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[13/09/1995] Crêpes et chocolat au lait | ft. Azalée

 :: Hors-Jeu :: La Pensine :: RP Harry Potter :: Les RP Terminés Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Sam 28 Mar 2020 - 17:01
Crêpes et chocolat au lait

ft. Azalée Winchester

On était en plein après-midi. À vrai dire, les cours venaient de prendre fin. Les professeurs avaient renvoyé les élèves, les avaient accablés de devoir, avaient condamné toutes leurs soirées à venir à plancher sur des dissertations plutôt tordues qu'Ariel n'avait pas hâte de commencer.

En fait, il trouvait le système scolaire sorcier plutôt injuste. Enfant, il avait été à l'école moldue pendant dix ans – influences maternelles obligent – et s'il devait retenir un point de toutes ces années de travail forcé, c'était que là-bas, le mercredi après-midi, on les laissait tranquilles. Ce qui n'était pas le cas à Poudlard, au grand dam de l'étudiant. Il les vivait plutôt mal, les mercredis. Les cours étaient inintéressants au possible, il avait faim toute la journée, il n'avait pas envie.

Alors quand Rogue les relâcha cet après-midi là, regards meurtriers et moue désapprobatrice en prime, Ariel ne fut pas surpris d'entendre son estomac gargouiller à la mort. Il était quinze heures, se justifia-t-il silencieusement, c'était presque l'heure du goûter.

Il ignora le fait que les autres jours de la semaine, il n'avait aucune difficulté à tenir jusqu'à l'heure de repas. C'était un état propre au mercredi. Il n'avait aucune envie de changer la tradition.

Ariel se dépêcha de rejoindre le Grand Hall. Un coup d’œil autour de lui confirma son pressentiment : presque tout le monde était encore en classe, et les autres profitaient des derniers jours de beau temps ou piquaient leur petit somme de la journée dans leurs dortoirs. À part un groupe de filles de Serpentard, il n'y avait personne.

Il s'installa sur le banc le plus proche et sortit prestement son carnet. Couverture bordeaux, pages blanches immaculées, il n'y avait pas plus banal. Un jour qu'il s'ennuyait en Botanique, il s'était mis à graver son prénom sur le cuir du livret avec la pointe sèche de sa plume. Juste avant de se rendre compte que la plume en question serait inutilisable après l'opération. Le résultat, partiel, donnait un « Arie » dont le e était à moitié invisible. C'était devenu un surnom qu'utilisaient parfois ses amis pour le désigner.

Il ouvrit le carnet au milieu, saisit sa plume à réservoir, se mordit la lèvre inférieure.

« Tu es encore en cours ? »

La phrase demeura quelques instants puis s'effaça. La réponse arriva presque instantanément.

« Oui mais presque fini. Rendez-vous devant les escaliers. On mange direct là-bas. »

Ariel sourit, satisfait. Il pouvait toujours compter sur Tom lorsqu'il avait faim. Oscar était trop timide pour oser défier les règles de l'école – en tout cas, pas pour quelque chose d'aussi futile que de se restaurer -, et les filles étaient soit occupées à fomenter un mauvais coup, soit révoltées contre l'exploitation des elfes de maison, soit – pour Louisa – en plein dans un régime quelconque pour une raison qui lui échappait.

Son ami ne tarda pas à le rejoindre en bas des escaliers. C'était une routine hebdomadaire : le mercredi, ils finissaient leurs cours presque en même temps, tôt dans l'après-midi. Ariel ne se souvenait plus tout à fait du moment où ils avaient établi leur rituel – quelque part durant l'année précédente -, mais ils l'avaient repris tout naturellement au début de l'année. Chaque semaine, ils faisaient un crochet par les cuisines. Les elfes les attendaient : pain de mie garni de pâte à tartiner, parts de quatre-quart ou de gâteau au yaourt, fruits en quantité, le menu dépendait de l'humeur des cuisiniers. Il était toujours assez copieux pour que les deux enfant se gavent jusqu'à plus faim. Résultat : rares étaient les mercredis soir où ils touchaient vraiment à leurs assiettes.

— McGonagall m'a tué, fit Tom en guise de salut lorsqu'il arriva. J'espère que les elfes ont prévu du chocolat, parce qu'il me faut au moins ça pour m'en remettre.

— Elle sait simplement que tu n'en as rien à foutre de la métamorphose, rétorqua platement Ariel. Tu n'as que ce que tu mérites.

Il avait du mal à accepter que ses amis n'aiment pas vraiment la Métamorphose, lui-même vouant un genre de culte à la matière. Cela dit, en un peu plus d'un an, il avait abandonné les remontrances à ce sujet. Enfin, plus ou moins. Il avait remarqué qu'elles ne servaient à rien, mais il ne pouvait parfois pas s'en empêcher.

— On y va ? proposa-t-il pour changer de sujet. Ils seraient capable de nous reprocher d'arriver en retard.

Tom acquiesça et ils empruntèrent le passage de droite en bavardant. À présent, le chemin n'avait plus de secret pour eux. Ariel l'avait découvert en fin de Première Année par le plus heureux des hasards. C'était à un moment où il avait eu désespérément besoin d'être seul et il avait fui toute compagnie humaine. Sauf qu'impossible de s'isoler dehors puisque le soleil brillait à nouveau de toute sa puissance. Pareil pour la bibliothèque : les examens approchant, beaucoup d'étudiants passaient leur temps là-bas. Il avait décidé d'errer dans le château ; il s'était finalement perdu, arrivant par il ne savait quel procédé devant la Salle Commune des Poufsouffle. Un groupe de Sixième Année en était sorti et sans faire attention au garçonnet qui se cachait dans l'ombre, s'était dirigé droit vers les cuisines.

Ariel sourit. Il avait été bien inspiré, ce jour-là. Même si, bien sûr, il n'avait jamais avoué à personne qu'il s'était perdu ; il avait tout de même un ego à entretenir.

Tom partit dans un grand éclat de rire alors qu'ils élaboraient toute sorte d'hypothèse sur la composition de leur goûter. En jeu, comme d'habitude, trois Gallions. Ils devaient avouer qu'ils gagnaient rarement.

Ils ne cherchaient pas spécialement à être discrets, puisque presque personne ne flânait dans le coin.

— Je mise sur des gaufres, personnellement, indiqua le Serdaigle en chatouillant la poire sur le tableau. Ils nous l'ont promis l'année dernière, tu te souviens ?

Puis il se retourna. Quelques elfes avaient abandonné leur poste de travail pour les accueillir à coup d'exclamations enjouées. Ce jour-là, il n'y avait qu'eux – pas d'autre étudiant pour leur faire de l'ombre.

Ariel appréciait beaucoup l'affection que les elfes de maison leur portait.

— Comment allez-vous, aujourd'hui ? J'espère que vous n'êtes pas trop fatigués, s'enquit-il.

— Nous allons toujours bien lorsque Monsieur Tom et Monsieur Ariel viennent nous rendre visite, dit l'un d'eux en s'inclinant légèrement.

Tom tiqua en le voyant faire ; Dobby faisait toujours trop de manières. S'il savait pertinemment que les elfes étaient heureux de travailler, les convictions de Jules avaient fini par l'atteindre un peu – il n'aimait pas la servitude inconditionnelle dont certains faisaient preuve envers les humains.

— Des crêpes, désigna-t-il finalement pour penser à autre chose. Le meilleur goûter qu'on puisse imaginer... Désolé, Arie, les trois Gallions, c'est pas pour aujourd'hui non plus.

La seule chose qu'ils n'avaient pas prévue, dans leur fabuleux festin – et qu'ils n'avaient pas cherché à remarquer, il fallait l'avouer -, c'était la fillette aux yeux trop curieux qui les avait aperçus devant l'entrée des cuisines. Une fillette dont la réputation de gourmande n'était pas à refaire.
Code by Ariel


HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
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Mer 22 Avr 2020 - 14:06


Crêpes et chocolat au lait.



Mercredi 13 Septembre 1995,

Le Mercredi était un jour important. Loin du Samedi des traditionnelles bêtises, Azalée s'en était allée se fabriquer un nouvel emploi du temps. Loin des cours, des livres poussiéreux et des formules compliquées. Elle voulait s'occuper. Tout découvrir. De la cave aux mystères, aux passages secrets. Si elle en croyait les grimoires ancestraux de sa bibliothèque personnelle, là, posée au chevet de son lit douillet, les châteaux en contenaient toujours. Une tranche de cuir qui se déplace, ou bien un mur qui laisse échapper un filet d'air. 

Et si dès le premier jour, elle s'était mise en tête de dédier le Mercredi à ses recherches souvent infructueuses, ses plans avaient changé en même temps qu'une amitié naissante. C'était sous la fraîcheur d'une bise matinale, sous les copeaux de la rosée, et prenant le brouillard en témoin, que deux âmes éprises d'altruismes s'étaient côtoyés. Meus par la volonté d'élever le poing contre l'injustice, l'esclavage d'un peuple en souffrance, c'était en révolutionnaire qu'elles s'étaient séparées. Deux jeunes esprits convaincus d’œuvrer pour le bien, de pouvoir à la force de leurs convictions et de flèches collantes, qu'elles pourraient restituer l'argent volé aux pauvres.

C'est donc en Petit Jean qu'elle s'était levée ce matin-là. Un Mercredi, non octroyé aux aventures, mais à la révolution. Même sans Robin, elle pouvait contribuer à la lutte. Par-dessus son uniforme, où son écusson jaune trônait fièrement, elle accrocha à ses côtés, en voisin de pallier, un badge portant quatre lettres séparées d'un point. Le point de l'union, et non des fossés de désaccords. Elle en était à présent certaine. Des bonnes ondes pouvaient naître d'une simple balade, ou d'une difficulté. Maman avait raison, elle avait toujours raison après tout. Lorsque l'on avait besoin d'un coup de main, il suffisait de le demander. Ce n'était en aucun cas plus compliqué que ça.

