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[25/09/1995] Le triste chant d'un oiseau blessé [Merlin & Joris]

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Dim 26 Avr 2020 - 10:42
Le triste chant d'un oiseau blesséMerlin Shafiq & Joris de BeauvoirLundi 25 Septembre 1995

Le temps du midi était arrivé, et nul besoin d'être médium par le savoir. Il lui avait simplement suffi d'observer ses camarades à la fin du cours, dont un bon nombre était déjà corrompu par la faim. Du moins, c'est ce qu'il supposait fortement à force d'observation depuis plusieurs années, et vu la vitesse avec laquelle la plupart rangeaient leurs affaires pour se rendre dans la Grande Salle en vu de se rassasier. Et on ne parlait même pas des commentaires que certains laissaient échapper en rapport avec le festin qu'avaient dû préparer les elfes. Joris ne savait pas si c'était une caractéristique que partageait un bon nombre de ceux de sa maison (rappelons que leur salle commune se trouvait en face des cuisine, ça ne devait pas être pour rien même si ce n'était pas une vérité générale), ou si cela s'étendait également aux autres. Quoi qu'à voir Ron Wesley et sa façon d'engloutir ses repas, on se doutait déjà de la réponse.

Dans tous les cas, il devait faire partie de cette tranche d'élève pour qui ce moment de la journée ne changeait pas grand chose. Ça faisait une pause dans la journée, et manger leur redonnait l'énergie suffisante pour continuer, certes, mais le Poufsouffle ne considérait pas spécialement ce moment de la journée comme meilleur qu'un autre. Il se contentait de se nourrir à sa faim, de rester discuter un peu avec les gens qui l'entouraient, et de quitter la table une fois le repas fini. Rien de plus, rien de moins, un moment basique dans sa journée d'étudiant. Ce qui expliquait qu'il ne s'était pas dépêché plus que cela de suivre le mouvement hâtif de ses compatriotes. Puis, de nature calme, il n'était pas du genre à se presser pour si peu, sachant qu'il n'allait pas mourir s'il n'était pas parmi les premiers à sortir. C'était même plutôt l'inverse, et finir à moitié écrasé entre certains camarades trop pressés d'aller manger n'était pas spécialement pour l'enchanter. Loin d'être agoraphobe, il appréciait tout de même pouvoir avancer à son rythme sans se sentir emporter par la masse. Il avait déjà bien assez de crises d'angoisse comme ça, et ne ressentait nullement le besoin de s'en provoquer d'autres pour si peu. 

Ainsi, sortant de la salle de cours parmi les derniers, il avait amorcé un mouvement dans le but de suivre ses camarades pour rejoindre la Grande Salle, jusqu'à ce qu'il se rappel subitement qu'il voulait d'abord passer dans la salle d'Art et de Lecture. Il s'y était rendu la veille pour jouer un peu au piano, et n'arrivait pas à remettre la main sur une feuille de la partition qu'il avait sorti à ce moment-là. Et, à défaut de l'y retrouver, il voulait au moins s'assurer qu'il ne l'avait pas oublié là-bas par inattention en rangeant mal ses affaires, ou bien qu'elle ne lui avait pas échappé des mains sans qu'il s'en rende compte. Il s'était donc excusé auprès des personnes avec qui il était de leur fausser soudainement compagnie, les invitant à rejoindre le repas sans lui le temps qu'il aille vérifier ses suppositions.

Le jaune et noir avait donc rebroussé chemin, et s'était dirigé vers la salle d'Art et de Lecture au sixième étage. Après une matinée de cours, ça lui permettait de se dégourdir un peu les jambes, ce qui n'était pas désagréable. Il avait atteint la salle voulu au bout de quelques minutes, entrant à l'intérieur sans grand fracas, mais sans forcement chercher à se faire discret. De toute façon, il n'y avait personne, et il doutait de trouver quelqu'un dans la pièce à cette heure, même si cette possibilité aurait pu lui traverser l'esprit. S'approchant du piano, il avait remarqué une feuille sur le pupitre de celui-ci, avant de voir qu'il s'agissait bien de sa feuille de partition manquante. Il l'avait donc prise pour la ranger avec les autres dans son sac, rassuré de ne pas se l'être fait voler ou emporter par quelqu'un sans espoir de la retrouver. 

Maintenant que sa partition était de nouveau complète, il était prêt à repartir pour rejoindre ses camarades dans la Grande Salle pour le repas. Or, un bruit l'en avait empêché, presque imperceptible pour qui ne savait pas écouter ou faire attention. Dans un premier temps, il ne l'avait pas entendu, trop concentré sur son objectif. Mais il avait perçu, l'espace d'un instant, ce qui semblait être un sanglot. Cessant de bouger pour ne plus faire de bruit, ses soupçons s'étaient confirmés lorsque d'autres lui arrivèrent à l'oreille. Contrairement à ce qu'il pensait au départ, il n'était pas seul dans la salle, bien qu'il ne voyait personne. Ou alors il devenait schizophrène, et là, il pouvait s'inquiéter pour sa santé mentale. Chassant cette idée de son esprit, il essayait de concentrer son ouïe sur les sanglots qui semblaient un peu étouffés, signe que la personne s'était potentiellement isolé. Et Joris, n'ayant vu personne à l'air triste dans le couloir, ne connaissait qu'un seul autre endroit où la personne pouvait se trouver pour pleurer dans l'espoir de ne pas être entendu : la petite salle adjacente qui servait à la peinture. Le brun savait qu'elle existait, l'ayant visité une ou deux fois par curiosité, mais n'y rentrait pas spécialement puisqu'il n'avait pas d’intérêt à y être. Et plus il s'en rapprochait, plus il percevait les sanglots malgré la porte fermée. Mais était ce raisonnable ? Si la personne s'était réfugiée ici, c'était qu'à priori, elle voulait pouvoir pleurer sans être dérangé, à l’abri des regards d'autrui. Et de l'autre, le brun ne se voyait pas repartir comme ça en feintant ne rien avoir entendu.

Finalement, il avait frappé discrètement avant d'entrer, ne serait ce que pour prévenir de son entrée. Si la personne à l'intérieur ne voulait pas de sa présence ou de son écoute, il se doutait que le message serait rapidement prononcé. Poussant le battant, il avait cherché des yeux dans la direction des sanglots, avant de tomber sur la silhouette recroquevillée de Merlin. Du moins, il supposait fortement que c'était elle, son visage étant caché dans ses bras, mais sa silhouette restant plutôt identifiable.

« Merlin ? » Avait – il osé demander en s'approchant d'elle.

S'agenouillant en face de la jeune femme pour qu'elle puisse le voir en relevant la tête, il avait placé son sac à ses côtés, avant de poser doucement sa main sur son avant-bras dans un geste qui se voulait rassurant, pour lui signifier sa présence auprès d'elle. Ça lui faisait bizarre de la voir dans cet état, lui qui la voyait habituellement plutôt souriante. Après, il ne la connaissait pas parfaitement non plus, et il se doutait qu'elle eût aussi des moments de faiblesse, comme tout le monde. Alors il serait là si elle avait besoin. 

Retirant sa main de son avant-bras, il s'était mis à chercher un paquet de mouchoirs qui devait se trouver dans les poches de sa robe de sorcier. Une fois trouvé, il lui en tendit un pour qu'elle puisse s'en saisir.

« Tu veux en parler ? »

Bien évidemment, il n'avait pas choisi de poser cette question au hasard. Il ne voyait pas l’intérêt de lui demander si ça allait, puisqu'il était évident que ça n'allait pas, et donc que ce genre de question ne servait à rien. En revanche, qu'elle sache qu'il était prêt à l'écouter si elle souhaitait parler était déjà plus utile. Même s'ils n'étaient pas particulièrement proches, elle pouvait compter sur lui pour être attentif à ce qu'elle voudrait bien lui dire. À voir si elle acceptait d'en discuter avec lui, ou si elle préférait garder ses secrets pour le moment.
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Joris de Beauvoir
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Joris de Beauvoir
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Lun 27 Avr 2020 - 14:31
❝ la douloureuse aria d'un espoir épuisé, d'un envol arraché, de mes ailes brisés... ❞
Le triste chant d'un oiseau blessé

Joris & Merlin

Et je voulais être ton amie. Des mots qui lui avaient échappé. Des mots qu'elle n'avait pas su retenir. Ils avaient forcé, s'étaient débattus, puis s'étaient libérés. Ils avaient franchi la barrière de ses lèvres, sans qu'elle pût les arrêter.

