Ceci est un rp débuté entre Johann et Aria sur un autre forum avec d'autres personnages. Ne pouvant pas le laisser à l'abandon maintenant qu'on se décide enfin à quitter ce forum, on a donc décidé de le migrer ici dans l'intention de le finir. Parce qu'Adara et Zoey, ce sont deux âmes rassemblées par une triviale déchirure dans la tapisserie. Et rien que pour ça, ça mérite qu'on aille au bout de cette rencontre impromptue.
Le Polynectar
PNJ
Lun 8 Juin 2020 - 11:11
Let me see through your eyes
Adara était en troisième année, bien loin des préoccupations qui pourraient se jouer dans le futur. Le Seigneur des Ténèbres n'était même pas encore réapparu, revenu d'entre les morts, même si son plan pour son grand retour était en marche. Un de ses serviteurs, un mangemort, avait usurpé l'identité du professeur Maugrey pour guider Potter, en prenant l'apparence dudit auror, dans sa participation du Tournois des Trois Sorciers – devenu quatre par sa souscription inopinée, qui avait su causer quelques tourments sur le domaine de l'école. Dans quelques mois à peine, elle apprendrait en rentrant en France que Potter n'avait tout bonnement pas fabulé et qu'il était bien ressuscité.
Cette nouvelle changerait radicalement son existence, indirectement, mais pour l'heure, la seule véritable préoccupation de la Serpentard, comme de nombreuses membres de la jante féminine à Poudlard cette année, était le Bal de Noël. D'après ce qu'elle avait pu en lire, il s'agissait d'une tradition du concours. Toutefois, parce qu'ils jugeaient certains élèves trop jeunes, les directeurs avaient décrété que les étudiants inférieurs à la quatrième année ne pourraient pas s'y rendre. Il était possible de contourner ce refus, mais uniquement si un individu plus âgé désirait avoir pour cavalier – ou cavalière – un cadet – ou une cadette – ne pouvant s'y rendre autrement. Avec une telle organisation, aucun besoin d'être legilimens pour percevoir l'espérance de certaines jouvencelles du domaine. La sang-pure ne dérogeait pas à la règle.
C'était compréhensible. Si, fut un temps, le tournoi était organisé par les établissements du trio européen pour favoriser l'échange et le partage entres les différentes cultures, le jeu dangereux présenté avait été abandonné en 1792. Cette décision avait été prise suite aux blessures des trois directeurs en postes de l'époque, causées par un cocatris qui était parvenu à s'échapper. Alors, fatalement, Ada devinait qu'il y avait un énorme risque pour que ce phénomène fût exceptionnel. Par ailleurs, il ne fallait pas être un génie pour entrevoir le lien entre le renouvellement du championnat et l'incapacité du Ministère pour retrouver Sirius Black. Il n'y avait pas de coïncidence possible, Cornelius Fudge cherchait par tous les moyens en sa possession à faire oublier cette déconvenue. Un comble quand il était possible de savoir que l'année suivante, il ferait tout pour le rappeler.
Par ailleurs, même si la future partisane se trompait, elle n'avait pas besoin d'exceller en mathématique. À trois reprises, déjà, elle avait emprunté le Poudlard Express pour se rendre au collège. Il ne lui restait plus que quatre années, ensuite, avant d'obtenir ses ASPICs et d'entrer dans le monde mouvementé des sorciers diplômés – dans l'univers des adultes. L’événement, par le passé, n'était planifié que tous les cinq automnes. Elle n'avait et n'aurait jamais la possibilité de participer, mais en prime, ils lui refusaient une soirée qu'elle ne pourrait probablement jamais oublier si elle pouvait s'y rendre. Elle éprouvait une colère et une tristesse à cette idée qu'elle n'avait que rarement supporté.
Il lui restait pourtant un espoir idiot, futile, se plaisait-elle à penser. Un songe inutile, tant il était improbable. La majorité des apprentis masculins de Salazar, fort de leur éducation princière et de leur assurance feinte pour la majorité, avaient déjà réclamé la présence d'une dame à leur bras. Ainsi, les bonnes circonstances des jeunes demoiselles à l'écusson vert avaient tourné à l'inverse. Il y avait dès lors eu deux catégories qui s'étaient initiées. Il y avait les plus terre-à-terre, qui décidèrent d'abandonner, préférant se morfondre quelques semaines, avant de faire leur deuil d'une soirée enchantée. Puis, il y avait celles déterminées à pouvoir s'y rendre et sans surprise, Shafiq était de cet acabit.
C'était cette espérance qui la poussait à arpenter, cet après-midi-là, les couloirs quasi-déserts du château. Pour cause, à l'extérieur, la neige tombait à flots et les corridors de l'immense domaine ne pouvant être chauffé, l'atmosphère y était glaciale. Avec pareil climat, la plupart des âmes se réfugiaient dans la salle commune de leur maison respective, où un feu de cheminée, alimenté par la magie des elfes de maison, permettait des températures agréables.
La sorcière laissait ses jambes la guider, emmitouflée dans son écharpe aux couleurs vertes et argentées, sans trop savoir où elle se dirigeait véritablement. Elle voulait juste être hélée par un garçon plus âgé, invitée et en toute franchise, le blason épinglé à sa robe serait le cadet de ses soucis. La nature de son sang aussi, alors qu'elle restait une fervente partisane de l'idéologie puriste, ce qui prouvait à quel point elle pouvait être désespérée. La date du bal, il fallait bien se l'avouer, se rapprochait inexorablement.
Pourtant, parfois, il lui fallait seulement apercevoir un détail insignifiant pour le reste des mortels pour arrêter, enfin, de se torturer l'esprit. Une manière détournée trouvait par sa psyché pour la protéger de ses propres démons, qu'ils fussent sa colère, à présent envolée, ou l'ennui dont irradiait habituellement chacune de ses expressions. À présent, elle pinçait légèrement les lèvres dans une moue curieuse, ses yeux se plissant pour ne former qu'une fente étroite, comme si elle cherchait à découvrir si ce qu'elle avait pu remarquer était bien réel.