Monsieur Noodle eut le droit de voir son nœud papillon réajusté, et comme cul et chemise, elle lui associa le même insigne. Ils n'étaient en contradiction que rarement. Il était ronchon. Jamais de bonnes humeurs, et ne savait pas être poli. Et ce, malgré les remontrances de sa jeune amie. Rien ne changeait. Et c'était sans doute pour le mieux. Au fond, il disait ce qu'elle pensait tout bas. Comme pour la méchante du premier jour, pendant le grand repas, après que le chapeau pointu lui avait répondu au creux de sa caboche, mais aussi, contre la dame en rose. Elle lui faisait peur. Et à lui aussi. Sur ce point encore, ils se rejoignaient. 

Et c'était avec cette même pointe au cœur, cet élan semblable, qu'il possédait sur sa fourrure brune, cette appartenance à un mouvement de contestation. Papa lui disait toujours de taper du poing. Et elle le ferait. La rouquine lui avait ouvert les yeux. Ce monde était le siens. Et elle avait bien l'intention d'en défendre les occupants. 

Elle replaça son fidèle compagnon de mission contre son oreiller, le temps d'ouvrir sa lourde malle. Là, coincée entre quelques robes bien pliées, elle avait entreposé son matériel d'activiste en herbe. Elle avait pris des heures à le confectionner. De longues minutes pour parvenir à un résultat satisfaisant.

Avec contentement, Azalée extirpa son panneau, pour venir le contempler. Un support en bois pour l'agiter, une simple planche qu'elle avait trouvé dans l'un des placards à balais laissé à l'abandon, et avec l'aide d'une grande dont elle tairait le nom par soucis d'anonymat, elle s'était procurée des pinceaux et de la peinture rouge. Le rouge, c'était voyant. Elle aimait le rouge. Ça ressortait bien pour ce genre de manifestation. Papa appelait ça des Anarchistes. Ou quelque chose du genre. Sur la toile moyenne, on pouvait y lire : Sauvez les elfes. Tout autour de son slogan, elle avait dessiné approximativement la tête de la dîtes créature. Une tête disproportionnée, un peu et des oreilles dépassant du cadre. 

« Avec ça, mon cher Monsieur Noodle, on va rallier du monde ! », fit-elle avec optimisme, en venant balancer ses bras de droite à gauche, dans le but de reproduire les mouvements qu'elle avait cru voir chez certains dans les rues de Londres. Il était déjà 16 heures. L'horaire idéal pour son méfait. L'heure du crime. Celle du goûter. Les professeurs seraient en train de prendre le thé, ou le café avec du gâteau, pendant qu'elle, brave blaireau, elle s'en irait à la conquête de nouveaux membres. Elle était certaine que ça ferait plaisir à Robin de la voir venir avec des bras supplémentaires. Plus on est de fou, et plus on ri ! C'est sur cette pensée qu'elle plaça son panneau sur son épaule, puis, son sac sur l'autre, et enfin, elle attrapa son acolyte. La mission pouvait débuter. 

« Anna ! Tu viens avec moi ? », scanda la blonde en descendant les marches quatre à quatre, manquant de tomber dans son empressement. « J'ai fini mon panneau ! Mais faut qu'on défile ! »

Son amie, perchée sur ses livres, daigna relever la tête à son arrivée en fanfare dans la salle commune. Les quelques occupants ne lui accordèrent que quelques secondes de leur attention, avant de retourner à leurs occupations. Après tout, ils étaient habitués à son côté fantasque. En vivant avec de jeunes enfants, trop souvent enfermés dans leur bulle de conte de fée, ils avaient appris à s'en détacher. En tout cas, c'est ainsi qu'elle voulut interpréter leurs regards ennuyés. La brune à lunettes la fixa un instant, alternant entre son visage de poupée fendu d'un large sourire, et le dit panneau, avant d'en venir à ses parchemins éparpillés sur la table ronde. 

« Aza.. Faut que je finisse mon devoir de potions, tu sais.. Rogue, il va pas nous louper si c'est pas assez bien. », commença sa camarade en tordant ses lèvres dans une moue désolée. « Et puis.. ça peut attendre demain ton truc pour les elfes.. non ? », essaya-t-elle dans une vaine tentative de négociation. Ses lèvres se relevèrent d'une esquisse quelque peu tremblante, tandis qu'elle tâcha de cacher les bribes de gênes qui venaient agiter ses doigts de spasmes, en nouant les fils dorés de son marque-page. 

« Mais.. Anna, tu m'as promis de venir ! Ton devoir peut bien attendre une heure ? », rétorqua la blonde en tapant du pied pour prévenir d'un orage qui saurait éclater en cas de refus. Aux yeux d'Azalée, une promesse était sacrée. Une parole donnée ne saurait être reprise. Elle n'avait pas pour habitude de manquer à son accomplissement, donc, elle n'avait aucune conscience qu'il n'en était pas nécessairement de même pour tout le monde. Devant son attitude, sa camarade haussa vaguement les épaules, retirant ses lunettes de son nez, qu'elle balança au-dessus de sa page par la branche. 

« Bah.. Tu sais.. », hésita-t-elle en cessant son manège, pour jeter la paire sur les écrits et croquis. Le sourire de la jeune fille se fana tandis que la certitude d'un refus naissait dans son esprit. Elle connaissait cette expression. Maman l'avait souvent quand elle ne savait comment lui dire qu'elle n'était pas la capacité de lui faire son gâteau préféré. Elle en était toujours déçue. Atrocement blessée. 

« Les devoirs, c'est important.. Et, on s'était aussi promit de réussir notre année, tu te souviens ? » 

Elle s'en souvenait. Et elle faisait de son mieux pour honorer sa part du marché. Elle acceptait les révisions jusqu'à tard dans la soirée, ou tôt dans la nuit selon les besoins de son amie. Elle en avait eu les doigts douloureux et les yeux rougis par les heures de lecture intensive. Non, elle ne supporterait pas que l'on la lui rappelle alors qu'elle n'était pas en faute.

« Mais promit ! Demain, je viens défiler avec toi Aza ! », sur ces mots, elle se releva pour s'approcher de la silhouette figée d'un espoir avorté. Anna lui tendit la main en signe de bonne foi, s'efforçant à un sourire de circonstance. Le regard bleuté de la première année alterna entre les doigts de son amie et son visage. Quelque chose monta en elle, qui fit rougir ses joues de colère. Le sentiment de trahison. 

« Tu m'avais promis ! Et là, tu me dis que non ?! Des gens souffrent et toi.. Et toi... », les mots voulaient sortir. Tous, les uns après les autres, si bien que sa langue ne put les suivre, combler leur affluence. Elle bégaya quelques secondes, avant que sa phrase ne puisse redevenir compréhensible. « Et toi, tu préfères un stupide devoir de potions ! Tu n'es qu'une menteuse ! Je te déteste ! », elle avait crié. Sans doute un peu trop fort. Sans le penser réellement. Et si elle rata l'éclat de tristesse qui traversa le regard d'Anna, elle entendit son : « Quoi ? », murmuré dans le silence.

Azalée frappa du talon, martelant sa fureur, et ignora la main tendue, signe de paix qu'elle venait d'envoyer balader de paroles que son esprit ne pouvait réellement cautionner. Elle claqua la porte derrière elle, s'enfonçant dans le couloir déserté de ses habitants, de ses habitués. Ce n'est que là, qu'elle s'autorisa à souffler, de laisser échapper son humeur d'un soupir. Il n'y avait personne pour la juger, pour la lui reprocher. Tout le monde devait être dehors. Après tout, même ici, dans les cachots, il faisait moins frais que la veille. Elle imagina un soleil radieux. Peut-être pouvait-elle aller se perdre sous un arbre à l'extérieur ? Profiter des éclaircies en admirant le vol d'une libellule ? 

Ce serait agréable. Et ça lui rappellerait la maison. Sa campagne natale et ses allées fleuries par le temps. Qu'elle aurait aimé allait se perdre sous le grand chêne, jouir des plaisirs épicurien d'une sieste estivale. Et avec de la chance, elle aurait pu retracer le parcours d'un papillon, en comptant les moutons nuageux. Une douce perspective qui lui fit oublier sa détermination l'espace d'un instant. Maman lui manquait. Papa aussi. Grand-maman. Même son cousin. C'était la première fois depuis son arrivée que la nostalgie venait l'étreindre de cette manière. Aussi fortement. Elle voulait rentrer, aller se blottir sous son plaid rosée, en ayant comme unique préoccupation les cookies rôtissant dans le four. Son ventre gargouilla, la rappelant à l'ordre. Elle tuerait pour des cookies. Ou une part de gâteau au chocolat, avec pleins de noisettes. 

Mais elle n'en avait pas le droit. Les elfes avaient besoin d'aide. Azalée secoua la tête, fouettant son visage poupin de sa longue chevelure. Elle devait se ressaisir. Aujourd'hui, elle s'était confiée une mission. Et avec ou sans aide, elle la mènerait à bien. Après tout, la solitude n'avait pas découragé Robin ce matin-là. Et en fidèle Petit Jean, elle ne saurait souffrir d'un manque d'intérêt pour leur cause. 

« De toute manière, on peut y arriver juste tous les deux. », fit-elle pour l'ourson dans ses bras, avant de le fourrer dans son sac, ne laissant que sa tête dépasser. Elle aurait besoin de ses deux mains pour la suite de l'opération. Elle brandirait leurs convictions bien haut cette fois-ci, jusque sous le nez des autres élèves. Et si ça ne suffisait pas à attirer leur attention, elle leur chanterait le slogan. Les doigts fermement serrés autour de la planche, elle leva le panneau dans les airs, avec une certaine fierté. Le Mercredi serait dédié à leur défense à présent. Et elle ne leur ferait pas faux bond.

Elle tourna donc à droite, les pas claquant sur les dalles de pierre. Elle devait rejoindre le hall pour espérer aller parader dans le parc. Elle était au moins convaincue d'y croiser des camarades. Derrière elle, une course se fit, rapide et saccadée. Alors que devant elle, elle croyait entendre deux éclats de voix. Elle n'était pas seule dans les sous-sols. 

« Attends moi, Aza ! Je suis désolée ! Je vais t'aider ! Regarde, j'ai même mis les oreilles. », Anna l'attrapa par la capuche, la forçant à la regarder. Autour de sa tête, de part et d'autre, trônaient deux grandes magnifiques oreilles en carton, qu'elles avaient faîtes ensemble. L'émotion lui en fit oublier les deux garçons se dirigeant vers les cuisines, tant et si bien qu'elle l’étreignit avec force. Elle avait tenu sa promesse. Elle était une vraie amie. 

