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[04/11/1995] Le Do contre le Sol. | Aria Beurk.

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Ven 16 Oct 2020 - 17:56

Le Do contre le Sol.
Douce mélodie du soir, puisse-tu apaiser mes cauchemars.
Avez-vous déjà été éveillé, au beau milieu de la nuit, avec la sensation physique, émotionnelle, d'être contraint à l'immobilité ? Comme si, surnaturel, une créature s'était placé sur votre poitrine, votre torse compressé par la peur, par l'angoisse ? Par l'impossibilité de crier, de hurler, de respirer ? Comme les poignets encore attachés, entravés par une lame, par un reflet dans l'acier, par l'orage courant sur sa peau, dans sa chaire. Sessho n'avait pu que le regarder, l'admirer, sous la loupe déformante de ses larmes s'écoulant en silence, sous le séisme brisant le stoïcisme qu'il entretenait depuis des jours. Le monstre, la gueule béante de ses dents en cisaille, de son haleine filtrant sur sa peau en une expiration. La seule qu'il ne pouvait imiter. Sur son poitrail, sa main le forçait à admirer, regarder, retracer, les courbes ovales d'un masque, du sourire sanglant d'un humoriste riant de sa propre sottise, de cette blague funèbre qui n'avait réjouit que lui.

Aucun n'avait entendu. Aucun n'avait remarqué. Il l'espérait. Qui y croirait encore ? Après les derniers mots, les dernières nouvelles, les remontrances accablants les prémices d'une vérité, les colères d'un peuple levant le poing contre la censure. Il comprenait. Il saisissait leur indignation, leurs voix en seule défense contre l’innommable, contre des faits encore imprimés, martelant dans son crâne les octaves de cette nuit d'horreur, de cette parenthèse clownesque. Mais lui aussi, quelque part, tapis sous les couches de sa bienveillance non feinte, souhaitait tout effacer, remettre de l'ordre sur le tableau à craie de ses pensées, de son passé. Faire comme si, faire comme ça, pour que de la victime, il n'en reste plus que les images, les sons résiduels le faisant se redresser, haleter, courir comme s'il était toujours à ses trousses, sous le regard rieur de la Lune, sous le tintement de chaînes, sous le vent giflant ses tympans. Comme de rien. Comme si, le nez rouge de la farce ne l'avait jamais étranglé.

Le soleil filtra contre la vitre, éclairant ses cils encore fermés, chatouillant la cime de ses paupières malmenées par la rougeur de ses larmes, vestiges d'une nuit tumultueuse. Il était tôt. Peut-être sept heures. Le début du jour, d'un Samedi ordinaire. Son bras bougea, voulant chasser les débris de fatigue le rendant lourd, comme du plomb liquide coulant dans ses veines. Ses doigts cognèrent les restes d'une chandelle, éteinte, consumée par les heures sifflant sur des pages griffonnées. Elle claqua contre le sol, la cire de la bougie se glissant dans les plis du parquet. Un ramdam qui sonna comme le tonnerre. Comme la pluie. Comme une averse. Il sursauta, redressant brusquement son dos dans la surprise, dans un cri silencieux qui arqua ses lèvres, sa bouche ouverte sur un soupir, sur les battements de son cœur résonnant comme un écho sur sa chaire, relevant son épiderme d'un million d'aiguilles, le déchirant, le tatouant du sceau de l'inoubliable, d'un réveil au abois. Sa chemise était trempée, un rappel à son insomnie de la veille, de ses révisions avortées par l'étreinte inévitable de Morphée. Sa paume lissa le couvre-lit à peine défait, et il prit le soin de refermer le carnet où parfois, aux heures précoces de l'Aurore, il jouait de la plume sur un parchemin, en quelques vers constellant son altruisme confondant son subconscient, le bâillonnant de l'inaction.

À son cou pendait encore sa cravate, morceau de tissu passant de part en part. Sans doute, était-ce cela qui l'avait étouffé, et non la poigne d'un ravisseur en fuite, qui ne pouvait être assis sur lui, sous la lueur d'une torche éclairant les arabesques manuscrites de leur échange, de leur négociation avortée. Ses doigts passèrent sur les boutons de son haut, s'attardant sur ses pectoraux se soulevant à un rythme saccadé. L'air lui manquait. Sous le tissu, il ne sentait plus de bandage, plus de protection contre l’œuvre partielle déformant son buste, ni de lettres en relief se superposant à la pâleur de son derme. Comme une écharpe se lovant contre l'éclat de son déni, de son irréel. Debout, il n'avait fait aucun bruit, ni de pas, ni de voix, de son lit au lavabo. Tous dormaient. Kitsune ronflait contre son oreiller. Et en bas, aucun bruit ne lui parvenait. Comme une bulle opaque bloquant ses sensations, ses émotions, il s'était enfermé. Devant le miroir, il n'avait pu que constater la lueur blafarde sur son visage défait, imparfait, statufié. Une mâchoire carrée, bloquée dans une ligne égale, sans fluctuations, préservée d'une grimace douloureuse. Encore humide d'une douche brûlante, il fit face à son reflet une seconde fois. Celle de trop. Sous la buée, il la vit. Cicatrice marbrant sa peau d'une douce promesse, d'un aveu sans remords et sans détours : Un art entre ses mains.

Il n'avait pas bougé, pendant quelques secondes, le temps d'un instant. Il n'avait pas respiré pour autant. Ni lorsqu'il relut à haute voix les écrits éternels, ni lorsqu'il s'en était détaché, les camouflant sous un haut aux manches longues. Le noir du deuil, recouvert d'une veste le drapant de part en part, le préservant d'un rappel cuisant, des flammes encore trop vives de sa mémoire. Il ne voulait pas ressentir ce gouffre s'ouvrant sous ses pieds, ce halo fluorescent mettant à nue la moindre faiblesse, comme une représentation malsaine, dont il était l'acteur principal, et le couteau sur une plaie ouverte, égorgeant son supplicié dans une effusion de sang et de salive. Magnifique solitude brisant le cocon méditatif de sa préservation. Comme des rires le suivant pas à pas, dans les couloirs, dans les jardins, dans la salle de bains.

Une écharpe de laine aux couleurs marquant l'envolée de l'aigle, Sessho était descendu, marches après marches, mécaniquement, assommé d'une paralysie encore présente, d'un cauchemar l'ayant tenu en arrêt, en marche plusieurs heures durant. La terreur nocturne crispant ses traits, froissant son calme comme un morceau de papier journal, dont il aurait voulu faire un oiseau, un merle, une chanson. Il erra un long moment, fantôme se détachant des ombres, des arches, des porches. Du hall aux étages qu'il grimpa à nouveau. La bibliothèque, conditionnée dans la morosité d'une désertion, captiva sa plus totale attention. Les grimoires passèrent sous la pulpe de ses doigts, et il se perdit dans les pages d'une histoire féerique, bien éloignée de ce cafard lui collant aux chaussures.

Une tristesse aux accents nostalgiques, rougissant sous le feu d'une comptine dont il avait perdu le refrain. La bienveillance et l'empathie qu'il réservait d'un sourire, d'un compliment, d'un secours. Envers tous, envers eux, délaissant la main qu'il se tendait à lui-même comme une mère aimante. Oublier. Oublier la pluie. Oublier l'orage. Oublier la mélancolie l'enveloppant de ses bras glacials. Midi montra son nez, et l'estomac desséché d'une nausée, le sixième année avait quitté son perchoir, le rebord donnant sur le parc abandonné, pour marquer son nom sur une feuille volante, pointant son emprunt de son index.