Et je voulais être ton amie. Pourquoi devait-elle être aussi franche, parfois ? Pourquoi ne pouvait-elle pas se contenter d'un rictus moqueur, d'un regard implacable et froid, de mots sévères ? Ce jour-ci plus qu'un autre, elle aurait voulu avoir la capacité de faire mal sans toucher. Elle n'en avait pas eu les capacités, n'avait pas su décharger sa douleur. Une douleur qui, maintenant, la forçait à se blottir dans le coin d'une petite pièce vide.

Ici, elle n'avait pas besoin de faire semblant, personne l'y remarquerait. Prostrée, son visage enfoui dans ses bras croisés, les larmes coulaient. Elles refusaient de l'abandonner. Ses sanglots l'empêchaient de respirer correctement. Elle toussait, ses poumons combattant sa peine pour obtenir le précieux oxygène qui la maintenait en vie. Accompagnée de sa première amie, elle pouvait se décharger. Personne ne la verrait dans cet état, pitoyable petite fille blessée. Ses rêves se découpaient, ses espoirs se dissipaient.

Et je voulais être ton amie. S'était-elle figée suite aux termes employés ? S'était-elle retournée ? Avait-elle eu l'idée de lui adresser quelques derniers mots ? L'oniromancienne avait été lâche, impuissante face à la peur latente d'un rictus moqueur, d'une œillade dégoûté, d'une voix transpirant le sarcasme. Elle avait fui. Ses pas l'avaient guidée jusqu'ici et son corps avait fait le reste pour trouver l'intimité. Elle s'était écroulée. Avait-elle su percer la carapace d'Aria ? Elle en doutait. Elle ne le saurait jamais et pourtant... Elle le désirait. L'espoir n'était pas permis, mais elle n'avait pas la force de lutter.

Une amie imaginaire. Avait-elle eu besoin de se rattacher à un songe ? Stupide fillette appréciant les rêves. Elle se dégoûtait pour sa bêtise. Elle ne voulait pas faire son deuil. Elle ne voulait pas ouvrir les yeux, comprendre que l'univers qu'elle s'était créé n'était qu'une fable.

Le plus important, était-ce le rêve ou l'illusion ? Au fond, l'écrasante vérité résidait dans un fait brute. Les deux étaient des mensonges. Des mensonges qui avaient fusé, avaient construit une bulle d'irréalité. Lunaire, rêveuse, sage. C'était ridicule. Elle n'avait pas les pieds sur terre ou avait déjà creusé trop profondément. Elle ne savait plus. Elle volait, voguait, se déplaçait pour un mirage, s'y installait. La fiction, soleil radieux, forêt éclatante aux mille-et-une lueurs, était plus confortable que le désert, le néant, sa réalité.

Quelques coups discrets. Elle aurait aimé s'être assoupie, aurait aimé s'évader. Elle se sentait épuisée, son énergie évaporée. Un bourdonnement désagréable s'était installée. Une migraine. Elle ne releva pas ses opales baignée du liquide âcre quand elle entendit le battant s'ouvrir. Elle aurait voulu crier, hurler. Elle aurait voulu lui ordonner de la laisser à s'en déchirer les cordes vocales. Va-t-en. Laisse-moi ici. Je suis pathétique, tu m'entends ?! Pathétique ! Alors ne m'approche pas ! Fuis-moi comme la peste ! Je ne vaux rien d'autre ! Va-t-en, je te dis ! Tu vois pas que je suis vide de sens ?! Je suis qu'un putain de parasite qui va finir par te bouffer, alors dégage !

« Merlin ? »

Cette voix, elle la reconnaissait. Joris. Ne me regarde pas. Ne me vois pas. Je suis insipide. Une existence futile, voilà ce que je représente. Écarte-toi, éloigne-toi, je t'en supplie... Seuls ses sanglots s’échappèrent de ses lèvres. Une muraille infranchissable. Elle se haïssait. Était-ce pour ça qu'elle aimait autant les autres ? Était-ce pour ça qu'elle avait besoin d'exister à travers leur regard ? Pour faire semblant d'apprécier ses jours, sa destinée ?

Un contact. Des doigts déposés sur le tissu de son uniforme. Un frottement. Après une hésitation, elle releva le visage. Elle devait être misérable, laide. Une belle représentation de ce qu'elle cachait au fond d'elle, tapis dans l'ombre de ses sourires. Des squelettes dans le placard, ou cachés sous le tapis de sa chambre. Un jour, ils finiraient par la surprendre, par lui planter une aiguille dans le pied. Elle ne s'en relèverait pas. Mais pour l'instant, pouvait-elle encore entretenir sa façade ? Un simulacre de bonheur ? Son masque s'était consumé, mais était-ce trop tard pour en fabriquer un second ? Le contact se rompu.

Elle attrapa le mouchoir qu'il lui tendait. Elle essaya de lui sourire. Hypocrisie. Une imitation ratée, une représentation bâclée, c'était dérisoire. Ses lèvres tressautèrent. Les perles salées dévalaient toujours ses joues. Pourquoi avait-elle autant envie de geindre ? Tragique petite histoire. Ça en devenait comique. Elle se rapprochait de sa majorité, mais la fillette refusait de la quitter.

« Tu veux en parler ? »

Est-ce qu'elle voulait en parler ? Non, peut-être. Elle n'en avait aucune idée. Elle n'arrivait pas à réfléchir. Elle entrouvrit les lèvres, puis les referma. Un poisson hors de l'eau, un poison dans ses veines. Cette peinture qui la narguait toujours, accroché au mur, comme un reflet de ce qu'elle voulait détruire en elle. Une image déformée qu'elle voulait anéantir. Elle aurait voulu se lever, pousser de Beauvoir et arracher la toile, la déchirer, la brûler. Elle n'en eut pas la force, ni le courage.

Son geste fut tout autre. D'un bond, ses bras s'enroulèrent autour du cou de l'adolescent. Elle enfouit son visage dans son cou. Ce n'était pas Sessho, alors pourquoi ? Elle voulait arrêter de penser, elle voulait s'oublier. Juste un instant, elle lâchait les vannes. Elle était belle, la noble, ainsi. N'importe qui se serait moqué de la voir dans cette posture, mais pas lui. Elle le savait du Japonais. Elle pouvait avoir confiance, réellement. Pour une fois, elle s'autorisa à ouvrir sa cage, à libérer ses démons. Un océan agité par une tempête aux profondeurs cachées. Elle ne voulait pas être adulte. Elle ne voulait pas se marier. Elle ne voulait pas enfanter. Elle voulait vivre libre. Aria le lui avait rappelé, sans doute sans le vouloir. Son existence était déjà toute tracée.

Était-ce important que ses parents fussent des êtres tolérants ? Au fond, ils attendaient d'elle qu'elle trouvât un mari digne de son rang. Un sorcier de la noblesse. L'essentiel, c'était qu'il fallait que le nom qu'elle emprunterait fût d'une lignée digne d'elle. N'était-ce pas pour cela qu'Alice pouvait se montrer si dure avec elle ? Elle était de sang royal. Elle était une princesse. Elle n'aurait pas la chance de goûter à la liberté des roturiers.

Combien de temps resta-t-elle à se cramponner à lui comme à une bouée de sauvetage ? Une minute ? Une demi-heure ? Elle ne le savait pas. Elle finit par se détacher de lui, par lui rendre sa liberté, cependant. Avec une certaine gêne, sans oser tourner d’œillade dans sa direction, elle se réinstalla. Son dos s'échoua contre le mur, ses jambes se courbèrent devant son corps. La tête basse, ses longs cheveux camouflaient les sillons laissés par ses larmes. Elle se racla la gorge, plusieurs fois. C'était inutile. Elle resterait brisée, un murmure à peine audible. Le pianiste avait intérêt à tendre l'oreille pour entendre ses paroles.

« Est-ce que... »

Elle resta muette pendant quelques minutes, le regard dans le vague. Pouvait-elle lui dire ? Pouvait-il réellement saisir ? Elle ne voulait pas de phrases prémâchées, toutes faites. Un faux réconfort pour une âme en peine, un baume sur des cicatrices invisibles. Il ne fonctionnerait pas. Elle voulait juste être comprise, au moins par une personne.

« Est-ce que tu as déjà eu l'impression que... Que toute ta vie est déjà décidée ? Que ton avis ne compte pas ? »

Ce n'était pas la compassion qu'elle recherchait, ni la pitié. Elle détestait les personnes trop empathiques. Un autre reflet de sa personnalité. Ce dont elle avait besoin, c'était de pointer ses émotions et d'accuser sa naissance. Elle aurait pu parler d'Aria, mais était-ce réellement nécessaire ? La blonde n'avait fait que lui dévoiler l'évidence. Elle ne lui en voulait pas, comme à chaque fois. Elle ne souhaitait pas plus attirer la colère ou la rancœur sur sa consœur. Pour la voyante, elle ne le méritait pas.

