au meilleur de ma forme, Monsieur Kayser. »

La main qu'il releva trahit d'autant plus son état. C'était à peine perceptible, mais les mouvements étaient en saccade. Était-il seulement capable de se remettre sur ses jambes, à présent ? Et si ce n'était pas le cas, pourquoi se retrouvait-il dans un tel état ? Il ne pouvait pas croire que Delyla, avec sa carrure, pouvait en être l'unique cause. C'était inconcevable. Il y avait forcément autre chose. Une altercation ? Un sort ? Il devait en avoir le cœur net.

« Et je suis désolé, c'est moi qui ne regardais pas où j'allais. Vous n'avez rien ? »

Le sourire qu'il offrit ensuite renforça les doutes du magicozoologue. Il était évident que, s'il ne regardait effectivement pas où il allait, l'autre brun mentait. Sur son propre état. Il était dans une situation de faiblesse, mais préférait le déni à une aide qu'ils pouvaient lui apporter. Du déni, ou sa fierté. Johann détourna les yeux vers la blonde se trouvant également avec eux, dans une réflexion rapide. Il n'était pas lâche. Il préférait largement avoir des ennemis en forme. La victoire était ainsi bien plus gratifiante. Et s'il fallait qu'il remît lui-même sur pied son adversaire, il était prêt à le faire.

Ce ne serait pas la première fois, sans doute pas la dernière. Même si, avec lui, c'était quelque peu différent. Il ne parvenait pas encore à savoir s'il était un véritable danger, mais il était tout de même prêt à lui apporter une aide généreuse. Lui planterait-il un couteau dans le dos dès que l'occasion se présenterait ? Sûrement. Mais c'était cette possibilité qui lui donna d'autant plus envie de lui porter assistance, paradoxalement.

« Plus de peur que de mal, je vais bien. Encore pardon, j'étais dans mes pensées et j'ai avancé trop vite, j'aurais dû faire plus attention avec toute cette circulation. »

Se plaçant en observateur, Johann laissa les deux parler, sans intervenir directement. Observer, comprendre, agir ensuite. Gavril avait l'air parfaitement en forme. Il était certain que ses mots étaient sincères. Sur les deux qu'il venait de croiser, c'était déjà un début. Le doute devint une certitude, vis-à-vis de l'autre homme, quand lui reprit la parole à la suite de la couturière.

« Vous avez sûrement plein de choses à faire, mh ? Je ne vous retiens donc pas maintenant qu'on sait que tout le monde va bien. Au plaisir. »

Devant un danger, un animal sauvage avait deux solutions. L'attaque ou la fuite. Lors de leur première rencontre, il avait acculé Mister Auror, mais ce dernier ne s'était pas démonté, à aucun moment. Au contraire, il avait cherché par tous les moyens à retourner la situation à son avantage. En d'autres termes, il avait préféré la confrontation.
Ce jour-ci, à l'inverse, il abandonnait directement, cherchait à s'évader d'une situation inconfortable sans même chercher l'affrontement, ne serait-ce que pour la forme. La réflexion de Johann s'arrêta suite à ce fait. Avec ou contre sa volonté, le magicozoologue allait agir. Il ne restait plus qu'à définir comment.

« Vous ne voulez pas d'aide pour vous relever ? »

La blonde, s'approchant de sa victime involontaire, tendit sa main vers lui. Toujours en observateur, le trentenaire ne loupa aucun geste, aucune mimique, analysant la scène avec le regard d'un expert cherchant une faille. S'il était évident que la femme était totalement sincère dans son geste, il se demanda comment le plus jeune du trio allait le percevoir. Sur l'instant, il lui faisait penser à un chat sauvage, prostré dans un coin, sans maître, affamé, mais trop fier pour se rapprocher de l'espère pouvant l'aider. Allait-il siffler, cracher et sortir les griffes de façon métaphorique ?

Si la curiosité de Johann allait le pousser à attendre pour en avoir le cœur net, il préféra l'oublier. Ce n'était pas ainsi qu'il allait porter assistance. Il redevint l'un des acteurs de la scène se déroulant sous ses yeux en se rapprochant du duo. Sa comparse, après tout, ne méritait nullement un traitement agressif de la part du chasseur de mage noir, qui lui ne méritait pas d'être donné en spectacle devant les passants.

« Je vous offre un café, commença-t-il en se plaçant aux côtés de Delyla, ou la boisson de votre choix. »

À l'image de celle qu'il venait de rejoindre, il tendit lui-même une de ses mains, offrant ainsi un double appui possible à l'auror. Une manière bien à lui de lui faire entendre raison. Dans le silence qui suivit, jouant avec la force de l'habitude. Il reprit ensuite, sachant à l'avance ce qu'il dirait. Il devait le convaincre en douceur.

« Cette invitation vaut pour vous deux, bien sûr. »

C'était une façon comme une autre de porter sa main, lentement, jusqu'à sa cible. Lui faire humer l'air, son odeur, pour que l'animal s'assurât qu'il n'était pas un danger. La présence de Delyla offrait un armistice obligé entre les deux adversaires. Ainsi, Lévine pouvait saisir que cette entrevue ne se ferait que pour son bien, réellement. Du moins, Johann l'espérait.

L'Asiatique était encore jeune, mais le peu d'informations qu'il possédait sur lui et son passé avant Poudlard témoignait de sa véritable force. Néanmoins, il discernait déjà les affres d'une fierté trop forte, trop violente. C'était un danger constant pour tous les êtres humains. Le refus d'être aidé, d'accepter les mains tendues, pouvait amener à des catastrophes personnelles dont on ne se relevait pas. Il ne savait pas pourquoi il était dans cet état, mais il ne désirait pas le voir rester ainsi plus longtemps. Ce n'était pas dans ses principes que de laisser un homme dans le besoin, de l'ignorer, de le laisser agoniser dans un coin. Même quand il s'agissait de l'employé du gouvernement en charge de son dossier.

« Une boisson chaude ne pourra que vous faire du bien. »

Plus pour l'un que pour l'autre. Encore fallait-il qu'il acceptât, mais si ce n'était pas le cas, Johann avait une autre idée en tête. Dans tous les cas, il ne le laisserait pas ici plus longtemps, dans cette avenue, à la vue de tous. C'était hors de question. Tout comme il savait que, quand la demoiselle se rendrait compte de ce qu'il se passait à son tour, elle refuserait de le laisser aussi. Et si l'auror avait espéré pouvoir s'échapper facilement, il allait devoir comprendre que ce n'était pas pour tout de suite. Pas tant que le duo à ses côtés ne serait pas assuré qu'il était suffisamment en forme pour cela. Pas tant que Johann ne serait pas assuré qu'il pouvait le laisser partir l'esprit tranquille.
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Johann A. Kayser
Admin acerbe
Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Mer 7 Oct 2020 - 22:00
Fièvre acheteuse.Lévine & Johann & Delyla
J'arrive au bord du lac, j'aimerai bien que tu sois là. C'est juste un endroit à moi, j'aimerai bien que tu le vois. Avant la nuit, on va au paradis. Je me sens bien, ici, je me souviens, de toi même sous la mitraille. ( Le lac → Indochine ) ••• Le sol était dur. Des dalles s'entassant comme des dominos, un enchevêtrement instable, sans connivence, sans logiques. Des briques collées les unes aux autres, entaillant ses cuisses, ses paumes de leurs railleries véhémentes, de leurs rires fantasmés, imaginés, détournés par ses tympans tendus, déchirés par le vide. Par l'angoisse. Par les regards en coin. Par le jugement. Par leurs pas ralentissant à son approche. En passant. Ils le dévisageaient. De la pitié. De la compassion. De l’intolérance. Des hypothèses. Des murmures. Des chuchotements au voisin. À la voisine. À la sœur. Au frère. À la fille. Au père. Comme devant un clochard, devant sa pancarte, devant sa coupelle, ses réclamations, ses suppliques. De la curiosité. Et ce soulagement, celui de ne pas être à sa place. De ne pas crever de faim, de soif. De ne pas connaître le froid. La peur. Les ombres. La nuit. Les coups. Le goût du sang. De la rage. Du désespoir. De cette envie de hurler. De crier. De frapper jusqu'à s'en briser les poings, les os, le dos, l'espoir.

Lévine se mordit la lèvre en observant le large de panel de jambes, de menton relevé, lui offrant sa position. Comme un chien. Comme un chat errant. Comme un clodo observant le monde d'en bas, de sa juste place. Des pieds de ses détracteurs. De ses gentils-hommes se pensant à l'abri, sans le besoin, sans la honte, l'humiliation de lécher le sol, leurs miettes. Les grains de leur réussite, de leurs pièces cognant dans leurs poches, dans leurs belles robes luxueuses. Tout semblait si lent. Leurs démarches. Leurs sourires. Leurs sacs fendant l'air. Leurs achats léchant la toile, le papier de leur richesse. Leurs rires, qui lui parvenaient comme un écho sourd. La tête sous l'eau. La tête dans le gaz. Assommé par le shoot d'une morphine falsifié. Par un opium qu'il se serait bien enfilé. Ou qu'il aurait voulu leur faire avaler. Comme des couleuvres. De la comédie. De la poudre aux yeux.

Tout va bien, eut-il la force de dire. Sa main tremblait. Un rappel à sa chute. À sa faiblesse. À son déni. À cette petite voix le conformant à la normalité. Au paraître. À ses obsessions. Ses concessions. Ses obligations. Ses doigts se tendirent. Sans craquer. Sans faillir. Un salut bref. Une envie de partir. De courir à toutes jambes en sens inverse. À se relever pour ne plus jamais voir leurs visages. Ne plus se souvenir de leurs noms. De cet instant. De cette vulnérabilité lui jetant une pierre dans l'estomac. À cette sueur glacée coulant le long de sa colonne, de ses muscles contractés, prêt à exploser. Peine perdue. Comme des chaînes à ses chevilles, le forçant à contempler la rive. L'océan désolé de ses craintes, de ses vices enfouis. Un plongeon. Piquer une tête. Sous l'encouragement d'une enclume pour rejoindre les squelettes de ses démons, de ses secrets, de ses silences. Ce serait tordant. Ce serait hilarant. L'eau lui enflammerait la poitrine. Son cerveau imploserait. La douleur serait atroce. Abominable. Insoutenable.

Ce qu'il voulait. Sentir la souffrance l'irradier. Qu'il crie grâce. Demande pardon. Supplie pour respirer. Pour se contenter d'une seconde. D'une inspiration. Pour trouver le courage de nager. De remonter. De se débattre. Pour accepter de voir le ciel. Une éclaircie passagère. De combattre pour continuer. Et être soulagé d'être encore en vie.

Pourquoi parler ? Pourquoi nier ? Par fierté. Par habitude. Par envie ? Peut-être. Par facilité ? Sûrement. C'était simple. Mentir. Il le faisait tous les jours. S'entraîner devant son miroir. Faisait face à son reflet véritable en lui souriant. En le rassurant d'une esquisse travaillée. C'était du travail. Un fardeau à porter. Une croix sur les épaules. Une cape dans laquelle se draper. Le drapeau blanc de l'abandon. Le rouge de la colère, de la foudre, des champs de bataille, du devoir. Le noir des mauvais jours, du café fumant dans une tasse. Le vert d'une écharpe, d'une maison, d'un déchirement, des larmes, des croches pattes. Des souvenirs comme des tâches, comme de l'encre sur ses habits, sur sa peau diaphane. Comme un livre toujours raturé, pas totalement ouvert, entrouvert sur le passé. Pas l'avenir. Hier. Jamais de lendemain. Des failles craquelant son masque de circonstances. Son assurance qui s'épancha en méfiance, en agressivité.

Qu'ils dégagent, pensa-t-il, en enfouissant son visage dans ses bras. Il pouvait attendre là. Encore un peu. Le temps de dormir. Le temps de vomir. Le temps de mourir.

« Vous ne voulez pas d'aide pour vous relever ? », une interruption, une erreur. Il releva ses iris sur elle. Cette blonde. Cette main tendue. Cette aide proposée. Cette question qui lui arracha un rictus, une grimace incontrôlable.

Les insultes se bousculèrent contre ses dents. Violentes. Fortes. Une tempête rayant son émail de sa langue, de son sifflement contenu. Enfermé dans sa gorge. Il n'avait pas besoin d'elle. D'eux. De son aide. De sa clémence. De sa bienveillance. De sa sincérité. De ses intérêts. Il voulait qu'elle se taise. Qu'elle les imite. Qu'elle rejoigne cette foule d'idiots, d'aveugles, d'imposteurs. Qu'elle le laisse. Qu'elle s'esclaffe sur son sort. Qu'elle se moque. Qu'elle s'arrache ses cordes vocales de la lime de son double jeu, pour continuer à marcher dans l'ombre de l'inconscient collectif. Après son refus, elle redeviendrait le mouton d'une bergerie lui donnant la nausée. Les bien-pensants d'un monde tordu. La conformité des codes sociaux. De la norme. Et il ne serait plus qu'une gomme mâchée sous son talon. Le spectacle pathétique d'un égaré, d'un marginal se plaisant à souiller la rue de son incompétence, inconstance.