La foule le submergea sur le retour. Petit poisson hors de l'eau, il se fondit dans l'eau trouble de leurs conversations. Il ne les entendit pas vraiment. Certains riaient. D'autres râlaient, baillaient, s'esclaffaient. La vie reprenait son cours, un peu plus chaque jour, un sentier que chacun arpentait à son rythme, trébuchant sur les obstacles zébrant leur avancée. Tomber et se relever. Chuter et ramper. Plonger et remonter. Un cercle se perdant dans l'infini, dans l'absolue vérité. Tout était passager. Un optimisme qui ne fit pas renaître la croyance en ces mots ancestraux, trop hâtifs, trop illusoires. Le banc des élèves l'entraîna jusqu'au hall et ses portes grandes ouvertes. En cherchant, peut-être y trouverait-il des têtes connues. Le roux de Kitsune capta son œil, aux côtés d'une Hiverna assoupie sur son épaule, sous la chaleur du regard de Merlin, dont les ailes s'étaient enfin déployées. Il ne voulait pas les rejoindre, partager avec eux le délice d'une discussion banale, le préservant du traumatisme d'une expérience encore fraîche.

Il se détourna, remontant à contre-sens les derniers arrivants, avalant les escaliers quatre à quatre pour s'enfermer dans un huit clos avec les rideaux blancs d'une salle déserte, sous la tutelle d'un piano inoccupé. L'appel de la musique lui piqua les doigts, et il ne chercha pas à retenir son emballement, qui le fit presque courir jusqu'à l'instrument. Ses cuisses claquèrent sur son assise, et son livre gagna son côté. Doucement, il dévoila le clavier noir et blanc, et pensivement, il le toucha, se figeant sur un grave pour crier, pour exprimer ce nuage enfermant sa tête dans un coton maussade. Il le pressa du majeur, et d'une deuxième main, accompagna ces premières notes d'un aigu strident, qui le secoua d'une douleur presque physique.

La porte s'ouvrit, et il s'arrêta en plein mouvement, laissant l'écho du début de son morceau improvisé se perdre dans le vent. Le brillant de ses yeux se suspendit aux fils platine encadrant un visage de marbre d'une soliste se faisant parfois duo le temps d'un interlude musical. Aria était belle. Sublime dans son approche, dans cette douceur maladroite dont elle faisait parfois preuve. Dans cette protection et sincérité, qu'il avait sentie contre lui, dans une main serrée, dans la prévenance d'une étreinte le soir d'une tempête. Comme une sirène l'ayant empêché de se noyer. Si elle voulue parler, se dévoiler de son timbre détaché, il ne lui en laissa pas l'opportunité. Le piano s'accorda dans un son aérien, comme une question.

Pouvons-nous parler ?
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Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

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Un enfant perdu qui fond en larme

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Lun 2 Nov 2020 - 17:34
le do contre le sol
Lorsque les notes remplacent les mots, ce ne sont plus les esprits qui parlent mais les ames qui s'accordent.



Samedi 4 Novembre 1995

La semaine avait été longue. Et pourtant si courte. Les tourments s’étaient fait pesants. Et pourtant, ils avaient plusieurs fois semblé si absents. En cours, devant une dissertation, durant la pratique d’un sort. Dès qu’elle pouvait se concentrer sur autre chose. Pour combler le vide, cet abîme de souffrances muettes, la terre promise des interrogations sans fin.

La journée, l’aiguille de Chronos défilait à toute vitesse, si ce n’était à l’heure du déjeuner où elle peinait à quitter son haut sommet. La nuit, l’horloge était rouillée. Les heures semblaient même entreprendre une course à contresens, narguant l’insomniaque de son sur-place entretenu. Ces nuits-là, chaque avancée de la grande aiguille amenait avec elle une nouvelle question sans réponse.

Quand est-ce que la vérité sera-t-elle dévoilée ? Quand est-ce qu’elle éclatera et fera imploser ses mensonges ? Quand est-ce qu’elle viendra chambouler son déni si minutieusement poli ? Et qui heurtera-t-elle, cette vérité ?

Est-ce que ses parents sauront ? Et son frère ? Les autres élèves ? Et sa grand-mère ? Elle, plus que personne, qu’en pensera-t-elle ? Que diront ses parents ? Quelles en seront les répercussions ? Pour elle, pour eux, pour toute sa famille ? Leur nom, leur sang, les mettaient-ils en danger ? Étaient-ils à présent inscrits sur la liste noire d’un groupuscule leur étant probablement lié de près ?

Qu’avait-elle donc déclenchée ? Qu’est-ce qui l’avait rendue si imprudente ? Comment un tel élan d’inconscience l’avait poussé à prononcer son nom face à une sorcière dont elle avait deviné l’appartenance ?

Elle ne pourrait se cacher. Elle s’était trahie bien avant l’heure. Et depuis, la lune éclairait chaque soir l’impasse devant laquelle elle se trouvait.

Lorsque, entre ses draps, elle se retournait, c’étaient d’autres interrogations qui surgissaient. Celles qui ne naissaient non plus de sa tête mais bien de sa poitrine.

Comment vais-je faire sans Eileen ? La solitude peut-elle seulement me recouvrir à nouveau entièrement, comme elle le faisait auparavant ? Mais comment pourrais-je seulement accepter de rester liée à qui que ce soit hormis ceux de mon sang ? N’aurais-je pas dû déjà apprendre la leçon avec Roxane ? Des amitiés aussi fortes, n’émergent en finalité que de nouveaux démons. Est-ce donc cela, la réalité ? Ma réalité ?

Et Sessho… Comment fait-il face à ses propres démons ? Comment parvient-il lui aussi à garder la même façade qu’avant alors qu’il a été au centre même de l’horrifique d’Halloween ? Dois-je seulement m’en inquiéter ? Pourquoi ne puis-je pas isoler mes pensées dans mon égoïsme pourtant bien enraciné ? Pourquoi dois-je me soucier ? De lui, d’Eileen ? Peut-être même de Joris et de sa voix brisée, d’Elyana et de son secret ébréché. Pourquoi penser à eux ? Pourquoi alors que cette unique constatation me fait les détester ?


Puis, parfois, elle trouvait le sommeil.
Pas cette nuit-là.

C’était avec des cernes entachant son teint pâle qu’elle avait traversé l’enceinte du château, se confondant aux fantômes qui passaient çà et là. Les samedis matin étaient souvent calmes, ils enveloppaient d’un onirisme duveteux les heureux endormis tandis que la cadette des Beurk allait chercher son propre apaisement dans le silence d’une bibliothèque délaissée. Un coin à l’écart – celui qu’elle préférait – l’attendait, solitaire.

Le nez plongé dans ses calculs d’angles planétaires à rendre pour la semaine suivante, son environnement s’éclipsa entièrement de sa conscience. Seul l’Univers l’entoura durant deux bonnes heures. L’Univers et ses grains de poussière. L’Univers et son immensité. L’Univers et son néant. Le Tout et le Rien confondu en un même mystère. Et, dans ce décor cosmique, un trou noir avala une fois de plus ses tourments.

Pour les recracher dès lors que le décor s’effaça.