« Quand j'étais petite, reprit-elle, toujours de cette même voix hachée, j'étais seule, jusqu'à ce que mon frère naisse. Mes parents étaient trop occupés, et en deuil. J'en suis venue à rêver, à m'imaginer libre des chaînes du destin. »

Elle marqua une pause. Elle ravala les larmes qui menaçaient de la submerger une seconde fois. Son regard capta la lumière de l'unique fenêtre. Elle le laissa vagabonder sur le ciel et les oiseaux qui dansaient. Ça devait être agréable d'être l'un d'eux. Ils étaient libres. Ils leur suffisaient d'un battement d'ailes pour s'éloigner, disparaître. Elle aurait aimé être un rapace. D'être la belle Excalibur à la place de Merlin. Une épée dominatrice à métamorphoser en plume par la douceur d'un murmure. Elle aurait dû trancher, transpercer, mais elle se serait mise à caresser, à chatouiller.

« Une illusion. Finalement, j'ai compris aujourd'hui que ses chaînes existent bel et bien. Je suis une sang-pure, le choix ne me sera pas permis, pas complètement. »

L'interdit se résumait avec une facilité insultante. Elle épouserait un aristocrate. Elle n'avait pas d'autres possibilités. La peur d'être rejetée, d'être reniée, de voir son nom disparaître de l'arbre généalogique parfait des Shafiq l'y pousserait.

C'était ironique pour une famille prônant l'ouverture d'esprit de n'avoir aucun impur dans ses ancêtres. Pourtant, une simple analyse d'un tableau accroché au-dessus d'une cheminée suffisait pour découvrir cette narquoise vérité. L'œuvre se trouvait dans un manoir qui ne leur appartenait plus, pour l'instant. Lancelot avait pour but de le récupérer. Il en avait les moyens ; les relations comme l'argent.

Merlin
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Lun 25 Mai 2020 - 19:28
Le triste chant d'un oiseau blesséMerlin Shafiq & Joris de BeauvoirLundi 25 Septembre 1995

Pourquoi se serait-il moqué ? Que pouvait-il y avoir de drôle dans la tristesse d'autrui ? Lui n'y voyait rien de risible. Pour certains, c'était plus facile de se moquer que d'essayer de comprendre. Quand on voyait une personne réussir, on ne la félicitait même plus pour cela tellement ça devenait habituelle et tellement cela semblait normal de réussir. Elle pouvait même être jalousée. Pourtant, il suffisait d'une simple faute, d'une simple faiblesse, pour que tout le monde le remarque et la pointe du doigt, voir qu'on en rit. Joris ne comprenait pas cette logique. Il savait que tout le monde n'était pas comme ça, et c'était quelque chose qu'il trouvait rassurant. Tout le monde avait le droit de ne pas être à la hauteur tout le temps, tout le monde avait le droit à ses faiblesses, à ses peurs, à ses moments de doutes. Parce que personne n'était parfait. Alors non, il n'avait pas ri de la tristesse de Merlin. Pourquoi s'en moquerait – il d'ailleurs ? La situation ne se prêtait nullement à cela. Elle avait le droit de pleurer, de ne pas avoir envie de sourire. Ce n'était pas lui qui irait lui reprocher.

Suite à sa question, il avait vu les lèvres de la demoiselle bouger, comme si elle s'apprêtait à lui répondre, avant de se refermer aussitôt. Elle n'avait aucune obligation de parler si elle ne le voulait pas. Ils n'étaient pas plus proches que cela, et il ne lui en voudrait pas de préférer se confier à quelqu'un avec qui elle se sentait plus à l'aise. Il n'était pas là pour la forcer à parler, mais lui montrer qu'il était prêt à l'écouter. Qu'il était là, tout simplement. Ce n'était pourtant pas une réponse qu'il avait reçue, mais un geste plus inattendu : elle l'avait enlacé, se cachant contre lui. S'il en avait d'abord été surpris, il l'avait pourtant accueilli avec bienveillance, resserrant ses bras autour d'elle dans un geste protecteur. Aucun mot n'avait accompagné ses gestes, car il ne les jugeait pas utile. Il n'irait pas se perdre en promesses inutiles ou en paroles bateaux que beaucoup balançaient en guise de réconfort. Puis Merlin était intelligente, elle ne se laisserait pas berner aussi facilement. Elle n'avait pas besoin de ça.

Il lui avait laissé le temps dont elle avait besoin, la gardant dans ses bras dans un geste de réconfort, peu importe le temps que cela prendrait. Puis il l'avait laissé se reculer quand elle brisa le contact pour reprendre sa position initiale.

« Est-ce que... Est-ce que tu as déjà eu l'impression que... Que toute ta vie est déjà décidée ? Que ton avis ne compte pas ? »

Une question bien complexe. Il sentait qu'elle ne la formulait pas par hasard. Il y avait une raison. Alors, il n'avait pas répondu tout de suite, la laissant poursuivre pour mieux comprendre le schéma de pensée de son interlocutrice.

« Quand j'étais petite, j'étais seule, jusqu'à ce que mon frère naisse. Mes parents étaient trop occupés, et en deuil. J'en suis venue à rêver, à m'imaginer libre des chaînes du destin. »

Une pause. Elle avait le temps, rien ne pressait, rien n'était plus important. Elle avait besoin d'exprimer certaines choses, et il était là pour les écouter. Alors il la laissait aller au bout de sa pensée.

« Une illusion. Finalement, j'ai compris aujourd'hui que ses chaînes existent bel et bien. Je suis une sang-pure, le choix ne me sera pas permis, pas complètement. »

Il comprenait mieux le sens de sa question à présent. Avait-il l'impression d'avoir une vie déjà toute tracé, avec des décisions déjà prises pour lui et contre lesquelles il ne pourrait rien ?

« Pour répondre à ta question : toute ma vie, je ne sais pas. »

Où serait-il dans dix, vingt ou même trente ans ? Il n'en avait aucune idée. Juste des projets. Mais concrètement, il n'en savait rien. 

« Mais pour certains aspects, ça m'est arrivé d'avoir cette impression. »

Comme son don. Ou sa malédiction, comme il la surnommait quelques fois. Ce n'était pas une chose qu'il avait décidé d'avoir, tout comme l'imprévisibilité de ses visions et leurs conséquences. Comme ses cauchemars ou ses crises d'angoisse. Peut-être que ça le condamnait à devenir complètement fou, qu'il le veuille ou non. Et peut-être qu'il pouvait espérer s'en sortir sans finir dans un asile. Qu'importe la façon dont il vivait avec au final, il ne l'avait pas choisi. Un aspect de la vie parmi tant d'autre qu'il ne contrôlait pas.

« Après, je ne suis pas sang-pur. Je ne sais pas ce qu'on ressent quand on naît avec un nom connu, ou avec les conséquences que ça implique. »

Il ne le savait pas, et ne le saurait jamais. Il ne le vivait pas. Il ne pouvait que supposer, avec ce qu'il savait et ce qu'il avait entendu à ce propos. Certes, il s'agissait de famille ayant beaucoup de pouvoir et de moyens, ainsi que des facilités, mais dont les membres devaient subir une pression permanente sur les épaules pour honorer le rang familial. Pour beaucoup, ils avaient une image à tenir, et le moindre faux pas n'était pas permis. Évidemment que ce n'était pas le cas de toutes les familles, et quelque fois certains sang-pur sortaient des rangs pour échapper à cette pression qu'ils ne supportaient plus, mais c'était rarement sans conséquences. À côté de toutes les contraintes imposées par une quelconque question de rang ou de sang, celles que le Poufsouffle avait l'impression de posséder pouvaient paraître ridicules. La question de l'amour était probablement la plus flagrante. Là où son seul dilemme pouvait être de ne pas comprendre pourquoi il était amoureux de bidule et pas de truc, qu'il pouvait avoir l'impression que ses sentiments faisaient de la merde, pour un sang-pur ça devait être pire. Lui pouvait encore être amoureux et se marier avec n'importe qui, et tout le monde s'en fichait royalement, ce qui n'était pas forcement le cas pour un sang-pur qui pouvait avoir encore moins de choix que lui. Le cliché de perfection rattaché au sang restait encore fort, et beaucoup de famille traditionnelles refusaient d'y changer quelque chose. Quelques traditions moyenâgeuses qui persistaient dans un monde en perpétuelle évolution.