« Je n'ai pas besoin de votre pitié. », une réponse qu'il n'entendit pas lui-même, comme s'il ne l'avait formulé qu'intérieurement. Peut-être pas. Ses pupilles se dilatèrent. La lumière lui faisait mal. Peu importe. Tout le faisait souffrir. Son crâne. Bouger. Cligner des yeux. Parler. Rester éveiller. Être encore là. Présent. Et quelque part absent. Être coincé. Être bloqué. Scindé en deux.

L'envie de la frapper le traversa. De balayer ses fausses intentions d'un revers. De son bras. De sa hargne. De sa fièvre brouillant ses signaux. Ses SOS lancés dans le vent. Cachés de leurs vues. De la sienne aussi. Cette demande inaudible. Que quelqu'un me sorte de là, implorait-t-il, quelque part, reniant l'évidence, un instant, une seconde. Il ne serait pas sauvé. Pas de salut. Pas de pardon. Pas de rédemption. Rien que le feu. Rien que les flammes. Rien que les larmes. La colère laissa une odeur de brûlé, de cigare, de cendres abandonnées dans un cendrier. Effluves de tabac froids. De Brandy dans un verre en cristal. D’encens sur les draps, les rideaux, les oreillers. Le jasmin. Le lotus doré sur les murs, les lustres. Une image résiduelle. Le blé disparu de sa vision. Le noir colora ses mèches. Ses pommettes s'affaissèrent. L'amande de ses paupières se dessina. L'onyx dans un écrin fixe. L'insécurité dans une posture courbée. Les traits d'une silhouette oubliée. D'un fantôme l'ayant bercé de ses chansons stridentes, de ses coups de fouets silencieux. Le ventre rond d'une erreur, d'un monstre, du diable déformant son corps. Le rejeton de l'être honni. Aussi craint de la joie droguée de ses victimes, qu'une marque marbrant le ciel.

« Je suis désolé. », formula-t-il. Pour elle. Pour cette femme qu'il aurait voulu connaître, reconnaître dans le flou de sa mémoire. Une voix perdue. Des mots encore attachés à son être, à sa croissance foireuse. Comme une vie gâchée. Une jeunesse brisée. Un bout de papier froissé que l'on envoie dans la corbeille, sans plus se préoccuper d'une écriture qui s'effacera un jour. Il avait été la plume. Le poignard l'acérant sa chaire de son arrivée, de son nom. Le centre d'une feuille vierge. Les lignes carmins d'une rayure, d'une coulée de vin sur le grimoire de ses espoirs.

« Je suis désolé. Je.. Je ne voulais pas dire ça. », reprit-il après quelques secondes de silence.

Il voulait encore la voir. Qu'elle ne le quitte pas. Pas encore. Il cligna des yeux, battit des paupières frénétiquement pour se souvenir, retracer avec exactitude l'amour qu'il avait pensé lire, une fois, dans l'ocre de ses œillades, dans cette main levée vers sa joue. Dans cette caresse claquant de cette tendresse lui laissant une rougeur. Une marque indélébile. Va-t-en, qu'elle lui avait hurlé à pleins poumons, avant de s'effondrer, s'effriter comme une vieille tapisserie, un tableau partant en lambeaux. Qu'elle était belle. Qu'elle était forte. Avant lui sans doute. Avant le russe de son prénom, de son identité, de ses gênes dévorant ses résolutions. La lâcheté. La fuite. L'arrogance. Le narcissisme. L'égocentrisme. Grandir. S'épanouir. Chuter. Se relever. Ramper. S'excuser. Recommencer. Encore. Et encore. Le sang ne ment jamais. Il ressort toujours. Comme les animaux. Un sang mauvais, et il fallait tuer toute la portée. Effacer les traces d'un handicap, du sadisme, de la folie.

L'ébène s'envola, se détacha de ses cils, de ses pensées. Une fleur emportée par le vent, par l'orage, remplacé par le champ bienveillant d'une Italie lointaine. Perdue. De nouveau écrasée par l'instant, le moment présent, l'inéluctable et implacable réalité. Elle n'était pas là. Elle ne pourrait plus jamais l'être. Une hallucination. L'esprit malade d'une insomnie. De la pluie sur le jardin. De ses cauchemars. De son incapacité à se relever.

« C'était idiot. Puéril. Et idiot. », répéta Lévine, en appuyant sur son dernier mot. La culpabilité fendit son faciès d'une esquisse difficile, tremblante. Il renonça à sourire. Pour une fois. C'était ridicule. Une vaste farce, où il incarnait le clown. Le monochrome d'un maquillage triste, défait. Pourquoi continuer ? Pourquoi s'acharner ? C'était risible. Alors, il amorça un ricanement. Le deuxième secouant ses épaules, son torse d'une respiration hachée. De son hilarité face à la situation. Lui au sol. Eux parfaitement immobiles. Une cible sur le front. Celle le dissociant de la vipère ayant empoisonné le verre d'un criminel. D'un nom sur un dossier.

« Je vous offre un café, ou la boisson de votre choix. », fit celui dont les menottes n'étaient qu'un tatouage, un dessin sur l'impossible, sur des pistes menant à des culs-de-sac, des impasses, du vrai et faux, dont le sac de nœuds lui donnait la migraine. L'énigme de sa carrière. De sa vie. Un peu. Le désir de cogner. De refuser. De se prostrer dans son mal-être. Et celui de tendre les bras. Derechef.

Comme avec Stanilas. La confiance. L'éclat d'une complicité. D'un cessé le feu. La trêve de deux camps se retrouvant en terrain neutre. Ses intestins se tordirent sous la poigne de l'émotion, ployant l'échine sous l'insistance de son regard, de sa pause caractéristique. De son charisme magnétique. Un pôle positif, fleurtant avec le négatif de sa position. De sa vulnérabilité.

« Cette invitation vaut pour vous deux, bien sûr. », une précision qui éluda l'hypothèse d'un tête-à-tête. D'une nouvelle partie d'échec. De sous-entendus. De non-dits. De lames entre deux côtes, sous le prisme d'une enquête en règle.

Elle était leur arbitre. La garante d'un dialogue sans carnage. Sans bain de sang. Plus tard. Oui, plus tard. Ils reprendraient. Il lui ferait goutter à la terre de sa défaite. À l'amer goût d'un meurtre, d'une exécution. Une tête roulant sur le sol. Un échafaud. Un public déchaîné. Et eux. Eux deux s'émerveillant de la haine, de la splendeur d'un duel au sommet. Deux rois. Deux joueurs défiants le monde. Les convenances. Comme l'ultime doigt d'honneur à leurs vies tumultueuses. L'agonie. La souffrance. Les roses blanches se figeant d'un rouge saisissant.

« Une boisson chaude ne pourra que vous faire du bien. »

Ou une bouteille. Ou deux. Trois. Quatre. Cinq. Une cave à vin. Un fut de bière. Les placards des pays froids. Le foie ouvert d'un ivrogne se réchauffant durant l'Hiver. Pour s'y baigner. Oublier. Tout oublier. Ses bras quittèrent ses genoux relevés. Doucement. Lentement. Encore indécis. Incertain de ses gestes, de ses membres. La moiteur glacée de ses mains empoigna l'appui proposé. Des phalanges détruites. Jaunies de ses horreurs, de ses élans émotionnels. Ses jambes plièrent. S'armèrent d'un effort. Il se soutenu à eux. Une seconde. Peut-être une trentaine. C'était chaud. Un contact agréable. Pour une fois. Pas comme elle. Pas comme une agression, un étranglement. Il n'avait pas besoin de leur pitié. Mais quelque part, secoué par le manque de sommeil et les paroles résonnant en lui, l'angoisse d'une étreinte indésirable se fit plus diffuse. Inexistante.

Et voilà que comme un chien. Il demandait des caresses. Bordel.

« Ok... », concéda-t-il en ramenant ses bras le long de son corps, puis croisés sur sa poitrine, les enroulant autour de lui. Il avait froid. Terriblement. Se lavant dans les profondeurs d'un lac gelé. « J'accepte le verre. Ou autre chose. », il détourna les yeux, incapable de faire face à cette inquiétude qui combla le vide de sa solitude. De sa souffrance. Un peu. Pas trop. Il s'autorisa à y croire. Jusqu'à ce qu'il se retrouve seul. Encore.

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Mer 28 Oct 2020 - 21:49


Fièvre acheteuse Johann A. Kayser & Levine Serger & Delyla Gavril Un geste banal pour elle, qui avait souvent tendance à plus prendre soin des autres que d'elle-même. Une main tendue vers celui qui en avait besoin, là où tant d'autres ne se serait probablement pas arrêté. Un geste qui devenait rare, apparaissant comme péjoratif à ceux qu'on en faisait bénéficier. Rajouter à cela une forme de honte, et le refus ne se faisait, généralement, pas attendre.

« Je n'ai pas besoin de votre pitié. »

La main toujours tendue vers le plus jeune, Delyla n'avait pas bouger. Comme si elle n'avait pas entendu. Elle ne savait pas ce qui s'était passé dans son cerveau à ce moment-là. Juste qu'elle n'avait pas bouger. À sa place, bien d'autres auraient peut-être retiré leur main, vexée de la remarque, comme si elle les avait brûlée. Puis, après tout, elle ne le connaissait pas ce type. Celui-là même qui refusait son aide, qui rejetait sa main tendu d'une simple phrase, qui semblait préférer la dureté du pavé plutôt que la hauteur de ses jambes. Mais elle n'avait pas bougé. Tu ne le connais pas, avait – elle pensée. Mais ce n'est pas une raison. Parce qu'elle ne le connaissait pas elle ne pouvait pas le juger. À sa place, dans sa situation, comment aurait-elle réagi ?

« Je suis désolé. »

Un renversement de situation. Elle n'était pas sûre de l'avoir espéré. Ou peut-être que si, inconsciemment. Qu'il se rende compte qu'elle ne venait pas en ennemie. Qu'elle voulait simplement l'aider à sortir d'une situation délicate, inconfortable. Situation qu'elle avait provoquée. Tout ce monde qui passait… Une foule compacte, étouffante, oppressante. Il n'avait pas à souffrir de leur présence, de leur jugement. Une chose qu'elle n'aurait pas supportée. Alors, elle comprenait. Du moins, si tel était le point de vu de cet inconnu aux yeux noirs qu'elle avait déstabilisé. Elle qui n'était, pourtant, pas si épaisse que ça.

« Je suis désolé. Je.. Je ne voulais pas dire ça. C'était idiot. Puéril. Et idiot. »

La main toujours tendue, elle avait souri, avant de secouer la tête de droite à gauche. Déjà oublié. Balayé d'un revers de compréhension. Comme si sa première phrase n'avait jamais existé. Rejoint par Johann, la demoiselle avait l'espoir que le plus jeune (du moins le paraissait-il) comprenne que leur présence ne se voulait pas agressive.

« Je vous offre un café, ou la boisson de votre choix. Cette invitation vaut pour vous deux, bien sûr. Une boisson chaude ne pourra que vous faire du bien. »

Une invitation à la tranquillité d'un lieu qu'on imaginait conviviale. Le réconfort d'une boisson qui apaiserait leurs sens, et réchaufferait leur corps engourdit par le froid naissant. Ça ne pouvait pas leur faire de mal, en effet. Cette perspective ne déplaisait pas à la demoiselle, qui attendait de connaître l'avis du jeune concerné. Comme il attrapait les mains qu'ils lui tendaient, la demoiselle avait resserré sa prise. Pour lui offrir un appuie, une stabilité suffisante, qui lui permette de se relever, sans pour autant lui faire mal en serrant trop fort. Elle avait relâché son étreinte lorsqu'il n'en avait plus eu besoin.

« Ok... J'accepte le verre. Ou autre chose. »

L'offre de Johann semblait avoir eu plus d'effet. Probablement que, sans sa présence, les choses auraient été différentes. Delyla ne savait pas quel lien les unissait, mais elle avait comprit qu'ils se connaissaient et elle se disait, sans doute bêtement, que cela devait être suffisant pour faire pencher la balance. Ou que la simple présence du professeur avait quelque chose de plus. Ça existait après tout.

« Je vous laisse le choix du lieu. Surprenez – moi. »

Une façon à elle de laisser entendre qu'elle acceptait également l'invitation.
:copyright: Justayne
Delyla Gavril
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Delyla Gavril
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Lun 9 Nov 2020 - 18:43
Fièvre acheteuseBuy. Resell. The entire Muggle world works with these simple, repetitive actions. They start again. Again. They never really stop. The wizards too. What makes us different, outside of our powers, in the end?
Samedi 07 octobre 1995,

« Vous ne voulez pas d'aide pour vous relever ? »

Parfois, Lévine Serger lui faisait penser à un chat. L'animal pouvait démontrer des troubles névrotiques, les partageant avec son cousin le lion, pour ne citer que lui. Il pouvait réclamer des caresses, miauler pour en obtenir jusqu'à rendre fous les humains. Puis, sans que rien le laissât présager, il pouvait se mettre à attaquer farouchement, lacérant les bras de la personne qui, initialement, lui offrait ce qu'il désirait. Ils pouvaient se montrer particulièrement calme et patient, puis la seconde d'après sortir les crocs, les griffes et crachait sur tous ceux qui souhaitaient l'approcher.