Sa concentration commençait à s’effriter et elle décida de faire une courte pause. Elle redressa son dos voûté, s’étira avec pudeur, puis se rabattit contre le dossier de sa chaise. Son regard circula ensuite sur les tables les plus proches jusqu’à s’arrêter sur le rebord d’une fenêtre où se dessinaient les épaules bleues d’un Sixième Année. De loin, le trou noir la nargua.

Est-ce que, lui aussi, il faisait voyager son esprit pour ne pas se faire envahir par ses propres souvenirs ? Comment arrivait-il seulement à garder la face ? Sa blessure le faisait-elle encore souffrir ? Avait-elle totalement cicatrisé ? La magie avait-elle pu en enlever les stigmates ?

Les questions à foisons. L’inquiétude comme point d’interrogation. Et en réponse, il n’y avait que le silence qui faisait pression.

La Sang-Pur ne parvint plus à recréer le décor perdu. L’Univers l’abandonna au seuil de ses tourments et, jusqu’à l’heure du déjeuner, son regard ne cessa de divaguer vers la silhouette du torturé.

Lorsqu’il rangea ses affaires, elle l’imita. Lorsqu’il se leva, elle lui emboîta le pas. De loin, comme une ombre qui s’étirait dans un couloir éclairé aux flambeaux. La foule ne tarda pas à les envahir et, sans vraiment en prendre conscience, Aria se pressa pour ne pas perdre de vue l’Aiglon. Comme s’il pouvait à nouveau disparaître. S’éclipser. Comme si un trou noir l’aspirerait à l’entrée de la Grande Salle.

Ce ne fut pas le cas. La Grande Salle l’accueillit dans sa chaleur et sa bonne humeur. Il s’arrêta. Elle comprit.

C’était de trop. Trop de couleurs, trop de rire, trop de vie. Il fit demi-tour et passa à côté d’elle sans la voir. Figée à côté de l’immense porte ouverte sur une collation bien méritée, elle hésita. Elle le vit monter les escaliers. Là encore, elle devina. Dans l’esprit de la violoniste, il n’y avait qu’un lieu, qu’une seule destination possible. Et elle en prit également le chemin.

Lorsque ses pas lents et silencieux la firent arriver dans le couloir de la salle de musique, les graves sombres du piano lui donnèrent de premiers frissons. Les aigues du désespoir vinrent ensuite et lui coupèrent le souffle. Elle s’approcha presque précautionneusement de la porte. Ce ne fut que lorsqu’elle la poussa, comme soumise à une hypnose profonde, qu’elle réalisa pleinement l’endroit où elle se trouvait, la personne qu’elle avait suivi, la présence à laquelle elle s’était accrochée. Ses promesses étaient parties en fumée au son muet d’une âme en pleurs.

Ne plus s’approcher. Ne plus s’inquiéter. Ne plus s’attacher. Ne plus s’accrocher. Ne plus se lier.

Fuir.

Mais aujourd’hui, il y avait eu cette attraction inexplicable qui avait guidé ses pas pour la mener à contresens même de ses résolutions.  

Sessho Shinmen se tenait là, remplissant la pièce de mille émotions par sa seule présence. L’Empathe eut un regard aussi tendre qu’effrayé vers ce piano habité qui venait tout juste de se rendre muet. Le silence l’émut presque autant que la mélodie envolée. Tout était là, figé dans l’atmosphère : les notes, les mots, les émotions, les souvenirs, les cauchemars.

Puis, les doigts du pianiste s’exprimèrent à nouveau. L’index introduisit la phrase sur le blanc d’une consonne et l’annulaire la termina sur le noir d’un point d’interrogation. Aria entendit l’invitation et y répondit en faisant danser ses mains sur l’attache de son collier. Le pendentif s’échoua dans ses paumes et, d’un sort, redevint le porteur de sa parole.

Dès lors que ses doigts délicats et précis vinrent chercher les notes sur le manche blanc de son instrument, l’évidence résonna à ses oreilles : leur langage lui était précieux. Telle une opale reflétant tous les non-dits, ce qui les liait était aussi unique qu’irremplaçable. Elle savait lire dans ses gestes, dans les rebonds de ses doigts sur le clavier, dans la direction de ses pas montant les escaliers. Elle savait. Lui, il comprenait ses silences, ses paroles muettes, ses envolées mélodiques, ses notes retenues et ses notes criées. Il comprenait.

Chacun lisait en l’autre comme sur une partition égarée.

Mais elle, elle avait songé à brûler ce bout de papier, le rendre aussi incandescent que la Gazette du premier novembre pour n’en laisser que des cendres. Effacer toutes les notes pour retrouver les lignes vierges d’un isolement recherché.

À présent qu’elle jouait, qu’elle parlait, qu’elle criait, qu’elle chuchotait et qu’il s’y joignait, cette idée lui parut insensée. Son cœur se fendait.

Et elle hurla. Son archer ploya sous le poids de son désespoir. Elle voulut lui raconter, tout lui partager. Mais avant, elle voulait savoir.

Sessho, parle-moi, exprime-toi, libère ta voix. Parle-moi de ta souffrance, de ta solitude, de tes silences. Mais dis-moi aussi que tes ailes ne sont pas totalement brisées, que ton âme n’est pas entièrement désenchantée, qu’en toi, la candeur vit encore. Sessho, crie-moi ta souffrance, mais dis-moi que ça va aller.

Dis-moi que ça va aller.




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Aria Beurk
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Aria Beurk

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Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
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Mer 4 Nov 2020 - 16:42

Le Do contre le Sol.
Douce mélodie du soir, puisse-tu apaiser mes cauchemars.
Sessho appréciait les mots. Les belles phrases. Magnifiques envolées philosophiques, sentimentales se perdant dans le vent, au seuil même de ses pensées. Sa voix lui était précieuse. Instrument sublime lui prodiguant mille baumes, mille bonheurs, mille joies. Comme un lendemain toujours bienveillant, aux leçons quotidiennes. Lorsqu'il s'exprimait, c'était au travers de leurs regards, de la responsabilité de ses aïeuls partis trop tôt, trop vite. Sous la langue, se touchait le miel de sa bienséance, à la patience des ailes d'un Merle. D'une grand-mère encore présente dans ses réflexions, dans cette sagesse guidant ses pas, ses gestes. La patience de deviner, de s'arrêter sur les détails d'un silence, d'une absence, d'une statue. La conviction de s'attarder, de ralentir pour mieux relever, de s'arrêter pour soigner. Sans doute, était-ce sa voie, sa destinée. L'ultime plume de son récit, la virgule de son histoire et le point d'interrogation d'une question sans réponse, d'un pourquoi, d'un comment, qu'il ne pouvait formuler.

Il aimait s'exprimer. Et se voulait que tous puissent le faire, en aient les capacités.
Au travers de vers, de métaphores, par des gestes sans équivoques ni sous-entendus, hypnotisait par un univers vaste, fournis. Trop peut-être. D'une vie qui aujourd'hui l'étouffait, le rendait sourd à tout message, à toute verve. De rires qui faisaient taire le siens au fond de sa gorge. De sourires qui faisaient glisser le sien sur une pente glissante, ligne fixe qui tremblait de ses faux-semblants. D'un Soleil qui ne rendait que la brume plus opaque. Aveugle sous la pluie, sous l'orage le martelant de ses éclairs, de ses coups, de ses reproches, de sa colère.