« Je trouve ça dommage que tu ne te sentes pas libre de faire les choix qui te plaise. »

Dommage et injuste. Être de bonne naissance apportait des avantages, mais à quoi bon si elle n'était pas heureuse finalement ? Ce qui devait être un avantage pouvait devenir un fardeau. Triste sort. À moins d'en décider autrement.

« Qu'est-ce qui t'empêches de changer les règles du jeu ? »
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Joris de Beauvoir
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Dim 13 Sep 2020 - 18:16
❝ la douloureuse aria d'un espoir épuisé, d'un envol arraché, de mes ailes brisés... ❞
Le triste chant d'un oiseau blessé

Joris & Merlin

Ses iris suivaient le vol gracieux d'un harfang qui pourfendait les cieux. S'agissait-il du sien, d'Excalibur ? Cherchait-il à la rejoindre pour lui apporter une missive ou le réconfort dont elle avait besoin ? La sang-pure ne l'imaginait pas, tout comme elle n'attendait aucune véritable réponse de la part du Poufsouffle. Elle préférait un silence désagréable à des paroles futiles, insipides, qui, si elles iraient dans son sens, ne lui apporteraient qu'un semblant de soulagement. Un de courte durée, de façade, offrant une légitimité idiote à des mots aussi creux que lui paraissait être sa propre existence à l'instant.

Le simulacre de calme qui s'était installé suite à ses aveux, cependant, s'effrita quand Joris répondit. Effrayée à l'idée des termes qu'il allait employer, la Shafiq eut un léger mouvement de recul. Par instinct, elle remonta ses mains vers son crâne, l'idée de boucher son ouïe survenant comme la solution à son problème. Elle n'en eut pas le temps.

« Pour répondre à ta question : toute ma vie, je ne sais pas. »

Une franchise qu'elle n'avait pas prévue. Elle se figea sur place le temps d'une seconde. Puis, à la manière d'une marionnette, ses gestes lents et saccadés, elle repoussa ses cheveux vers l'arrière. Elle voulait le voir, le regarder, comprendre ce qui le poussait à l'aveu. Elle espérait déceler sur ses traits la raison. Ses yeux, rougis et toujours embués, la forcèrent, encore dans cette optique, à s'essuyer le visage.

« Mais pour certains aspects, ça m'est arrivé d'avoir cette impression. »

Incapable de mentir, si ce n'était à elle-même, Merlin était bien en peine de saisir si de Beauvoir disait vrai. Néanmoins, elle ne décelait aucun mensonge et, surtout, elle voulait y croire. Elle désirait lui offrir le bénéfice du doute. Ainsi, même si ce n'était pas entièrement, il pouvait la comprendre. Un peu. Ou du moins, il avait des clefs pour s'y essayer.

« Après, je ne suis pas sang-pur. Je ne sais pas ce qu'on ressent quand on naît avec un nom connu, ou avec les conséquences que ça implique. »

C'était une évidence, mais il paraissait espérer avoir un aperçu. Sans en avoir véritablement la possibilité, mais c'était déjà un pas que la demoiselle appréciait. À son insu, certes. Elle n'en prenait pas garde, pas consciemment. Sur l'instant, c'était simplement plaisant, sans grande conséquence. Le reste de la conversation, la tournure qu'elle allait prendre par la suite, elle, en aurait.

« Je trouve ça dommage que tu ne te sentes pas libre de faire les choix qui te plaisent. »

Un rappel brutal de la réalité pour la jeune femme. La liberté était un sujet sensible. Et, aussi paradoxale que ce fût, car elle avait elle-même avoué être en proie à une angoisse, à un malaise suite à sa réalisation, elle ne désirait pas avoir son avis sur la question. Ou, en toute franchise, elle l'espérait sans l'entrevoir. Elle avait besoin d'être heurté à un avis extérieur.

Extérieur au cercle si fermé et hermétique des sang-purs qui se satisfaisait de leur vie trop bien rangée. De leur espace personnel où tout était toujours à sa place. Où tout était calculé à l'avance. Où aucun geste ne devait être superflue. Chaque acte, chaque parole devaient être réfléchis à l'avance pour éviter le moindre faux pas. Où l'individu était effacé à la gloire et à la stabilité d'un nom, d'un sang, d'un rang.

Une vie de marionnette dans laquelle la majorité finissait par se complaire. Pourquoi ? Dans quel but, exactement ? Pour éviter d'être isolé ? Pour éviter de voir son nom disparaître d'un tableau, d'une tapisserie, d'une gravure ? À bien des égards, c'était risible. Pourtant, il suffisait de se mettre à la place d'une personne élevée dans ce cercle, n'ayant connu que le confort malgré la dureté de l'éducation, pour comprendre que ce n'était pas si simple. Le choix pouvait être fait, mais à quel prix ? Merlin ne souhaitait pas le payer. Par facilité ? Parce qu'elle était effrayée ? Pour ne plus goûter à l'amertume de la solitude ?

« Qu'est-ce qui t'empêches de changer les règles du jeu ? »

Pour toutes les raisons citées. Pourtant, à cet instant précis, le blaireau mettait le doigt sur une solution à envisager. La cinquième année releva le nez et, dans ses iris, une petite flamme se ralluma. Ce n'était qu'une étincelle. Une étincelle, toutefois, pouvait suffire pour allumer un brasier.

Encore fallait-il les nourrir. Nourrir les braises. Nourrir les flammes. Celles de l'intelligence silencieuse. Celles de la réflexion avisée. Celle d'une habile révolte, mystérieuse et discrète. Par malheur, la demoiselle n'y arriverait pas seule. Rêver était une de ses forces depuis sa naissance. Néanmoins, les rêves se terminaient toujours. L'oniromancienne finirait fatalement par se réveiller. Alors, cette flamme, encore naissante, si petite, disparaîtrait.

Cependant, le questionnement suffit pour piquer la curiosité de la Serdaigle. Un simple mélange étrange entre éveil et sommeil, son esprit se fragmentant quelques temps pour offrir une vision utopique. La jeune femme eut un léger rire presque amusé suite à ces images. Puis, une minute, elle laissa planer un silence sur la salle. La suivante, elle le briser d'un timbre songeur.

« Changer les règles du jeu, mh ? », demanda-t-elle.

C'était alléchant. Elle devait le reconnaître. Trouver le moyen de changer les idées préconçues pour pouvoir être libéré des chaînes qui l'entravaient, c'était un doux songe. Pourtant, il y avait un détail qui la ramena sur terre dans l'immédiat. Un détail qu'elle ne pouvait percevoir comme insignifiant. Un détail qui n'était pas oubliable. Elle baissa la tête et laissa un soupir s'échapper d'entre ses lèvres. Ses épaules, à peine redressées, s'affaissèrent. Défaitiste.

« Ce qui m'en empêche, reprit-elle en laissant sa tête choir contre le mur derrière elle, c'est que je suis incapable d'imaginer comment une telle prouesse pourrait être réalisée. »

La mentalité des nobles sorciers était ancrée depuis des siècles. D'après certaines légendes, depuis même des millénaires. Comment pouvait-elle espérer une seconde que cela pût être modifié ? D'autant plus par une femme, dans un monde régi par des hommes ? Comment pouvait-elle, alors, face à un obstacle grandissant à vue d’œil devant elle, avoir l'espoir d'une réussite ? Et, même dans l'optique où elle ne partait pas sur une défaite, comment s'y prendre ? Les mots suivants étaient des reflets de sa pensée immédiate.

« Mais admettons que je m'y essaie, souffla-t-elle, comment est-ce que je pourrais m'y prendre ? Tu n'as pas la réponse, je présume. »

Suite à sa question rhétorique, sa tête se tourna de façon à ce que son regard pût se plonger une nouvelle fois dans le ciel. Parce qu'il était plus simple de s'évader, tout comme poser la question paraissait facile. Bien plus complexe, il fallait voir toutes les ramifications pour engendrer un maigre espoir. Les règles du jeu, comme le voyant les appelait, pouvaient être représentées comme des centaines de connexions entre les différentes familles.

Un tableau presque indéchiffrable. Une partie d'échec sans fin. Chaque ligne représentait une relation. Chaque pièce représentait un sorcier. Il était donc normal que l'idée même de métamorphoser tout un milieu comme celui-ci parût insurmontable.

Encore fallait-il comprendre que la première étape à accomplir ne résidait pas dans la perception des autres, mais dans la perception de soi. Changer la sienne serait un début. Une page tournée. Un nouveau chapitre. Pour la suite, chaque acte a des conséquences qui peuvent mener à un effet papillon. Tout ceci, l'enchanteresse l'ignorait.

