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Crazy stupid drug | Elvý

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Sam 25 Juil 2020 - 18:46
Are you insane like me ?25 octobre 1995

Le temps correspondait à ce qu'on pouvait attendre d'une météo d'octobre ; le ciel était bas, les nuages menaçants et le crachin se déposait en gouttelettes éparses sur le béret de Cébren. Ses mains gantées vinrent relever son col avant de s'enfoncer dans ses poches tandis qu'il se renfrognait. Sale temps pourri. Ses bottes piétinaient alternativement feuilles mortes et journaux abandonnés. En première page de l'un d'entre eux, les dernières coucheries d'un élu du pays. Braves moldus...si proches et si loin de tout un drame qui se jouait dans le monde magique. Cela dit, certaines gazettes ralliées au ministère n'étaient pas loin de mettre en première page ce type de ragots. Tous les moyens étaient bon pour éviter le sujet épineux de son retour. Les gens avaient besoin de légèreté et non des élucubrations de cet oiseau de mauvais augure de Potter.

Le sorcier était arrivé devant le Drunken Goat. Ce pub-auberge moldu n'avait rien à envier aux bouis-bouis magiques avec son alcool agressif, ses clients vipérins et ses murs au plâtre écorché. L'établissement rentrait de justesse dans les normes d'hygiènes, assez pour ne pas être fermé et trop peu pour être fréquenté par la haute société.
Cébren tapa ses pieds contre le sol pour décoller les feuilles accrochés, retira son béret et entra. A peine à l'intérieur, le sorcier alluma une cigarette et tira une bouffée avec délectation.

Ici, pas de verres en lévitation mais des serveurs. Pas de jeux magiques mais un billard et des fléchettes. Pas de musicien mais une sono qui crachouillait du Léonard Cohen, accentuant l'aspect déjà mystique de la salle avec les volutes de fumée.
Ça suffisait pour ce que Cébren avait à faire. Le sorcier choisissait souvent des lieux moldus pour ses affaires afin de se préserver au maximum du giron ministériel, en plus d'apprécier lesdits endroits.
Darnell, son pote Darnell, l'avait mis en contact avec une fille quémandeuse de drogues, décrite par le bidouilleur comme un charme venu du Nord mais au nom imprononçable pour Cébren. Dans leurs quelques maigres échanges épistolaires, il l'appelait baby girl.
Cébren portait un signe distinctif, un bouton de rose rouge épinglé à sa veste. Rien de voyant mais qui permettrait à baby girl de le retrouver facilement, en plus de lui donner une allure de dandy.

Slalomant entre les pommés du Drunken Goat qui noyaient leur chagrin dans l'alcool et jouaient aux fléchettes en imaginant empaler leurs exs, Cébren atteignit le bar pour se commander un whisky. Sa boisson obtenue, le sorcier jeta une pièce d'argent moldu sur le comptoir écaillé et se dirigea vers le billard, godet en main et clope au bec. Il posa nonchalamment une fesse sur le bord de la table, se pencha en avant, la queue entre ses doigts et tira. Son regard suivit la boule, dépassa cette dernière pour venir se poser sur des jambes féminines. Cébren leva la tête, un sourire se dessinant au coin de ses lèvres.  

- Bonjour baby girl.

 
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Cébren Gallagher
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Cébren Gallagher
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Dim 26 Juil 2020 - 21:08



Crazy Stupid Drug
☽ Elvý & Cébren ☾


Mercredi 25 octobre 1995

Sept jours. Sept jours qu'elle avait décidé d'entamer sa nouvelle vie. Sept jours qu'elle avait mis les pieds hors de sa maison trop grande, trop vide, pour passer plus de temps chez les autres que chez elle. Ses nouvelles rencontres. Des têtes qu'elle reconnaissait encore à peine, des fêtards rencontrés au détour d'un verre, des amis d'un soir, des contacts éphémères, des connaissances qui effleuraient sa vie dans une atmosphère aux mille couleurs. Assez pour remplacer celles qu'on avait volé à son passé.

Sept jours qu'elle enchaînait les horaires de l'animalerie à celle des clubs de nuit. Sept jours qu'elle faisait des pied de nez à la gueule de bois qui ne l'avait toujours pas rattrapé. Sept jours qu'elle expérimentait un retour fracassant dans la vie. Sept jours qu'elle fuyait le sommeil comme s'il risquait de la piéger une nouvelle fois. Sept jours qu'elle faisait redécouvrir à son corps des substances oubliées.

Sept jours qu'elle avait rencontré Darnell. Sept jours. Une semaine.

Darnell Monroe n'avait pas été pour elle qu'un simple coup de vent. Qu'une simple rumeur effleurant son oreille avant d'atteindre une nouvelle rue. Darnell Monroe était resté. Le temps d'un verre. Puis d'un taz. Le temps d'une danse, le temps de défier le temps. Darnell Monroe avait transcendé l'éphémère d'une rencontre pour devenir plus qu'une ombre. En une semaine, Darnell Monroe s'était fait son allié. Celui des soirées déjantées.