La nuit, elle fourmillait, électrisait sa peau d’aiguilles, d'une douleur physique le suivant au réveil, dans son demi-sommeil, dans ses insomnies involontaires, ou ses paralysies révélatrices. Le soir, l'eau coulait. Sur le verre d'une fenêtre devant laquelle il se stoppait, ne pouvait plus avancer. Comme un égaré devant un ruisseau, un barrage trop haut, trop large. Figé. Transis de froid, de ce gel qui ne l'avait pas quitté, il attendait, jusqu'à ce que ses lèvres bleuissent. Jusqu'à ce que le ciel se taise. Jusqu'à ce qu'il s'échappe du gouffre coupable s'ouvrant sous ses pieds, dans son abdomen.

À cours d'air, à cours de cette force qui le maintenait debout malgré tout, il n'avait pu se résoudre à s'épancher dans une comédie sans queue ni tête. S'incrustait dans cette façade solide qui s'effritait sous ses yeux, comme un mur de paille soufflé par le vent, par une bourrasque honteuse. Poisson hors de l'eau, il avait voulu s'isoler, pleurer, ployer sous les notes, sous le fracas des touches, des Do, des Si, des Mi, des Ré. Saigner des croches le mordant d'une envolée, le forçant d'un coup de pied à gagner l'autre bout du clavier. Accepter de fuir le mutisme si facile de son enfermement mental. Accepter que le vide n'en soit plus un. Accepter le trop-plein qui ferait descendre ses barrières, sa prison protectrice. Ouvrir la porte à tout ce qu'il redoutait. Se confronter à son absence de répartie. À cette culpabilité narguant ses doigts.

Un projet avorté en un mouvement. En une porte s'ouvrant sur les prémices d'un dialogue tant redouté. Elle se dessina dans l'entrée. Aussi polaire que sa chevelure. Aussi blanche que le bois nacré de son violon. Aussi distante que la neige. Aussi belle que la Lune. Aussi profonde que la nuit. Aussi douce que du coton. Aussi tendre qu'une étreinte. Aussi lointaine qu'un mirage. Aussi nébuleuse qu'un brouillard. Leurs regards se croisèrent, s'accrochèrent et ne se quittèrent plus.

Que pouvait-elle lire dans l'onyx de ses lucarnes ? L'inquiétude. La crainte d'être découvert, recouvert de cette faiblesse si peu familière. Le trouble de percevoir ce miroir le renvoyant à lui-même, dans un reflet égoïste peu habituel, le fit inspirer plus grandement encore. Pour ne pas se noyer. Pour profiter de cet air coulant dans ses poumons avec intensité. Comme une autorisation à se tourner dans une introspection, à ne pas tendre la main dans une facilité pathétique.

Aria avait cet effet. Une bulle d'oxygène précieuse paralysant ses sens, ses émotions. Un temps d'arrêt sur des aiguilles ralenti par sa simple présence. Une démarche le maintenant en haleine. Une suspension le laissant sans voix, démunis. Une acceptation de soi. Sans retenues. Sans jugements. Sans compromis. Le savoir dans un archer courant sur ses cordes. La compréhension dans le silence. La vulnérabilité dans une simple pression de l'index, dans une feuille mille fois rayée, mille fois brûlée, mille fois reprise, mille fois réécrite. Dans une partition parfois délaissée, mais jamais abandonnée.

Elle était là. Avec lui. Et sous le poids de cette attention qu'elle lui porta, il ressentit la chaleur de sa main ne quittant plus la sienne. Cette lueur l'ayant attrapé de son halo. Cette luciole l'ayant arrachée, tirée des bras de ses chaînes. De ce rêve le délivrant des flammes de cette farce sans fin, du rictus orangé d'un cauchemar.

Elle était là. Et c'était tout ce qui comptait. Le voile faisant briller ses yeux de ces larmes qu'il ne pouvait verser, il l'invita dans une danse, dans une discussion à cœur ouvert. La blanche d'une demande. La noire d'une supplique. Et en réponse, l’aiguë d'un collier qui se brise, qui se fend et l'accueil dans une mélodie. Dans le chant des cordes grinçant sous sa volonté.

Ses paupières s'abaissèrent, et la nuque pliée, il courba ses phalanges dans un placement instinctif. Dans une délicate ouverture. Le violon résonna dans la pièce, défiant les rideaux immaculés se lovant contre les murs, sous l'assaut d'une brise automnale. Claquant contre les pierres humides. Caressant les chandelles inertes sur leurs supports d'acier. Riant au nez de la fenêtre entrouverte sur le chant des oiseaux, des fleurs, des arbres morts. Chassant les décisions, les promesses d'un pincement, d'un Do offert jusqu'au plafond.

Il l'entendit.
Cette demande sourde sous les premiers émois, sous les premières notes. Cette envie d'avancée, de reculer, de ne se quérir d'une pensée. Tout irait bien, voulu-t-il improviser, rassurer. Pourtant, son bras droit s'en alla se perdre sur les graves dans un alto prononcé. Une suspension de trois petits points, d'une interruption soudaine après l'avalanche d'une douleur qui fit battre son cœur plus vite, plus fort. Sa gorge le brûlait. Son estomac se retournait. Pourtant, il ne put faire taire l'ensemble de ses entrelacées, de ce vibrato qui s'enserra dans leur mélopée.

Tout est flou, Aria. Tout est noir. Tout est blanc. Tout est froid. Tout est chaud. Je ne sais plus. Je ne sais rien. Je suis sans voix. Sans le souffle. Sans la force de lutter, de nager, de me battre. Tout est vide quand je regarde devant moi, quand je pense au lendemain. Oh, Aria, si tu savais comme je voudrais te l'affirmer, te le dire, te le crier. Mais je n'ai plus cette envie de mentir.

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Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
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Sam 21 Nov 2020 - 11:43
le do contre le sol
Lorsque les notes remplacent les mots, ce ne sont plus les esprits qui parlent mais les ames qui s'accordent.



Samedi 4 Novembre 1995

La clé, toujours, était suspendue à son cou. Celle qui ouvrait les portes de son monde clôt sur les terres de l’expression. Une clé libératrice, une ouverture salvatrice. Elle passait alors du monochrome à l’irisé, comme une bulle dans le noir qui se faisait soudainement traverser par un rayon de soleil. Les couleurs flottaient, dansaient, s’exprimaient. La Valse des protocoles envolés, le Paso Doble des démons incessants, le Jive des joies retenues, le Contemporain des cris révoltés, le Foxtrot des pleurs aériens.

La clé était nacrée et, en une formule, elle s’ajustait à la taille de la serrure. Comme dans un célèbre conte qui lui était inconnu, Aria était la tête blonde perdue dans un monde trop fou pour elle, l’enfant qui tombait dans un trou sans fin, celle qui ne voyait en la lune qu’un large sourire de chat et, en les étoiles, un million de regards fourbes.

Mais la clé, aujourd’hui - et ce, depuis quatre jours , n’était plus seule. À son cou pesait aussi une ancre. Lourde, affligeante, étouffante. À laquelle elle n’arrivait pourtant pas encore à se détacher. Une ancre qui figeait ses doutes, ses craintes et ses remords sur sa poitrine, qui traînait avec elle ses fantômes et ses démons. Une ancre qui traînait son indécision et entravait ses choix. Une ancre qui la maintenait dans l’entre-deux du déni, verrouillant les aiguilles du temps pour retarder la confrontation.
La confrontation à ses décisions.
La confrontation à Eileen.