« Même moi qui vit là-dedans, je ne suis pas sûr de les connaître vraiment, ces fameuses règles... Alors avoir la réponse de comment s'y prendre pour les changer, ça relèverait du miracle. »

Sa dernière tirade se termina sur une note presque plus joyeuse, bien que d'une certaine ironie. Son sourire se fana aussi vite qu'il était apparu pour ne laisser que l'apparence d'une coquille vide. Aveugle aux choix qu'elle pouvait posséder, elle s'enfermait dans une prison confortable. Le déni. Ainsi, le mensonge devenait sa vérité. Croire à un changement ? À quoi bon ? Il fallait être folle pour ne serait-ce qu'y penser. Voilà comment pouvait se résumer ses pensées sur l'instant. Des pensées qui, en dehors de la frustration qu'elles imposèrent, invitèrent par mégarde une lassitude profonde qui étreignit l'Aiglonne.

Merlin
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Dim 18 Oct 2020 - 17:46
Le triste chant d'un oiseau blesséMerlin Shafiq & Joris de BeauvoirLundi 25 Septembre 1995

Le flou un jour. Le flou tous les jours. Le flou toujours et pour toujours. Avec quelques zones un peu plus nettes, parfois. C'est comme ça qu'il voyait l'avenir. Comme un épais brouillard, qui ne demandait qu'à être dissipé. Dans lequel il fallait parfois s'aventurer et se perdre pour trouver son chemin. Dans lequel il fallait parfois accepter les embûches pour mieux apprécier les chemins plus doux. Mais surtout, dans lequel un champ infini de possibilités ne demandaient qu'à être découvert. S'il n'avait pas choisi certains aspects liés à sa naissance, Joris refusait pourtant de croire que cela devait définir ce qu'il deviendrait. Il était peut – être fou ou utopiste, mais il avait du mal à s'imaginer que le monde leur offrait tant de choix si c'était pour s'en priver. Certes, il y avait parfois besoin de règles. Mais toutes n'étaient pas forcement bonnes à respecter. Et toute n'étaient pas forcements valables d'une époque à l'autre.

« Changer les règles du jeu, mh ? »

Une possibilité qu'il proposait d'envisager. Merlin la répétait, comme voulant s'approprier l'idée. Pourtant, quelque chose bloquait. Et elle répondait à la question qu'il venait de lui poser.

« Ce qui m'en empêche, c'est que je suis incapable d'imaginer comment une telle prouesse pourrait être réalisée. »

Prouesse. Le terme parlait de lui-même. Un tour de force, une épreuve quasiment insurmontable. Mais pas impossible pour autant, avait-il pensé. Ça ne serait pas la première bataille menée vers un changement des mentalités, ni même le dernier. Tant d'autres essayaient, chaque jour, de faire valoir la légitimité de leur combat. Parfois au péril de leur réputation, de leur liberté, voir de leur vie. Tout les combats ne se gagnaient pas aussi aisément. Il fallait parfois des années pour le gagner. L'éveil des consciences pouvait prendre du temps. Certaines théories étaient encore trop révolutionnaire, dans un monde qui se complaisait à son petit confort du moment. Par facilité pour certains, par crainte de l'inconnu pour d'autres. Et on se rendait compte, parfois trop tard, qu'on avait laissé passer une chance de faire évoluer le monde plus rapidement.

« Mais admettons que je m'y essaie, comment est-ce que je pourrais m'y prendre ? Tu n'as pas la réponse, je présume. »

Il avait souri. Non, il n'avait pas la réponse. Mais le fait qu'elle puisse envisager la possibilité était un début.

« Même moi qui vis là-dedans, je ne suis pas sûr de les connaître vraiment, ces fameuses règles... Alors avoir la réponse de comment s'y prendre pour les changer, ça relèverait du miracle. »

Il y avait de l'idée. Et le poufsouffle venait à se demander si la première étape résidait dans la façon de s'y prendre. Un cheminement qui germait, doucement, dans son esprit. Avant d'agir, il fallait déjà une idée, un plan bien rôdé, une théorie en laquelle on croyait. Sans ça, le reste s’effondrait. Si Merlin voulait mener une quête pour sa liberté, elle devait d'abord croire aux convictions qui la hisseraient sur la voie de la réussite. Mais cela serait réalisable seulement si elle acceptait d'y croire, si elle acceptait de se jeter dans l'aventure, si elle acceptait de se défaire de son confort pour en gagner un autre. Pour ne pas imploser, un beau jour, sans prévenir.

« Et si on commençait par le pourquoi, et non par le comment ? » Proposait-il à la demoiselle.

Pourquoi vouloir changer le monde ? Pourquoi vouloir bouleverser les codes ? Les rêves étaient doux, ils étaient beaux, parce qu'on pouvait les contrôler. Ou presque. La réalité pouvait se montrer plus dure, c’était souvent ce qui effrayait. Mais il fallait parfois des gens pour essayer de faire de leurs rêves des réalités, pour se confronter à la dureté des critiques. Pour faire évoluer tout le reste. Joris ne voulait pas imaginer ce que serait le monde sans un soupçon de révolution. Mais il ne serait certainement pas celui qu'ils connaissent actuellement.

« Ces règles, est-ce qu'elles sont écrites ? Est ce qu'elles sont explicitement évoquées quelque part ? Qui a décidé que ce serait comme ça et pas autrement ? »

Il est vrai qu'il avait utilisé le mot règle, car il ne doutait pas qu'elles existassent, même de façon implicite. Mais, en vérité, on pouvait surtout parler de traditions. Des traditions qui régissaient la vie de bien des gens depuis des années, sans presque jamais avoir été contestés, alors qu'on en avait jamais vu la moindre trace écrite nulle part. Des traditions qui prenaient toujours plus de poids à mesure qu'on continuait à les appliquer sans s'y opposer.

« Comme tu le soulignais : même en vivant là – dedans, tu n'es pas sûre de les connaître. C'est ironique, tu ne trouves pas ? »

Qu'on lui ''impose'' de vivre selon des traditions dont elle n'avait aucune connaissance était un non-sens évident, de son point de vue actuel. Mais Joris n'était pas là pour juger de ce qui était logique ou non, ni même de la légitimité de ces traditions. Il cherchait simplement à interroger leur contenance, comprendre comment et pourquoi on les avait prises, comment on les justifiait. Comment pouvait-on convenablement suivre une tradition qu'on ne comprenait pas, dont on ne savait pas évaluer la valeur ? Si elles existaient, c'est qu'il devait y avoir une raison. Mais était-ce encore valable aujourd'hui ?

« Une prouesse… » Avait – il reprit ses mots. « Ça ne veut pas dire que c'est impossible. Ce serait peut – être long. Fastidieux aussi. Mais sans essayer, comment le savoir ? »

Des questions, pleins de questions, trop de questions. Mais des questions qui pouvaient aider, qui sait ? Peut – être.
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Ven 23 Oct 2020 - 14:04
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Le triste chant d'un oiseau blessé

Joris & Merlin

Solitude. Lassitude.

Deux amies invisibles, indiscernables, qui s'installaient et ne la quittaient qu'à de rares moments. Au fond, comme la majorité, elle faisait semblant. Elle simulait le bonheur. Elle imitait ses congénères. Faire croire qu'elle était heureuse était facile. Paraître sereine. Offrir des sourires. Voir la vie en couleur, ça lui arrivait fréquemment, elle ne devait pas le nier si elle souhaitait être honnête envers elle-même.

Cependant, dès qu'elle se retrouvait seule face à son reflet, face au miroir, toutes ses angoisses remontaient à la surface. Comme si, au fond, elle cherchait à les noyer dans la joie de vivre des autres. Comme si, quand elle s'y attelait, elle voulait les faire disparaître sous la surface en offrant de la bonne humeur à ses camarades, à ses amis, à ses connaissances, et même à ses ennemis. À ceux qui, parce qu'ils voyaient à travers le trou de la serrure, parce qu'ils remarquaient et comprenaient l'imposture, ne la supportaient pas. Comme Aria, sans doute. Pourquoi s'en prendre à une autre sang-pure dans le cas contraire ?