Laissant ses paupières s'ouvrir, elle ne cilla pas en montant les quelques marches entre le quatrième étage et l'objet de ses nouvelles convoitises, mais fut contrainte de stopper son mouvement quand elle constata la menaçante tornade rousse qui lui foncer droit dessus. Elle n'avait certainement pas remarqué sa présence et s'élançait dans sa direction à une vitesse inconcevable. Il fallait rappeler qu'après treize étés d'existence, l'adolescente restait fatalement plus petite que ses condisciples plus âgés et surtout, forcément, plus impressionnable qu'elle ne le serait à l'avenir. Il suffit d'un clignement d’œil pour qu'elle eût l'impression d'avoir raté un article de la gazette. Le cyclone flamboyant était en réalité une humaine, une apprentie sorcière, qui portait les armoiries de la sage Rowena.
Reprenant enfin du poils de la bête après sa frayeur, même si elle n'avouerait jamais son existence, elle s'approcha rapidement de la Serdaigle, tout en essayant de faire le moins de bruit possible. Premièrement, c'était la première fois qu'elle croisait un autre être examinant un détail aussi insignifiant pour le reste de l'espèce. Secondement, elle aussi voulait pouvoir admirer l'art éphémère d'un créateur anonyme et sans doute inconscient de son talent. Enfin, elle espérait surprendre son aînée, pour assouvir une vengeance frivole.
Quand elle fut à côté de la plus vieille, elle se concentra sur la forme que prenait la déchirure. Elle était improbable, unique et c'était précisément ce qu'Adara appréciait de voir le plus. Elle aurait aimé posséder un appareil photo pour voler ce moment et l'incruster sur une image pour l'éternité. Malheureusement, ses parents ne voulaient pas qu'elle en gardât un. C'était l'un de ses objets d'impur qu'une de leur engeance, à tous les coups, avait ramené de son monde. Pour Leo et Amalia Shafiq, il était hors de question que leur fille et unique héritière bénéficiât d'un tel maléfique bibelot, au grand dam de cette dernière. Ils ne pouvaient pas l'empêcher, par contre, de vivre dans son propre univers.
Zoey, dont elle ne connaissait pas encore le prénom, finit par remarquer sa présence en se tournant à demi vers elle et sursauta. La plus jeune ne retint pas un petit sourire sarcastique se peindre sur son faciès, une joie éphémère s'empara d'elle quand elle réalisa que son envie du moment était assouvie. Elle inclina ensuite la tête poliment, en guise de salutations, puis se tourna vers l'œuvre.
« C'est magnifique, n'est-ce pas ?, demanda-t-elle à l'inconnue. Même si ce n'est que temporaire. Profitez-en, demain, cette création sera dérobée. »
Pour une personne qui ne la connaissait pas, son parlé pouvait être surprenant. Son éducation y était pour beaucoup, son père mettant un point d'honneur à lui apprendre un dialecte qu'il jugeait acceptable. Ainsi et sans même s'en douter, il lui avait transmis l'amour de cet art. Jouer avec les termes employés était devenu une de ses occupations favorites quand elle s'adressait à de nouveaux individus – quand elle était d'humeur pour de telles entreprises et, fort heureusement, ce n'était pas toujours le cas. Elle en oublia même les fondements de la politesse et ne se présenta pas. Pour l'instant.
codage par Laxy Dunbar.
Le Polynectar
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Lun 8 Juin 2020 - 11:12
Le Polynectar
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Lun 8 Juin 2020 - 11:12
Let me see through your eyes
La première impression qu'un humain avait d'une personne était souvent la bonne. Ce n'était pas parce que chacun était devin, ou même parce que les croyances et les centres d'intérêt des individus étaient peints sur leurs faciès, mais bien parce que le ressenti vis-à-vis des autres se basait généralement sur l’auto-persuasion. Si quelqu'un trouve un autre mage arrogant et s'il ne supporte pas ce genre d'attitude, il le classifiera inconsciemment dès la première rencontre et ne cherchera pas nécessairement à voir plus loin, se persuadant du bien-fondé de son analyse. Les sorciers ne dérogeaient pas à la règle, ce qui était une des bases de la création des préjugés.
Tous les Serpentards sont des mages noirs. Cette simple idée reçue pouvait faire d'énormes dégâts, la preuve étant que la majorité des élèves des autres maisons les dénigraient. Par ailleurs, outre l'auto-persuasion, l'influence imposée par de telles accusations amenait à leur réalisation. Il suffisait de faire un test en classe. Si un professeur corrigeait les devoirs de deux étudiants, sans savoir à qui ils appartenaient, et que l'on prétendait ensuite que la plus médiocre copie appartenait en réalité au meilleur, l'écolier en question, même si très bon, finirait par régresser, là où l'autre se verrait porté vers le haut. Cette constatation serait uniquement due aux critiques et aux éloges de l'enseignant.
Alors, avec une telle réalisation en tête, il était évident que la rencontre entre Zoey et Adara allait être un tournant majeur dans la vie de cette dernière. La première réplique de la demoiselle démontrait qu'elle ne voyait pas la Serdaigle comme une folle, mais au contraire, comme quelqu'un de très saint. Elle ne l'était pas elle-même, sa psyché déformée, fragmentée, ne lui permettant pas de prétendre l'inverse, même si ce savoir, qui la concernait pourtant directement, lui était inconnu. Alors, dans sa vérité, la sixième année faisait partie de la norme et ne possédait aucun déséquilibre. Elle ne la voyait pas, non plus, comme un être inférieur, possédant un sang impur à bannir, alors même qu'elle ne pouvait découvrir la nature même de sa classe sociale dès la première seconde. D'où le virage : elle allait découvrir que les sang-mêlés n'étaient pas opposés aux sang-purs, à travers la jeune femme, même si l'éducation et la façon de se comporter étaient différentes.