« Non ! C'est moi qui suis désolée, pardon ! Pardon ! », répondit Azalée en acceptant finalement de se détacher devant la gêne de sa camarade, qu'elle sentait se tortiller comme un asticot. « J'ai été méchante avec toi. Mais.. », elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, que la paume de la brune se plaqua sur sa bouche. Elle intima le silence en apposant son index tendu sur ses propres lèvres, tout en lui désignant les deux ombres se faufilant vers les cuisines. Bêtement, elle suivit la direction, les joues encore gonflées de sa tirade coupée. 

La curiosité l'emporta sur la raison. Et les deux fillettes n'eurent besoin que d'une œillade complice pour se comprendre. Silencieuses, elles emboîtèrent le pas des deux plus grands, rasant les murs comme deux ombres. Ou des Ninja. Tout au moins, c'est ainsi que s'imagina Azalée. Ses boucles blondes se recouvrirent d'un foulard sombre, et c'est tapis contre les briques qu'elle se laissait glisser dans les ténèbres. Anna ne fut pas en reste. Sur la pointe des pieds, elles se faufilèrent dans le dos des deux trublions, cachées, à couvert derrière la porte entrouverte. Elles avaient une vue imprenable. Des elfes. Partout ! Tout pleins de petits êtres rachitiques s'agitant autour de leurs hôtes. 

« Comment allez-vous, aujourd'hui ? J'espère que vous n'êtes pas trop fatigués. », sembla s'inquiéter l'un d'eux, celui avec les boucles désordonnées. Suspicieuse quant à la sincérité d'une telle demande, la gamine fronça les sourcils, faisant remonter le bout de son nez. S'il s'inquiétait vraiment, il ne serait pas là, à participer à l'esclavagisme de ce peuple incompris. Ils gardaient le sourire les pauvres. Des lapins apeurés devant la férocité de loups sans scrupules. Sans doute, était-ce pour ça que le chapeau qui parle avait hésité, puisqu'elle sentit un profond sentiment d'injustice l'envahir. Le pelage d'un lion lui aurait tout autant convenu que le confort d'un terrier.

D'un geste, elle retarda leur entrée. Il fallait trouver le bon moment. Le timing idéal. Il n'y a que de cette manière qu'elles pourraient marquer leurs esprits et faire entendre leurs convictions. Elle les observa s'installer autour du comptoir, perché sur des tabourets, deux assiettes de crêpes devant eux. Maintenant ! Comme une scoute, elle fit quelques mimes à sa comparse, notamment celui de l'oiseau qui s'envole pour signifier leur fulgurant début de révolte. Puis, avec panache, que dis-je, brio, maestria, elle ouvrit la porte en grand, coupant court à leur discussion. 

« Sauvez les elfes ! À bas la tyrannie des dirigeants ! », scanda-t-elle en déboulant dans les cuisines en courant, se stoppant dans un tourbillon qui ne dura qu'un tour, devant leur perchoir. Elle les fixa, jugeant leur inaction pour la défense de leurs serviteurs de goûter dans un simulacre de regard agressif. Qui venant d'elle, ne fit que dilater ses narines de manière grotesque. 

« Toi ! Et toi ! », elle les pointa du doigt l'un après l'autre, commença par le frisé. « Vous êtes aussi coupables que les autres ! Oui ! Coupables de leur esclavage ! », elle désigna les elfes l'examiner de leurs soucoupes étonnées. Anna alla se placer à ses côtés, réajustant son serre-tête artisanal avec une grimace, un peu ennuyée de se tourner en ridicule. Et c'est avec une voix moins convaincue qu'elle enchaîna, son poing se levant sans enthousiasme. 

« O-ouais.. Coupables hein.. », elle détourna les yeux, les pommettes rosies d'embarras. Ce qui n'empêcha pas Azalée, galvanisée par son élan rebelle de continuer, ne laissant à personne le temps de répliquer. Elle avait l'intention de mettre à profit ses talents de bavarde. 

« Alors qu'ils vous servent, vous, vous ne faîtes rien pour les aider ! Non, vous profitez juste de leur gentillesse ! C'est injuste ! Vous êtes encore plus injustes que ceux qui les ont enfermés là, d'abord ! », elle agita son panneau devant leur nez, encourageant sa camarade d'une moue implorante d'appuyer ses propos. Elles étaient deux dans cette affaire cette fois. Elle l'avait rejoint de son pleins grès. 

« O-Ouais.. Donc.. Signez la pétition de libération ou.. », la brune à lunettes fit glisser un parchemin encore vierge de signatures, le regard toujours fuyant. « Ou.. on vous taillera les oreilles en pointe.. Comme eux.. », finit-elle avec réticence, ses lèvres se tordant dans une mimique contrite. 

« Et toc ! », Azalée posa son panneau pour mieux croiser les bras, la poitrine bombée de fierté. Sur son poitrail, bien en évidence, son insigne de la S.A.L.E brillait de mille feux. Aujourd'hui, on était Mercredi, et ce ne serait pas le jour des bêtises. Mais le premier acte de leur révolution. 

Codage par Laxy Dunbar


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Lun 4 Mai 2020 - 15:45
Crêpes et chocolat au lait

ft. Azalée Winchester

Ariel se voyait déjà engloutir le goûter de crêpes que leur avaient préparé les elfes. Son estomac criait famine, ses pupilles dilatées au maximum et ses babines prêtes à apprécier l'explosion de saveur qu'une seule bouchée du festin lui promettait. Tom, à ses côtés, semblait dans le même état.

Et d'ailleurs, une crêpe, il en avait déjà entre les doigts. Du chocolat plein la main. Jusqu'au poignet.

Il fallut pourtant retarder le moment de mordre dedans – il se languissait pourtant tellement de ce goût exquis. Deux petites filles firent irruption dans leur antre. Interrompirent le repas. Et exaspérèrent Ariel.

— Sauvez les elfes !, beugla l'une d'elle. À bas la tyrannie des dirigeants !

Si Ariel n'avait pas si faim, il en aurait sans doute ri. Petite, blonde, emblème de Poufsouffle soigneusement épinglé à son uniforme. À peine plus âgée que sa petite sœur. Le tableau avait de quoi amuser : il n'avait jamais vu une si jeune militante se prendre autant au sérieux.

Oh, si. Finalement, il en avait déjà vu une.

— On dirait Jules au même âge, se moqua discrètement Tom.

Parfait écho à ses pensées.

Les deux jeunes adolescents attendirent patiemment la suite du sermon – parce qu'il était évident qu'il y en aurait une. Si Jules leur avait appris quelque chose c'était ceci : un vrai militant ne se bornait pas à scander des slogans. Un vrai militant, zélé et profondément convaincu d'agir pour le bien, apostrophait les coupables du crime qu'il dénonçait, leur expliquait par A plus B pourquoi ils étaient d'horribles personnages et leur laissait rarement l'occasion de s'expliquer.

Pas qu'Ariel n'en ait envie – après tout, son repas l'attendait toujours.

Mais il avait l'impression que Tom et lui allaient devoir baragouiner un semblant de mea culpa que la petite ne trouverait en aucun point convaincante. D'ailleurs ils ne chercheraient pas à la convaincre : juste à s'en débarrasser. Parce que selon leur expérience, les débats avec ce genre de combattants de la justice étaient stériles. Avec Jules il était impossible de discuter : les elfes de maison souffraient de leur condition et il fallait les laisser tranquilles.

Heureusement que l'intrépide Gryffondor n'était pas au courant de leurs expéditions, d'ailleurs.

— Toi ! Et toi !, s'égosilla la gamine. Vous êtes aussi coupables que les autres ! Oui ! Coupables de leur esclavage !

— O-ouais... Coupables, hein..., prononça son amie.

Amie qu'ils avaient à peine remarquée ainsi planquée dans la pénombre. Elle était affublée d'oreilles en carton. Apparemment, elle avait tenté de représenter les oreilles des elfes de maison : pointues, grandes et tordues. Le résultat n'était pas grandiose. Elles avaient au moins le mérite d'être remarquées.

Le manque de conviction qu'il y avait dans la voix de la seconde fit sourire Ariel. Elle, elle n'était pas venue de son plein grès, foi de Melwing.

La première reprit en gesticulant :

— Alors qu'ils vous servent, vous, vous ne faites rien pour les aider ! Non, vous profitez juste de leur gentillesse ! C'est injuste ! Vous êtes encore plus injustes que ceux qui les ont enfermés là, d'abord !

Ariel fronça les sourcils. L'injustice il n'aimait pas, et il ne se considérait pas comme injuste. Mais l'autre reprit avant qu'il n'ait eu le temps de se justifier.

— O-Ouais... Donc... Signez la pétition ou... Ou... On vous taillera les oreilles en pointe... Comme eux...

— Et toc !

Le Serdaigle n'arrivait pas tellement à arrêter l'opinion qu'il avait d'elles. Une minute de discours c'était peu pour se faire un avis sur deux enfants. Mais il y avait deux choses : elles se situaient à mi-chemin entre attendrissantes et insupportables.

Impossible de les rembarrer méchamment – il ne le faisait pas d'ordinaire avec des gens bien plus horripilants.

En revanche Tom n'hésita pas :

— Écoutez les filles, loin de moi de vous déplaire mais on connaît sans doute mieux que vous la condition des elfes. Et même s'ils sont souvent maltraités ce n'est pas le cas à Poudlard. Et sans eux vous n'auriez pas à manger ni le soir, ni le midi, ni même le matin.

Et comme Tom n'était pas Tom sans plaisanter, il ajouta :

— Mais très réussies, ces oreilles en carton ! Il faudra me donner l'adresse du fabriquant, ça peut être sympa comme costume pour Halloween.

— Ce qu'il veut dire, ajouta Ariel pour apaiser les choses et qu'elles ne prennent pas la mouche face à sa remarque, c'est qu'ils sont heureux de travailler. Ils sont heureux d'être à Poudlard, ils mangent comme ils le souhaitent et ils seraient libres s'ils avaient envie de l'être.