Enfermée dans le capharnaüm de son esprit, du bateau de ses pensées voguant sur une mer agité, en pleine tempête, Merlin ne fit pas vraiment attention à ce qu'elle renvoyait. Avec un soupir à fendre l'âme, elle se releva et effectua quelques pas pour s'installer face à l'unique fenêtre de la pièce. Son regard accrocha plusieurs rapaces qui planaient au-dessus de la forêt interdite. Elle ne les quitta pas des yeux quand de Beauvoir rebondit sur ce qu'elle venait de dire. Des exclamations qu'elle aurait préférées oublier dès l'instant où elles avaient franchies ses lèvres. Des phrases à enterrer, pour ne pas y croire, pour s'épargner de nouvelles souffrances. Elle refusait le risque. Être déçue quand elle aurait essayé et qu'elle aurait échoué, voilà l'issu qu'elle percevait, n'en flairant aucune autre possible. Pour l'heure.

Lâcheté. Impuissance.

« Et si on commençait par le pourquoi, et non par le comment ? »

Un gémissement à la fois inaudible et plaintif s'échappa de l'Aiglonne. Pourquoi vouloir combattre contre un système qui ne lui convenait pas se résumait en une phrase. Elle souhaitait s'affranchir des règles, s'émanciper. La liberté était un rêve qui lui paraissait si doux. Pourtant, si la jeune femme se retrouvait à présent dans cette spirale de déni semblant infranchissable, c'était dû à une émotion en particulier qui pouvait faire reculer bien des hommes. Inconsciente de cette dernière, elle ne pouvait avancer, à moins qu'un trait de sa personnalité pût prendre le dessus. La peur de l'autonomie, de l'inconnu, pouvait-elle être surpassée par sa curiosité ?

« Je ne vois pas vraiment où tu veux en venir, soupira-t-elle, mais je t'écoute. »

Il suffisait de connaître un minimum l'oniromancienne pour savoir que son appétit en matière de découverte pouvait surpasser tout le reste. Une avidité particulière qui la poussait, même quand elle ne le désirait pas entièrement, à effectuer de nouvelles expériences. Sans cela, la demoiselle ne se serait jamais approché des moldus et de leurs technologies qu'elle essayait de faire fonctionner à Poudlard. Il ne s'agissait que d'un exemple ; un exemple parmi tant d'autres, trop pour tous les citer.

« Ces règles, est-ce qu'elles sont écrites ? Est ce qu'elles sont explicitement évoquées quelque part ? Qui a décidé que ce serait comme ça et pas autrement ? »

Toujours à son observation, Merlin fronça les sourcils. Les interrogations de Joris étaient loin d'être idiotes. Et par cette simple constatation, il marquait une avancée considérable sans le savoir. Sans même que Merlin pût le deviner. Les questions pesaient sur la balance, sur son esprit, bien plus que ce à quoi la Serdaigle aurait pu s'attendre. Ainsi, sans pouvoir le prédire, son esprit se mit à tourner à plein régime.

Elle se retourna, lèvres pincées et paupières plissées, preuve évidente pour qui la connaissait d'une réflexion intense. Un examen minutieux des phrases employées la seconde précédente. Une analyse précieuse, qui la guidait vers une exploration de ses connaissances sur le sujet. L'interrogation força ses sombres illusions à s'évaporer, au moins sur le moment.

« Comme tu le soulignais : même en vivant là–dedans, tu n'es pas sûre de les connaître. C'est ironique, tu ne trouves pas ? »

Shafiq ne pouvait, avec ses propres conclusions, réfuter les dires de son camarade. Elle acquiesça. Une acceptation qui allait l'éclairer. Il n'existait pas un seul chemin. Il en existait une multitude, tout comme il était possible d'explorer une multitude de possibilités concernant ses expériences. Une règle qu'elle n'oubliait jamais quand elle s'attelait à l'une de ses passions.

« Aussi ironique que de se rendre compte que je ne peux répondre à tes questions précédentes. Je n'en ai pas la réponse. Et, pour être franche, je ne serais pas étonnée d'apprendre que personne à notre époque ne puisse te fournir une réponse satisfaisante, sans contradiction. »

Pour certain, il pouvait ne s'agir que d'un pas supplémentaire. Pour Merlin, c'en était un de géant. Un saut dans le vide. Il était grand temps d'arrêter de se demander si elle survivrait à sa chute. Elle devait briser le cercle vicieux dans lequel elle était enfermée, devait réfréner ses interrogations. Se questionner sur ce qu'il se trouvait sous le précipice, devant lequel elle s'était arrêtée, où elle restait bloquée, finirait par l'anéantir. Le seul moyen de savoir ce qui l'attendait, c'était d'effectuer un plongeon. Un saut de l'ange mental qu'elle venait de réaliser après s'être décidé à ouvrir les yeux.

Il lui faudrait encore du temps pour totalement accepter l'éventualité qu'elle venait de dire stop à l'un de ses plus gros défauts. Le temps de la chute libre. Néanmoins, elle venait de le faire, de manière plus ou moins consciente. Sans être le début, c'était une avancée considérable et nécessaire à son bon développement personnel.

« Une prouesse, reprit Joris après son intervention. Ça ne veut pas dire que c'est impossible. Ce serait peut–être long. Fastidieux aussi. Mais sans essayer, comment le savoir ?
Personne ne le peut. », répliqua-t-elle derechef.

Elle n'avait pas besoin de se noyer sous une avalanche de questions pour accepter cette réalité. S'empoisonner l'esprit avec des idées illogiques ne l'aiderait pas. Elle préférait se concentrer sur l'essentiel. Si elle désirait parvenir à ses fins, si elle espérait voir son ambition se réaliser, elle allait devoir travailler sur deux points importants.

Le premier était évident à ses yeux, maintenant que le Poufsouffle lui avait pointer du doigt l'incohérence. Elle devait se renseigner, comprendre d'où venait les règles qui régissaient sa vie, qui en avait décidé ainsi et dans quel but. Elle ne parlait pas de l'éducation que lui avait fourni ses parents, qui eux-mêmes n'avaient fait que suivre les préceptes de ses grands-parents. Elle devait remonter plus loin, trouver l'origine des traditions puristes.

« Réaliste ou non, tu as raison. Abandonner sans même essayer, ce serait accepter un échec qui n'a pas encore lieu d'être ; un échec qui n'aura peut-être jamais lieu d'être. »

La seconde action pouvait être plus complexe, mais tout aussi importante. Après avoir découvert quand, qui et pourquoi et les avoir étudié sous tous les angles, il allait lui falloir questionner d'autres personnes de sa classe sociale. De cette manière, si elle remarquait des incohérences, elle aurait le pouvoir de les pointer du doigt. Se faisant, elle se mettrait directement en danger, se plaçant en révolutionnaire parmi des traditionalistes.

Être réfractaire aux idéaux puristes qui régissaient leur univers depuis bien des siècles, c'était comme accepter d'être un loup dans la bergerie. Les bergers ne l'accepteraient pas, mais elle pouvait et devait prendre le risque d'être chassée et pourchassée. Pas uniquement pour elle. Pour tous ceux qui naissaient et naîtraient à l'avenir.

« Je vais avoir besoin d'aide, affirma-t-elle suite à un silence d'une minute. Pour trouver des archives historiques qui parlent des familles nobles ; mais surtout de quand, comment et pourquoi notre mode de vie a été mis en place. »

Avouer ne pas se suffire à elle-même pour sa quête lui faisait presque mal, tant elle n'en était pas habituée. C'était un aveu difficile à formuler, mais la nécessité permis à sa voix de ne pas trembler. L'oiseau blessé ne hurlait plus sa douleur. C'était la détermination que Joris pouvait maintenant lire sur son faciès. Les ailes brisées, elle pouvait toujours avancer sans voler le temps de se remettre. Les premières fissures d'une chrysalide qui, trop longtemps, avait enfermé le papillon épris d'indépendance.

« Est-ce que tu accepterais de m'offrir ton soutien pour cette première étape ? »

Un sourire, véritable, qui atteignit ses yeux. La lumière dans son regard. La brillance qui se reflétait dans le fond de ses pupilles, comme une étincelle. Celle de l'espérance. Petite, encore fragile, mais qui pouvait un jour devenir un brasier. Celui d'une révolution.

Merlin
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Sam 14 Nov 2020 - 20:50
Le triste chant d'un oiseau blesséMerlin Shafiq & Joris de BeauvoirLundi 25 Septembre 1995

« Et si on commençait par le pourquoi, et non par le comment ? »

Une proposition un peu étrange sortit de son cerveau en pleine réflexion. La suggestion d'une première étape à accomplir pour mieux envisager le reste. Essayer de comprendre avant d'agir, pour ne pas se perdre dans une bataille d'arguments sans fondement. Savoir, c'était pouvoir agir en connaissance de cause. C'était pouvoir justifier sa pensée de façon plus concrète. C'était montrer qu'on n'entreprenait pas un projet dans le vent, mais qu'il y avait une recherche derrière, une réflexion. Que tout ça partant d'un doute, d'une interrogation. L'éveiller chez les autres, leur donner envie de savoir à leur tour, de vérifier par eux – même et les convaincre, tout ça était lié d'une certaine façon.