« Tu peux me tutoyer, tu sais, commença l'apprentie de Rowena. Moi c'est Zoey. »
Le rire déployé par la rousse surprit la brune, après sa première réplique, avant de lui offrir son prénom. La Serpentard comprit immédiatement l'intérêt d'une telle ouverture. Impolie, elle ne s'était pas présentée, comme le voulaient normalement les règles de bienséance. Elle aurait dû, dès qu'elle l'avait interpellée, commencer par décliner son identité. Une moue d'excuse se dessina sur le faciès de l'adolescente et elle ne put se retenir. Elle pencha la tête vers l'avant, laissant ses cheveux cascader sur ses joues et cacher son visage, le temps d'une seconde, avant de les renvoyer d'un geste sec vers l'arrière.
« Mes excuses. Je ne voulais pas v..., amorça-t-elle d'une voix inquiète, avant de s'arrêter brusquement. Je ne voulais pas te manquer de respect. Adara Shafiq, enchantée. »
La curiosité qu'elle avait pu découvrir dans le regard vif, plein de vie, aux antipodes du sien, lui fit étrangement plaisir. La majorité des étudiants préférait la laisser dans ses délires, sans se préoccuper de ce qu'elle pouvait ressentir. Elle s'y était habituée, ce qui amena cette joie soudaine, incontrôlable, qui vint éclaircir ses pupilles d'obsidiennes. Ses iris ne lâchèrent pas le visage harmonieux, tachetés, de la plus âgée, quand celle-ci reporta son attention sur la tapisserie abîmée, que la troisième année apercevait comme une belle œuvre passagère.
« Magnifique, tu disais ?, la questionna l'élève à l'écusson bleuté. Hum... J'aurais surtout qualifié ça d'insolite. C'est rare de voir quelque chose de détérioré dans ce château, comme si chaque détail était soumis à la tyrannie de la perfection. Alors, quand une imperfection s'installe et déroge à la règle, j'interprète ça comme un... »
Elle se tut brusquement. Shafiq cligna des yeux, un peu bêtement, quand elle vit son interlocutrice se reculer, laissant sa phrase incomplète. Un rictus apparut sur le visage de la petite vipère, insatisfaite. Loin d'être idiote, elle comprenait que l'aiglonne n'allait pas être complètement honnête. Les demi-vérités, les mensonges déguisés, les critiques voilées, les remarques saupoudrées d'une fausse bonne volonté, elle nageait dans cet univers, celui des aristocrates, depuis sa naissance. Elle ne risquait pas d'être dupe. Elle la laissa pourtant continuer, sans l'interrompre, plus par courtoisie que par envie. Elle lui aurait coupé la parole si son éducation ne la contraignait pas à une politesse extrême et qu'elle n'avait pas déjà eu un manquement.
« Tu sais quoi ?, ajouta la sorcière. À y voir de plus... loin - du coup - je crois que je rejoins ton avis. Une gravure irrégulière et énigmatique sur un mur monotone, oui, c'est magnifique. Dommage que ce soit temporaire. »
Elle acquiesça, parfaitement en accord avec ce qu'elle venait d'énoncer, parce qu'il s'agissait de sa propre vision. Toutefois, elle n'avait pas l'intention de la laisser bâcler son observation. Elle était intéressée par ce qu'elle percevait vraiment, par le fond de sa pensée qu'elle dissimulait, et non par ce qu'elle prétendait pour la contenter. S'il fallait, pour cela, éclater les barrières que son vis-à-vis avait l'air de s'imposer à elle-même, la puriste n'allait pas se gêner.
« C'est vrai, c'est magnifique, prononça-t-elle, sans rien laisser paraître de son raisonnement. C'est justement parce que c'est éphémère que c'est si beau, dans ce cas-ci et parce que c'est si insolite, comme tu le disais plus tôt. »
C'était la première étape, pour la prendre en traître par la suite, avec la ruse qui incombait aux serpents. Adara, tournant son museau vers Knightley, esquissa un sourire sincère, tant ce qu'elle affirmait lui paraissait éclatant d'authenticité. Elle se recula, après ses dires, se déplaçant avec une aisance impériale, pour venir s'immobiliser à la droite de son aînée. Avec une lenteur calculée, elle croisa les bras sur sa poitrine et plissa les yeux vers les arabesques brutalement déformées. Ainsi positionnée, sa posture se fit progressivement plus dure.
« Tu mens, exposa-t-elle. Non que tu mens comme une menteuse aguerrie, ou dans le but de blesser, mais c'est aussi clair que de l'eau de roche que tu mens. »
Elle n'en avait pas terminé, mais fit une courte pause, juste le temps de déposer ses prunelles sur la silhouette de sa comparse de l'instant.
« Je ne sais pas ce qui t'empêche de te livrer, reprit-elle. Si c'est le jugement, c'est en t'y refusant qu'il risque de faire son apparition. »
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et la défia de l'interrompre en pinçant les lèvres, sévère ; ce qui, sans s'y attendre, la fit ressembler à une version beaucoup plus jeune de la directrice-adjointe et sans lunettes.
« Si c'est quelque chose d'autre, finit-elle avec un sarcasme mordant, je serais curieuse d'apprendre ce qu'il faut t'arracher immédiatement pour que tu puisses être entière, toi-même. »
Elle lui laissa quelques secondes de répit, le temps de digérer ses attaques verbales. Néanmoins, l'accalmie qu'elle lui accorda ne s'éternisa pas. La Française laissa une expression, une posture beaucoup plus détendues s'emparer de son corps.
« Tout ça pour t'expliquer, finit-elle avec une voix vibrante à cause d'un rire bloqué, que je veux savoir ce que tu allais dire et je me fous que ce soit logique ou non ; le monde n'est pas fait pour l'être, sinon la magie n'existerait pas. »
Par cette simple affirmation, elle démontrait son intelligence. Dommage qu'elle fût elle-même cadenassée par le formatage qu'elle avait subit, ses parents lui inculquant un savoir-vivre qui avait sculpté ses certitudes.
codage par Laxy Dunbar.