Il ne niait pas qu'ils méritaient plus de considération de la part du Monde Magique. Les familles auxquelles ils appartenaient agissaient souvent de façon exécrable envers eux – en tout cas pour certaines d'entre elles. On les considérait parfois comme des objets et pas comme des êtres vivants. Ariel ne se voilait pas la face : évidemment, il y avait du travail abattre avant que les elfes de maison soient parfaitement heureux dans le monde entier.

En s'informant un peu, Ariel s'était rendu compte que la situation ressemblait un peu aux décennies d'esclavage que certains Moldus avaient connues. Il n'en connaissait pas beaucoup sur le sujet ; suffisamment pour se rendre compte que l'époque avait été horrible et que les personnes concernées avaient tout sauf envie de travailler pour un tiers. En tout cas, pas comme ça.

Ce qui – toujours en s'appuyant sur ses observations – n'était pas le cas des elfes. Ils aimaient servir les hommes. La preuve : de mémoire d'homme, aucune rébellion n'avait été rapportée.

Poudlard était l'un des rares lieux qui les respectait. Le haut-lieu de la sécurité, disait-on souvent, même si les années précédentes avaient un peu écorné l'image. Ça ne valait pas que pour les élèves. Toutes les créatures qui y habitaient y trouvaient leur compte : les elfes travaillaient à leur guise mais leur vie demeurait confortable ; Dumbledore avait accepté un loup-garou sans emploi dans ses rangs, malgré tout le danger que cela pouvait représenter.

Des exemples il y en avait incontestablement.

— Demandez-leur s'ils souhaitent que vous leur offriez un vêtement. Une veste, une chaussette, n'importe quoi. Ils refuseront tous.

— Enfin, attention, avertit Tom. Je pense qu'en vous déshabillant dans les cuisines devant des élèves plus âgés, vous violerez plusieurs points du règlement. Et en plus vous nous mettez en porte-à-faux.

Un coup de coude dans les côtes du plaisantin suffit à le faire taire. Pas besoin d'effrayer les petites ni de les dévergonder en leur parlant de strip-tease ou d'autres bizarreries sorties de l'esprit de Tom. Ses blagues n'étaient pas toujours très fines.

— Je ne signerai aucune pétition, reprit Ariel. Les elfes ne veulent pas être libérés. Ce qu'il vous faut, c'est une pétition de bien-traitance des elfes.

Tom hocha vigoureusement la tête : être poli, demander de leurs nouvelles, leur parler comme à des créatures conscientes, satisfaire leurs besoins et leurs instincts, leur permettre de se satisfaire. Voilà ce qu'il fallait faire.

Pas leur retirer leur unique raison de vivre.
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Jeu 24 Sep 2020 - 16:56


Crêpes et chocolat au lait.



Mercredi 13 Septembre 1995,

Ce n'était pas pour la gloire. Ce n'était pas pour se racheter. Ce n'était pas pour lui ressembler, qu'Azalée s'érigeait en ce jour comme rempart pour les opprimés. Non. Bien que les ventouses sur le mur extérieur lui offraient de sa couleur chatoyante, le rappel d'une conviction bien ancrée, qui l'avait suivit comme son ombre d'un monde à l'autre. Celle de ne jamais baisser les bras face à la dictature ou aux règles imposées par le système, comme un regain de l'anarchisme sur son esprit juvénile, qui venait même lui faire occulter l'odeur chatouillant ses narines comme la plus pure des madeleines de Proust. Le chocolat et la pâte à crêpes. Si elle venait à s'y attarder, son estomac, se tordant déjà de sa gourmandise, sans doute aurait-t-elle la nostalgie de maman derrière les fourneaux, vêtue de son tablier à pois rouges, tournant d'une cuillère en bois le sucre et la cannelle dans une grande casserole en fonte. Les goûters d'après-chagrin, d'une chute lui ayant coûté quelques larmes de crocodile.

Ses yeux évitèrent le brun coulant sur les doigts du bleu et bronze, pour se concentrer sur ses boucles, pour ne pas se couvrir d'un ridicule lui collant déjà à la peau. Et Anna, elle, n'eut pas besoin du voile de la nostalgie, pour se perdre dans la contemplation de ses souliers, et échapper à la foudre moqueuse brillante dans le regard du Gryffondor.

« Écoutez les filles, loin de moi de vous déplaire mais on connaît sans doute mieux que vous la condition des elfes. Et même s'ils sont souvent maltraités ce n'est pas le cas à Poudlard. Et sans eux vous n'auriez pas à manger ni le soir, ni le midi, ni même le matin. », commença-t-il avec la maturité d'un première année et la modestie d'un adulte, ce qui, dans la simple formulation de sa phrase, hérissa les piques de la fillette.

Je sais mieux que vous, décida-t-elle de retenir, et, elle croisa les bras en le toisant de haut en bas, se drapant dans le satin de sa fierté enfantine, de son ignorance candide et attachante. Choisissant de ranger son discours dans la case des : Méchants, elle confirma son opinion préméditée et éphémère, lorsque son ouïe capta la pique sur les oreilles cartonnées. En défenseuse de ce costume nécessaire à la compréhension de leur combat, elle se plaça devant une Anna déboussolée et rouge d'une honte à peine dissimulée. Ses mains se placèrent sur ses hanches dans l'attitude d'une matrone, et ses joues se gonflèrent de l'air de son soupir retenu. Dans son dos, son amie se débarrassa de l'apparat incriminé, et le cacha dans les pans de sa robe.

C'était mesquin, fourbe, et blessant. Une plaisanterie que son cousin aurait pu formuler et qui n'aurait fait rire que lui. Comme la fois où il avait voulu jeter Monsieur Noodle à l'eau pour lui apprendre à nager, la narguant que de toute façon, il n'était pas réel. Le coup qu'elle ressentit au cœur lui fit mal. Pour leurs efforts. Pour leur volonté de bien faire. Mais surtout, pour sa camarade qui n'avait voulu que lui faire plaisir. Pour qui se prenait-il donc à s'esclaffer de sa gentillesse ?

« Ce qu'il veut dire, c'est qu'ils sont heureux de travailler. Ils sont heureux d'être à Poudlard, ils mangent comme ils le souhaitent et ils seraient libres s'ils avaient envie de l'être. », enchaîna directement son voisin, soucieux de désarmer le conflit, mais pour la petite fille, ces justifications ne firent qu'appuyer son condisciple et sa mauvaise conduite.

Comme un médiateur ayant déjà choisi son parti, ne laissant aucune chance à l'adversaire de s'exprimer sur le préjudice subit, sur une situation embrouillant ses analyses comme un sac de nœuds dont elle ne voyait plus la source. Trop de bleu. Trop de rouge. Trop de jaune. Trop de vert. Elle voulait tirer de son côté, mais seule, elle était bien forcée de plier face à la force des deux garçons, qui s'étaient liguer contre la jeunesse encore utopiste et idéaliste, se perdant dans leur rôle d'unique lumière d'innocence dans la mélasse visqueuse des tourments adolescents. Celle qui englue les pieds. Celle qui plonge la tête dans les questionnements, dans l'angoisse du lendemain, de grandir, de gérer les piqûres émotionnelles dans le pied au lever, de ne pas être celui qui est attendu, de décevoir, d'affronter l'inconnu et l'inconcevable.

Elle redressa le menton, décidant de faire la sourde d'oreille face à l'implacable logique des propos d'Ariel. Elle ne voulait pas l'écouter. Elle ne voulait pas admettre qu'elle avait peut-être été trop vite en besogne. Qu'elle avait embarquer injustement Anna avec elle, dans un plan foireau. Que Monsieur Noodle avait raison, et que c'était ridicule de s'épuiser en brandissant une pancarte, en s'époumonant dans les couloirs. Elle était toujours sûre d'elle, de ce qu'elle voulait faire, quitte à s'aplatir dans la boue d'un échec. Maman disait toujours que c'était une force de ne pas être détournée de son objectif. Et Maman n'avait jamais tort, elle !

Et pour appuyer cet état de fait, elle détourna son visage vers l'une des créatures qui s'afférait à monter une assiette de mets délicieux, ramenant à elle le souvenir d'une faim lui déchirant les entrailles. Ses paumes se plaquèrent sur son abdomen, et piteusement, elle essaya d'étouffer le gargouillement qui provoqua un soupir d'exaspération de la part de son amie et complice. Elle avait faim.

« Demandez-leur s'ils souhaitent que vous leur offriez un vêtement. Une veste, une chaussette, n'importe quoi. Ils refuseront tous. »

Il mentait. Elle en était certaine. Tous les grands mentaient. C'était comme ça. Ils ne voulaient pas qu'ils sachent que le Papa Noël existe, pour le garder pour eux. La petite souris était en fait dans son grenier, et ce n'était pas Maman qui mettait une pièce sous son oreiller. La preuve en était l'existence des licornes ! Des elfes ! Pas aussi beaux que dans les contes, mais ils avaient au moins les oreilles pointues ! Des chiens avec trois têtes ! Des oiseaux de feu, qui étaient réellement immortels ! Même la magie ! Alors que ses proches, il y a encore quelques mois, s'acharnaient à lui répéter que ses rêves n'étaient issus que de ses lectures, de ses histoires, de son imaginaire. Alors, pourquoi ne pas y croire alors que tant de choses étaient possibles ?

« Enfin, attention. Je pense qu'en vous déshabillant dans les cuisines devant des élèves plus âgés, vous violerez plusieurs points du règlement. Et en plus, vous nous mettez en porte-à-faux. »

Une nouvelle plaisanterie. Une nouvelle blague, qui ne les fit pas rire. Si elle n'était pas aussi respectueuse du travail des elfes et de la nourriture, elle aurait essayé de le noyer dans le chocolat fondu, pour lui faire passer l'envie de ne pas prêter attention à une affaire aussi sérieuse. C'était comme rire du malheur d'un pauvre monsieur dans la rue, sous prétexte qu'il ne sentait pas très bon. L'injustice. Elle gronda en elle comme un séisme. Comme l'éruption d'un volcan, ébranlant son calme et sa tolérance légendaire.