Le violon et la guitare. La clé et l’ancre. Tous deux à son cou depuis les joies d’un concert. Tous deux enlisées à sa chaîne d’argent depuis le traumatisme de l’après.

Aujourd’hui, elle était parvenue à s’emparer de l’un deux. À saisir la clé pour laisser l’ancre, seule, l’enterrer un peu plus dans ses tourments. Aujourd’hui, elle n’avait pas réfléchi. Elle avait suivi le vol sombre d’un corbeau et avait laissé ses plumes chatouiller ses doigts.

Aujourd’hui, elle ne rendrait toujours pas sa guitare à Eileen. Mais, aujourd’hui, elle offrirait à Sessho les ondulations de son archer sur son violon nacré. Aujourd’hui, le Paso Doble, le Contemporain et le Foxtrot croiseraient leurs pas et leurs enjambées pour, d’un saut, s’unir au même tempo. Celui grave et saccadé de leur duo improvisé.

Les aigus arrivèrent trop tôt. Les doigts d’Aria pianotèrent avec frénésie sur les cordes de Mi et de La, comme une pulsion à extérioriser au plus vite. Elle exprima fugacement sa frustration, sa colère et sa souffrance dans les premières notes avant de retourner à un jeu plus calme pour laisser l’espace au piano. S’y accorder, s’y lier, s’y entremêler. Ne faire qu’un, s’écouter l’un l’autre, s’exprimer à tour de rôle. Une place à chacun, à chaque pensée, à chaque doute, à chaque question, chaque réponse, à chaque plainte, à chaque réconfort.

Les doigts précis de la blonde formèrent l’accord de Do dans une question vibrante. La réponse du piano fut vive et percutante. Ses cordes furent frappées avec l’intensité d’un fou, d’un bâillonné, d’un prisonnier en mal de mots et de liberté. De son violon, Aria y donna un écho doux et léger qui accueillait ses pleurs. Sa compassion, sa douleur. Sur son regard bouleversé, ses cils clairs effleuraient la mélancolie d’un aveu à peine prononcé.

Le jeu du Japonais était contrasté. Glacé, puis brûlant. Tranchant, puis apeuré. Dominant puis égaré. Aria ne le reconnaissait pas. Elle ne l’avait jamais entendu jouer comme ça. Les mélodies qu’elle lui avait connu n’avait toujours était que douceur et calme, renvoyant à son univers apaisant et voluptueux. Sessho, ça avait toujours été la brise du printemps, le soleil de l’été, la brume de l’automne et les flocons de l’hiver.

Mais la brise s’était transformée en tempête. Le soleil s’était voilé de nuages noirs. La brume avait dévoilé l’orage. Et les flocons s’étaient cristallisés en fragments de glace.

La violoniste en fut terrifiée. Tétanisée sur un refrain qu’elle jouait à répétition, elle écoutait attentivement chaque son, chaque note, chaque mot. Quand le pianiste acheva son aveu, elle resta un instant sans voix. Figée dans sa tétanie répétitive. Incapable de tracer une réponse de ses doigts figés sur les mêmes accords.

Le morceau put alors enfin souffler. Une pause. Un repos.

Puis, le poignet gauche de la jeune musicienne se cassa en même temps que son dos sur une pente mélodieuse qu’elle enclencha enfin. Son corps – resté timide jusque-là – se voua alors tout entier à la mélopée. Les lèvres closes, elle chanta sa douleur et son empathie.

Sessho, oh, Sessho, pourquoi ? Pourquoi toi ? Pourquoi nous ? Pourquoi ce monde, pourquoi la vie ? Pourquoi la mort, pourquoi le vide ? Pourquoi les souffrances, pourquoi les joies ? Pourquoi ce soir-là, pourquoi ces lendemains ? Pourquoi ce piano, pourquoi ce violon ? Pourquoi les cris étouffés, pourquoi les pleurs cachés ?
Sessho, oh, Sessho. Tu n’es pas seul, accepte leur aide. Leurs épaules, leurs mains, leur amour. Exprime-toi, ne gardes pas tes confessions pour cet unique piano. J’entends ce que tu ressens, tes souffrances sont trop grandes pour toutes rester enfouies en toi. Tu vas étouffer. J’étouffe. Libères-toi, Sessho.




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Lun 23 Nov 2020 - 17:05

Le Do contre le Sol.
Douce mélodie du soir, puisses-tu apaiser mes cauchemars.
La douleur, c'était comme une vague. Une houle gigantesque approchant au ralenti. Soulevant l'océan pour chérir les trésors les plus enfouis. Les joyaux de l'innocence, de la candeur, d'un bonheur sombrant sous les flots. Les pépites dorées d'une complicité passée, des élans d'un vibrato amenant sur des coraux, merveilles colorées léchant les cailloux rugueux des épreuves, d'un chemin en s'en cesse mouvement. Les poissons restaient sur place, la bouche béante, les écailles flétries par le vent, par la tempête de gouttes aériennes. Le cœur battant, les poumons comprimés, ils haletaient pour quérir les bulles de leur survie, de leur salut. Lui aussi, il peinait à inspirer, à charger sa cage thoracique d'un tambour battant, d'une myriade éphémère rejoignant déjà le ciel. Le rouleau était immense. Suspendu dans son mouvement saccadé.

C'était comme arrêter le temps. La voir dans son ensemble, les pieds dans le sable de ses espérances, lovaient contre la berge de son déni, de son choc, de sa stupéfaction. Il le regardait approcher, observateur impuissant de leurs ressentis mêlés, de ses doigts martelant les touches dans un cri, dans un hurlement prisonnier de sa gorge, de ses côtes. Des altos se faisant soprano, l’aigu strident d'un impact, de ses os qui craquent, qui se fracassent contre les rochers, les falaises bordant sa cascade dans une étreinte secrète. C'était comme ouvrir les vannes, accueillir l'eau sur son visage, sur son corps tout entier pour en ressentir le picotement, les aiguilles courant sur sa peau, la morsure du froid le faisant frisonner, trembler sur son tabouret. Accepter son mal être, sa souffrance, sa peur, cette terreur lancinante le gardant en éveil constant, en insomnie chronique. Reconnaître son apathie, son rejet, son isolement. Voir le reflet de sa colère, de sa culpabilité contenue, de cette rancœur le faisant suffoquer, l'étranglant des deux mains dans un sourire rieur, dans la démence d'un fou.  

La douleur c'était comme une vague.
Ça venait et ça repartait.
Ça ne restait jamais longtemps.

Le vide se termina sur un Do. Sur la note du poignet, de son annulaire sur une noire. La marrée reprenait son timbre, son cours. Elle s'éloignait, revenait paisiblement dans une pause, dans un repos l'assommant d'un silence pesant. Absent, Sessho releva ses paupières pour les poser sur son clavier, sur ses phalanges figées. Devant lui, à quelques pas, l'Aria de son abandon était présente. Elle n'avait pas bougé et il en fut soulagé. Petite pointe de lumière perçant le voile de sa pudeur, de l'obscurité de son traumatisme. Statue d'un autre temps, d'une glorieuse mélodie. Elle était belle. Magnifique dans son dos arqué, ses bras lâches et son profil spectral. Une entité fantomatique n'appartenant à aucune réalité, à aucun plan. Une silhouette ne faisant qu'un avec la brume, le brouillard, la neige et la brise. Elle était comme un jour de pluie. Un ciel tournant au gris de l'orage, aux nuages aux multiples nuances. Subtile comme une averse droite, se courbant sous les rayons du Soleil. Gracieuse comme les branches dansant de concert avec les plumes cristallines. Aussi immuable que les lendemains arrivant toujours. Aussi attendue que la Lune.