Le Polynectar
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Lun 8 Juin 2020 - 11:13
Le Polynectar
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Lun 8 Juin 2020 - 11:13
Let me see through your eyes
Mensonge, doux mensonge, dis-moi qui est la plus intelligente. Voilà une phrase qu'aurait pu penser la troisième année, suite à ses répliques affûtées, à destination de son aînée. Après tout, disciple de la maison des murmures, histoires passant d'oreilles en oreilles pour détruire des réputations, blesser, rabaisser, de façon à s'assurer des victoires aigres-douces, Adara aurait très bien pu effectuer toutes ses actions ou prononcer ses dires dans l'unique but de piéger Zoey. Certains étudiants auraient, au demeurant, prêté de telles intentions à la jeune noble, mais la sagesse de Rowena s'incarnait en son élève, qui ne voyait pas Shafiq de cet œil-là. Elle avait raison, l'idée n'avait même pas traversé l'esprit de la Française.
Ô, non que jouer avec les mots et les termes n'était pas de ses passions. L'adolescente était possédée par un unique péché, concernant cette délicate pratique ; la gourmandise. Nulle possibilité pour la belle de prétendre à un quelconque Paradis. L'Enfer et ses démons l’accueilleraient à bras et torches ouvertement allumées ; elle s'en contenterait. Sa vie, son existence se résumaient à suivre les directives, à assumer ses responsabilités d'héritière. L'enfance lui avait été arrachée et son avenir ne serait pas épargné. Alors, fort de ces constatations mélancoliques, ennuyée d'avance par une destinée qu'ils allaient lui subtiliser, elle avait cultivé ses petits plaisirs coupables.
La répartie, le sarcasme, le mordant de sa voix tranchante en étaient. D'un besoin de second souffle, où elle avait découvert les maux que ces mots pouvaient engendrer, l'appétence était devenu indispensable, essentiel à son bon fonctionnement. Le rouage vital ne pouvait plus lui être retiré, au risque d'être contraint d'observer sa déchéance, un désespoir latent, inconscient, qui la rongeait comme des vagues qui s'échouaient, à répétition, trop brutalement, sur un rocher captif de sa sombre réalité. Réalité qui avait subitement revêtu une teinte colorée ; un ciel sans nuages avait émergé des profondeurs, conjoint indissociable d'un soleil roussâtre, pour la tirer des rêveries macabres et futiles. Puis, comme mû par la volonté des astres, il s'était drapé d'une fragile coquille brumeuse.
Adara n'avait pu laisser cette beauté disparaître, s'évaporer, fuir sa vérité. Cette authenticité qui la caractérisait. Ses paroles n'avaient aucun autre but. Ses affabulations n'avaient, en toute honnêteté, aucune importance. C'était l’intonation, les piques qui comptaient, pour forcer un sursaut d’orgueil, réveiller le besoin constant des êtres de chair d'être reconnu pour ce qu'ils étaient, non ce qu'ils exhibaient.
La réalisation de son plan fut bien plus simple qu'elle l'eût cru au premier abord. Les nuages se dissipèrent aussi rapidement qu'ils s'étaient incrustés. Zoey se rapprocha de la tapisserie et laissa ses doigts courir le long de l'étoffe, effleurant le tissu, avec la même révérence qu'un Chevalier de la Table Ronde devant le Graal lui-même.
« Une flèche, souffla doucement la sorcière à l'écusson bleu. Ce que je vois, c'est une flèche. Comme un... signe. »
Tout à sa révélation, elle se retourna vers sa camarade plus jeune. Cette dernière esquissait un sourire jumeau à celui qui se peignait sur le visage de Knightley. Shafiq était heureuse de pouvoir observer l'étincelle se rallumer dans les pupilles de sa condisciple, sans même imaginer, comprendre, que la même s'était emparée de son regard. Sa lassitude constante laissait lentement place à un appétit naissant.
« Parfois, expliqua-t-elle avec une énergie stimulante, quand je me pose des questions, j'ai l'impression que les réponses sont juste devant moi, dans des détails subtils, mais qui ont leur importance. »
Son approche était intéressante. Donnant l'illusion qu'elle laissait glisser le discours de son interlocutrice jusqu'à son oreille, la benjamine inclina sa tête comme si elle désirait l'aider à atteindre ses tympans. La plus âgée prêtait un sens profond, cosmique, à cette déchirure et elle voulait s'en imprégner, la comprendre.
« Je ne savais pas précisément où j'allais jusqu'à ce que je tombe sur cette flèche. Et la première chose qu'elle m'a pointée... »
Sa phrase, inachevée, n'eut pas le même goût que la précédente. Adara remarqua immédiatement le mouvement de la seconde sorcière. Quand l'index finit par la viser, elle ne se retint pas. Son sourcil droit se redressa avec un amusement désinvolte. Non qu'elle en fût outrée, l'imaginaire de l'aiglonne lui offrant une inspiration qu'elle n'aurait jamais pu frôler autrement.
« C'était toi. »
La concernée, qui ne se départit pas de son expression amusée, avait déjà réalisé l'affirmation, mais elle l'accueillit avec bonne humeur. C'était aussi invraisemblable que la théorie des sang-purs concernant la naissance des né-moldus, mais il y avait quelque chose, dans sa voix, qui, curieusement, la poussait à croire ses paroles. Juste une fois, elle souhaitait oublier ses devoirs et se laissait transporter dans un univers qui ne lui appartenait pas.
« Ah et sinon, ajouta Zoey devant le mutisme de la brune. Je ne mentais pas. J'y vois vraiment de la beauté artistique dans cette pauvre déchirure, maintenant. Grâce à toi. »
Elle acquiesça, les extrémités de ses lèvres se relevant jusqu'à atteindre ses yeux, qui se plissèrent. La joie qu'elle ressentait à présent lui fit l'effet d'une bombe brûlante dans la poitrine. Uniquement dans l'optique de ne rien montrer de son trouble, n'ayant pas l'habitude de ressentir une émotion aussi vive, elle s'adonna à une désinvolture encore jamais observée chez elle. Elle abandonna son côté guindé et plaça sa main droite dans la poche de sa robe, pour venir ensuite s'approcher de l'ornement abîmé ; ce qui fut récompensé par une démarche féline, plus féminine. Avec un naturel rare, elle fit glisser les doigts de sa main libre dessus, après s'être placée aux côtés de sa camarade. Une flèche qui l'avait pointée, elle, et non une autre personne. Pourquoi pas, après tout ?