« Je ne signerai aucune pétition, reprit donc Ariel devant son absence de répartie. Les elfes ne veulent pas être libérés. Ce qu'il vous faut, c'est une pétition de bien-traitance des elfes. »

La goutte de trop qui enclencha les engrenages de la sorcière, qui articula son corps, ses muscles, puis sa langue. Il n'était pas aussi méchant que le comique. Plus poli. Moins sur le jugement, malgré sa première impression. Peut-être qu'elle pouvait l'apprécier. Dans d'autres circonstances, elle aurait envisagé l'idée de le voir comme un nouveau copain. Mais pas à cet instant. Pas dans cette cuisine. Pas après les coups de massue détruisant leur projet.

« Tu mens. », grommela-t-elle avec mauvaise foi, boudeuse, en réponse au plus sage des deux. « Tu mens pour défendre ton copain qui s'est moqué de nous. Toi aussi, tu te moques. Toi aussi, tu t'en fiches ! », et plus fort, elle reprit, engloutissant les miettes de son assurance, comblant la sensation de vide dans ses intestins.

« Pour toi, on est juste deux gamines qui parlent fort pour rien, d'abord. Bah, laisse-moi te dire un truc, t'es encore plus ridicule que nos oreilles dans ton jugement. », elle ne s'adressait plus à l'aiglon, mais à son ami. À ce chat se pensant lionceau. À ce Simba arrogant se voyant déjà le roi de la savane. Son index le pointa avec sévérité, appuyant sur son torse malgré le comptoir les séparant. Elle se fichait d'avoir eu à s'y coucher presque à plat ventre pour le toucher. Elle l'aurait empoigné au col, si elle avait eu les bras plus longs.

Les sourcils froncés, et les larmes aux coins des yeux, elle consentit à se reculer pour ne pas tâcher le tissu de sa robe, mais surtout, devant l'insistance d'une Anna qui en perdait son vocabulaire, pour simplement la tirer avec force jusqu'à elle, la faisant descendre de son perchoir. Elle glissa et tangua en arrière sous son propre poids. Elle ne pleurerait pas. Elle ne crierait pas. Ca non. Elle serait plus forte que le tourbillon se déchaînant en elle avec fureur, l'encourageant d'une insidieuse tentation, à foncer dans le tas. Comme ce serait le cas un soir. Celui de l'horreur, dont l'existence future n'effleurait pas encore son esprit.

« Nous, on se moque pas de ton humour nul, alors, t'as pas à être aussi méchant. On a beaucoup travaillé pour tout ça. », elle désigna leur pancarte puis le couvre-chef artisanal, pour terminer par le bout de parchemin customisé. Sa voix s'enrouait. Par la colère. Par la tristesse aussi. Un peu. « Nous.. On veut qu'ils aient droit aussi de manger des crêpes, qu'on leur aurait préparé pour le goûter, avec pleins de chocolat. Alors... Vu que vous voulez pas signer, on va couper le cookie en deux, comme ça, on serait tous content. »

La rage s'épuisait sous son idée plus raisonnable. Et pour finir de dissoudre son sel, elle piocha dans l'assiette de celui qui l'avait tant contrarier, pour enfourner un morceau de pâte cuite dans son gosier, maquillant ses lèvres et son menton de la douce liqueur chocolatée. C'était bon. Très bon même ! Presque aussi bien que Maman. Elle en tendit un bout à Anna, qui déclina avec une grimace dégoûtée. Sans doute, préférait-elle se couper une jambe, que de manger une part déjà bien entamée. Ne s'en offusquant pas, Azalée reprit son repas volé, finissant de se lécher les doigts goulûment.

« Vous allez nous aider à leur préparer un goûter ! », et comme une héroïne de roman, elle lâcha sa condition en bombant fièrement le poitrail, son sourire montrant ses dents tâchées du brun de sa gourmandise. « Sinon, on vous lâchera pas. »

« Nié ? », fut la seule manifestation d'Anna à cette idée lumineuse.

C'était à prendre ou à laisser.


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Sam 17 Oct 2020 - 1:03
Crêpes et chocolat au lait

ft. Azalée Winchester

En un an d’amitié avec Jules, Ariel avait eu le temps d’observer les rouages d’un cerveau revendicatif. Il n’oserait avancer qu’ils avaient tous le même fonctionnement ; pour autant, on observait certains mécanismes récurrents, certaines manies invariables. Ces réactions étaient parfois évitables. Formuler ses phrases un peu différemment, faire preuve d’un peu d’empathie et tenter de comprendre le point de vue de l’autre, prendre sur soi pour acquiescer à des vérités qu’on trouve absurde. Elles ne l’étaient parfois pas ; il fallait en subir les conséquences.

Comme lorsque Jules prenait ses airs indignés lorsqu’une situation filait dans une direction qui lui déplaisait, Ariel observa avec amusement les muscles de la petite fille se contracter un à un. L’air mécontent s’accentua. Les épaules se tendirent vers l’arrière tandis que le reste de son corps s’élançait vers l’avant.

Parfaite position de petite boxeuse. Hargneuse comme il le fallait.

— Tu mens, entama-t-elle. Tu mens pour défendre ton copain qui s’est moqué de nous.

Ariel jeta un coup d’oeil à Tom qui rentra la tête dans les épaules, un peu honteux de s’être ainsi comporté face à une plus jeune que lui.

— Toi aussi, tu te moques, continuait la fillette en semblant reprendre un peu d’assurance. Toi aussi, tu t’en fiches ! Pour toi, on est juste deux gamines qui parlent fort pour rien, d’abord. Bah, laisse-moi te dire un truc, t’es encore plus ridicule que nos oreilles dans ton jugement.

En vidant son sac, elle s’avançait vers Tom d’un air menaçant. Ariel se mordit les lèvres pour s’empêcher de sourire tandis que son ami levait les sourcils. Il ne souhaitait visiblement pas envenimer la situation - en tout cas, il semblait avoir compris que certaines de ses réflexions étaient déplacées. Lorsque le bout du doigt de la fillette toucha son torse, il dissimula un rire sous une quinte de toux.

Le jeune Serdaigle se permit un coup de pied d’avertissement au moment où la petite reculait. Attention, crièrent ses yeux. Ne joue pas au parfait connard.

Car lorsqu’il s’y mettait et malgré toutes ses qualités, un connard, Tom pouvait l’être mille fois. Et ce genre de moments où son ami devenait méchant à en faire pleurer les plus endurcis, Ariel les détestait. Il ne savait pas quand s’arrêter, il n’anticipait jamais l’effet de ses blagues sur les autres, et il ne voyait pas quand il allait trop loin. Le pire, c’est que ses débords ne naissaient pas de mauvaises intentions. Jamais il ne blessait les autres volontairement. Il n’avait simplement pas conscience de la portée que ses mots - blagues - pouvaient avoir.

En attendant, les larmes que la fillette avait au bord des yeux parlaient pour elle.

— Nous, on se moque pas de ton humour nul, alors t’as pas à être aussi méchant, poursuivit-elle courageusement. On a beaucoup travaillé pour tout ça. Nous… on veut qu’ils aient droit aussi de manger des crêpes, qu’on leur aurait préparées pour le goûter, avec plein de chocolat. Alors… vu que vous voulez pas signer, on va couper le cookie en deux, comme ça, on sera tous contents.

Ariel acquiesça en souriant : venait l’étape du compromis. Ils parviendraient à trouver un terrain d’entente, et peut-être que les deux partis en sortiraient grandis. Ils adopteraient une attitude d’adultes posés et raisonnables, et ce même si la plupart des adultes n’étaient pas capables d’adopter cette distance - il fallait voir tous les divorces explosifs.

Il donna un second coup de pied à Tom. En sursautant, il consentit à grommeler quelque chose qui ressemblait à “Qu’ce v’voulez”, sans qu’Ariel n’en soit bien certain cependant.

Le bleu et bronze lança un regard encourageant aux deux Première Année. Comme pour y répondre, la toute blonde piqua un morceau de crêpe dans l’assiette de Tom. La réaction fut immédiate : on ne volait jamais la nourriture d'un Harrison.

— Mais ça va pas !, protesta-t-il en cachant son assiette. Si vous êtes affamées, demandez aux elfes de vous en faire, ne piquez pas les nôtres !

Ariel soupira, blasé devant l’indélicatesse de son ami.

— Qu’est-ce que vous voulez ?, demanda-t-il pour donner le change, parce qu’il n’avait vraiment pas envie d’une nouvelle poussée de colère.

— Vous allez nous aider à leur préparer un goûter ! Sinon, on vous lâchera pas.

Derrière elle, son amie émit un son sceptique, pas convaincue pour deux Noises. Tom toussa à nouveau. Ariel lui-même n’était pas convaincu par la proposition : il détestait cuisiner. La farine plein les joues et les coquilles d’œuf à récupérer dans la pâte, non merci.

— Vous êtes, hum, sûres que c’est une bonne idée ? Je veux dire, je ne pense pas que ce soit autorisé par le règlement de l’école de préparer des choses dans les cuisines. C’est le domaine des elfes, vous savez.

Il comprit aux yeux foudroyants de la fillette qu’il n’aurait pas le dernier mot ainsi. Visiblement, pour elle, un deal était un deal.

Ariel soupira. En quoi la préparation d’un gâteau pour les elfes de maison allait contribuer à leur bien-être au quotidien et sur le long terme ? Il s'emmitoufla de sa plus digne des mauvaises fois, parfaitement conscient qu’il cherchait juste à éviter la corvée :

— Ils ne voudront d’ailleurs sans doute même pas les manger, argumenta-t-il encore. Les elfes aiment manger ce qu’ils préparent. Ils n’aiment pas qu’on leur fasse à manger tout spécialement pour eux.

— On peut faire un effort pour eux, intervint Tom contre toute attente. Je veux dire, pour une fois, ils ont droit à un peu de douceurs ! (Il ajouta en aparté, pour que seul lui ne l’entende :) Comme ça elles nous lâcheront la baguette. Et puis je suis sûr qu’ils apprécieraient davantage une pile de crêpe à une montagne de chaussettes !