« Je n'ai pas besoin de votre pitié. »

Un grognement sincère, un sifflement venu des entrailles de son être. Comme ces félins, alors même que certains gestes pouvaient démontrer qu'il réclamait une aide, il la rejetait la seconde d'après. Comme si ses émotions se battaient les unes et les autres à l'intérieur de lui, se cognaient sans parvenir à se stabiliser. Qu'avait-il bien pu vivre, dans sa vie, pour se retrouver incapable d'être stable à ce niveau-là ? Johann se le demandait sincèrement, mais il ne pouvait pas non plus se permettre de le lui demander de but en blanc. Ce serait un travail de longue haleine, il n'en doutait pas. Un travail qu'il ferait sans se soucier du temps qu'il lui faudrait, car malgré les nombreuses rencontres avec d'autres chasseurs par le passé, il était bien le seul à avoir piqué sa curiosité de la sorte.

« Je suis désolé. »

Un virage aux degrés si soudain que ce n'était pas quantifiable. Le plus jeune, se rendait-il compte de la faiblesse qu'il laissait entrevoir en se comportant de la sorte ? Le professeur en doutait. Durant leur première entrevue, Lévine lui était apparu comme une personne intelligente, observatrice et particulièrement dangereuse. Aujourd'hui, bien qu'il ne pouvait nier que le sous-estimer serait une grave erreur de sa part, il démontrait un tout nouveau visage.

« Je suis désolé. Je.. Je ne voulais pas dire ça. »

Le visage d'un homme désœuvré, perdu dans le désert de sa propre solitude, incapable de trouver ou retrouver une oasis où il pourrait, enfin, se reposer. Mister Auror dévoilait, à travers ses mots, son expression, son regard troublé, les prémisses de réponses. Des réponses qui, bien sûr, n'apporteraient que de nouvelles questions. Quel était la tragédie qu'il avait vécu ? Qu'avait-il subi ? Pourquoi se retrouvait-il, encore aujourd'hui, être la proie de ses propres sentiments contradictoires ?

« C'était idiot. Puéril. Et idiot. »

Ou était-ce un océan dans lequel il se noyait ? Incapable de sortir la tête de l'eau à cause d'une tempête, entraîné par le fond malgré ses efforts pour remonter à la surface, avait-il l'impression de mourir à petit feu chaque jour ? Avait-il la sensation d'être comprimé de toute part, sans la possibilité d'offrir l'oxygène nécessaire à ses poumons ? Espérait-il pouvoir, enfin, respirer à nouveau ?

Tous ces questionnements amenaient toutes à une seule interrogation. Pour le magicozoologue, la plus importante de toute : pouvait-il l'aider ? Avait-il les capacités pour le sortir de sa situation ? Pour lui faire reprendre goût à une vie qu'il avait l'air de ne plus tant apprécier, en dehors des moments où le prédateur se faisait traqueur ? Pouvait-il être une bouée de sauvetage, une bombe d'air ou encore une source d'eau pour lui éviter l'assèchement ?

Pour le savoir, Johann n'avait pas beaucoup de solution, si ce n'était d'essayer. Ce fut précisément avec cette idée en tête qu'il s'installa à côté de Delyla. Ce fut dans cet unique optique, se moquant des passants et de leurs regards, de leurs jugements, qu'il vint tendre sa propre main à l'Asiatique. L'Allemand possédait de nombreuses casquettes - ou béret, aurait dit Aaron -, mais s'il devait en choisir une dont il était particulièrement fière, c'était celle qui le poussait à aider son prochain. Celle qui l'empêchait, comme beaucoup, de détourner les yeux quand il voyait la misère à ses pieds. Celle qui le forçait à se mouvoir, à retrousser ses manches et à proposer des solutions ; cela même s'il devait mettre lui-même les mains dans un puits d'excréments sans fond.

« Je vous offre un café, ou la boisson de votre choix. »

Miroir d'une couturière blonde, il tendit une de ses mains, offrant à son nouveau protéger le double appui dont il avait besoin. S'il devait le porter lui-même sur son dos pour le faire avancer, quitte à y perdre quelques morceaux, il pouvait bien se le permettre. D'autant plus que Kayser n'avait pas choisi sa voie par hasard et qu'il était déjà prêt, depuis bien des années, à y laisser des plumes.

« Cette invitation vaut pour vous deux, bien sûr. »

C'était une façon de limiter les hypothèses que le jeune adulte, encore au sol, aurait pu faire. La présence de Delyla forçait une trêve, un cessé le feu obligé dans de telles conditions. Un armistice que le trentenaire n'aurait peut-être plus l'intention de briser, car le spectacle qu'il voyait aujourd'hui ne lui donnait pas envie de détruire l'acteur. C'était l'inverse qui se faisait ressentir, une envie profonde de l'aider, de l'amener à prendre conscience de ses réussites, de le pousser à renouveler ces prouesses. Quitte à être une victime collatérale de sa propre décision.

« Une boisson chaude ne pourra que vous faire du bien. »

Bien que rien ne pouvait le laisser présager, l'émotion submergea le zoologiste quand Lévine accepta d'attraper les mains tendues. C'était une victoire dérisoire, mais aussi une promesse. Malgré les barrières, les barrages consolidés dans l'esprit du plus jeune, il était atteignable. Et cela ne manqua pas de ravir l'enseignant, sans que lui-même ne parvint à comprendre pourquoi.

« Ok... J'accepte le verre. Ou autre chose. »

En parfaite synchronisation, les deux trentenaires tirèrent sur les bras de l'auror. Ce dernier fut remis sur ses pieds et, comprenant qu'il avait besoin d'un temps pour se stabiliser, Johann ne lâcha pas immédiatement sa main. Il ne le fit que quand il fut certain que Mister Serger pût rester sur ses pieds sans risquer une nouvelle chute.

« Je vous laisse le choix du lieu, dit la couturière. Surprenez–moi. »

L'un comme l'autre, à leurs manières, acceptaient son invitation. Et c'était précisément ce qu'il avait attendu. De cette façon, tout en garantissant une entente cordiale entre tous, il allait pouvoir permettre à chacun de se reposer quelque temps. Ce ne serait que quelques minutes, sans doute, mais des minutes parfois essentiels pour parvenir à se remettre d'un choc ou d'un trouble.

« Le choix est déjà fait. Suivez-moi. »

Il ne chercha pas à étaler plus que de raison ses pensées. Prenant la tête du cortège, de façon à pouvoir pousser les passants qui auraient le malheur de se mettre en travers de leurs chemins, l'instituteur les guida et remonta le Chemin de Traverses jusqu'à parvenir jusqu'au portail. L'If de nouveau dans ses mains, il tapota les briques dans l'ordre adéquat et ouvrit le passage vers la cours arrière du Chaudron Baveur.

Cependant, et bien qu'il salua le gérant en passant, il ne s'y arrêta pas et traversa l'auberge sans s'y arrêter. Ainsi, quelques minutes seulement après l'acceptation des deux autres adultes de le suivre, ils se retrouvaient maintenant tous dans le Londres Moldu.

Peut-être connaissait-il déjà l'existence de l'adresse qu'il visait. Peut-être n'en avait-il jamais entendu parler. Johann ne le savait pas et ne chercha pas spécialement à connaître ce détail. Il savait que nombreux était les membres des forces de l'ordre du monde magique à se rendre dans cet établissement.

Un pied de nez assez amusant pour sa part, car il s'agissait en réalité de l'une de ses possessions. Cependant, les personnes qui s'y rendaient ne faisaient jamais le lien avec lui, ses activités illégales, et l'endroit. Le pourquoi était simple : son nom n'apparaissait sur aucun registre, sur aucune fiche et les transactions jusqu'à son compte en banque ne passait que par Gringotts et les gobelins. Des créatures incomprises, mais qui, si l'on s'en faisait des alliés, se révélaient aussi loyale qu'Helga Poufsouffle elle-même et aussi retors, dans le bon sens du terme, que Salazar Serpentard en personne.

Quand, après un bon quart d'heure de marche, Johann poussa les portes de L'Edelweiss, il fut immédiatement accueilli par le sourire ravi de Chiyo Matsushime, la tenancière et anciennement Ayaka Kimyona ; une quarantenaire charmante aux traits asiatiques, qui se révélait être un atout précieux pour ses activités extra-scolaires.

Sans un regard pour les deux personnes qui l'accompagnaient toujours, il se rapprocha du comptoir et se pencha en avant pour murmurer quelques mots à la femme. Celle-ci hocha la tête, fit signe à un homme de surveiller la porte - pour éviter qu'un client pût partir sans payer - et quitta son poste. D'un geste, elle les invita à la suivre et les guida à travers un dédale de couloirs et de portes, jusqu'à arriver devant l'une d'elle. Là, elle sortit une clef et déverrouilla l'endroit, pour les laisser s'y installer. La seconde d'après, elle avait disparu, reprenant ses propres activités.

La pièce, qui se trouvait être un salon privatif, était spacieux. Au centre se trouvait une table pour jouer à divers jeux d'argents. Au fond de celle-ci se trouvait des sofas où ils pourraient à loisirs s'installer. Enfin, non loin de leur position actuelle se trouvait un bar. Bar vers lequel Johann se dirigea dès qu'ils furent seules pour s'improviser comme barman - talent qu'il possédait vraiment -, désignant les tabourets qui se trouvaient devant le meuble pour ses invités.

« Ici, nous serons tranquilles, dit-il avec un léger sourire en coin des lèvres. Qu'est-ce que je vous offre ? Et soyez imaginatif, Chiyo possède à peu près toutes les boissons qui pourraient vous faire envie. »

D'un mouvement, Johann retira son manteau et déposa ses achats, ne gardant que sa chemise dont il retroussa les manches. C'est avec un regard interrogateur qu'il attrapa trois verres, démontrant qu'il connaissait le lieu comme s'il était chez lui.
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Johann A. Kayser
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Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Mar 10 Nov 2020 - 16:20
Fièvre acheteuse.Lévine & Johann & Delyla
J'arrive au bord du lac, j'aimerai bien que tu sois là. C'est juste un endroit à moi, j'aimerai bien que tu le vois. Avant la nuit, on va au paradis. Je me sens bien, ici, je me souviens, de toi même sous la mitraille. ( Le lac → Indochine ) ••• Debout, tout lui sembla petit. Comme un oiseau sur le haut d'une branche surplombant le monde, les plaines. Minuscule et effrayant. Puis en un coup d’œil circulaire, en un changement de paradigme, il se retrouvait souris entourée de géants. Hagard, Lévine regarda autour de lui, accrochant la pointe des chapeaux à plumes, soucis d'une extravagance toujours plus grande. Une course à la fantaisie, à l'importance d'un style criard et affriolant. Il ne sentait plus ses jambes. Il faisait froid. Il se força à inspirer, calquer ses palpitations sur les sursauts de ses épaules, se concentrer sur les battements sourds rebondissant sur ses tempes, se cognant comme une boule de billard contre ses tympans. Les résidus de la panique, de l'angoisse, des nerfs aiguillant sa peau d'une morsure glacée, il se surprit à trembler, à grelotter des dents, des membres. 

La hanse d'un sac cartonné entre les doigts, il superposa son attention diffuse, volatile sur la foule. Sur la boue compacte s'esclaffant dans des rires, des sourires, des notes haut perchées qu'il n'entendait qu'à moitié, la tête dans un bocal dont il ne parvenait pas à faire totalement le tour. Son autre main accrocha son coude dans une posture droite, enserrée d'une affection solitaire, la nuque contorsionnée d'un côté, puis de l'autre dans une tentative vaine de compréhension des sons, des images, de toutes ses informations qui fusaient, en étoiles filantes, en sable, entre le coutelas de ses pensées. Si précieuses. Si rapides. Si fluides. Si oubliables.

Une seconde, tout était présent. En un souffle, plus rien n'existait. Ni eux. Ni lui. Ni les conflits. Ni la bataille intérieure le condamnant à coups de colère, de rage, de revanche enfantine et inutile. Ni sa fierté de ne pas accepter l'appui, la béquille temporaire d'un verre, d'un alcool fort, la discussion d'alliés de circonstances. Ni son devoir de se fendre d'un sourire, d'un masque sans importance, sans foi. Ni cette irrésistible envie de voguer, de courir sur les rebords d'une corniche, d'une rambarde métallique, sous la houle d'un fleuve qu'il pourrait rejoindre dans un saut, d'un plongeon. Un battement, et il revenait, sortait la tête de l'eau, de la glace de ce démon l’acérant ses cuisses, ses poignets et ses poings de ses pulsions autodestructrices. Une seconde, et il s'évadait dans les méandres de cette cacophonie sonore faisant vibrer ses ongles contre sa manche. Les basses à fond dans les oreilles, les poumons surchargés d'oxygène, d'un cri perdu dans les plis de sa gorge.