« Je ne vois pas vraiment où tu veux en venir, mais je t'écoute. » Lui avait répondu Merlin.

Il avait son attention. Accepter d'écouter était déjà une manière d'avancer. Il ne lui avait pas vraiment énoncé d'arguments. À la place, il lui partageait ses interrogations sur le sujet, ses questions, son envie de comprendre. La réflexion d'un bleu et bronze dans le costume d'un jaune et noir. Parfois, avoir un avis extérieur pouvait aider à voir les choses différemment. Parce que l'autre avait des connaissances différentes, des questions différentes, un raisonnement différent. Tout simplement une vision différente. Une vision qu'on ne pouvait pas toujours avoir seul, ou pas toujours avec le même recul.

« Ces règles, est-ce qu'elles sont écrites ? Est ce qu'elles sont explicitement évoquées quelque part ? Qui a décidé que ce serait comme ça et pas autrement ? »

Revenir aux sources du problème pour mieux le comprendre et mieux l'affronter. De questions basiques sans grandes ambitions, on pouvait parfois arriver à formuler de grandes choses. Même les grandes découvertes et les grandes révolutions venaient de quelque part, d'un questionnement sans forcement beaucoup de prétention. Pourtant, on en voyait aujourd'hui le résultat. Celui d'une personne qui avait douté, qui s'était questionné, et qui avait cherché à comprendre. Douter, se questionner, deux notions que le Poufsouffle avait l'habitude de côtoyer. Une curiosité accrue qui faisait bouillir les méninges sous cette chevelure noire de jais. Une curiosité qu'il éveillait chez sa camarade sans vraiment le savoir, juste en lui faisait part des questions que lui-même se posait.

Se relevant à son tour pour se mettre droit sur ses jambes, il avait continué dans sa réflexion en reprenant les termes évoqués par sa camarade un peu plus tôt. Comme un point d'appui pour pointer une contradiction.

« Comme tu le soulignais : même en vivant là–dedans, tu n'es pas sûre de les connaître. C'est ironique, tu ne trouves pas ? »

Elle avait acquiescé à l'évocation de ce constat. Il le comprenait comme le fait qu'elle partageait, au moins d'une certaine façon, son avis sur la question. Si son but premier n'avait pas été de pointer des incohérences dans un système établis depuis longtemps, ce chemin s'était pourtant dégagé de lui-même dans sa réflexion. Dans la situation actuelle, il n'avait pas les connaissances nécessaires pour les définir correctement. Il ne faisait que se baser sur les éléments que sa conversation avec Merlin lui apportait. Des éléments assez peu nombreux, mais qui amenaient à réfléchir.

« Aussi ironique que de se rendre compte que je ne peux répondre à tes questions précédentes. Je n'en ai pas la réponse. Et, pour être franche, je ne serais pas étonnée d'apprendre que personne à notre époque ne puisse te fournir une réponse satisfaisante, sans contradiction. »

Un aveu révélateur de méconnaissance. Pour Joris, c'était une occasion d'envisager les prémices d'une recherche de savoir.

« Une prouesse... Ça ne veut pas dire que c'est impossible. Ce serait peut–être long. Fastidieux aussi. Mais sans essayer, comment le savoir ?
— Personne ne le peut. Réaliste ou non, tu as raison. Abandonner sans même essayer, ce serait accepter un échec qui n'a pas encore lieu d'être ; un échec qui n'aura peut-être jamais lieu d'être. »

Qui n'essayait pas ne pouvait pas savoir. Une évidence qu'ils partageaient. Et même si certaines situations semblaient perdues d'avance, pour le tatoué c'était plus compliqué et nuancé que cela. Il y avait des embûches, des avis différents, des moments de ralentissement, des informations manquantes. Mais ça ne voulait pas dire que c'était voué à l'échec. Parfois, il fallait simplement apprendre à jongler avec ce qu'on avait sous la main, prendre des risques et y aller au culot, savoir attendre le bon moment, possiblement se casser la figure. Mais si c'était pour mieux s'en sortir au tour suivant, ça pouvait valoir le coup.

Joris était peut-être trop optimiste de croire que tous les problèmes avaient une solution, que tout pouvait se résoudre d'une façon ou d'une autre. Mais il était comme ça. À vouloir comprendre le monde, à croire que tout n'était pas figé, à croire à un champ infini de possibilités qui attendaient d'être essayé. Parce qu'il préférait l'optique d'un avenir qui s'adapte à l'envie des hommes, plutôt que des hommes contraint à un avenir qu'on construit pour eux.

« Je vais avoir besoin d'aide. » Avait – elle continuée. « Pour trouver des archives historiques qui parlent des familles nobles ; mais surtout de quand, comment et pourquoi notre mode de vie a été mis en place. »

Un travail de longue haleine. Mais nécessaire pour réunir des informations suffisantes sur un sujet aussi vaste. Un travail qui pouvait se révéler colossal pour une seule personne. Merlin était lucide sur ce point en affirmant qu'elle aurait besoin d'aide. Il n'irait pas le lui reprocher, au contraire. Même sans savoir véritablement la charge de travail que cela pouvait représenter, il n'était pas difficile d'essayer de s'en faire une idée.

« Est-ce que tu accepterais de m'offrir ton soutien pour cette première étape ? »

Lui rendant son sourire, il avait hoché la tête dans un geste affirmatif. Cette proposition lui faisait plaisir, car il était curieux des trouvailles qu'ils pourraient faire. Allaient – ils trouver quelque chose de concret sur les traditions puristes ? Des écrits, des manuels de bonne conduites, ou autres textes à l'usage des grandes familles ? Tout restait encore à découvrir.

« Avec plaisir. On commence quand ? »
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Ven 20 Nov 2020 - 18:34
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Joris & Merlin

Une théorie atteste qu'il suffit parfois d'un battement d'aile de papillon pour déclencher une catastrophe à l'autre bout du monde. Une réaction en chaine indiscernable pour le commun des mortels, qui d'une cause à effet, amène à l'inévitable. Pourtant, rien ne prétend que cette théorie ne fonctionne pas en sens inverse.

Êtes-vous familier de ces deux mots : "et si" ? Oui, vous pouvez me dire qu'avec ce début de phrase, il est possible de refaire le monde, de le recréer comme nous l'entendons, d'en faire ce que nous voulons. Envie de mettre la tour Eiffel en bouteille ? De forcer l'humanité à vivre derrière de gigantesques murs pour échapper à une menace trop grande ? De créer des districts pour parquer l'espèce humaine comme des animaux ? Ou encore d'offrir la possibilité à un petit être, que beaucoup aurait qualifié d'insignifiant, de porter un anneau jusque dans un volcan ? Avec ces deux mots alignés, tout, du plus logique au plus absurde, devient envisageable.

Justement, c'est là que je veux en venir. Et si. Et si le battement d'un papillon ne créaient pas une catastrophe ? Et si en lieu et place, il apportait de nouvelles réflexions dans un monde s'étant perdu dans des traditions désuètes ? Et s'il forçait quelques êtres à se questionner, à remettre en cause cette manière de pensée ? Dans la salle d'art de Poudlard, au sixième étage du château, c'était précisément le questionnement de Merlin Shafiq.

Et la demoiselle devait bien se l'avouer : cette possibilité, cette pensée, ce rêve qu'elle commençait déjà à nourrir d'espoir n'était présent que par hasard ; il ne se serait jamais révélé à elle sans un concours de circonstance qui, au fond, restait appréciable. Certes, tout n'était pas fait de blanc, mais l'adolescente avait appris avec le temps que la vie, si elle pouvait être qualifiée de monochrome, en possèderait alors nombre de nuances.

Aria, ce jour-ci, avait été une force motrice avant tout autre chose. Malgré l'emprise qu'elle avait eu sur elle dès l'instant où elles avaient débuté leur discussion, elle avait surtout poussé sa camarade vers cette rencontre. D'un côté, sans la conversation peu plaisante, sans la blessure infligée par la blonde, jamais l'Aiglonne n'aurait pu ne serait-ce qu'envisager un tel dialogue avec le blaireau.

Au début, c'était avec un scepticisme qu'elle avait accueilli le garçon et ses idées. Qu'elle s'était dirigée vers cet embranchement, leur bulle loin de tout, de l'espace et du temps. Pourtant, force était de constaté que Joris, portant le double visage du messager et du sage, se révélait alors en allier de choix.