Il lui avait filé un contact. Un dénommé Cébren Gallagher. « Pour les fois où je serais pas dans le coin pour te dépanner. » avait-il dit en lui griffonnant son adresse sur un bout de papier.

Quelques envolées de hiboux et le rendez-vous avait été fixé. Mercredi au Drunken Goat.

Elvý en avait profité pour flâner un peu dans les rues du Londres moldu, une nostalgie indescriptible au creux du ventre. La ville était belle, l'architecture pleine de charmes et les rues racontaient une histoire. Elvý aimait explorer, découvrir, dévorer la nouveauté de ses yeux avides. Elvý était une voyageuse. Du moins, elle l'avait été. Avant que son voyage ait heurté la cruauté d'une nuit d'automne.

Elle aurait pu repartir. Peut-être même le ferait-elle la semaine suivante. Mais ce fut comme si la Grande-Bretagne s'était emparée de son ombre. Comme si l'oubli s'ancrait un peu moins dans un décor qui ne changeait pas. Comme si les rues désolées menant au Drunken Goat étaient trop étroites pour que résonnât l'écho de ses tourments. Elle s'y confortait, dans cet univers nouveau qu'on lui avait laissé comme seul repère.

L'entrée de l'Islandaise dans le pub fut enveloppée par les volutes de fumée au parfum délicatement alcoolisé, ainsi que par la tonalité grave d'une voix crépitant à travers la sono. Elvý parcourut les quelques silhouettes de la salle jusqu'à ce que ses prunelles repérassent le bouton de rose rouge. Mais déjà, il se détourna du bar, boisson à la main, pour se diriger vers une table de billard. Elvý prit le temps de prendre elle aussi une commande – un whisky, Darnell venait tout juste de la convertir -, puis rejoignit son rendez-vous.

- Bonjour baby girl, fit-il, sourire en coin, en se redressant après avoir casser le jeu.

Elvý s'abstint de faire rouler ses yeux dans ses orbites en affichant son sourire aux accents railleurs. Lui avait-elle déjà précisé qu'elle trouvait ce surnom tout bonnement ridicule ? Probablement, au détour d'une missive. S'en souciait-il ? Probablement pas, au contraire. De quoi ouvrir le terrain à sa malice, sans aucun doute. Une perche tendue pour l'embêter d'entrée de jeu. Et ce jeu, au fond, ne lui déplaisait peut-être pas tant que ça, à l'Islandaise. Mister Gallagher voulait jouer ? Alors, ils allaient jouer.

Elvý posa son verre sur le bois de la table de jeu, déboutonna son manteau, le suspendit à un crochet au mur – Ríg transita furtivement de la poche de son habit tout juste abandonné jusqu'à celle de sa robe à carreaux, portée décontractée au-dessus de bottines noires -, puis s'empara d'une queue de billard.

- Bonjour Cébren, prononça-t-elle en faisant rouler son accent sur son prénom, alors qu'elle revenait auprès de la table. Tu sais, j'ai un prénom, moi aussi. Et ce n'est toujours pas baby girl.

Sans un regard de plus vers l'homme de l'autre côté du billard, elle afficha une mine concentrée en se positionnant à son tour pour viser.

- Et en plus, tu ne m'attends même pas pour débuter la partie.

Elle tira. Le bout de la queue heurta la bille blanche et la fit rouler en direction d'une jaune placée devant le trou du coin d'en face. Elle rentra délicatement dedans. Les rayées lui étaient attribuées et son premier point était marqué.

- À peine rencontré et tu as déjà des points à te faire rattraper. Et ce, dans tous les sens du terme.

La malice aux lèvres, la jeune femme lui jeta un regard en coin avant d’enchaîner sur son prochain coup.

Manqué. La main revenait à l'homme à la rose rouge.

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Elvý Njállsdóttir
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Sam 22 Aoû 2020 - 11:33
Are you insane like me ?
25 octobre 1995

Les bras de Cébren Gallagher avaient enserré leur lot de tailles féminines. Il y avait eu les bécots suavement déposés sur une gorge parfumée de gosse de riche ou les doigts caressant le creux d'une clavicule grise de poussière. Une fille séduite par son allure de chat de gouttière succédait à celle qui croyait en une vie meilleure loin des bas-fonds londoniens. Mais, prudent, Cébren ne connaissait que trop bien l'état de faiblesse dans lequel pouvait se trouver un type le chibre à l'air. Le jeu des menottes au lit pouvait devenir réalité en envoyant une honnête crapule droit à Azkaban. Le contrebandier était un homme avisé et la liberté était la meilleure de ses amantes.

Première impression sur baby girl. Jolie, un peu pâlotte comme si le froid d'Islande ou de Suède ou de Merlin savait d'où s'était tatoué sur ses joues, mais définitivement agréable à regarder. A force de drogues ingérées, son mignon visage allait probablement se cerner et se jaunir pourtant Cébren trouvait un charme à ce genre de traits émaciés. Leurs propriétaires gueulaient au monde qui les avait ravagés d'une façon ou d'une autre qu'ils étaient toujours en vie, camés, défaillants mais debout.