Enfermé dans la bulle de leur moment s'étirant à l'infini, il prit le temps de la contempler. D’incruster à l'encre noire sur ses iris les traits tourmentés peint sur un masque d'impuissance, de neutralité transcendante. Elle souffrait. Comme toutes ses fois où ils s'étaient accordés. Où les partitions s'étaient écrites, une par une. Des ajustements sur le papier, sur leurs sourires, sur leurs regards s'imbriquant sur mesure. Elle était perdue. Esseulée d'une timidité distante. Dépassée sans doute par la paralysie de ses sens, l'engourdissement de son empathie exacerbée. Sans doute couvait-elle les hésitations d'une décision difficile, d'une résolution à contre cœur, contre elle-même, contre tout le reste. Elle était là. Seule résistante parmi tous. Main offerte, la paume ouverte. Nacre sur ses plaies. Les croches sur ses chagrins, sur ses blessures, comme des sutures prêtes à craquer. La glace sur le feu. L'eau sur les feuilles. Indéchiffrable comme l'Aurore. Sensible comme un pétale. Elle était un tout. La perfection se confondant en minutie imparfaite.

Elle était là. Comme ce soir-là. Comme cette nuit sous les trompes, sous les cordes. Elle était là.

Et il en fut heureux.

Le Mi amorça un nouvel échange, la réponse à son désespoir, à sa tirade lui ayant coupé l'envie, les jambes, le fil de ses pensées. Ça le brûlait. Ça le pétrifiait. Il ne se reconnaissait plus. Il doutait. De tout. De lui. De sa vie. De ses émotions. De ce vide, ce rien lui tendant les bras en protection, ultime pardon, rémission, solution. Il nageait dans une marre de coton, de sables mouvants le rendant sourd, aveugle, aphone. Les mots en La le frappèrent comme un coup de poing, comme une caresse sur ses joues pâles. Incapable de quitter les balancements de son dos, le chant de sa chevelure accrochant les miettes d'une poussière ambiante. Spectacle qui lui fit perdre la cadence. Un tempo désordonné, discordant. La lenteur se mêlant dans un ensemble voluptueux aux questionnements puissants, intenses d'une suite le prenant aux tripes.

Il n'essaya pas de combler son retard. Il appuya un peu plus sur leur écart, sur leurs fredonnements intérieurs se frôlant, se heurtant, se touchant sans jamais s'atteindre. Comme une course poursuite. Le vol d'un oiseau solitaire se lançant à la chasse du printemps, des jours nouveaux. La philosophie d'un battement d'ailes le laissant pantois, un peu con sans doute, sur le bord d'une route désolée. Une salsa tournant à la valse, aux salons s'achevant sur des corniches pentues. Les plaques de ses barrières entrèrent en collision, faisant jaillir de ses accords la lave bouillante de ses non-dits, de ses appréhensions, de ces questions le retournant plus que de raisons.

Sur une lancée identique, il calqua son jeu sur un rythme saccadé, en contradiction radicale aux notes justes et empathiques. Un bloc de marbre lourd, se faisant grave, rauque, centré sur un côté pour délaisser l'autre. Un déséquilibre rehaussant la voix de la violoniste. L'apaisement d'un juste milieu laissa sa place à la glace d'un retour sur la berge. D'une vague le submergeant, pour mieux l'abandonner les poumons pleins à craquer.

C'est comme une vague, Aria. Comme une vague qui terrasse tout, qui engloutie la Lune, le Soleil, les étoiles, les chants, l'espoir, la vie. Un tout se confondant dans le néant, dans le vide, dans le froid de l'automne. C'est un gris qui s'étend jusqu'à l'horizon, qui dépasse la berge et qui tâche le ciel. Un gris qui avale les feuilles, les branches, la brise. Et qui ne laisse que le gel, la glace. Oh, Aria. Je ne sais pas si j'ai peur, si j'ai mal, si j'ai faim, si j'ai soif. Je ne sais plus. Je ne sais rien. Je nage, je coule, je me noie. Et en une seconde, je reviens, je respire, je revis.
C'est comme le lendemain d'un tout, d'un rien. D'un rêve. D'un cauchemar. Oh Aria. J'aimerai en parler, pleurer, crier, mais je n'y arrive pas. C'est comme une vague, l'écho de la pluie, de l'orage. Alors pars, avant de t'étrangler, de te briser, de te noyer. Pars, rejoins l'ancre de tes pensées, la seule qui parvient à combler le vide de tes émotions trop fortes. Pars. Pars.

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Dim 20 Déc 2020 - 12:18
le do contre le sol
Lorsque les notes remplacent les mots, ce ne sont plus les esprits qui parlent mais les ames qui s'accordent.



Samedi 4 Novembre 1995

La mélodie atteignit un terrain vague. Semé d'incertitudes, de doutes, de trous et de bosses où se mirent à trébucher les notes. La dissonance claqua contre les murs de la salle vide, gifla leur peau diaphane et griffa leurs doigts. Des accords superposés sur deux temps. Un bémol d'avance pour le violon. Un demi-ton à rattraper pour le piano. Elle était légère, cette dissonance. Mais elle avait dissous l'harmonie d'un morceau improvisé. Un duo vacillant qui n'avait été préparé ni à se rejoindre sur cette mélodie nouvelle, ni à recevoir les secrets qu'elle leur dévoilait.

Alors, les notes se faisaient funambules. Elles avançaient sur un fil, les yeux bandés, enlacées par la tempête qui les déséquilibrait à chaque souffle. Elles tanguaient. À droite. À gauche. Et elles en avaient le tournis.

Mais peut-être n'y avait-il pas de meilleure façon de jouer à cet instant précis ? La discordance de la mélodie dépassait la barrière du son, c'était celle qui enlisait leur cœur depuis des jours, celle qui enchaînait leurs tourments, celle qui privait leur âme d'oxygène, celle qui étouffait leurs espoirs, celle qui ternissait leur teint et donnait un goût amer à l'air. Non, il n'y avait pas de manière plus authentique de jouer : ils devaient se désaccorder pour ouvrir la voie à la vérité.

Deux voix en une. Un canon. Deux voix qui finirent par se rejoindre à nouveau. Le refrain les ramena à lui pour les unir dans une harmonie retrouvée.

Puis, ce fut au tour du piano de se démarquer. De chuter. De s'échouer sur les graves, les sombres, les tragiques des touches zébrées. Des percussions redoutables sur un clavier prisonnier des fondamentales, des tierces et des quintes qui l'assaillaient à l'unisson. La pesanteur des accords s'en trouva doublée, comme du plomb coulant des doigts de l'Asiatique.

Pour la première fois, Aria osa relever son regard vers Sessho. La concentration de ce dernier s'était redirigée sur sa partition imaginée et un pli barrait son front. Un pli qu'elle ne lui avait jamais vu. Cette expression, était-elle l'esquisse timide de sa souffrance ? À quel point ses traits s'étaient-ils étirés lorsqu'il avait hurlé à s'en déchirer les poumons, à s'en briser les cordes vocales ? Ce cri-là, elle l'entendait à nouveau, dans le son du piano. Un cri qui hantait à présent les cauchemars de la blonde et lui redonnait des sueurs froides rien qu'à s'en rappeler. Elle frissonnait. Le son du piano n'atteignait plus ses oreilles.