Un associé, un adepte ayant su l'aiguiller vers de nouvelles alternatives, vers de nouvelles contrées. Ainsi, c'était avec l'émerveillement d'une aveuglée qu'elle abaissait ses barrières éblouissantes, sa cage dorée, pour découvrir toutes les directions envisageables, pour enfin prendre pleinement conscience de tous les horizons qui se peignaient devant elle.

La croisée des chemins ; la première. Leurs pensées volatiles pourraient-elles aboutir sur une action à forte envergure ? Pour l'heure, rien ne pouvait l'indiquer et le prétendre serait s'offrir une arrogance que la sang-pure ne pensait pas posséder. Force et détermination serait des ingrédients essentiels à la réalisation du songe qu'était maintenant le sien, cependant, et la jeune femme n'était pas idiote ; elle était persuadée que de telles qualités pouvaient se cultiver, comme le savoir et la connaissance. Et si par malheur elle n'y parvenait pas pour elle, il resterait la solution de trouver des adeptes, de convertir d'autres personnes à sa cause.

« Avec plaisir. On commence quand ? »

En attendant, son projet n'était qu'à ses balbutiements. Comme un nouveau-né encore incapable de parler, incapable de se déplacer seul, elle allait devoir s'en occuper avec soin pour faire germer la possibilité d'une révolution dans son cercle de vie. Et pour cela, mettre en place un plan d'action était inévitable. En premier lieu, se renseigner lui paraissait être la meilleure option.

La meilleure arme contre la désinformation que la plupart des nobles subissaient à ce jour était d'effectuer des recherches. Elle devait trouver des preuves du non-sens que représentaient l'héritage qui se transmettait de génération en génération ; ou, au contraire, trouver l'explication qui la forcerait à accepter son statu. Cependant, loin de la décourager, cette éventualité lui plaisait plus que de raison ; même si elle découvrait que son rêve était absurde, le pourquoi lui offrirait une richesse inqualifiable. Le savoir.

« Que dirais-tu de... Tout de suite ? », proposa la Serdaigle, son sourire lunaire dévorant toujours ses joues.

L'idée d'y aller immédiatement pouvait prendre de court, pouvait surprendre. C'était par impulsivité que son envie venait de naître, sans conteste. L'oniromancienne possédait bel et bien un défaut que tous pouvaient remarquer. Sa patience effritée comme une fleur asséchée, sa curiosité insatiable, éternelle insatisfaite qu'elle était, la guidait sur l'instant vers la recherche de la connaissance.

Cela même dans les pires endroits possibles, parfois au mépris de sa propre vie ou de sa santé mentale. Dans ces instants, toutefois, il était impossible de la freiner ou de la raisonner. Ses proches le savaient, comprenaient qu'il valait mieux la suivre dans ces moments-là pour la protéger.

Il n'était pas question de se mettre en danger dans l'immédiat, bien sûr. La bibliothèque de l'école n'était pas connue pour être un lieu qui rimait avec danger. Joris pouvait donc à loisir la laisser là sans le moindre risque ; bien qu'au fond, elle le pressentait, il allait accéder à sa requête.

Toujours était-il que la cinquième année, accompagnée ou non, avait bien l'intention de s'y rendre. Et ce fut dans cette optique que d'un pas presque dansant, elle se dirigea vers la sortie. Elle ouvrit la porte et, après un regard interrogateur à son compagnon du moment, elle s'élança à travers le dédale de corridors.

Le battement d'ailes du papillon était à présent du passé. Il ne restait plus qu'à voir où il allait les mener. Le futur, bien sûr, restait incertain, et ce, même pour les deux voyants qui arpentaient les couloirs en quête de découvertes. Fait certain, néanmoins, et résultat de cette entrevue, les actions en chaînes qui allaient déboucher resterait un présent irremplaçable pour la sorcière.

Une véritable pépite, un trésor inestimable. Des souvenirs plaisants, des rêves de couleurs, une évasion éphémère. Et si sa folie le lui permettait de l'imaginer, elle pourrait devenir une constante réalité. Seul l'avenir, gardienne de ce secret, finirait par le lui souffler.

Merlin
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Dim 29 Nov 2020 - 19:17
Le triste chant d'un oiseau blesséMerlin Shafiq & Joris de BeauvoirLundi 25 Septembre 1995

Chaque jour, le monde évoluait. Et bien que certaines traditions résistaient, d'autres disparaissaient pour laisser la place aux nouvelles. Les générations n'étaient jamais les mêmes. Les nouvelles générations, souvent considérées comme trop révolutionnaires par les anciennes, avaient souvent tendance à contester les anciennes, qu'elles considéraient comme dépassés par les nouvelles découvertes. Les évolutions se faisaient de plus en plus rapides, à mesure que les moyens devenaient de plus en plus nombreux et faciles à obtenir. Les anciennes traditions qu'on perpétuait avaient de plus en plus de mal à suivre. Si bien qu'on en vînt à oublier leurs origines.

Il y avait pourtant une explication à tout. Il suffisait parfois de remonter le passé pour la trouver. C'était la première étape dans laquelle Joris accompagnerait Merlin, dans sa quête de compréhension de l'univers dans lequel elle avait si longtemps grandit, sans pour autant en connaître les tenants des aboutissants. Elle n’obéirait plus aveuglement à des traditions qu'elle n'était même pas sûre de connaître. Elle pourrait soulever des incohérences si elle en voyait ou en entendait. Elle pourrait faire évoluer les mentalités à ce sujet. Car l'avenir lui offrait un champ incroyable de possibilités. Elle n'était pas figée dans un futur qui n'existait pas encore, mais dans un futur qui attendait simplement son présent pour se dessiner. Il suffisait simplement qu'elle s'en rende compte.

Le sourire de Joris s'était élargi. S'il avait vu Merlin triste et sceptique au début de leur conversation, il la voyait maintenant rayonnante et déterminée. Elle avait repris la main face aux démons qui chassaient ses espoirs, et s'était relevée pour devenir actrice d'un avenir qu'elle envisageait autrement. Ça ne paraissait pas grand chose, mais ça pouvait tout changer. Et s'il avait pu, ne serait-ce qu'un peu, lui offrir de son optimisme, il en était déjà heureux. Il ne lui avait pas promis que ce serait facile, ni que ce qu'elle découvrirai serait plaisant, parce que lui-même n'en savait rien. Cependant, par ses questions, ses réflexions et ses doutes, il lui proposait l'optique de découvertes pouvant être surprenantes. Là où l'ignorance était son ennemie, elle pourrait la remplacer par une alliée de poids qu'était la connaissance. Et si on en croyait l'expression, le savoir, c'était le pouvoir.

Il ne savait pas ce qui avait provoqué l'état dans lequel il avait trouvé sa camarade à son arrivée. Mais il se disait que cela, couplé à leur conversation, avait peut-être participé à rendre la détermination de la Serdaigle aussi forte qu'il la ressentait actuellement. Au fond, ça ne le regardait pas vraiment, et Merlin n'avait aucun besoin de se justifier auprès de lui. Ce qu'il savait à présent, c'était qu'une quête de savoir les attendait. Dans cette grande étape, il ne serait certainement pas trop de deux pour déterrer les rouages des anciennes traditions nobles. Joris soutenait Merlin dans cette démarche, et il était content qu'elle lui demande de l'accompagner dans ses recherches. Lui-même était curieux des découvertes qu'ils allaient bien pouvoir faire, n'ayant encore jamais pris le temps de se pencher sur la question avant. Ne restait plus qu'à savoir quand l'adolescente voudrait commencer l'enquête.

« Que dirais-tu de... Tout de suite ? »

La demoiselle était visiblement pressée de s'y mettre. Mais c'était loin de dérouter le garçon qui, curieux comme tout, ne voyait aucun problème à délaisser un repas pour aller s'instruire. Alors, ce fut d'un hochement affirmatif de la tête qu'il acceptait la requête de Merlin de se rendre à la bibliothèque dans l'immédiat. Devancé par la bleu et bronze, il avait ramassé son sac encore à terre pour le remettre sur son dos, avant de quitter la pièce à son tour pour suivre la Serdaigle en direction de leur destination.

Il ne faisait pas de doute qu'ils ressortiraient quelque chose de cette expérience. Tout restait encore à découvrir, et leurs découvertes amèneraient peut-être de nouvelles questions en cours de route, mais ce qu'ils trouveraient pouvait changer beaucoup de choses, dont l'avenir. Un avenir qui n'attendait plus qu'eux pour s'écrire.
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Joris de Beauvoir
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