« Je veux bien te croire, prononça-t-elle d'une voix tranquille. Je suis ravie que tu aies pu voir la beauté artistique de cette œuvre. »
Elle esquissa une moue pensive, alors qu'elle effectuait les mêmes gestes effectués précédemment par la Serdaigle. Elle alla même jusqu'à reproduire le moment où l'apprentie de Rowena avait orienté sa main vers la position qu'elle venait de quitter. Elle parvenait à voir à travers sa vision, même si ce n'était pas complet ; elle n'était pas la sang-mêlé et une pointe de jalousie la transperça. Sa vie avait l'air passionnante à côté de la sienne. Bien sûr, elle n'avait pas connaissance du malheur qui avait guindé les pas de sa consœur. Enfin, non, elle ne la voyait pas comme une folle. Elle lui soupçonnait une étrange sagesse, comme avec les personnages en apparence excentrique, qui se révélaient souvent être des gardiens de secrets fondamentaux, dont le héros devait prendre conscience pour la bonne réalisation de l'intrigue.
« Donc, dit-elle après son inspection, si je comprends bien, je suis importante ? »
C'était incroyablement narcissique comme espérance. Elle le remarqua bien vite et corrigea le tir avant de laisser son acolyte répondre.
« Je veux dire, importante pour ce signe, reprit-elle sans changer de posture. La question, du coup, que je me pose, c'est... »
Elle se retourna vivement vers Zoey et plongea ses iris dans les siens.
« Pourquoi ? »
codage par Laxy Dunbar.
Le Polynectar
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Lun 8 Juin 2020 - 11:13
Le Polynectar
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Lun 8 Juin 2020 - 11:14
Let me see through your eyes
« Donc, avait murmurer l'héritière Shafiq, si je comprends bien, je suis importante ? Je veux dire, importante pour ce signe. »
Importante, tout court. La place de la femme dans la société sorcière se résumait bien trop souvent à être un trophée et donner naissance aux futurs héritiers, ou souvent à contre-cœur, à des filles à marier, échange de "bon" procédé pour créer des alliances se voulant sur la durée et qui, en réalité, finissait oubliée. Le monde des sang-pures était loin d'être rose quand on s'y plongeait quelques minutes pour définir l'histoire des nobles familles. A l'image de leurs cousins des temps anciens, ils continuaient à se comporter de manière similaire. Des cousins souvent haïs, ce qui faisait du mode de vie des sorciers un paradoxe moral. Ainsi, ce fut dans ce moule qu'Adara grandit.
Bien que chanceuse de par sa naissance unique, nommée héritière légitime et sans obligation directe d'épouser l'héritier d'une autre Maison, mais loin d'être stupide, elle se doutait qu'elle finirait par plier, ne serait-ce que pour assurer un avenir radieux à la branche française de sa famille ; ce qui voudrait dire, fatalement, avoir le second rôle. Être en arrière-plan. Sourire et se maintenir droite. Éviter de soupirer, avoir un langage approprié en toute circonstance. Elle ne serait pas importante pour le monde magique. Son époux le serait, même si, dans l'ombre, elle aurait du pouvoir. Malheureusement, l'ombre ne suffisait pas toujours, pas à tous.
« Apparemment... », murmura Zoey, semblant perdue dans ses pensées.
Alors, oui, elle appréciait l'idée, aussi futile fut-il de l'être pour une Serdaigle voyant son importance dans un soi-disant signe, mais, il fallait s'y attendre, il y avait justement un "mais". La Française se plongea dans les méandres de son esprit. Il y avait une question, évidente, pouvant paraître anecdotique, qui lui brûlait actuellement les lèvres. Si pour elle, être importante restait fondamental, ou tout au moins le devenir, la manière et la raison faisaient partie de ses considérations.
Un exemple bête : le Seigneur des Ténèbres l'était, le serait et le resterait, d'une manière ou d'une autre, mais la façon d'y parvenir ne l'inspirait pas. Elle possédait un respect instinctif pour le mage noir disparu et ressentait de la crainte à l'entente de son nom. Est-ce que cela voulait dire qu'elle voulait lui ressembler ? Non et ce simple état de fait pouvait s'appliquer à de nombreuses autres personnes ou manières d'être reconnue, non plus seulement comme femme à marier, mais en sorcière égale à tout autre gens. Enfin, revenant à la scène qui se déroulait, elle n'avait qu'un unique moyen d'acquérir le savoir qu'elle désirait. Les mots se bousculèrent jusqu'à ses lèvres avec une cadence calculée, se forçant intérieurement à freiner ses pulsions.
« La question, du coup, que je me pose, c'est... Pourquoi ? »
Dire que le rire, même léger, de la plus âgée de leur duo la surprit serait un euphémisme. Ada regarda Zoey comme si une seconde tête venait de lui pousser, dans l'incompréhension la plus totale. Elle reprit toutefois une expression plus mesurée la seconde d'après, laissant l'aînée éclairer sa lanterne.
« Les signes sont toujours plein de mystères. »
Très étonnant, n'est-il pas ? Shafiq se contenta d'acquiescer, la laissant poursuivre sans l'interrompre.