Il ne prêta pas acte aux paroles de la blonde dont le nom lui échappait, bien que ses tatouages, délicats dessins, dansaient devant sa rétine, se mêlant dans une hallucination épuisante, aux capes et expressions de ces êtres lointains. Comme de la fumée engluant ses cils d'une somnolence hypnotique. Un pendule pointant ses insomnies chroniques, ses abus, ses limites sans cesse repoussées, détruites de ses obsessions, de ses cauchemars, de ses fausses résolutions. Ses muscles contractés de cette crise en constante fluctuation, le laissèrent pantois, immobile, n'engageant ses pas qu'au son du clairon, à leur ordre, en un mimétisme qui le fit grincer des dents. Une enjambée après l'autre, il avala les pavés, qui se firent plus pressant, sociables sous ses talons. Sans doute, pouvait-il y imaginer des visages, des conseils, des reflets de ce monde lui collant à la peau en une pellicule de sueur. Son esprit s'y attela, fabuleux architecte toujours propice à dérégler l'engrenage de sa stabilité. Son épaule droite l'envoya un peu dans les choux, contre la silhouette l'encadrant partiellement. Il aurait pu en chuter une fois de plus, si son ego ne le sommait pas de rejeter l'attraction du sol, de sa médiocrité. De ne pas détruite le peu de crédibilité qu'il parvenait encore à garder dans les vapeurs de ses pupilles dilatées. Après un râle se dispersant dans une toux sèche, il se fit maître de son avancée, qu'il calqua sur la charge des deux adultes, omettant l'épuisement courant jusqu'à ses orteils. 

Le baume des fleurs, des plantes aromatiques et de la cire pour balais perça la barrière de ses narines, surcharge de parfums qui lui piqua les yeux, et qui fit naître dans ses intestins un rejet pur et simple. La nausée lui arracha le larynx et c'est vainement qu'il tâcha d'enfermer la cime de son nez et de sa bouche fermement close, dans les méandres de son pull, qu'il ramena sur ses cernes. Son eau de Cologne distillée à la flagrance âpre de sa transpiration le conditionna à quitter le trop-plein de cet environnement oppressant. Feindre le détachement, pour ne pas se confronter à son hypersensibilité. Sa vue se brouilla sous son souffle erratique qui véhicula un air chaud sur ses joues. Paradoxe avec les frissons hérissant ses poils. La lumière sur les vitrines dont les articles emballés ne l'intriguèrent pas outre mesure, percuta ses vaisseaux sanguins déjà trop irrigués. Du rouge se mêla au blanc de ses globes oculaires le faisant ressembler à un junkie en overdose. Chose qu'il aurait préférée plutôt que de crever du moindre pétard, de la moindre percussion, du moindre rayon sur une glace brillante.  

Les derniers mètres jusqu'au mur délivrant sur le chaudron baveur furent les plus éprouvant. Il ne chercha pas la discussion, le réconfort d'un contact qui l'aurait peut-être temporairement sauver de ce ballottement infernal, de cette bulle qui le maintenait dans un état proche de l'implosion sensorielle. Les briques coulissèrent et il retraça leur chemin comme au ralenti. Tout était plus lent. Ou était-ce lui qui l'était ? Peut-être. Sûrement. Dans leur axe, elles leur laissèrent une vue plongeante sur les lieux débordant toujours de clientèles. Les barbes des philosophes de comptoir se confondirent avec l'élégance des couvre-chefs en melon et leurs visières en dentelles de ces dames trop propres sur elle pour s'épancher en un shot de vodka pure. Sous l'ombrelle flottant dans un cocktail fruité, elles se perdirent en rumeurs, en ragots qui se lovèrent dans son aquarium de fumée de pipe, en une bouillie prémâchée. Bourgade coincée dans les années cinquante, s’apparentant à un lieu clos écossais sentant la gnôle et le tabac froid, il n'avait jamais été friand de cette ambiance festive et constamment bruyante. Pas de jeux de fléchettes, mais un billard dans un coin, poussiéreux au possible, délaissé des habitués se soûlant à la bière blonde.

Jouant des coudes, il se fraya un chemin dans le sillage de l'homme en tête de file. Du coin de l’œil, il distingua les pointes cornées d'une main de poker et les mises clinquantes d'un demi-salaire d'ouvrier. Un temps, il fut tenté d'y rajouter une pièce, l'un de ses noises perdues au fond de sa poche de manteau pour récolter le chaos d'une bagarre de bar. La musique les suivit au dehors, et dans sa tête résonnait encore les trompettes d'un jazz un peu dépassé. La contrebasse laissa sa place aux klaxons irrités des automobilistes en retard, de ces salariés toujours pressés. Le brouhaha de la ville, de l'urbanisme en pleine extension. Enfant, sans repères, il en était resté figé. Et au levé, le nez contre sa fenêtre sur rue, il était toujours secrètement craintif et admiratif de cette vie fourmillant entre les immeubles de pierres rouges, sous les halos du brouillard des ventilations, des bouches d’égout. Les sirènes d'urgence et le bicolore d'un véhicule de Scotland Yard fit remonter en lui la douceur et l'affection sincère d'une casquette mal vissée sur un crâne encore fringant, et la moustache mal taillée d'un jeune officier, qui un matin hivernal, était venu le cueillir après l'enfer des flammes. Un pansement bouchant les vannes de ses tourments. Un sourire faible remonta jusqu'à ses lèvres, en proie à une nostalgie qui le berça les prochains pas, jusqu'à la façade d'une enseigne qu'il ne connaissait que trop bien.

Stanislas était un idiot. Un homme se refusant au travail acharné. Un incapable fourbu d'une volonté féroce de conserver sa liberté d'inaction, de flemmardise sur ses dossiers, tout en assurant son ambition de protection de ces concitoyens innocents. Mais sans lui, jamais il ne se serait aventuré dans cette ruelle, n'aurait longé cette avenue amenant aux abords de l’Edelweiss. Comme une adresse se passant de main en main, il était devenu quotidien que les Aurors s'y rendent en temps libre, ou sur le détour d'une patrouille de routine. Un endroit tranquille où oublier ses obligations au détour d'un verre, d'une boisson chaude, bercé par le sucre d'une pâtisserie maison. La porte massive coulissa sur ses gonds dès lors que Kayser appuya sur la poignée dorée. Le tintement des cordes de piano sur le cercle infini d'un tourne-disque, lui prêta les derniers élans courageux pour suivre sa trace. À l'intérieur, tout semblait à la fois neuf et antique. Comme une photographie en sépia exposée dans un musée d'après-guerre. Une salle vaste aux tables dressées de leurs lampes à huile en bronze, et au comptoir de chêne rouge donnant sur des étagères pleines à craquer de ces bouteilles aux étiquettes illisibles. Exposé grandeur nature de la splendeur des années vingt, du cuivre sur les théières fumantes, aux cendriers customisés de l’emblème de l'établissement.

Le parquet grinça sous leurs pieds, et trop occupé à observer les moulures brunes des murs, où cadres et tableaux bavassaient entre eux, il ne se suspendit pas à l'échange entre la gérante et son client, peut-être pas si étranger que ça. S'arrachant à sa contemplation absente des lieux, il profita des marches menant à l'étage, pour du bout des doigts, flâner sur la rambarde en colimaçon. Les couloirs tout en long amenèrent à d'autres escaliers, qu'il grimpa un peu en retard, se délectant du silence se frayant un chemin dans ces corridors. Une porte dérobée plus tard, et ils entraient dans le secret d'un carré privilégié, comme des appartements privés. Un salon aux banquettes de velours rouges et à la tapisserie bordeaux. Les rideaux étaient lourds sur leurs tringles, tissus aux fils foncés, se lâchant en un dégradé plus clair à ses extimités. Au centre, la table rectangulaire parfaitement lustrée attira son regard, et comme pour s'y contempler, il se pencha pour apprécier les sculptures sur ses coins, travail minutieux d'un ébéniste moldu sans aucun doute. Pas de cartes. Pas de paris. Simplement un miroir de bois poli. Silencieuse, il ne remarqua pas l'absence de la femme qui les avait accompagnée de son trousseau.

Jetant son dévolu sur le sofa, Lévine s'y assit, coulant de tout son poids contre son dossier. Ses jambes se glissèrent sous la table basse, et nerveusement, il coinça ses achats contre son ventre, entre ses paumes ouvertes. À l'aise dans sa posture, crispé dans ses mimiques, se drapant des épaules droites d'un adulte, en mordant l'intérieur de ses joues comme un adolescent. Ses ecchymoses le lançaient. Bouger ses doigts contre le papier devenait difficile. Comme des bouts de bois refusant de plier. Un peu plus loin, la voix de Kayser porta, se répercutant contre les murs, jusqu'au lustre aux bougies incandescentes.

« Ici, nous serons tranquilles. Qu'est-ce que je vous offre ? Et soyez imaginatif, Chiyo possède à peu près toutes les boissons qui pourraient vous faire envie. », une offre qu'il ne pouvait plus refuser, maintenant qu'il était installé.

De quoi avait-il envie ? Il ne pouvait le dire. Si un rail de poudres lui avaient paru tentant dans les allés de livres d'une boutique, devant le large choix d'alcool, il se retrouvait sans voix. Muet. Sans idée précise. Pour palier à cette gêne grandissante d'être probablement le seul à ne nourrir aucune attente, il invita le liant de leur trio improbable à se décider, se fendant d'un dicton absurde soufflé d'un mouvement de menton.

« Les dames d'abord. »

Profitant d'un instant de réflexion, il courba l'échine pour observer le plafond. Assez bas, il s'ornait de ces poutres typiques des chalets ou des vieilles battisses campagnardes. Austère, tout en restant chaleureux par son choix de colorimétrie. Sombre sous la lueur des chandelles. Sobre dans son agencement, comme un endroit aseptisé de tout ressenti ou attachement personnel. Un propriétaire minutieux, attentif, maniaque, quoi qu'un peu paranoïaque sur les bords. Un peu comme lui. Sans crier gare, il revenait à ses pensées, à ses souvenirs. Et sous ses yeux ne dansaient plus les brumes d'un cigare, mais les reflets verts d'une jolie fée, prisonnière du cristal d'une coupe festive. Le vert de la chance, l’émeraude lisse léchant les bords d'une bouteille toujours impeccable. Poupée de joie. Appel à la folie. À l'ivresse. À l'oubli. Liqueur des fous. Spiritueux des braves. Le préféré d'un amateur supérieur.

« De l'absinthe. », commanda-t-il d'une voix atone, rauque. Sans doute peu original. Peu imaginatif. Décevant. Pas vraiment une envie. Mais un besoin lui tordant les entrailles. « S'il vous plaît. »

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Sam 14 Nov 2020 - 21:00


Fièvre acheteuse Johann A. Kayser & Levine Serger & Delyla Gavril Tous étaient partants pour emprunter la direction du lieu d'invitation que choisirait l’aîné du trio. Delyla lui laissait volontiers la surprise de l'endroit, n'ayant pas forcement de préférence particulière. Elle avait ses lieux habituels, mais succomber à la découverte improvisée d'une nouvelle adresse n'était pas pour lui déplaire.

« Le choix est déjà fait. Suivez-moi. »

Reprenant ses bagages remplis des achats de sa journée, elle avait suivi ses compagnons de route sans se faire prier. Elle essayait déjà de s'imaginer l'endroit qui accueillerait leur singulier trio, sans pour autant réussir à se décider sur une hypothèse finale. Dépendamment du lieu, peut-être y verrait-elle son amie Sasha. Elle avait l'impression de ne pas l'avoir vu depuis une éternité, et songeait qu'elle trouverait un moment pour lui proposer de se retrouver.

Malgré ses réflexions, elle se forçait à garder un minimum de concentration pour ne pas perdre de vu les deux hommes qu'elle accompagnait. Avec Traverse et sa foule semblant toujours plus compacte, il fallait savoir jouer des coudes et rester suffisamment focus pour ne pas finir séparé de son groupe. Chance pour elle qu'ils soient assez grands, et donc plus facilement repérable, pour ne pas avoir à les chercher trop longtemps du regard. L'inverse ne serait peut-être pas aussi évident.