Puis, le hurlement disparu lui-aussi. Une imploration prit sa place. Pars. Un écho dans la pièce, dans son crâne, dans sa poitrine. Pars. L'ordre était invisible, la demande muette mais l'intention évidente. Pars. Pars, qu'elle entendait. Pars. Pars, qu'il disait. De ses doigts agiles sur le clavier, il la chassait.

Ou bien ce cri venait-il de son âme à elle ? Celle qui lui avait intimé de fuir avant même qu'elle ne mette un pied dans cette pièce ? N'était-ce pas elle, en réalité, qui s'ordonnait de partir ? Qui voulait courir à sens inverse ? Loin de ces notes éloquentes, de ces mélodies secrètes, de ces émotions étouffantes ? Loin de lui, loin de tout ? Loin de ses promesses trahies, de ses résolutions brisées d'un simple coup d'archet ?

Il avait raison. Elle devait partir. Elle en avait l'envie. Tout abandonner était plus simple, non ? Son isolement serait un réconfort, un bouclier, un rempart. Mieux, un château-fort.

Progressivement, les ondulations du corps de la violoniste se tarirent pour retrouver la verticale d'un dos droit. Son coude abandonna ses à-coups répétés pour s'engager sur une pente plus calme. Son archet se fit plus léger comme si, déjà, il se détachait des cordes qu'il embrassait.

Un dernier souffle.

Et, d'un coup, elle se sentit vide. Seule. Cruelle. Idiote.

D'un virage, son poignet se cambra. Elle réengagea la mélodie et rattrapa ses vibratos esseulés. Le tragique d'une ancienne mélopée s'était changé en détermination ponctuée d'accords majeurs. Ses harmoniques prirent une teinte nouvelle. Plus de noir et blanc. Les notes se coloraient progressivement de pastel.

Je reste, fut le symbole unique et puissant de ces accords nouveaux.

Je reste. Pour toi, Sessho. Avec toi. Ici ou ailleurs. Partout, même absente, je reste.

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Jeu 7 Jan 2021 - 18:36

Le Do contre le Sol.
Douce mélodie du soir, puisses-tu apaiser mes cauchemars.
Les notes déchiraient ses ongles, brisaient ses os en une friction, en une envolée le contractant en écho sulfureux. Ses poumons s'étaient vidés sous le flot ininterrompu de ses paroles, de ses non-dits le transperçant de son silence trop entretenu. De ce grain d'altruisme le conditionnant en douces mélopées, à ne rien exprimer. Ni amour. Ni peine. Ni colère. Elle lui brûlait les paumes, l'épiderme des pieds à la tête. Un brasier s'ouvrant sous ses talons en un gouffre qu'il repoussa d'un alto déviant les étincelles d'une rage compressant ses gestes, ses expressions tendues et fermées. Elle était là, droite, passive, lascive. Une sirène naviguant entre les récifs de ces souvenirs à fleur de sang. La pluie d'une nuit d'ivresse, l'orage lointain d'un cauchemar et les nuages laconiques d'un réveil allochromatique.  

À bout de souffle sous une tirade faisant grincer contre sa glotte les prémices d'excuses impulsives, il s'osa à décrocher les pupilles des croches s'alignant sur l'ivoire de son clavier, pour croiser les flocons de ses filins vibrants l'air d'ondulations fébriles, de ce dos frétillant d'hésitations courant en fourmis sur ses jambes statufiées. Ses lèvres s'ouvrirent sur le vide d'un sens caché, de questions explosant en constellations d'incertitudes. Il ne savait pas. Il ne savait plus. L'esprit dérivant dans le spectre d'une lumière fantôme, d'une étoile finissant son extinction sur un juron, sur une supplique, sur les notes chancelantes de ces sanglots barrant ses cils d'une sécheresse paradoxale. Il voulait pleurer. Il voulait crier. Il voulait ses bras, ses mains, son regard. Il voulait être seul. Il voulait fuir. La résignation faucha ses doutes, cette peur se figeant sur un La, se noyant dans la toile de fond d'une bande son mélodramatique.

Pars.
Pars.

Unique demande, ordre susurré dans une langue sur papier de verre. Les articulations statistiques, il fit plonger ses paumes sur ses cuisses en un abandon détendant ses épaules d'un soupir terrassant ses nerfs d'un douloureux mal de tête. L'archer se suspendit dans le vent, et il s'y accrocha sans parvenir à s'en détacher totalement. Quelques secondes ayant le goût de l'éternité. Une minute effritant les boucles de leur conversation improvisée, les annotations sur une partition aux airs de bulle savonneuse éclatant sur le bout de son nez. A ses narines parvinrent les effluves d'une averse perlant sur les feuilles d'automne. L'odeur emporta dans la danse les rires qui léchèrent les pans des rideaux de soie. Sur les toiles vierges, il commença à neiger. Une tempête émotionnelle faisant convulser ses organes dans une respiration plus vive.

Pars.
Pars.

La porte ne claqua pas. Elle resta immobile. Délicate statue qu'il désira garder en mémoire. Marbre d'une complicité enserrant sa poitrine d'une torsion faisant battre son cœur un peu plus vite. Ses mains étaient moites. Sur son pantalon, il les frotta avec une nervosité faisant poindre sur ses lèvres les prémices d'un sourire forcé. L'air rassurant de ses aveux à reculons, de son regret dans cette chute libre le gardant en haleine. L'attente lui fut insupportable. Elle ne bougeant pas. Et lui ne pouvant s'y résoudre non plus. Comme deux égarés dans le brouillard préférant l'opacité d'un nuage, que l'inconnu d'un pas. Dans le sursaut de ses chevilles, il y vu une course qui n’aboutit à rien. Elle hésitait. La silhouette courbant contre le vent de son monologue. Contre le cul-de-sac de leur dialogue de sourds, de pauvres fous assassinés de leurs traumatismes conjoints. L'insomnie lui faisait tanguer les genoux, les idées. À ses poignets, aujourd'hui, il sentait encore les liens.

Pars.
Pars.

Le violon perça le silence et il en sursauta sur son assise. Les paupières écarquillées, son inspiration se bloqua dans les tréfonds de sa gorge. Une réponse brève. Une réponse qui le fit haleter d'émotion. Il voulait être seul. Mais il ne l'était pas. Jamais. L'espace d'un instant, la table n'exista plus. Le soleil chassa l'orage. Le tonnerre de la colère perdit face à l'arc-en-ciel de l'espoir. Elle était là. Belle comme le jour, tendre comme la nuit, miraculeuse comme les astres, merveilleuse comme un rêve. Une seconde, il n'exista qu'elle. Eux. Âmes brisées, taillées de cicatrices pulsant sous des pansements éphémères. Deux voix se liant dans le mutisme et l'entraide. Elle et ses cheveux blonds. Elle et son sourire précieux. Elle et ses doutes fleurissant au printemps. Elle et cette empathie le rendant si impuissant. Elle et son violon. Elle et sa musique. Elle.

Je reste.
Je reste.