« Je ne peux pas t'offrir d'explications précises, simplement parce qu'il n'y en a pas, continua Knightley. Voir les signes ne suffit pas à trouver des réponses à nos questions, il faut ensuite les interpréter, les analyser pour découvrir le potentiel message qu'ils nous renvoient. Mais là encore, on ne peut s'attendre à découvrir une vérité exacte. »
L'apprentie de Salazar plissa lentement les yeux, au point qu'ils ressemblassent à deux fines et sombres fentes. La disciple de Rowëna ne s'en doutait peut-être pas, mais elle venait de s'offrir une aura mystique, une prestance véritablement mythique. Les mots choisis n'étaient certainement pas dus au hasard, car ils parlaient entièrement à l'adolescente. Devant un tableau, bien que quelque peu dénaturé dans le monde sorcier par la présence d'être imitant le vivant, les mêmes explications se tenaient. Le même discours pouvait être exposé. Il était impossible d'offrir de vérité exacte à une œuvre, car l'interprétation d'une personne à une autre pouvait être différente, voir opposée. Les arts étaient une langue à la fois fascinante et obscure, car une incertitude planait toujours. La vision de l'artiste et la compréhension des amateurs de ses œuvres trouveraient-ils, ou non, corrélation ?
Les fentes de ses yeux laissèrent bientôt place à un sourire de plus en plus grand. Elle aimait ce qu'elle entendait et ne s'en cachait pas, offrant à son faciès une beauté généralement camouflée derrière un visage de marbre, une expression de poupée, dont elle en possédaient le teint de peau au naturel. Zoey lui avait asséné le coup de grâce avec ses explications, parvenant à fissurer, puis à effriter le cocon de glace qui la protégeait habituellement, laissant simplement la jeune fille sans défense, ni véritable barrière ; Adara s'offrait à présent à nue, sans les chaînes qui l'habillaient habituellement.
« J'aurais pu avoir exactement le même discours, souffla-t-elle avec un amusement presque extatique, alors qu'elle se retenait à grande peine de sautiller sur place. Exactement le même, mais pour les arts. »
Elle venait de joindre ses mains devant sa poitrine dans une attitude enfantine, alors que son regard brillait d'une envie non contenue d'en découvrir plus. Elle rêvait d'entrer dans la tête de la Serdaigle, d'explorer sa vision, fouiller les moindres recoins de sa psyché, examiner les plus petits détails pour pouvoir la comprendre pleinement. Elle ne le pouvait pas, alors elle se contenta de prendre son mal en patience. La septième année reprenait la parole et sa cadette n'allait pas se gêner pour boire ses paroles avec une fascination pouvant paraître dérangeante, effrayante.
« Puis, parfois, il faut simplement écouter son intuition, sans chercher plus loin. Elle n'apporte pas toujours une réponse et entraîne souvent de nouvelles questions, mais elle mène toujours quelque part. »
Une douche froide, suivie d'un regain de vitalité. De l'excitation et de la peur se mélangèrent dans une expression déconcertante, qui se peignit sur le portrait de la belle. Un dilemme se jouait en elle. D'un côté, son envie murmurait qu'elle devait continuer, qu'elle devait aller plus loin. De l'autre, l'éducation qu'elle avait reçu lui ordonné de fuir cette illuminée immédiatement et de ne plus jamais lui adresser la parole. Elle pouvait presque entendre son paternel lui expliquer que suivre son intuition était dangereux. Quelque chose qu'elle n'avait jamais fait, qu'elle s'interdisait. Elle se devait de garder les pieds sur terre, du moins autant que c'était possible pour une sorcière.
Pourtant, la douche froide ne dura que peu de temps, tant son désir de découverte devint grand. La peur finit par perdre du terrain pour ne laisser que l'excitation et, pour la première fois depuis de trop nombreuses années, Shafiq parla si vite que sa phrase fut, tout bonnement, incompréhensible. Elle dut se forcer et reprendre plus lentement, en articulant, alors que le rouge lui montait aux joues – quelque chose qui, si on le lui rappelait dans le futur, ne manquerait pas de la mettre très mal à l'aise. La demande, également, était particulièrement gênante et, sans doute, quelque peu stupide.
« Je n'ai jamais... suivi mon intuition, je crois... Ou je ne m'en souviens pas, exposa-t-elle pour la seconde fois en quelques secondes à peine, sans oser regarder son interlocutrice dans les yeux, bien trop embarrassée. Je... Heu... Elle se racla la gorge et reprit. Il faut faire quoi pour y parvenir ? »
La demande pouvait paraître invraisemblable, tant c'était quelque chose de naturel habituellement, mais pour une personne qui, comme la jeune femme, se forçait à se contrôler en tout temps, la possibilité de se laisser aller ainsi pouvait paraître complexe, voir irréalisable.
« Et... Et..., essaya-t-elle de reprendre, perdant ses mots avant même de les trouver. Ce qu'elle se trouvait idiote ! Tu... Comment dire... »
Merlin et Morgane réunis, ce qu'elle détestait ces deux mots couplés. Elle se mordit la lèvre inférieure dans une mimique nerveuse, serrant un peu plus ses mains. Son teint de poupée avait laissée place à une magnifique coloration rosée sur l'entièreté de son visage, ce qui la poussa à baisser la tête pour laisser ses cheveux choir en rideau, pour s'offrir un semblant de protection.
« Ton interprétation, finit-elle par marmonner, parvenant à grande peine à faire attendre sa voix sans trembler. Tu m'as dit que tu interprétais... Mais tu ne m'as pas dit... pourquoi. Enfin... Pourquoi tu trouves que je suis importante, par rapport à ce signe et... Et voilà. Tu m'as comprise, je crois... N'est-ce pas ? »
Elle espérait vraiment que Zoey allait lui tendre la main pour la relever, parce qu'elle ne savait pas combien de temps elle pourrait tenir avec une telle gêne sans s'évanouir de honte.
codage par Laxy Dunbar.
Le Polynectar
PNJ
Lun 8 Juin 2020 - 11:14
Le Polynectar
PNJ
Lun 8 Juin 2020 - 11:15
Let me see through your eyes
Adara était persuadée qu'elle ne suivait pas son intuition. Elle se l'interdisait. Enfin, elle voulait se l'interdire était plus exact, car, qu'elle le voulût ou non, ce n'était pas réellement possible. L'intuition était quelque chose que personne ne pouvait véritablement contrôler et que tout le monde possédait. Il était évident que chaque individu n'avait pas la même relation avec celle-ci et la demoiselle en avait la preuve sous les yeux. Zoey était bien différente d'elle sur ce point, et pourtant si semblable sur d'autres, alors même qu'elles venaient de deux mondes très différents. Une réalisation qu'elle refusait de se faire dans l'immédiat, mais qui finirait fatalement par la faire changer profondément, sans même lui laissait le choix.