À mesure de leur avancée, elle éliminait un à un les bars, tavernes ou salons de thé de Traverse qu'ils dépassaient, toujours dans son jeu mental de deviner quelle pouvait être leur destination finale. C'est en arrivant devant le mur séparant Traverse du Chaudron Baveur qu'elle avait comprit qu'ils quittaient la zone. S'arrêteraient – ils au pub qui croisait les deux mondes ? Si elle avait pu le penser, ce n'était pas le cas. Au lieu de cela, ils avaient traversé l'endroit pour rejoindre la sortie. Maintenant hors du monde magique, ils circulaient dans les rues du Londres Moldu comme si les lieux leur étaient familiers. Ce qui semblait être aussi bien le cas en apparence qu'en réalité, même si Delyla ne pouvait pas se targuer de connaître les rues comme sa poche. S'il lui arrivait de faire un tour dans la capitale pour une raison ou une autre, elle n'y passait pas le plus clair de son temps. Ce qui était dommage quand elle y pensait, au vu des cinq ans qu'elle habitait le pays et des origines moldus qu'elle avait hérité de son père. Bien qu'elle ne le voyait plus depuis des années, elle ne pouvait pas ignorer cette part importante de son identité. Elle y réfléchirait pour les prochaines fois.

Aujourd'hui, elle acceptait de se laisser guider sur les chemins menant à l’Edelweiss, établissement encore inconnu aux yeux de la blonde. Du moins, si elle y avait déjà mis les pieds, elle n'avait pas le plaisir de s'en souvenir. Ce qui ne l'avait pas empêcher d'entrer à la suite des deux hommes qui la précédaient. Comme la plupart des gens découvrant un nouveau lieu, son regard clair s'accrochait aux différents éléments constituant le décor. Si bien qu'elle n'avait pas vraiment remarqué la familiarité que Johann semblait entretenir avec les lieux et le personnel. Pourtant, elle avait été coupée dans son observation par une femme les invitant à la suivre à travers différents couloirs, jusqu'à arriver à une dernière porte, qu'elle avait déverrouillé avant de repartir.

L'ouverture de la porte laissait découvrir un salon privatif spacieux. En y entrant, elle avait pu y voir plus précisément les sofas au fond, un bar non loin de l'entrée et une table de jeux d'argent un peu plus au centre. Suivant le geste de leur hôte improvisé, elle s'était dirigée vers le bar à sa suite, tandis que le plus jeune prenait place sur un des sofas. Déposant ses achats au pied d'un des tabourets sur lequel elle avait pris place, les mots de Johann avait résonné à ses oreilles alors qu'il s'installait à la place du barman.

« Ici, nous serons tranquilles. Qu'est-ce que je vous offre ? Et soyez imaginatif, Chiyo possède à peu près toutes les boissons qui pourraient vous faire envie. »

Quelques secondes de réflexions plus tard, c'était la voix de Levine qui avait résonné jusqu'à eux, sous les traits d'une formule bien connu.

« Les dames d'abord. »

À peine quelques seconde supplémentaire plus tard, une boisson lui était venu en tête. Sans autre explication logique que la simple envie d'une boisson qu'elle n'avait pas consommer depuis longtemps. C'était l'occasion.

« Je ne sais pas si c'est un choix imaginatif, mais je veux bien un Mojito s'il vous plaît. »

Elle aurait pu commander tout autre chose. Comme un alcool russe ou italien, ou un cocktail à la préparation plus sophistiqué. Mais c'était l'envie qu'elle avait sur le moment.

« De l'absinthe. S'il vous plaît. » Avait répondu, à son tour, le plus jeune.

Au final, peu importait les raisons qui les amenait à faire un choix plutôt qu'un autre. Il n'y avait pas vraiment de bonne ou de mauvaise réponse après tout. Si leur seul souci était de savoir ce que leur hôte entendant par « imaginatif », Delyla devenait curieuse de savoir ce qu'il entendait par là. Reportant son attention sur lui, elle n'avait pu retenir la question de passer le barrage de ses lèvres.

« Et vous, quel choix imaginatif ferez – vous ? » Avait-elle demandé au magizoologue dont ils allaient découvrir un talent caché.
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Delyla Gavril
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Delyla Gavril
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Dim 22 Nov 2020 - 19:56
Fièvre acheteuseBuy. Resell. The entire Muggle world works with these simple, repetitive actions. They start again. Again. They never really stop. The wizards too. What makes us different, outside of our powers, in the end?
Samedi 07 octobre 1995,

L'Edelweiss avait su, depuis sa création, se faire une réputation. Johann n'avait jamais imaginé qu'en quelques années, l'établissement qu'il avait imaginé pour ses magouilles pût devenir aussi quotté. Ce n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire, car le fait d'être aussi populaire lui assurait, pour commencer, un revenu plus que stable depuis son ouverture.

Outre ses malversations qui avait empli son compte en banque comme lui-même ne s'y était pas attendu - combattre le feu par le feu payait bien plus qu'en se faisant glace ; en combattant le mal en toute légalité -, c'était un moyen plus ou moins légal de s'assurer une très bonne retraite quand il se déciderait à arrêter. Pas que c'était dans ses projets immédiats, l'homme étant de ceux qui était bien incapable de laisser une tâche inachevée.

La seconde assurance qu'il avait été une protection contre ceux qui, depuis des années maintenant, souhaitaient lui mettre des désartibulements dans ses transplanages. Comme l'auberge s'était offerte une clientèle plus que fidèle, autant du côté des malfrats que des responsables de la légalité, l'endroit était devenu un lieu d'échange. Les informations y circulaient autant que les cocktails et la barmaid, ainsi que les employés qui l'aidaient dans sa tâche, loin d'être sourds, ne se gênaient pas pour les cueillir à la volée.

L'information circulait ensuite jusqu'à lui de la manière la plus fiable qu'il connaissait : Chiyo Matsushime, qui avait une excellente mémoire, les écrivait sur un parchemin uniquement quand Fiery venait s'enquérir des nouveaux ouïs dires qu'elle avait récoltés. La capacité du phénix pour la téléportation était un avantage non-négligeable dans son métier, c'était certain. Si les hiboux et autres volatiles normalement utilisé pour transmettre le courrier pouvait être intercepté, ce n'était pas le cas avec le phénix. Johann comprenait de fait l'importance que pouvait avoir Fumseck pour Dumbledore, outre qu'il s'agissait, comme pour lui et la femelle qui l'avait élu comme maître, d'un compagnon particulièrement fidèle.

Fumseck, Fiery, Dumbledore, ou encore l'établissement lui-même n'était pas particulièrement important ce jour-ci, cependant. Du moins, l'endroit était idéal pour permettre aux deux personnes qui l'accompagnaient de se combler d'une solitude bienvenue, d'évacuer le stress et l'inconfort des regards trop nombreux qui s'étaient tournés vers eux après leurs chutes respectives. Le bar, bien que connu, bien que bondé, pouvait offrir des scènes à l'espace clos, où il était largement possible d'effectuer quelques transactions illégales, d'offrir des jeux et des soirées privés ou encore, comme présentement, de permettre à deux connaissances de souffler. Et dans sa glace, dans le marbre de son visage inexpressif, Johann avait saisi que l'aide apporté serait bénéfique. Du moins, c'était-là son espérance.

Maintenant qu'ils se retrouvaient tous trois isolés, il fallait cependant ne pas laisser les esprits se perdre dans les dédales de souvenirs désagréables. C'était pour cela que, contrairement à ce qu'il aurait pu faire, Johann décida de développer l'un de ses talents cachés. S'occuper des animaux était un métier à plusieurs facettes, car les soins à apporter pouvaient prendre de nombreux visages. Sortilèges, gestes, potions, il fallait s'assurer de posséder une bonne maîtrise de tous ces talents, même si le principal du métier résidait dans la compréhension et l'empathie.

C'était pour s'améliorer dans l'une de ces tâches que Kayser avait débutée un apprentissage. Celui des mélanges. Les cocktails et les breuvages magiques possédaient quelques caractéristiques similaires. Néanmoins, fait que le susnommé trouvait assez amusant, il s'était découvert un petit talent non négligeable dans la réalisation des boissons alcoolisés, là où ses compétences pour les filtres n'avaient que peu évolués - c'était en partie pour cela qu'encore aujourd'hui, malgré ses frasques, Andrée lui était d'une grande utilité.

Pour autant, loin de se soucier sur l'instant de la jeune femme qu'il avait aidé par le passé, le magicozoologue préféra se tourner vers ses deux invités. Là, il leur offrit l'un de ses rares sourires, qui pouvaient paraître plus ironiques que véritables tant ils étaient rares, tout en retirant son pardessus pour ne garder que sa chemise. Dès lors que ce fut fait, il récupéra un torchon sous le meuble derrière lequel il s'était installé pour le placer sur son épaule, lui donnant l'allure noble d'un professionnel privatisé.

« Ici, nous serons tranquilles, expliqua-t-il à ses deux comparses, avant de poursuivre pour attirer leurs attentions. Qu'est-ce que je vous offre ? Et soyez imaginatif, Chiyo possède à peu près toutes les boissons qui pourraient vous faire envie. »

Si la blonde s'était installée directement en face de lui, le fait que l'Asiatique fût assis sur l'un des sofas avait forcé le barman improvisé à hausser légèrement le ton pour se faire entendre. Après quoi, seul le silence lui avait répondu, les deux autres adultes s'étant enfermés dans une réflexion que le trentenaire trouva amusante ; pas assez, toutefois, pour fissurer son masque glacial, qu'il gardait bien soin de laisser fixe sur son faciès. Les habitudes ont la vie dure ; il s'agissait d'une expression qui pouvait largement expliqué le comportement du professeur.

« Les dames d'abord, finit par dire l'auror.
Facile. », répliqua l'ancien chasseur avec un certain sarcasme.

Loin d'être mauvais, pour autant, il s'agissait-là plus d'une plaisanterie qu'autre chose ; un fait assez rare, de la part de Johann, pour être noté. Maniaque du contrôle, il était invraisemblable de le voir se parer des attributs d'un clown, même en l'enrobant d'un nappage d'ironie. C'était une preuve qu'à cet instant, le dresseur avait décidé de se montrer plus souple qu'à l'accoutumé. Pourquoi ? Lui-même l'ignorait.

« Je ne sais pas si c'est un choix imaginatif, offrit ensuite la dame en question, mais je veux bien un Mojito s'il vous plaît. »

Ce n'était pas, pour le trafiquant, d'un choix imaginatif ou original, mais il s'en contenterait. En moins d'une minute, se mouvant dans son espace avec la facilité de celui qui sait où se trouve les ingrédients, il les entreposa sur le bois lustré face à lui. Verre en main, il s'attela ensuite à sa tâche avec une aisance certaine, jusqu'à pouvoir faire glisser le récipient jusqu'à sa cliente.

« De l'absinthe. S'il vous plaît. »

La voix de l'auror, alors qu'il venait tout juste de terminer le cocktail demandait, lui parut presque lointaine, tant le simple nom de l'alcool le renvoya à des souvenirs anciens se déroulant dans la même pièce. Il n'y avait qu'une seule autre personne de sa connaissance qui avait déjà bu cette boisson devant lui. Et il avait utilisé précisément les mêmes mots que le brun installé sur le sofa. C'était déstabilisant, et un pli se forma entre ses sourcils le temps d'une seconde, avant que l'enseignant chassât son souvenir pour redevenir maître de la situation. Kassian, tout comme Leigh, étaient tous deux hors d'état de nuire. Se souvenir d'eux n'avaient aucune utilité.

La raison même qui le poussait à détester ce genre de paradoxale mentale. Une scène ressurgissait, puis s'imbriquait à la réalité comme une vieille photographie dansant devant les yeux, à cause d'un simple mot ou d'un simple geste et c'était loin d'être plaisant. Les fantômes du passé devaient restaient à leur place ; à savoir loin du présent et de ce qui se jouait sur le moment.

Toutefois, sans vraiment y prendre garde, le zoologiste magique effectua précisément les mêmes gestes qu'une dizaine d'années plus tôt. Avec une lenteur exacerbée, il se pencha pour attraper l'unique bouteille d'absinthe qui se trouvait dans la salle. Il récupéra un verre par la même occasion, où il versa le contenu du flacon. Puis, pour finir, d'un geste précis de sa baguette, il envoya la boisson jusqu'à son nouveau propriétaire, la faisant léviter jusque devant ses yeux.

Il ne sortit réellement de sa torpeur, invisible aux yeux des autres de par son masque rigide, que quand la couturière reprit la parole et s'adressa à lui.

« Et vous, quel choix imaginatif ferez–vous ? »

Sans le désirer, pour chasser inconsciemment et définitivement les images, le truand secoua légèrement la tête de droite à gauche, avant de retrouver une posture droite. Rien ne pouvait laisser paraître qu'une légère faiblesse s'était dévoilée quelques secondes plus tôt. Il ne souhaitait simplement pas le laisser entendre, ni voir. C'était hors de question pour lui. Alors, pour se donner une nouvelle contenance, le sorcier attrapa les différents éléments dont il allait avoir besoin, bien avant de répondre.

« Je ne peux pas prétendre adopter un choix imaginatif, souffla-t-il ensuite. Je vais me laisser tenter par un classique Bloody Mary. »

Il ne savait pas combien de temps ses deux invités allaient rester, mais cela ne l'empêcha pas de changer de son traditionnel whisky. Après quoi, l'envie lui prenant, Johann entreposa un cendrier sur le comptoir, invitant de fait le plus jeune à les rejoindre s'il désirait fumer. Ce serait, après tout, plus agréable si les deux autres souhaitaient créer un échange, plutôt que rester chacun dans son coin. D'autant plus que l'idée première de Johann, à savoir les empêcher de ressasser ce qu'il venait de se passer, ne fonctionnerait pas vraiment dans ce cas.