Le jeune Melwing soupira dans sa barbe. Le bon cœur de Tom sortait au plus mauvais moment - Ariel n’avait aucune envie de cuisiner. Il maudit Jules et sa propagande d’avoir atteint les cordes sensibles de son ami et se maudit lui-même encore plus de faire preuve de temps de fainéantise et d’égoïsme.

Après tout, il ne pouvait le nier, il était vrai qu’après un peu de réticence et peut-être quelques protestations, les elfes finiraient forcément par apprécier leur présent.

Peut-être que l’option pétition était meilleure, finalement. Au moins n’auraient-ils pas à se salir les mains.

Il secoua la tête. Depuis quand choisissait-il la facilité plutôt que la justice ? Il avait toujours suivi avec ardeur ses convictions, et ce jour-là ne marquerait pas l’exception. Il fit la moue et finit par lâcher :

— D’accord, vous avez gagné. Mais je vous préviens : on fait des crêpes et ce n’est pas moi qui les cuis.

Hors de question d’avouer qu’il n’avait jamais réussi d’autre recette, ni même qu’il était incapable d’en faire chauffer la pâte sans aussitôt en brûler le dessous.
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Mar 20 Oct 2020 - 23:02


Crêpes et chocolat au lait

Ariel et Azalée (Anna et Tom)

◊ ◊ ◊

 Inébranlable, indomptable, Azalée se fit plus droite, comme un chêne refusant de quitter ses racines, ses terres. Comme une Amazone, guerrière pointant de sa lance les Hommes se plaçant en ultime dicte, en seule règle à suivre. Les bras croisés d'une tirade qu'elle jugea adéquate, elle s'en alla piocher, gourmande des sucreries mises en avant, et s'en régala d'autant plus que dans l'assiette d'un malheureux, elles eurent beaucoup d'impacts, de saveurs. Elles étaient si importantes pour l'estomac de ce malappris, qu'elle les jugea quitte de l'affront, lorsqu'il écarquilla les yeux sous la surprise et la colère. Les coins des lèvres barbouillaient de chocolat fondu, comme un sourire déjà dessiné, elle l’agrandit d'autant plus, se retenant à grand-peine de dévoiler ses dents blanches désormais tâchées d'un marron clair.

Que c'était bon. Que c'était drôle. Que c'était succulent. Un peu comme le cacao coulant le long de sa gorge et tapissant ses papilles. C'était presque aussi bon que les goûters de Maman, et si elle n'avait pas appris leurs conditions d'exploitation, les mauvais traitements dont ces créatures adorables étaient victimes depuis des siècles, sans doute se serait-elle laissait tenter par une crêpe ou deux, sachant que son estomac lui faisant sentir par des gargouillements pour l'heure discrets – ce qui n'était pas plus mal-, mais qui, dans quelques minutes prendraient l'allure d'un tsunami, si elle ne le contentait pas. Une bouchée n'était pas suffisante. Mais elle avait mieux en tête que de se sustenter à leurs frais.  

« Mais ça va pas ! », fit-il donc avec une agressivité mesurée, emprunte d'un jeu outré, en lui retirant son précieux de sous le nez. « Si vous êtes affamées, demandez aux elfes de vous en faire, ne piquez pas les nôtres ! »

Et bafouer ses nouvelles valeurs ? Pour qui se prenait-il ? Une Winchester ne rendait les armes devant rien ni personne, sans combattre, sans lutter pour la survie des opprimés, des faibles, des petits gents de son peuple, de son royaume. Et lui, petit insolent, prince se voulant souverain, se pensait au-dessus des lois ? De ses démarches altruistes ? Il allait s'en mordre les doigts, regretter d'avoir manqué de respect à une lionne à la loyauté démesurée, et au sens de la justice plus gros que son appétit d'ogre. Pour reprendre une expression populaire que Papa utilisait chaque soir devant les informations du jour, toutes plus alarmistes les unes que les autres : « Elle n'avait pas l'intention de négocier avec les terroristes. » Ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais. Du haut de sa main, elle retira le surplus de coulis, pour finalement l'essuyait sur sa robe de sorcière. Elle était noire, ça ne se verrait pas. Malin. Et Maman n'était pas là pour le lui reprocher.

En voix de la raison, Ariel prit la parole, mettant en lumière un point important de la suspension de son discours galvanisant. Elle avait un plan. Une idée de génie qui avait allumé une ampoule au-dessus de sa tête blonde quelques minutes auparavant. Comme une alternative à la rébellion, une parade dissuasive aux accents de prise d'otages. Elle se sentait investie d'une mission, d'une quête où la seule fin ne serait pas autre que celle qu'elle avait décidé, déjà programmé. Mais pour l'heure, elle devait ronger son frein pour éviter que son impatience ne fasse tout capoter, et ce, de manière prématurée. D'abord, elle devait les mettre au pied du mur, pour qu'un jour, eux aussi, gravent leurs idées sur un mur des flèches rouges de leurs convictions.

« Qu’est-ce que vous voulez ? », concéda-t-il avec patiente, encore ignorant de la charge qui allait suivre.

Pour ménager son effet, Azalée leva le menton dans une posture théâtrale, désireuse de faire durer un suspens qu'elle savait insupportable. La moue mutine, c'est avec délectation qu'elle posa ses conditions.

« Vous allez nous aider à leur préparer un goûter ! Sinon, on vous lâchera pas. »

C'était à prendre ou à laisser. Mais foi d'elle-même, ils n'allaient pas vouloir de la deuxième alternative. Pot de colle, elle savait l'être, le devenir si la situation l'exigeait. Par manque d'attentions, par caprice passager, par envie d'être au centre des regards, des esprits. Pouvoir se déclarer maître dans ce domaine, relevait de l'impossible, de l’infaisable, pourtant, toutes ses connaissances l'auraient voté pour la palme, pour la couronner « chieuse » galactique, sans la moindre hésitation avec une autre concurrente. Sentant le vent tourner en leur défaveur, mais refusant de baisser les armes devant l'inévitable, le bleu tenta une approche, encourageait par une Anna se noyant dans une totale incompréhension. Elle était seule dans son combat, un soldat était donc déjà tombé au champ d'honneur pour la première manche.

« Vous êtes, hum, sûres que c’est une bonne idée ? Je veux dire, je ne pense pas que ce soit autorisé par le règlement de l’école de préparer des choses dans les cuisines. C’est le domaine des elfes, vous savez. »

Un ton mal assuré, sur la défensive, qui fit naître sur le minois de la petite la bouille d'un félin miniature devant sa proie. Qui présentement, se démenait dans un traquenard qu'il n'avait pas anticipé. Personne ne l'aurait pu. Pas même son équipière, qui passant momentanément dans le camp adversaire, réitéra son gargouillement indistinct, de manière plus discrète tout de même. Cherchait-elle à s'étouffer pour échapper à la corvée cuisine ? À l'instar de ce pauvre Ariel qui patinait dans la semoule pour faire face à son œillade brillante comme la braise. Azalée était sûre d'elle, déterminée à le faire cracher jusqu'à la moindre noise. Se reprenant, Anna se racla la gorge, choisissant par fierté et amitié, sans le moindre doute, de replacer son couvre-chef, malgré l'oreille droite tordue par ses crispations incontrôlées précédemment.

« Hum-hum, et se trouver dans les cuisines n'est pas contraire au règlement peut-être ? », une pique qu'elle asséna la bouche pincée, de celle qui se sait supérieure, mieux informée, et qui est certaine d'être dans le juste, dans le vrai.  

« Ils ne voudront d’ailleurs sans doute même pas les manger.  Les elfes aiment manger ce qu’ils préparent. Ils n’aiment pas qu’on leur fasse à manger tout spécialement pour eux. », contra Ariel, exaspéré par son manque d'arguments et l'étau se resserrant autour de lui, sans l'appui de son allié.

Allié qui attendit son meilleur moment pour faire entendre le son de sa voix, mettant un terme au maigre débat qui s'était installé. Au grand damne du bouclé, et pour le plus grand bonheur de leurs cadettes. Alors, voulut-elle lui demander, quel goût a la trahison ? Il paraît qu'elle est salée. Cependant, elle fit taire cet élan mesquin qui devait sans conteste être influencé par l'absence de Monsieur Noodle. Maudit ourson.

« On peut faire un effort pour eux. Je veux dire, pour une fois, ils ont droit à un peu de douceurs ! Comme ça elles nous lâcheront la baguette. Et puis je suis sûr qu’ils apprécieraient davantage une pile de crêpe à une montagne de chaussettes ! », le roi avait parlé, vive le roi. Remontant dans son estime comme un hérisson bleu poussé à pleins régime, Azalée lui trouva une certaine sympathie. Sans doute, son humour n'était qu'une compensation de ses autres qualités.

« Hé ! Tu vois. Même ton copain est d'accord avec nous. », ajouta-t-elle les désignant tour à tour du doigt, les sourcils relevés piètrement vers le haut, trop haut pour que ça puisse passer pour autre chose qu'une tentative de moquerie ratée.  

« Abandonne. C'est soit ça, soit tu signes, au choix. », renchérit Anna avec plus d'entrain, se prenant plus au jeu, maintenant qu'elles se trouvaient en position de force. Faire preuve ténacité avait du bon.

Lorsqu'elle le vit secouer la tête, elle sut. Oui, elle sut qu'elles avaient gagné. Non pas une bataille, mais la guerre. Résistant à l'idée de sauter à pieds joints pour fêter ça, elle serra la poignée de sa pancarte avec plus d'assurance, le menton aussi haut que possible, se mettant presque sur les pointes de ses chaussures pour paraître grandie, plus imposante. Bien que sa carrure lui offrait la prestance d'un David face à un Goliath.

« D’accord, vous avez gagné. Mais je vous préviens : on fait des crêpes et ce n’est pas moi qui les cuis. »

« Ok ! », et bonne joueuse, Azalée lui tendit la main pour sceller leur accord, la fin de leur match à sens unique.