« Je n'ai jamais... suivi mon intuition, je crois... Ou je ne m'en souviens pas. Je... Heu... Il faut faire quoi pour y parvenir ? »
La curiosité, une qualité qui devenait un défaut pour la troisième année, qui se laissait aller. Elle voulait la comprendre, en découvrir plus, malgré la voix de son père qui résonnait encore à ses oreilles, qui lui interdisait de rester plus longtemps avec cette jeune femme. Elle devait la fuir, s'éloigner au plus vite, avant de se faire influencer. Une voix qu'elle chassa d'un petit mouvement d'humeur. Elle était intéressée par l'enseignement que pouvait lui procurer la sixième année et ce que la sang-pure désirait, elle s'était toujours arrangée pour l'avoir. Ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer, sous prétexte que ce n'était pas correct vis-à-vis de la pensée puriste et du monde dans lequel elle évoluait depuis son jeune âge.
Alors, oui, ce jour-ci, elle décida de mettre ses barrières en pause, au moins quelque temps. Néanmoins, malgré sa résolution, elle se força à rester à sa place quand Knightley vint déposer ses index sur ses tempes. La plus jeune n'était pas habituée aux contacts physiques et son premier réflexe aurait été de reculer, instinctivement, ce qu'elle ne fit pas, s'obligeant à rester à sa place. Paradoxal, contenu de ce qu'elle voulait faire, à savoir se laisser guider par ses pulsions. Chassez le naturel, il revient au galop.
« Déjà, expliqua Zoey avec un regard perçant, il faut mettre ça en pause. »
La serpentard pencha la tête sur le côté, ses sourcils se fronçant légèrement, dans une attitude d'incompréhension. Ce que lui demandait la serdaigle lui paraissait irréalisable à l'instant, mais elle préféra ne pas lui faire part de sa remarque mentale. Elle voulait la laissait continuer. Peut-être que le reste des explications lui paraîtrait beaucoup plus clair... Oui, elle l'espérait.
« Trop penser, continua son interlocutrice, faisant glisser ses mains pour les placer sur ses épaules, la faisant frissonner, ça éloigne les sensations. Et toutes tes sensations, c'est ça qui fait ton intuition. Mais, attention, je ne te parle pas seulement des sensations physiques, comme celle de mes mains sur tes épaules mais... »
Les doigts de sa condisciple coururent sur ses bras et malgré la fine protection que lui offrait ses manches, Adara le ressentit avec une intensité qui la surprit elle-même. Elle n'était pas coutumière du toucher des autres, même un simple frôlement, pouvait la mettre mal à l'aise et ça se ressentait. Sans le vouloir, elle eut un léger mouvement d'épaule, essayant de chasser la sensation inconnue, mais loin d'être désagréable, qui glissait le long de ses bras et remonter jusqu'à son cou, pour s'emparer de sa colonne vertébrale. Dans un avenir plus ou moins proche, elle s'y habituerait, mais ce n'était pas encore le cas présentement.
« ... celle de ton être tout entier. Celles qui sont au fond de toi et qui te murmurent des choses, d'une voix faible mais réelle. Suivre son intuition, c'est écouter cette petite voix, écouter ses sensations, ne plus réfléchir et juste... se laisser guider. »
En miroir inversé, la Française ouvrit un peu plus grand ses yeux quand l'autre élève ferma les siens. Elle comprenait un peu mieux, sans vraiment savoir si elle y arriverait. Elle essaierait. Parfois. Elle se le promit intérieurement. Son attention se fit ensuite happer par la déchirure, à la fois oeuvre éphémère et signe surnaturel pour deux âmes qui, peut-être, étaient destinées à se rencontrer, à échanger, à s'abreuver l'une et l'autre de nouvelles connaissances. Ce fut à cette pensée que la plus jeune des deux sorcières se recentra sur Zoey, attendant la suite de ses sages explications. Elle sursauta quand, après avoir laissé ses bras retombés le long de son corps, celle-ci s'anima à nouveau, une énergie nouvelle la poussant à continuer avec une vitalité que Shafiq n'avait pas anticipé.
« Mise en situation ! Imaginons que nous soyons actuellement perdues dans les bois. Notre réflexe premier serait d'essayer de se remémorer le chemin que nous avons emprunté pour faire marche arrière, non ? »
Adara se garda bien de lui faire remarquer que son premier réflexe à elle serait de se trouver un endroit lui offrant une certaine protection et d'envoyer des étincelles pour que l'on vint la chercher. Elle préféra la laisser continuer, comprenant qu'il ne s'agissait pour le moment que d'un exemple. D'autant que, si ce n'était pas son premier réflexe, sans doute que ça aurait été le second.
« Mais là où notre mémoire peut nous faire défaut, notre intuition peut nous sauver. À chaque intersection, écoute cette voix intérieure, laisse ton corps te guider car au fond de toi, tu sais quel chemin emprunter. Oui, tu le sais, et bien mieux que ce que ta réflexion ne te laisse croire. »
C'était étrange. Lentement, mais sûrement, Adara reprit contenance, cette nouvelle posture, bien que toujours droite, était légèrement différente de l'ancienne. Un simple détail qui pouvait facilement passer inaperçu. Elle était plus ouverte, plus avenante. Était-ce cela qui était déconcertant pour elle ? Non. Curieusement, cette posture s'était faite naturellement, instinctivement, comme si les mots de son aînée l'avaient touché en plein cœur sans qu'elle le vît. Et, à bien des égards, c'était le cas. C'était la première fois qu'une personne lui expliquait précisément l'inverse de ce que son paternel avait voulu lui enseigner depuis son enfance. C'était à la fois exaltant et dangereux, mais le goût de l'interdit prenait le pas sur la raison.