Fouillant rapidement son manteau pour en sortir son poison, le chef de gang agrippa son paquet pour en faire sortir un unique tube qu'il plaça à ses lèvres. Il déposa ensuite l'emballage métallique à la droite de la coupe qui récolterait bientôt ses cendres, puis aspira une bouffée qui recracha en quelques effluves tout en reprenant la parole.

« Si vous voulez fumer, ne vous gênez pas, offrit-il en pointant ses propres cigarettes. Un enchantement est mis en place pour éviter d'importuner les non-fumeurs. »

L'un des enchantements qu'il avait appris auprès de certains drogués et qu'ils avaient modifié, Aaron, certains de la bande et lui, pour le rendre plus efficace et plus précis. De cette façon, personne n'était lésé à l'Edelweiss. Pas les clients, pas les employés et certainement pas lui-même qui, si le sortilège empêchait l'odeur de la cigarette, n'empêchait pas les odeurs d'autres drogues que l'on consommait de la même manière. Un bon moyen pour repérer ceux qui tentaient de déroger à certaines règles écrites noirs sur blanc à l'entrée de l'établissement.

Cependant, loin de s'en préoccuper pour le moment, le brun dégusta une nouvelle aspiration de nuage toxique qu'il recracha ensuite vers le plafond, venant parfaire le geste d'une gorgée de sa boisson. Sur ses lèvres, l'homme accueillit un nouveau sourire en coin, très léger. Les souvenirs étaient parfois mauvais, d'autant plus en sachant ce qu'ils faisaient, mais la scène, le trio regroupé à l'instant, lui rappelait certaines parties de son passé. L'âge d'or des Suns of Loki à ses yeux. Sa création, avec Aaron et quelques autres. Ils étaient jeunes et cons à l'époque, à croire que ce serait facile, mais ils avaient su tirer leur baguette du jeu.

Parfois, ça lui manquait. Et dans ces moments-là, comme maintenant, il se questionnait : pouvait-il faire confiance à ceux qui le lui rappelait ? C'était un pari trop risqué que de révéler ces activités aussi facilement. Cela même s'il devait avouer, en regardant ses deux interlocuteurs, que la dégaine de la blonde avait ce petit quelque chose qui ne dénoterait pas et que le chasseur, installé plus loin, serait un atout considérable vu les capacités qu'il fallait posséder pour faire son métier. La nostalgie, vieux démon, s'invitait donc dans la sphère privée du garçon.
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Johann A. Kayser
Admin acerbe
Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Ven 27 Nov 2020 - 21:54
Fièvre acheteuse.Lévine & Johann & Delyla
J'arrive au bord du lac, j'aimerai bien que tu sois là. C'est juste un endroit à moi, j'aimerai bien que tu le vois. Avant la nuit, on va au paradis. Je me sens bien, ici, je me souviens, de toi même sous la mitraille. ( Le lac → Indochine ) ••• La première fois que Stanislas Ibranovitch l'avait traîné dans la ruelle menant à l’Edelweiss, c'était un Mardi. Le Mardi des dossiers. Le Mardi de la poussière des archives. Le Mardi de l'ennui et des maux de tête. C'était il y a quatre ans. Ou trois. Il ne savait plus vraiment. Mais c'était un Mardi. Ils étaient enfermés depuis le matin, coincé entre deux étagères distordues, débordant de parchemins, de rouleaux et de cartons débordant des bibliothèques gagnant le plafond en une torsade ahurissante. Un jour, il s'était demandé comment tout pouvait bien tenir en équilibre et ne pas s'effondrer. Puis, il s'était rappelé des conditions du monde dans lequel il vivait. C'était un Mardi, et il faisait chaud. Au beau milieu de l'été caniculaire. La chemise détrempée par un air raréfié, il s'éventait le visage du plat d'une pochette, ne s'attardant sur les intitulés que par obligations et nécessité. L'affaire des trois visages, disait l'un, et curieux, il se retrouvait à le feuilleter, à s'imprimer des horreurs courant sur les pages. Trafic d'êtres humains, couplés à l'homicide de trois jeunes femmes, ne laissant que leurs faciès découpés sur des portants de haute couture. La bassesse de l’humain dans toute sa splendeur. C'était un Mardi, et il avait la nausée.

Il s'était laissé tenté par une promenade, par le grand air de l'extérieur, par delà les couloirs constamment occupés, où il fallait slalomer pour s'extirper et passer. Loin de l'atrium et sa foule compacte, vrillant ses bribes d'agoraphobie d'un million de stimuli. S'enfuir des feuilles volantes, de la voracité du monde, de l'égoïsme et la violence. Dehors, le soleil brillait. Sur l'asphalte, c'était comme fondre. Le bitume fumait des bouches d'aérations, des climatiseurs ventilant les mines déconfites des commerçants. Le trafic était dense. Les voitures se confondaient en un aggloméra de taules multicolores. Du jaune, du rouge, du bleu, du noir, formant un amas de gris se superposant aux néons publicitaires. Des pubs mensongères sur une crème après-rasage à la mode, sur le soin d'une moustache, ou le dernier groupe en vogue. Il ne se souvenait plus vraiment. Les terrasses étaient toutes occupées. Des plaisanciers blaguaient dans leurs patois chantants, dans ses origines d'ailleurs, quelque part au-delà de la Manche. Des touristes sirotant des cocktails en dégustant un steak-frites bon marché d'une brasserie près de la gare. Les nappes à carreaux flottaient dans le vent, et en passant près d'une boulangerie, l'on sentait l'odeur du pain chaud, des croissants aux beurres sortis du four, et le coulant d'un chocolat sur une pâte feuilletée.  

Ils avaient tourné, viré, s'étaient arrêtés au coin d'une avenue aux immeubles industriels, pour se suspendre aux rouages d'une boutique un peu décalé, aux antiquités dans les vitrines. Tableaux statiques se facturant à un lingot d'argent, et horloge montante alignant la moitié de son solde mensuel. Derrière les bras fissurés d'une statue au torse nu, le propriétaire, un vieillard un peu tassé derrière son comptoir, parlementait avec une jeune femme au tailleur gris. Elle n'était pas moche. Elle n'était pas belle. D'un quelconque terne du quartier des affaires. Un peu bon chic bon genre sur des talons plats. Son sac à main était coûteux, mangeant l'intégralité de ses économies, lui faisant rapiécer son jupon fendu de points artisanaux. Sans doute n'était-elle qu'une secrétaire. Puis, ils étaient repartis, les mains dans les poches, la clope au bec. Un glacier vidait son stock dans son camion, sous la musique cinglante d'un haut parlant grésillant. Il avait eu envie de chocolat. De quelques éclats sucrés pour compenser sa soif, ravivait les racines profondes de son entrain, de cette énergie qui le faisait couler dans le trottoir.

À l'angle de Plane Street et de Lincoln Road, ils s'étaient infiltrés dans la ruelle. Pas vraiment loin du Chaudron Baveur, d'une vingtaine de minutes de marches, ils avaient été accueillis par les gros bras à l'entrée et la devanture d'un Birmingham des années vingt, où gangsters dégrénaient des revolvers pour une histoire de regard de travers. C'était comme remonter le temps, faire un bond dans une faille le ramenant à l'âge d'or de la criminalité britannique, où mêmes les flics nageaient dans les liasses de billets de banque sous le regard d'une justice aveugle. C'était des bruits de couloirs, une adresse gardée secrète, un lieu de débauche, de détente aux multiples rumeurs et à propos. L'inconnue au regard onyx et aux traits fins, au torchon sur l'épaule et au sourire énigmatique. L'intérieur était un vortex, un trou béant dans sa raison, qui l'avait fait s'installer à l'une des tables hautes, les talons contre le pied de son tabouret. Il avait écrasé sa cigarette dans le cendrier à l'écusson de l'entreprise, et en avait rallumé une avec les cendres de sa sœur. Sa mère lui disait qu'il avait les poumons d'un mineur de charbon. Peut-être était-ce vrai.

C'était fois-là, il avait commandé un café.
Et aujourd'hui, c'était de l'absinthe.

Là où la seule femme embrassant l'espace de son aisance, longeait les saveurs estivales et du sable chaud. Du citron et de la menthe dans un cocon de sucre de canne au milieu de l’atlantique d'un rhum ambré. Il s'était fait remarquer pour sa dérobade bancale, son excuse en demi-teinte, récoltant les louanges d'une plaisanterie réchauffant ses joues d'une gêne improbable. Il se sentait ridicule. Un gamin grillé la main dans un paquet de bonbons. Il avait voulu rire, mais rien n'était sorti de sa gorge. Tout y était coincé. Comme ses souvenirs collant à la scène, au sofa sur lequel il s'était assit. Et sous son allure flanchée, des épaules plus larges, une gueule plus terrible, retenait l'attention de deux hommes. Un monstre sorti de deux époques différentes, de deux dates s'opposant diamétralement. Le cristal était venu dans sa main, et il avait chassé le jupon dansant de la fée verte enlaçant la fumée en cavalière, en y apposant sa seconde paume. Contre son ventre, le livre de développement personnel cognant son sachet.

Il se noya dans le reflet de son regard formant une spirale dans son verre incurvé. Le vert était une belle couleur. Profonde. De l'émeraude au roi, en passant par l'anisé et la pomme. C'était clair ou foncé. La richesse ou la facétie des écailles d'un serpent. Il la préférait au rouge. Souvent trop clinquant, resplendissant dans les armures d'un chevalier. Le courage, ce n'était pas vraiment son truc. Lui, il s'était plus souvent caché plutôt que battu. Lui, il avait plus souvent encaissé que rendu. La bravoure, il laissait ça aux autres. Survivre, c'était déjà pas si mal. La mort, elle arrivait plus vite, si on allait au devant pour des conneries. On se fendait les dents sur un uppercut. On se perforait les veines d'un coup de couteau. On crevait d'une balle dans le bide. Lui, il était un peu lâche peut-être. Un peu peureux de ses propres ressentis, refusant de voir la vérité en face. Mentir, c'était plus simple. Feindre, c'était plus facile. Faire semblant, ça permettait d'aligner un jour de plus. De mettre une croix supplémentaire sur son calendrier où sa fin était déjà programmée. Ce serait sûrement un Mardi. Un jour comme tant d'autres, dans une semaine se joignant à toutes les autres.

Le jus de tomate et son écoulement le réveilla, lui fit détourner le regard de sa boisson stagnante. Un Bloody Mery, expliqua-t-il à son invitée. Il n'en avait jamais bu. N'en avait jamais réellement eu l'envie non plus. Il nota que ce choix ne ressortait aucune espèce d'originalité. Pour aucun d'entre eux. Ils étaient tous aussi quelconques les uns que les autres. Résolu à ne pas briser leur bulle de complicité, il se renfrogna dans le canapé, étendant son dos dans les coussins. Ses jambes glissèrent de tout leur long, et il se plaça de profil pour accoster les lampadaires dépassant du relief bordant la fenêtre. Un carreau aux motifs hexagonaux en fer forgé. Les volets claquaient sous le vent. Un blanc un peu pété par la grisaille londonienne. Ici, tout prenait la rouille. À croire que les nuages des usines contaminaient tout le reste, enveloppant la ville dans un dôme opaque où voir un rayon devenait chose impossible. Londres, c'était une ville monotone, un peu morose. Et sous le jaune des luminaires, la pluie semblait presque artistique. C'était reposant de s'y attarder le soir, ou les nuits d'insomnie. De contempler le paysage d'une rue déserte, couvait par les lumières nocturnes, sous le son lointain des klaxons des fêtards ou bosseurs couche tard. La vue d'ici devait être belle à l'aube, ou sous les étoiles. Un salon surplombant le boulevard toujours fréquenté.

Il se redressa un peu, de sorte à tordre son cou pour distinguer les lanternes aériennes. Petit, elle lui faisait penser à des hommes. Des humanoïdes longilignes trop grands pour être toucher, aux yeux aussi grands que la Lune. Puis debout, il se plaça face au vitrail monochrome. L'on ne voyait rien. Seulement les allés et venus des habitués, des trois-quart bien repassés, quelques salariés sacoches à la main hélant un taxi d'un bras, une ou deux femmes au parapluie, tenant la main d'un marmot en uniforme, au cartable tombant sur les fesses. Jeunes et cons, disait la chanson. Sur ses pieds, il n'eut aucune excuse pour refuser l'invitation jusqu'au cendrier. Et il n'eut pas le moral de refouler son besoin de s'époumoner, de teinter ses bronches d'un poison un peu moins nocif que tout le reste. Il crissa des talons sur le parquet, plissant la frange d'un tapis à motifs rayés aux accents épileptiques. En enjambées par huit, il s'appuya au comptoir des avants-bras, vidant son verre de sa moitié d'une gorgée assoiffée. L'alcool brûla sa gorge, acidifia son œsophage de la bile de la folie douce saisissant ses doigts de fourmillements, le narguant de sa sensibilité augmentée de son estomac à jeun. Quelle idée avait-il eu de sauter le déjeuner, et le dîner d'hier.