D'une bonne humeur renouvelée, les deux jaunes posèrent leurs instruments de révolte près du comptoir, pour venir fouiller dans les placards. Premier objectif : Trouver une poêle. À genoux devant les contenants en bois massif, elle enfourna sa tête pour pousser les ustensiles inutiles, laissant aux garçons le soin de trouver les ingrédients, sous les directives d'une Anna se faisant chef d'orchestre, ou contremaître de chantier. Il ne lui manquait plus que le fouet, pour, qu'au temps des Égyptiens, elle puisse imposer sa tyrannie d'une manière plus frontale encore.

« Farine. Œuf. Lait. Sucre. », énonça-t-elle en levant un doigt à chaque fois, le pouce sur la paume. « Et huile pour la cuisson. », coupa-t-elle en prévention pour toutes réclamations ou protestations.

Évitant de faire chuter l'une des carafes en métal, la fillette délaissa les verres pour attraper un tabouret, et s'y hisser. Les oies étaient perchées, il ferait beau le lendemain, comme aurait dit mamie. Une prophétie qui l'aiguilla vers son sésame, ignorant les suppliques de la pauvre créature qui lui demandaient plusieurs minutes d'arrêter de retourner la cuisine du sol au plafond. La main sur la hanse, elle la fit passer à son équipière en contrebas, et d'un bond, se retrouva sur le carrelage. Tout était bon. Ils étaient parés. En inspectrice des travaux finis, elle jugea le travail de leurs apprentis et commis de cuisine du jour, lisant les étiquettes sur les bocaux en verre.

« Tout est bon ! », enfin, sauf le détail le plus important, qui lui sauta au visage avec la vivacité d'un uppercut de boxeur. « Sauf qu'on a pas de recette. Tant pis ! », décréta-t-elle abruptement. « On va faire à l'instinct ! Ce qui compte, c'est l'amour qu'on met dedans ! »

Maman disait toujours que c'était meilleur comme ça. Donc, elle allait appliquer son conseil à la lettre, sans rien omettre. Aujourd'hui, débutait sa carrière culinaire. Peut-être que Jules approuverait l'inauguration d'un centre social pour elfes en détresse, où elles pourraient leur servir de la soupe et des crêpes ?

« Et pour toi, l'amour ça se compte en combien de grammes ? », appuya Anna avec scepticisme, son regard allant et venant de ses condisciples au saladier encore vierge de tout carnage.

Pas pour longtemps. Puisque sans crier grave, Azalée versa de la farine en quantité, arrosant leurs habits d'un beau nuage blanc. Comme de la neige. Loin de s'en excuser, et sans en éprouver le moindre remords, elle passa sa main sur le bout de son nez, étalant la poudre comme si elle était une camée.

« Autant qu'on peut ! »

C'était aussi simple que ça.

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Mar 3 Nov 2020 - 11:16
Crêpes et chocolat au lait

ft. Azalée Winchester

Ariel haïssait se sentir pris au piège. Une situation n’était bonne que si elle résultait d’un choix conscient et assumé. Pour aboutir à une telle conclusion, il fallait peser le pour, le contre et les conséquences intermédiaires ; il fallait soigneusement étudier les tenants et les aboutissants, comparer les différents scenarii qui pouvait en découler et estimer quelle solution semblait la plus acceptable.

À ce moment-là, dans les cuisines bien trop grandes de Poudlard, entouré par un traître qu’il avait appelé “ami”, par deux gamines trop sûres d’elles et une flopée d’elfes qui ne demandaient qu’à être tranquilles, Ariel se sentait acculé. Son sentiment s’accentua davantage lorsque la fillette lui tendit la main.

Il la fixa, immobile, boudeur, sans parvenir à se résigner à capituler.

La petite attendit, et son sourire le fit culpabiliser. Seul un enfant véritablement gentil, innocent et sincère souriait ainsi.

Ce fut Tom qui le sortit de l’impasse. Il se glissa entre le Serdaigle et la Poufsouffle, se composa un sourire cordial - bien loin des rictus moqueurs qu’il avait arborés au début de la confrontation - et se saisit avec douceur de la main enfantine qu’on lui tendait.

— Je m’appelle Tom, glissa-t-il au passage, et cet empoté s’appelle Ariel. J’estime que vous devriez connaître nos prénoms si on est amené à cuisiner ensemble. (Il se pencha vers les deux petites filles et souffla d’un air concerné :) Il est un peu grognon, mais il est plutôt gentil. Typique des Serdaigle !

Ledit empoté haussa les épaules, grommela quelque chose d’incompréhensible et s’éloigna du dos du Gryffondor.

Les deux Première Année ne se firent pas prier pour commencer le massacre : tandis que l’une se mit à farfouiller les placards pour en sortir saladiers et spatules, la seconde leur fit comprendre que les garçons avaient intérêt à se mettre à la recherche des ingrédients. Tom, bien plus enthousiaste que son ami, se mit à l’oeuvre joyeusement.

— On pourrait demander aux elfes où sont rangés les trucs, râla Ariel aux côtés de Tom, même s’il savait qu’il jouait avec le feu.

Ils trouvèrent finalement le placard qu’ils cherchaient, celui qui contenait les produits primaires et d’aide à la préparation. Un par un, les paquets furent alignés sur le comptoir sous les directives d’Anna et sous les yeux ahuris des elfes de Maison.

Dobby avait l’air catastrophé, les yeux exorbités. Les autres, moins expressifs, montraient plus de la curiosité que de l’affolement.

— Les jeunes maîtres ne devraient pas avoir à faire cela, se plaignit Dobby en se plaquant les oreilles contre les joues. Dobby et ses amis sont là pour vous aider !

— Laisse, Dobby, dit Ariel. Ca nous fait plaisir. On les mangera tous ensemble après qu’on ait fini.

Par “tous ensemble”, il fallait bien entendu comprendre “surtout les elfes”, mais il estima préférable de ne pas le préciser pour le moment. Leur présence chamboulait déjà leurs habitudes, il était inutile d’en rajouter.

Ariel observa Azalée juger leur travail : soigneusement alignés sur le plan de travail, les bocaux et les boîtes en cartons offraient un spectacle satisfaisant. Le genre de sentiment de bien-être qu’on ressentait lorsqu’on constatait que les choses occupaient la place qui leur était attribuée.

L’investissement de Tom dans le projet crêpe étonna un peu Ariel - son aspect marmiton lui était inconnu. Et en même temps, à quel moment de leur scolarité aurait-il pu s’en rendre compte ? Le Melwing aurait parié que Tom ne savait rien de son aversion pour la cuisine.

Azalée dut s’estimer satisfaite car elle déclara :

— Tout est bon ! Sauf qu’on a pas de recette. (Un temps de réflexion :) Tant pis ! On va faire à l’instinct ! Ce qui compte, c’est l’amour qu’on met dedans !

— Et pour toi, l’amour ça se compte en combien de grammes ?, fit Anna, visiblement moins enjouée par l’improvisation que sa copine.

Pour toute réponse, l’autre ouvrit les hostilités en versant la moitié du paquet de farine dans le saladier.

— Autant qu’on peut !, dit-elle gaiement alors qu’un nuage blanc s’élevait dans les airs.

Ils toussèrent de concert tandis que la poussière se déposait sur leurs vêtements. Adieu les couleurs éclatantes de leurs cravates, adieu le beaux violet qui couvrait les cheveux d’Ariel, bonjour le blanc, le blanc et encore le blanc.

— Faut pas mettre autant de farine… soupira Ariel ; même s'il était nul en cuisine, il savait que sa mère en mettait moitié moins.

— T’en as mis autant dedans qu’à côté !, se marra Tom en même temps.

Leurs vêtements maculés de blanc et les yeux rieurs de son ami dénotaient dans l’océan de farine qui les entourait.

Et comme Tom était Tom et que malgré toutes ses qualités, on ne pouvait le changer, il crut bon d’empoigner une partie de la farine dans le saladier et de la balancer sur Azalée. Une alarme étincelante et fambloyante se mit aussitôt à tournoyer dans le cerveau d’Ariel : il prit la fuite. Car dans ces moments-là, mieux valait ne pas attendre la réaction des concernés avant d’agir.

Malgré son irritation et sa morosité, la bouffée d’adrénaline qui surgit soudain fut la plus forte. Le garçon fut secoué malgré lui d’un éclat de rire silencieux tandis qu’il se cachait derrière un plan de travail.

Autour d’eux, certains elfes avaient cessé leurs activités et observaient le spectacle d’un air intrigué. Ariel était presque certain que ce genre de spectacle était rare dans leurs cuisines : leur nature réservée leur interdisait de s’amuser ainsi et il devinait sans mal que les étudiants qui venaient là ne leur rendait pas visite pour cuisiner.

Au moins leur quatuor désorganisé leur donnerait-il l’occasion de s’amuser un peu, songea le petit Serdaigle. Peut-être même finiraient-ils par rire ou par sourire. Leur initiative frôlerait peut-être la bonne idée, en fin de compte. Ariel se mordit les lèvres : il ne voulait pas avoir tord, mais il fallait admettre que la situation était risible.

Il se concentra à nouveau sur Azalée et les deux autres : la scène, à moitié brouillé par la farine qui flottait encore dans les airs, avait des airs d’apocalypse. Le Melwing guetta la réaction de la petite Poufsouffle. Car même s’il ne la connaissait pas, il devinait son caractère suffisamment vif et enjoué pour que la réaction soit explosive.

Alors il observa, dissimulé derrière son plan de travail.
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Modo aquatique
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Jeu 19 Nov 2020 - 18:15


Crêpes et chocolat au lait

Ariel et Azalée (Anna et Tom)

◊ ◊ ◊

 Azalée aimait gagner. Et par-dessus tout, elle appréciait ressortir victorieuse d'une situation désespérée. Avec panache tirer son épingle du jeu face à un adversaire autrement plus malin qu'elle, disposant de ressources bien supérieures. Des atouts qui avaient pourtant fait défaut au petit mouton frisé qu'elle avait toisé d'un air furibond, sommes toute appréciateur de l'issue de leur joute en sa faveur. Malgré sa curiosité pour ce nouveau monde, pour son mode de vie, ses traditions, ses habitants, beaucoup lui échappaient encore. Des formules à l'application des lois au bout d'une baguette. Et si elle avait pensé partir avec des bases de son environnement en dévorant un ouvrage aussi gros que ses deux cuisses superposées, au dépens de son irrémédiable envie de courir pour dépenser son surplus d'énergie, elle avait dû se reconnaître ignorante.