Un cri, un phare dans le déni qui réchauffa ses joues d'une teinte rosée. Il se força à gonfler sa poitrine d'une goulée d'air. Il faisait frais. Au bord de ses cils perla le sel d'un trop-plein, d'un tremblement dans l'iris qui cascada sur sa pommette comme une goutte de peinture sur un pinceau. Ses lèvres s’affaissèrent d'une grimace avant de céder à une esquisse timide, dévoilant le blanc de ses dents. Sa manche cueillit sa larme pudiquement, et il releva le nez plus sereinement sur un aujourd'hui qui n'était pas si terrible. Il ne pensa pas à hier qui l'effrayait encore de cette épreuve qui l'attendait dans la penderie du deuil. Ni à demain dont il ignorait tout. Son présent était Aria Beurk. C'était un piano, c'étaient quatre-vingt huit touches. C'était un baiser sur une blessure. C'était une promesse valant plus que l'or, que la solitude, qu'un sommeil le fauchant de son absence. Il se reconnaissait et s'ignorait à la fois. Il était lui et un autre. Il acceptait en rejetant. Il pleurait et rirait. Il ressentait et s'enfonçait dans le vide d'une mélancolie en pause.

Je reste.
Je reste.

Son calme s'abattit sur ses bras comme une chape de plomb et sur les blanches, il revit ce monde n'appartenant qu'à lui. Cette intimité en cerisier fleurit, qu'il pressa timidement de l'index, pour en faire résonner l'aigu harmonieux, auquel il joignit le chant d'un merle du majeur. Deux syllabes concluant une sonate se classant dans ses chefs d’œuvres intemporels qu'il retracerait sur le baldaquin de son lit. Un Do chevauchant le Sol dans un dernier mot, d'une main plus posée, détendue, presque apaisée.

Merci.

Le capot recouvra les noires et les blanches de son regard attendri, et il y laissa ses doigts un certain temps. Il était venu chercher des réponses, un bain de tranquillité musicale. Et par-delà les vagues, les tsunamis et catastrophes le fracturant de ses ressentis encore trop puissants, il avait accosté à un archipel. Il avait trouvé son oasis dans le désert. Pour aujourd'hui, il avait trouvé ce qu'il avait désespéré de gagner.
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Ven 15 Jan 2021 - 18:07
le do contre le sol
Lorsque les notes remplacent les mots, ce ne sont plus les esprits qui parlent mais les ames qui s'accordent.



Samedi 4 Novembre 1995

Les nuages ne cessaient de passer,
C'était un même tournis depuis des années,
Ils étaient gris, ils étaient rayés,
La foudre ne cessait de les zébrer,
Tout le temps et de toutes parts,
Sans jamais les mener nul part.

Aujourd'hui, le ciel était toujours aussi pâle,
Toujours aucun traitement médical,
Pour ce teint malade,
Qui surplombait une balade.

Mais, aujourd'hui, ô, aujourd'hui,
S'était invité un ami,
Un cavalier pour une danse céleste,
Pour un duo aux mouvements lestes.

Ce partenaire s'appelait soleil,
Mais sa nitescence avait disparu la veille,
Lors de cette nuit de pluie,
Où l'horreur avait abîmé les corps et les esprits.

Depuis, le soleil levant hibernait,
Pour trouver de quoi se ressourcer.
Une assise, un baume, un pansement ?
Non, ce qu'il voulait, c'était l'isolement.

La lune l'avait remarqué,
Elle aurait dû l’ignorer.
Mais comment le laisser ?
Impossible de l'abandonner.

Alors, elle avait grimpé les étoiles,
Traversé les interdits constellant la toile,
Pour l'atteindre lui,
Pour lui chuchoter un Si...

Et si l'on jouait ?
Et si l'on chantait ?
Et si l'on dansait ?
Et si l'on s'écoutait ?

La musique est le plus intense des silences,
Elle enveloppe les absences,
Elle soulève les non-dits,
Et libère les mots en sursis.

Une mélopée ne parle qu'avec le cœur,
Et, si elle peut parfois devenir un leurre,
La sincérité des doigts sur un clavier
N'a d'égal que celle d'une main sur un archet.

C'était un dialogue muet,
Duquel émergeaient les bourgeons d'un muguet,
Car, dans ce nouveau décor,
Les fleurs nivéales venaient tout juste d'éclore.

Le soleil commençait à reprendre les devants,
Sur la pluie et le mauvais temps,
Et, même si ses rayons étaient encore hésitants,
On pouvait déjà humer le pétrichor ambiant,
Cette flagrance d'espoir enchanteresse,
Apporté par la lune et ses promesses.

~

C'était une injonction à la fuite. Pars. C'était une hésitation statique. Un silence figé dans le temps. Puis, un Fa décisif. Je reste.

De l'espoir, des flocons. Des cristaux nacrés se perdant entre les cordes d'un instrument redressé. Son regard polaire s'était lui aussi relevé. Pour la première fois depuis son arrivée dans cette salle, elle osa unir leurs regards. Et du sien, elle vit un pétale de perce-neige tomber et glisser sur une pente neigeuse. Léger et tendre. Une larme qui était faite d'autant de peine que d'espoir. Comme un inattendu cristallisé entre deux paupières.  

Elle voulut essuyer cette larme du bout de ses doigts, de ceux posés sur les cordes. Alors, elle parsema la mélodie de doux mineurs, comme des baumes à étaler sur le cœur. La mélopée avait emprunté une harmonie nouvelle, celle d'un sentier révélé au printemps. Celle inspirée d'une contrée lointaine que lui avait tant de fois conté ce clavier. Celle de cerisiers qui fleurissaient sous les rayons chauds du soleil levant.

Ça avait été une injonction à la fuite. Ça avait été la réponse d'un Fa décisif. C'était à présent le murmure d'une gratitude frôlée.

Deux doigts. Deux touches. Deux notes. Deux syllabes. Un mot. Une fin. Une chute.

Merci.

Ce ne furent pas seulement le Do et le Sol qui le lui chuchotèrent. Ce furent aussi ses yeux. La mydriase de la reconnaissance humble et sincère du pianiste qui, chassant la brume de ses iris, atteignit le cœur de la violoniste. Il eut suffi de cet unique rayon. Et, en elle, tout se craquela.

L'ataraxie était-elle seulement atteignable ? Pourquoi, alors que la douleur face à elle venait de se délester d'un poids, sa peine à elle semblait d'autant plus lourde à supporter ?

Les promesses. Elle s'en était faite une et l'avait trahi en prononçant la seconde. Qu'advenait-il de son gage d'isolement quand un altruisme qu'elle ne se connaissait pas surgissait pour crier qu'elle était là, présente, pour lui, maintenant, toujours ?

La tiendrait-elle, cette promesse ?

Un sourire incertain fut la seule expression qu'elle parvint à lui livrer avant de s'en aller. Les couloirs la ramenèrent à ses doutes, là où les escaliers avalèrent ses convictions. Pourquoi l'avait-elle rejoint ? Pourquoi l'avait-elle accompagné dans sa mélopée ? Pourquoi lui avoir laissé entrevoir un réconfort qu'elle ne saurait réellement lui fournir ? Pourquoi lui avoir présenté un espoir qu'elle ne distinguait pas elle-même ?

Pourquoi ne se reconnaissait-elle pas dans ces actions?

Aria Beurk, égoïste à ses heures perdues.
Aria Beurk, altruiste à ses heures inconnues.
Solitaire, sourde et muette.
Mais le cœur en écoute constante.

Tais-toi.

FIN

Défi:

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