Lévine se hissa sur le tabouret à la gauche de la tatouée, auprès de laquelle il leva le coude pour trinquer à il ne savait trop quoi. À son idiotie notoire ? À leur rencontre tout aussi conne ? À son ego en miettes et ses os pas forcément plus indemnes ? Alors, il la laissa décider, choisir la raison d'un jour de fête. Les lèvres relevées d'un sourire un peu ivre, il s’aplatit presque pour faire de même avec l'homme. De près, il lui parut moins effrayant. Moins imposant. Plus accessible sans doute. Comme un grand gamin, il s'appuya sur sa paume, tombant le menton en arrière pour avaler la dernière goutte de son breuvage. De sa veste, un peu mollement, il extirpa un paquet de cigarettes de facture locale, pour placer le tube aux coins de sa bouche. D'un claquement de doigt, il fit jaillir une brève étincelle qui en nappa la mèche. La fumée embauma ses joues creusées par la fatigue, par ces cernes qui dévoraient ses pommettes. Il ne sentait presque plus la douleur de ses phalanges. Les bleues tournaient au vert, dans une teinte affriolant le violet noirci. Ça passerait conclu-t-il, en recrachant la brume de tabac par ses narines. Un peu moins distingué que le plus âgé. Un peu plus brute. Un peu plus à vif.

« Que je suis con, dîtes le. J'en ai oublié de me présenter. », tout en se penchant pour récupérer à bout de bras la bouteille de liquide vert, dont il se resservit une bonne rasade, se régalant aux frais du patron, il esquissa un sourire d'une rare sincérité. « Je m'appelle Lévine. Juste Lévine. »

Juste Lévine. Il pouvait bien faire une entorse. Il pouvait bien laisser au placard, quelque part entre sa dignité et sa fierté, les atours de Mister Auror. Tomber le masque pour une fois. Pour quelques verres. Pour quelques travers. Tout en lui accordant un temps de réponse, il s'en retourna à un shot, les paupières à demi fermées. C'était moins fort. Moins douloureux. Et dans sa tête, ça commençait à tanguer. Son siège était un bateau. Une barque sur laquelle il tenait par miracle. Alternant entre inspirations faisant convulser sa cage thoracique de soubresauts et la marrée léchant les rebords de son verre jamais à sec bien longtemps, il se sentit plus léger à chaque seconde. Les sons étaient moins puissants. Ou plus peut-être. Plus diffus, moins agressifs. C'était comme revoir les couleurs, les moues transparentes, vierges de toutes mauvaises intentions. C'était comme flotter, planer sur un nuage enchanté. Le flot de leur conversation dansa en synesthésie devant ses pupilles dilatées jusqu'aux rebords. Il voyait les mots, les sons, et entendait le fluo d'un bouton de manchette brillant.

La fée le borda et après une bouteille laissée presque vide, son bras lui paru être le plus confortable des oreillers. La colère restait au fond de son verre, avec la tristesse, la mélancolie, la déprime, les souvenirs douloureux, l'ombre l'arrachant à la vie, et sous ses cils battant pour étreindre les ultimes bribes de son éveil, il humecta sa bouche pâteuse, où trop de clopes s'étaient enchaînées pour la journée. Autour des deux adultes émanait une lueur vaporeuse. Comme un brouillard s'étirant jusqu'au plafond. Il se secoua d'un rire silencieux, d'une hilarité que lui-seul pouvait appréhender. Morphée et Absinthe le foutaient K.O, et il eut la force de lever la main pour les interrompre.

« Hé.. Je crois que... », un bâillement décrocha sa mâchoire, et il finit sa phrase tout bas, cédant aux appels combinés de ses nuits avortées et des grammes se distillant dans ses veines. « Je vous aime bien. »

Le plus beau des aveux, preuve d'affection qu'il n'avait jamais prononcé pour quiconque. Aujourd'hui, ce n'était pas Mardi. Et ce n'était pas la dernière fois qu'il viendrait dans cette ruelle, au croisement de Plane Street et de Lincoln Road. Peut-être que la prochaine fois, il irait avec les vacanciers dans ce petit restaurant près de la gare pour goûter un steak-frite, et finir sur un croissant encore chaud de la boulangerie d'à côté. Pour après se perdre entre les rayonnages d'une boutique d'antiquités où il achèterait un bibelot pour trois fois son pécule honoraire. Un vase romain ferait une belle touche personnelle à son salon aseptisé. Il pourrait même y mettre des fleurs. Des roses. Des jacinthes. Des tulipes. Des projets éphémères qui le bercèrent d'un sommeil réparateur. Le premier depuis bien longtemps.

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Mar 22 Déc 2020 - 14:42


Fièvre acheteuse Johann A. Kayser & Levine Serger & Delyla Gavril Il était assez intéressant de voir qu'un même lieu ne réveillait pas les mêmes impressions, sentiments ou souvenirs chez différentes personnes. De même que la perception qu'on en avait pouvait changer en fonction du type de personnes avec qui on s'y rendait, ou de la raison pour laquelle on y allait. Un établissement comme l'Edelweiss, pour ne prendre que cet exemple, pouvait être un lieu de regroupement, de rencontre, de détente, ou de travail. Qui savait combien de personnes avait pu se rencontrer entre ces murs ? Combien d'amitié ou d'histoire d'amour avait pu voir le jour ici même ? Combien d'affaire avait pus être conclu autour d'un verre ? Ou encore combien de personne avaient pus en faire leur lieu de regroupement régulier ? Tant de raison qui pouvaient offrir une image différente d'un même endroit.

À ce moment précis, dans cette pièce, aucune des personnes présentes n'avait la même image, les mêmes impressions, ou les mêmes souvenirs que l'endroit pouvait évoquer. Bien que les deux hommes semblaient plus coutumiers des lieux, Delyla ne pouvait deviner ce qui les unissait à l'endroit. Pour sa part, il était une totale découverte, plus habitué qu'elle l'était à se rendre dans l'établissement où travaillait son amie Sasha. Suite à ce genre de réflexion, elle se rendait compte à quel point il était facile de s'attacher à un endroit, peu importait la raison. Que deviendrait l'Edelweiss pour elle ? La simple découverte d'une journée en compagnie des deux hommes à ses côtés ? Ou un lieu qu'elle continuerai de fréquenter par la suite ? Elle n'en savait rien.

Ce qu'elle savait, en revanche, c'était qu'aujourd'hui, elle manquait cruellement d'originalité en terme de boisson. Ce n'était pourtant pas l'imagination qui lui manquait, du moins en ce qui concernait son métier. Un simple Mojito. Pathétique, avait-elle pensé pendant un court instant. Parmi toutes les choses qu'elle pouvait demander, c'était ce qu'elle avait choisit. Elle aurait pu demander une vodka pomme que ça aurait sans doute fait la même chose. Mais, après réflexion, ce choix aurait été presque pire sur l'échelle de l'originalité. De plus, elle aurait probablement fait offense à ses origines maternelle avec ce mélange. Comme avait l'habitude de dire son grand-père : « La vodka, ça se boit pure, ou ça ne se boit pas. » C'était cliché, certes, mais elle savait qu'il valait mieux ne pas contredire le vieil homme sur ce sujet si on voulait s'éviter un débat à n'en plus finir. À moins d'avoir du temps à perdre, bien entendu.

À défaut d'avoir plus d'imagination que les autres (on allait mettre ça sur le compte des récents événements.), elle donc avait opté pour une valeur sure. Tout du moins, elle avait suivi ses envies. Finalement, ce n'était peut-être pas un mal.

Remerciant le magizoologue d'un signe de tête pour son verre, elle avait laissé parler sa curiosité à travers une simple question.

« Et vous, quel choix imaginatif ferez–vous ? » Avait-elle demandé à celui qui semblait le plus familier des lieux.

Si le conseil du plus âgé ne semblait pas encore avoir été pris au pied de la lettre, elle se disait que son choix éveillerait peut-être une idée de ce qu'il entendait par là. Chacun, à leur manière, pouvait avoir un avis divergent sur la question, et ce qui relèverait d'un choix imaginatif pour l'un ne le serait pas forcement pour l'autre.

« Je ne peux pas prétendre adopter un choix imaginatif, lui avait-il répondu. Je vais me laisser tenter par un classique Bloody Mary. »
« Simple, mais efficace. » Avait-elle laissé échapper.

Finalement, ils semblaient tous avoir adopté la même technique. À défaut de faire dans l'original, ils suivaient leurs envies. Ce qui était peut-être la meilleure voie après ce qu'il s'était passé un peu plus tôt. Et c'était sûrement l'intention de leur hôte avec cette invitation. Histoire qu'ils ne ressassent pas cette mauvaise expérience durant une éternité. Ça pouvait paraître anodin, ce genre d'accident, ça n'en restait pas moins désagréable à vivre. Alors autant en atténuer le souvenir le plus possible si on le pouvait. Bien que la blonde n'avait pas été la plus touchée, elle comprenait totalement l'idée. La vie était trop courte pour s'attarder sur ce genre de chose.

« Si vous voulez fumer, ne vous gênez pas. Un enchantement est mis en place pour éviter d'importuner les non-fumeurs. »

Delyla avait eu un sourire face à cette nouvelle. Elle ne savait même pas que cela était possible. Cependant, c'était bien pratique, elle l'admettait sans soucis. Suivant le mouvement de Johann, elle avait fouillé dans une poche de sa veste pour en sortir un paquet de cigarettes avec des inscriptions cyrillique, qu'elle avait déposé à côté de son verre encore intact. Une marque russe dont elle avait l'habitude depuis plusieurs années, qu'elle achetait là-bas dés qu'elle retournait voir sa famille et dont elle ramenait quelques réserves à son retour en Angleterre. N'étant pas une fumeuse régulière, l'emballage n'était pas vraiment de première jeunesse, même s'il accusait le coup.

Lorsque le plus jeune s'était installé à ses côtés, elle avait attrapé son verre, et avait trinqué avec lui, faisant s'entrechoquer leurs verres dans un bruit sec. Elle avait reproduit le geste avec le professeur, avant d'entamer sa boisson. Elle ne savait pas vraiment ce qu'ils fêtaient, ni même s'ils fêtaient véritablement quelque chose. Devait-il forcement y avoir une raison pour trinquer ? Mettant au placard des questionnements dont elle ne trouvait pas l'utilité, elle avait sorti un tube de tabac de son paquet, l'avait coincé entre ses lèvres, et l'avait allumé à l'aide d'un briquet. Un détail inconscient qu'elle gardait des origines moldu de son père. La voix de son voisin de gauche s'était élevée, alors qu'elle rejetait la fumée de ses poumons dans la direction opposée à ses interlocuteurs.

« Que je suis con, dîtes le. J'en ai oublié de me présenter. » Avait-il dit en attrapant la bouteille d'alcool avec laquelle Johann l'avait servi plus tôt, s'en servant un nouveau verre.

Elle avait secoué la tête de gauche à droite avec un fin sourire, pour lui signaler que ce n'était rien. Au vu de ce qu'il s'était passé, elle comprenait totalement. Elle-même ne se souvenait pas l'avoir fait, alors lui reprocher aurait été malvenue de sa part.

« Je m'appelle Lévine. Juste Lévine. »

Elle avait maintenant le nom du jeune homme qu'elle avait percuté à l'entrer du magasin de livre. Lévine Serger. Car oui, elle se souvenait du nom employé par Johann lorsqu'il les avait rejoints devant la boutique. Le jeune homme perdait ainsi son statut de visage sans nom, son statut d'inconnu sans identité, aux yeux de la couturière.

« Enchanté Lévine. Je m'appelle Delyla. » Lui avait-elle répondu en retour.

Rien ne lui disait qu'il retiendrait son nom dans les prochaines minutes, ni même qu'il s'en souviendrait dans les prochains jours. Elle n'était peut-être qu'une inconnue d'un jour parmi tant d'autres pour lui. De ces gens que l'on croise une fois, et qu'on oublie presque aussi vite, en se disant qu'on ne les reverra jamais. Mais on pouvait toujours avoir des surprises. Et son nom à lui, le retiendrait-elle ? Il n'était pas commun à ses yeux, alors peut-être. Leur rencontre particulière aiderait sûrement aussi. Seul l'avenir pourrait lui dire.

Alors qu'elle coinçait de nouveau le tube de tabac entre ses lèvres pour laisser ses poumons se remplir d'une autre vague laiteuse, une nouvelle question avait émergé dans son esprit alors que son regard s'était de nouveau déposé sur Johann.

« Mis à part sauver les personnes en détresse et tenir le rôle de barman, vous avez d'autres talents cachés ? » Avait-elle demandé à l'homme, un soupçon de plaisanterie dans la voix.