Savoir que les licornes existaient vraiment ne lui aurait fourni aucun argument appuyant son propos bancal. Elle devait bien admettre que le plus raisonné des deux garçons avait raison sur un point, sous ses sous-entendus faussement apaisants. Elle n'y connaissait rien. Elle défendait un peuple opprimé sans s'être renseignée sur les tenants et aboutissants de leur servitude. Elle se reposait trop sur ses acquis, sur les encouragements de Jules, et sur cette petite flamme qui s'était allumée dans son être après leur escapade près des murs, pour le tatouer de flèches colorées. Devant eux, elles brillait de son audace, de son culot de se prétendre plus instruite sur le sujet qu'ils pouvaient l'être.

Et ça avait payé.
Les Winchester tiraient toujours leur épingle du jeu.

En une proposition, une mise au point, que dis-je, l'unique solution pour leur impasse, cloua le bec de l'un, et remporta la coupe pour le seconde. La main tendue, elle se pavana d'une moue attendrissante, d'une sincérité candide. Elle voulait faire la paix, signer l'armistice comme le faisaient les adultes, ou les grands enfants. Les doigts écartés à l'extrême, elle accueillit l’aplomb du châtain en secouant son bras avec enthousiasme, répondant à ses présentations bienvenues avec son propre nom, accolant celui d'une Anna décomposée de leur enfantillage dans son dos.

Tom et Ariel. La petite sirène d'un dessin animé qu'elle avait dévoré de ses chansons, de ses imitations sur le canapé du salon, et de ses vols de fourchettes pour s'en faire des peignes à cheveux. Et Tom, comme le petit gars faisant toujours l'école buissonnière, suspendu aux branches d'un arbre beaucoup trop haut pour être escaladé, fourbu d'un sourire ravageur et d'un chapeau de paille aux mille promesses. Ça leur allait bien. Elle le sentait. Azalée avait hérité de l'instinct de sa mère. Madame Charlotte Winchester ne se trompait jamais. Ni sur les gens qui croisaient sa route, ni sur le temps qu'il ferait le lendemain. Son père disait qu'il s'agissait là de son petit pouvoir à elle.

Quand Maman disait qu'untel ou l'autre étaient de mauvaises fréquentations, elle savait qu'il fallait s'en méfier comme du loup blanc. Elle sentait le danger à plusieurs kilomètres, et jugeait de la véracité d'un propos à la simple intonation de la phrase, ou d'une poignée de main. Si elle était franche, c'était un bon signe. Évasive ou fuyante, c'était de la timidité ou des choses à cacher. En grandissant, la petite blonde avait appris des leçons de sa mère, elle les avait compris. Au moins un peu. Et si elle prévoyait toujours de larges éclaircies et un plein soleil de jour comme de nuit, elle parvenait à se détacher de sa coquille de princesse innocente pour se protéger des mots mauvais ou des moqueries gratuites.

Tom était vif, et son ton n'indiquait aucun mensonge. Un joyeux gaillard un peu maladroit, mais ne gardant aucune vicieuse facette sur son minois. Il était honnête. Comme le héros fauchant les rives du Mississippi ayant bercé les rives de son enfance. Ariel, lui, était plus distant. Boudeur sans doute, ruminant son manque de réparti possible, ou de cette fuite qu'il n'avait pas pu prendre devant son piège simple comme bonjour. Sous ses boucles, elle s'imagina, se cachait peut-être cette même fantaisie qui poussait la fée des eaux à voler de la quincaillerie pour s'en faire une cachette, des statuettes ou des ustensiles de toilette ? Une créativité débordante qui le rendait étrange, lointain, peut-être trop complexe pour elle pour l'instant. Elle préféra se concentrer sur la simplicité de Tom. Elle laissait à Anna l'énigme de camouflant sous ses bouclettes, ne pouvant renier l'intérêt qu'il représentait tout de même.

Elle aimait les défis. Et le percer à jour en était un de taille gargantuesque.

Au cordeau, en parfaits, petits soldats, ils se séparèrent pour découvrir les mystères se plaçant dans les placards. Un groupe se chargea des ingrédients et le second se cantonna à la recherche des casseroles, des plats et des fouets. Elle mit la main sur une cuillère en bois après avoir retourné la moitié des tiroirs, les refermant de trois-quarts par manque d'organisation. Satisfaite, elle l’exhiba avec fierté de tout son bras, le balançant de droite à gauche. Et d'un !, nota-t-elle sur une liste mentale, en enfouissant sa tête entière entre deux étagères pleines à craquer, tenant sur un pied en un funambule précaire sur la pointe de sa chaise placée en escabeau. Position dangereuse qui fit couiner l'une des petites bouilles difformes s'affolant en contrebas. Elle maîtrisait la situation ! Elle n'était jamais tombée de ses perchoirs, ce n'était pas aujourd'hui qu'elle s'illustrerait d'une gamelle, ça non !

Éloignant les mauvaises ondes d'une Anna directrice de chantiers, elle ressortit des hauteurs le buste chargé d'une poêle en fonte – un peu lourde par ailleurs – et d'une grande louche en métal un peu rosie par les fonds de chaudrons. Aujourd'hui était un grand jour ! Elle en était persuadée. Son estomac se retournait dans son abdomen rien qu'à l'idée. Ils allaient faire des crêpes. Unir leurs maigres talents culinaires au service d'une noble cause. Quelque chose en elle lui inspira une envie de les étreindre pour les en remercier, mais elle enfourna ses élans affectifs mal venus derrière la porte en bois qu'elle claqua sur ses gonds.

De nouveau sur Terre, et à bon port, elle jeta tout l'attirail sur le plan de travail en marbre brun. Première étape de la recette – qu'ils n'avaient d'ailleurs pas-, la farine ! Une bonne dose d'amour en poudre s'envola dans le saladier en pyrex, le faisant déborder d'un brouillard poussiéreux, qui les enferma un instant dans un nuage volatile. Il piquait un peu les yeux, et faisait tousser. Un zeste de passion, une pincée de querelle, et la voilà qui se retrouvait couverte de blanc des pieds à la tête. Ses lèvres collées l'empêchèrent d’émettre le moindre cri de surprise lorsqu'elle se fit aux couleurs de la neige en plein Hiver d'une farce d'un nouveau copain tout désigné.

Azalée cligna des yeux. Et fidèle aux alarmes hurlant pour leurs survies, elle remarqua à peine la fuite à toutes jambes de deux des protagonistes, qui, en parfaites symbioses, allèrent se planquer comme des pleutres d'un côté et de l'autre du comptoir, de manière à se retrouver hors de portée de balles perdues. Interdite, la première année palpa ses joues rebondies pour en faire tomber des flocons, puis, elle posa ses pupilles sur ses paumes complètement immaculées. Hein ? Il avait osé ? Son sang ne fit qu'un tour, et elle plongea sans retenue dans la moitié restante pour la jeter – le récipient avec- sur le pauvre Tom en représailles. On ne s'attaquait pas à elle sans s'en mordre les moufles, ah non, elle avait une réputation à tenir.  

Véritable furie – ou harpie-, elle grimpa sur le rempart les séparant, sauvageonne se roulant dans la farine et faisant dégringoler le sucre à même le sol dans le même temps. À plat ventre, elle bifurqua de l'autre côté et s'arma des œufs qu'elle lança sur la robe de son adversaire qui lui rendit la pareille avec une hargne féroce. En parfaite contradiction, et voyant que les hostilités approchaient un peu trop près de sa cachette, Anna longea les murs, rassurant de brèves excuses les pauvres elfes les observant de leurs mirettes globuleuses avec indignation ou une lueur de passion allant jusqu'à leurs oreilles. À quatre pattes pour les derniers mètres, elle se plaça à côté d'Ariel pour finalement pousser un juron en esquivant de justesse le jaune d'un poussin décédé, qui tapissa le mur de son éclaboussure. Un véritable carnage.

« Non mais sérieusement... Oh ! On ne joue pas avec la ... », son invective mature fut coupée en pleins élan devant l'avalanche de farine qui lui arriva sur les lunettes. Lassée, elle souffla pour se débarrasser de la substance ayant attaqué sa langue. Puis ne voulant pas se récolter en plus d'une humiliation injuste – n'est-ce-pas ?-, le rictus moqueur du couard toujours indemne, elle partagea de son fardeau sur lui, qu'elle lui envoya sur les fossettes d'un revers.

« Nan mais. Y a pas de raisons. », se justifia-t-elle avec assurance, avant de l'entraîner dans la soupe gluante tapissant le sol carrelé, ne lui laissant pas le choix sur la destination.

Entre l'eau. Les différents ingrédients. Le blanc d’œuf. Le chocolat fondu. Et tout le reste, la cuisine ne ressemblait plus qu'à un vaste champ de mines où chaque pas devenait un défi digne d'un patineur artistique. Enchaînant un triple axel, Azalée brillait de sa virtuosité, et de ses esquives la faisant trébucher sur l'une des créatures prises entre deux feux. Dégâts collatéraux qui ne décrochèrent pas du spectacle aussi longtemps qu'il dura. Les munitions à plat, et essoufflée, la minie Winchester regarda autour d'elle, s’imprégnant de cette bonne humeur pour la faire crépiter sur chaque parcelle de sa peau. C'était comme un feu d'artifice, laissant derrière lui l'odeur d'un boulet de canon.

Dans quelques minutes, ils laisseraient tout derrière eux, rangeraient la complicité d'une amitié éphémère sous leur lit, comme si l'histoire obscure d'une crêpe au chocolat au lait n'avait jamais existé. Le cœur en percussion, elle leva le nez sur la neige louchant sur son nez en trompette.

Sous la farine, tout lui sembla plus vivant. Sous les rires, les sourires, la lassitude d'une mauvaise foi, les blancs d’œufs noyés dans le chocolat, elle s'époumona de toute son hilarité dans un fou rire incontrôlable, communicatif. Elle était loin des champs, des arbres, des pétards, des jeux de ballon, de la marelle, des billes, et de l'herbe tâchant son jean. Elle n'était plus à la maison. Mais des fois, c'était mieux encore.

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