« Et... Et..., essaya-t-elle de reprendre, sans vraiment y parvenir, détestant d'avance les mots employés tant ils étaient un aveu de faiblesse pour elle. Tu... Comment dire... — Dis-moi, l'encouragea Zoey et ça lui offrit une confiance nouvelle, comme si elle cherchait son approbation ; c'était bien la première fois que ça lui arrivait. — Ton interprétation. Tu m'as dit que tu interprétais... Mais tu ne m'as pas dit... pourquoi. Enfin... Pourquoi tu trouves que je suis importante, par rapport à ce signe et... Et voilà. Tu m'as comprise, je crois... N'est-ce pas ? »
N'est-ce pas ? Elle grinça des dents devant ses mots. Ce n'était pas le genre de termes qu'elle avait l'habitude d'utiliser. En général, elle savait ce qu'elle voulait dire et les mots coulaient d'eux-mêmes dans son esprit. Elle était intelligente, avait appris à s'exprimer correctement, alors pourquoi n'y arrivait-elle pas face à l'aiglonne ? C'était frustrant. Oui, frustrant, mais aussi rafraîchissant.
Aussi invraisemblable que ça pouvait paraître pour la sang-pure, ça lui paraissait être une étrange délivrance. Elle ne la jugeait pas. Elle ne cherchait pas à la réprimander. Elle ne se moquait pas. Non, elle se contentait de l'encourager, d'attendre qu'elle terminât, puis elle enchaînait, comme si c'était normal, qu'à son âge, elle pût avoir du mal à trouver ses mots. Et c'était peut-être le cas, après tout, pour Knightley. Elles avaient grandi dans deux mondes totalement disparates. Un monde qu'Adara, même si elle aurait du mal à le laissait entendre, même plus tard, voulait découvrir.
« À la base, je cherchais des réponses, ou plutôt des indices, concernant le Tournoi des trois – enfin quatre – Sorciers. Je veux deviner ce que renferment les œufs récupérés par les concurrents et j'ai vu cette déchirure comme une flèche me guidant sur la bonne voie. »
Adara haussa un sourcil, laissant son amusement transparaître sur son faciès. Avant même que Zoey continuât, elle devinait ce que la sang-mêlée avait pu se dire la concernant. De mémoire, en dehors de quelques bruits de couloir, elle n'avait pas de véritablement de réponse à lui fournir concernant l'énigme.
« Mais il se trouve qu'une autre élève très curieuse s'est trouvée sur mon chemin. Alors, c'est à toi que je pose la question : dois-je te considérer comme une nouvelle piste dans mon investigation ? Détiens-tu des informations sur ces œufs ? Ou bien ce signe m'a-t-il simplement guidé vers une personne particulièrement intéressante dans ce château, à qui je n'aurais probablement jamais adressé la parole dans d'autres circonstances ? »
La seconde hypothèse lui plaisait bien plus que la première, même si elle devait avouer que c'était, sans doute, un peu des deux. Adara adorait tout ce qui la poussait à réfléchir, alors prétendre qu'elle ne s'était pas intéressée au tournoi aurait été un mensonge tellement évident que même une personne ne la connaissait pas vraiment pouvait le déceler. De là à dire qu'elle avait énormément à lui apprendre, si ce n'était une réflexion logique qu'elle s'était faite ? Non.
« Je n'ai pas énormément d'informations sur les œufs, répliqua-t-elle avec un fin sourire amusé, ses yeux brillants d'un amusement visible. La seule piste que je pourrais fournir, c'est que le meilleur moyen de le savoir, c'est de proposer ton aide aux champions, non ? »
En d'autres termes, elle sous-entendait qu'en-dehors de ce qu'elle venait d'offrir, comme conclusion à la quête de sa condisciple, la réalité se situait plus vers la seconde hypothèse. Elle aimait se sentir importante, intéressante, et en avait besoin. Inutile de s’épancher sur le pourquoi : il était évident. Un sous-entendu qu'elle préféra clarifier de vive-voix.
« Donc, je présume que cet œuvre d'art nous a réunis pour ta seconde hypothèse. »
La légère arrogance que l'on pouvait déceler dans ses propos était faite exprès. Il fallait bien qu'elle gardât les apparences, tout de même, en fille de bonne famille. Il y avait, par contre, un second sous-entendu dans sa phrase. Les apparences étaient trompeuses, et elle avait bien l'intention de s'en servir. Ça ne voulait pas dire qu'elle oublierait de sitôt ses explications. En vérité, c'était même l'inverse.
Puis, mue par une envie soudaine, elle ouvrit la bouche, avant de la refermer. Elle se décala vers la tapisserie, s’imprégnant de l'endroit. Elle savait que dès le lendemain, voir même dans la journée, cette déchirure, symbole d'une amitié naissante, disparaîtrait. Ce fut ce qui la décida. Elle refusait que leurs rencontres, à elles, s'effaçât de la même manière, qu'elle s'ignorât dans les couloirs, ne désirant plus avoir à faire l'une à l'autre après cette merveilleuse conversation. Elle se retourna vivement et planta son regard dans celui de Zoey.
« Je peux t'aider dans ta quête, si tu veux ? »
Une aide qui ne serait pas vraiment nécessaire. Une équipière qui, en vérité, lui apporterait que peu de soutien. Ce n'était qu'un prétexte et il était facile de comprendre que sa camarade le soupçonnerait. Cette nouvelle réalisation la poussa à continuer, à s'ouvrir un peu plus encore. C'était bien la première fois qu'elle prononçait ses mots avec une telle sincérité, avec une telle envie.
« On pourrait faire plus ample connaissance, comme ça, qu'en dis-tu ? »
Le fin sourire qui pouvait à présent se lire sur son visage pouvait se faner comme s'agrandir. C'était à la serdaigle de décider quelle direction il devait prendre, quel embranchement elles devaient emprunter. Devaient-elles se séparer, continuer leurs routes chacune de leur côté, ou faire un bout de chemin ensemble ?
codage par Laxy Dunbar.
Le Polynectar
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