Libre à lui de faire planer le mystère s'il le désirait. Après tout, « talent caché » voulait bien dire ce que ça voulait dire, et la rumeur voulait qu'il soit préférable de garder une part de mystère pour continuer à éveiller l’intérêt d'autrui.

Quoiqu'il en fût, la conversation avait été coupée par l'intervention de Lévine. En tournant la tête dans sa direction, Delyla crut voir que l'alcool et la fatigue avaient déjà amorcé leurs premiers effets sur le plus jeune du trio. Mais cela s'était réellement vérifié lors de sa dernière intervention.

« Hé.. Je crois que... Je vous aime bien. »

Une déclaration qui avait éveillé un sourire attendrie sur les lèvres de la trentenaire, alors que le jeune homme s'endormait à même le comptoir. Devaient-ils cette annonce à des effets indésirables de la boisson, ou la boisson avait-elle simplement permis de descendre quelques barrières ? Peut – être un peu des deux, personne ne pouvait vraiment le savoir. Lévine allait-il regretter ses paroles à son réveil ? C'était une possibilité. Mais là n'était pas les pensées de la jeune femme à ce moment.

« Il doit avoir dans les âges de mon frère. » Avait-elle dit en prenant une nouvelle gorgée de sa boisson presque vide. « Je ne sais pas si c'est vraiment comparable, mais… Il me fait un peu penser à lui. »

Sa nostalgie faisait de nouveau son apparition, alors que l'évocation de son frère lui rappelait sa famille restée au pays. Partit seule en Angleterre, elle ne les voyait plus qu'à certaines occasions, ayant de leurs nouvelles par lettres le plus souvent. Parce qu'ils avaient une vie, eux là-bas et elle ici.

Pour se forcer à revenir dans le présent, elle avait attrapé son verre et l'avait vidé cul-sec. Ce n'était sûrement pas très féminin, mais elle s'en fichait.

« Je pourrais l'amener ici si l'occasion se présente, je suis sûre que l'endroit pourrais lui plaire. »

Oui, ça lui plairait certainement même. À défaut de pouvoir changer le passé, elle pouvait faire des projets pour le futur. Certes, sa famille lui manquait, mais revivre ses souvenirs passé ne changerait pas la situation. Elle les voyait moins à cause de la distance, mais jusqu'à maintenant le sacrifice en valait la peine. Elle aimait sa vie en Angleterre, même si tout n'était pas toujours rose. Elle ferait certainement les mêmes choix, si on la ramenait dans le passé. Alors, il ne lui restait plus qu'à voir ce que l'avenir lui réservait, dans ce pays où encore tant de chose l'attendaient.

Pour le moment, assise à ce comptoir d'une salle privée de l'Edelweiss, elle profitait simplement d'un moment de répit en compagnie des deux hommes à ses côtés. Un moment de répit qui ne faisait que précéder un futur plus mouvementé.
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Delyla Gavril
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Delyla Gavril
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Dim 24 Jan 2021 - 16:16
Fièvre acheteuseBuy. Resell. The entire Muggle world works with these simple, repetitive actions. They start again. Again. They never really stop. The wizards too. What makes us different, outside of our powers, in the end?
Samedi 07 octobre 1995,

Johann n'avait jamais été de ceux qui souriaient ou riaient beaucoup. L'homme préférait largement laissé cela à d'autres, à ceux qui en ressentaient le besoin, qui ne pouvaient s'empêcher de prétendre un bonheur, parfois fictif, derrière de telles exclamations de voix. Le magicozoologue était plutôt le genre de personnage qui laissait une impression étrange. Comme si le professeur, grand joueur d'échec, passait la majorité de son temps à calculer ses coups, à placer ses pions et autres pièces sur un échiquier mental pour, ensuite, faire avancer une partie qui n'était connu que de lui-même. Cependant, cette journée-ci, avec l'illusion d'une protection offerte par son établissement personnel, le brun avait décidé, en partie du moins, de laisser derrière lui sa réputation et ses manières. Le trentenaire se dévoilait un peu, offrait quelques talents anecdotiques, mais surtout, offrait le calme et la liberté de faire tomber les masques à deux êtres de sa connaissance. Des êtres qui donnerait à l'Allemand l'envie de les découvrir plus en profondeur, fait marquant dû à ce semblant d'aventure.

Une aventure qui lui avait fait découvrir des facettes, en particulier pour l'auror, que Kayser n'aurait pas imaginé. Assis maintenant depuis peu sur le tabouret à côté de la tatouée, l'employé du ministère, que le trentenaire ne put s'empêcher d'observer attentivement, lui faisait penser à l'un de ses adolescents pommés que l'enseignant avait recueilli dans l'Allée des Embrumes. D'un de ceux qui, aujourd'hui, travaillaient pour lui avec plaisir, car le patron, qualificatif que le susnommé n'appréciait pas vraiment, les avait sorti de la misère dans laquelle ils se trouvaient. Durant leur première rencontre, le salmigondis de coup-bas susurrés par son vis-à-vis à son intention lui avait offert un air infrangible. Une carapace que l'alcool fissurait à chaque gorgée, jusqu'à l'obliger à se dévêtir de son armure.

« Que je suis con, dîtes le, s'exclama l'asiatique. J'en ai oublié de me présenter. »

Johann le connaissait déjà, bien que moins bien qu'espéré. Il était l'auror en charge de son affaire, envoyé par une ex-compagne particulière rancunière. Fait que le zoologiste magique ne pouvait tout bonnement pas vraiment avouer, particulièrement devant sa couturière attitrée. Le fait qu'elle fut une membre de l'Ordre du Phénix, tout comme l'homme, et que, par conséquences, le chef des Suns of Loki était amené à la côtoyé dans d'autres circonstances que pour ses vêtements jouait aussi beaucoup sur cette pensée.

« Je m'appelle Lévine. Juste Lévine.
- Enchanté Lévine. Je m'appelle Delyla. »

Parce que le magicozoologue les connaissait déjà tous les deux et n'y voyait aucun intérêt, quitte à être perçu comme un homme prosaïque, le trentenaire ne répliqua pas et préféra terminer son tube empoisonné d'une longue inspiration. Le mégot termina sa course écrasé dans le cendrier déposé sur le comptoir, par ses soins, quelques minutes plutôt, puis une gorgée du Bloody Mary vint rafraichir sa gorge et la brûler légèrement par la même occasion.

La seconde d'après, captant le regard interrogatif de Delyla sur lui, le barman improvisé détourna le sien de son verre pour le déposer sur la femme. Son sourcil gauche se redressa en même temps que les mots franchirent sa bouche.

« Mis à part sauver les personnes en détresse et tenir le rôle de barman, vous avez d'autres talents cachés ? »

La question était bien trop vague pour pouvoir y répondre véritablement de façon précise, mais elle lui paraissait à la fois trop explicite. L'homme plissa légèrement le regard, retrouvant ses travers en peu de temps, pour finalement les abandonner la seconde suivante. L'heureux propriétaire de Fiery ne voyait aucun intérêt à se méfier d'une personne se trouvant dans le même camp que lui, du moins à l'instant même où sa réplique fusa. Une réplique qui offrait à la fois trop et pas assez, le brun en avait parfaitement conscience, mais c'était justement par conscience professionnelle, de par la présence d'un homme qui le fascinait autant qu'il pouvait inspirer sa méfiance, que sa réponse s'était dessiné ainsi.

« Bien d'autres, en effet, mais tous les citer serait à la fois long et ennuyeux. Le plus connu, bien qu'il ne puisse pas être qualifié, de fait, de caché, reste bien sûr mes talents en matière d'animaux. »

Si Johann aurait pu continuer longtemps à offrir des paroles aussi vide d'informations, Lévine le coupa dans son élan de discoureur en offrant sa dernière tirade. La bouteille d'absinthe vide témoignait pour lui. Sa pensée était due à la désinhibition causée par l'alcool.

« Hé.. Je crois que... Je vous aime bien. »

L'envie de répliquer par une pique salée fut bien présente quelques secondes. Cependant, loin de vouloir causer le moindre trouble, d'autant plus à le voir s'assoupir de la sorte, le propriétaire de l'établissement se contenta d'un fin sourire en coin. C'était à la fois touchant et dérangeant, mais une impression s'immisça en lui sans que son intellect ne put y faire quelque chose. Johann avait apprécié ces quelques mots. Peut-être parce qu'ils venaient d'un ennemi, et que cela voulait dire qu'en tant qu'adversaire, sa présence n'était pas oubliable. Ou peut-être était-ce simplement parce que derrière ses masques de froideur, l'Allemand ne les avait pas assez entendus, que ce soit dans sa jeunesse ou dans le présent. Au fond, qu'importait ? Lui-même ne pouvait s'offrir une réponse claire à ce sujet.

« Il doit avoir dans les âges de mon frère, avait dit Gavril en se permettant une nouvelle gorgée. Je ne sais pas si c'est vraiment comparable, mais… Il me fait un peu penser à lui. »

Le zoologue haussa une épaule, foucade incontrôlée, car le récit ne l'intéressait pas. Une attitude rare venant de sa part. Toutefois, l'étranger se ressaisit à la seconde et se força à donner à la femme l'attention qu'elle méritait. Son mouvement était-il passé inaperçu ? Difficile à dire, d'autant plus quand elle reprit, ne se formalisant pas de son manque de politesse à son égard.

« Je pourrais l'amener ici si l'occasion se présente, je suis sûre que l'endroit pourrais lui plaire. »

Et Kayser remercia mentalement les dieux et la magie pour ne pas s'être comporté en rustre plus longtemps, car en bon commercial, passer à côté de la proposition aurait pu faire tâche sur son curriculum vitae. Non qu'un tel document était réellement présent quelque part dans ses affaires, mais l'image était suffisamment parlante.

« N'hésitez pas à lui en toucher deux mots, se permit donc le fameux commercial en acquiesçant. Je suis certain que cela fera plaisir à Chiyo. »

Une autre manière pour dire que cela ferait surtout plaisir à son compte en banque et à celui de ses associés, mais la couturière n'était pas obligée de le savoir.

Dans un dernier élan pour sceller l'affaire, le serveur resservit l'autre trentenaire, puis termina son propre verre. Sa baguette fut ensuite récupérée de son manteau qui fut replacé habilement sur ses épaules, ne se privant pas, par la même occasion, pour faire de même avec son couvre-chef. Tout dans son attitude le laissait prédire : le plus vieux des hommes allait partir. Cependant, son idée n'était pas d'aller bien loin.

« Restez autant que vous voulez, ce sera à mes frais. »

Une contradiction dans son envie précédente, mais pour ceux et celles qui le connaissaient vraiment, l'Allemand en possédait plus d'une.

« Je vais, pour ma part, trouver une chambre pour notre jeune ami. En faisant en sorte que ses collègues ne le voient pas dans cet état. »

La dernière phrase fut rajoutée presque à voix basse, très certainement pour lui-même plus que pour Delyla. D'un mouvement de l'If, le sorcier força Lévine à se redresser puis fit basculer son corps en position allongée, le faisant ainsi léviter. Sa main libre, l'instant suivant, attrapa son béret pour le soulever dans une mimique courtoise.

« Passez une agréable journée, miss. Et à bientôt. »

Le patron, après cette dernière phrase, ne laissa que peu de temps à la blonde pour répliquer. La porte fut ouverte et, le cadavre alcoolisé le suivant dans les airs, le professeur disparut dans les couloirs, laissant à la tatouée tout le loisir d'apprécier sa nouvelle solitude dans la pièce joliment décorée.

Pour sa part, ses pas empruntèrent tous les passages secrets connus par sa personne pour se retrouver dans les étages et, après inspections des lieux, trouver enfin une chambre vide de monde. L'employé de Poudlard, après avoir pris possession des lieux, déposa sa charge avec soin sur le baldaquin au centre. Son réveil serait difficile, fut sa pensée en le bordant, mais il aurait au moins eu le loisir de dormir plus confortablement que sur un comptoir.

Puis, contrairement à ce que son esprit avait imaginé durant son court trajet jusqu'à l'endroit, à savoir repartir sans un regard en arrière, préférant s'assurer par une impulsion soudaine qu'il irait relativement bien, le magicozoologue s'installa sur l'unique bureau. Ses achats furent déposés à côté de lui, puis l'homme chercha un moyen de se remettre au travail. Une recherche qui ne dura pas, car les copies de ses élèves se déposèrent devant lui dans un brasier caractéristique. Cela lui arracha un sourire complice. Fiery avait le don pour prévoir toutes ses actions avant même qu'elles n'eussent effleurées son esprit. À moins qu'elle l'espionnât, mais c'était difficile, voir impossible à deviner. Tout comme prévoir l'heure du réveil de son colocataire forcé lui paraissait improbable.

Sa patience était, à nouveau, mise à l'épreuve et c'était, sans que le bandit put le comprendre, agréable. Cette journée allait restait dans sa mémoire comme un très bon souvenir, sans le moindre doute.

FIN

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Johann A. Kayser
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Johann A. Kayser

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