Sa voix à l'accent nordique résonna, son propre prénom roulant dans sa bouche comme un bonbon acidulé. Elle n'aimait pas son sobriquet. C'était que baby girl semblait en plus avoir le même âge que Cébren - sinon quelques années de plus - mais le physique du contrebandier laissait penser le contraire. La faute aux cigarettes fumées dès le plus jeune âge et aux alcools qui avaient enflammé tôt le gosier.

Munie de la queue de billard dont elle s'était préalablement emparée, elle se mit en position et visa tout en manifestement son mécontentement devant le manque évident de galanterie de Cébren. Il sourit. Cette fille avait du cran mais voyons si ça allait durer ou s'il allait avoir affaire à un panache en berne une fois baby girl battue à plate couture. Le contrebandier ne pouvait pas nier qu'il appréciait ce genre de petit jeu - après tout c'était lui qui avait lancé les hostilités ! - et son rictus ne fit que s'élargir lorsque la boule jaune rentra dans le trou.

Après un second coup, manqué celui-ci, la main lui revint. Pendant qu'elle avait parlé et joué, Cébren s'était redressé et avait nonchalamment trempé ses lèvres dans son verre. Une allumette était coincée derrière son oreille comme toujours, elle avait rapidement remplacé sa consœur utilisée lorsque le contrebandier avait allumé sa cigarette. La clope au bec tenue par ses dents, il fit mine d'applaudir.

- Bien joué ma belle, fit-il en tirant une bouffée.

Cébren décolla ses fesses de la table voisine et se positionna à son tour par rapport à la boule blanche. Se concentrer. Tirer. La tête de la queue de billard entra en collision avec la petite sphère et cette dernière percuta une bleue qui termina sa course dans le trou. Le contrebandier se redressa.

- Je te propose un truc, baby girl. Si tu gagnes cette partie, je te promets de t'appeler par ton prénom. Si tu perds, tu resteras baby girl ou n'importe quel autre surnom qui me plaira. Deal ?

Il se déplaça sur le côté en frôlant la fille avant de se remettre en position. Son tir doux ne suffit pas et la boule blanche alla cogner contre un coin. Cébren sortit un paquet de cigarettes de sa poche et en tendit une à sa cliente. Certains disaient qu'une clope aux lèvres d'une femme lui allait autant qu'une dent en moins à son sourire. Ceux-là ne connaissaient pas les anglaises dont les mains aux longs ongles rouges tenaient leur fume-cigarette avec un rictus mutin.
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Cébren Gallagher
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Ven 11 Sep 2020 - 13:19



Crazy Stupid Drug
☽ Elvý & Cébren ☾





Mercredi 25 octobre 1995

La tenue d’un gentleman, les mots d’un charmeur, la rose rouge de l’élégance. La cigarette de l’indompté, le regard de canaille, la malice du provocateur. À première vue, Cébren Gallagher était un mélange flou de ces paradoxes. L’allure lisse, l’aura trouble. L’envie de creuser, de gratter la surface de cette personnalité muable, n’en devint que plus grande pour l’Islandaise.

- Bien joué ma belle.

En miroir inversé, Elvý abandonna le billard pour venir récupérer son verre là où son adversaire venait de délaisser le sien pour se positionner face au jeu. La première gorgée de whisky glissa sur les lèvres rosées de la jeune femme et brûla son œsophage. Buvait-elle de cet alcool fort, avant ? Cette habitude tout juste dérobée à Monroe avait-elle déjà été sienne ? Ou avait-elle un autre alcool fétiche ? Ce genre de détail, généralement, elle s’en souvenait. Par exemple, elle se souvenait de son addiction au sucre qui l’avait souvent rendu capable de dévorer une tablette entière de chocolat d’un seul coup. Elle se souvenait qu’en été, la pastèque avait toujours été son meilleur allié fruitier. Elle se souvenait qu’elle n’avait jamais vraiment aimé le café mais que plusieurs fois, ça avait été un bon carburant dont elle ne s’était pas privée. Elle se souvenait qu’elle avait toujours raffolé des gâteaux secs trempés dans le lait au réveil et que c’était pour elle un rituel alimentaire qu’elle entretenait depuis que ses premières dents s’étaient montrées. Elle se souvenait de tout ça et ça avait un côté rassurant.

Alors, pourquoi ne se souvenait-elle pas des alcools qu’elle avait aimé consommer ? Ce n’était qu’un détail futile, se répétait-elle dès que l’angoisse éphémère de cette constatation s’amenait. Pourtant, l’angoisse revenait toujours dès qu’elle trempait ses lèvres dans ce whisky qui lui semblait si étranger - comme une énigme qu’on essayait de déchiffrer des jours durant sans y arriver -, et alors, le liquide semblait toujours un peu plus agressif à la première gorgée.

Une légère grimace étira son visage dans le dos du contrebandier lorsqu’elle détacha le verre de ses lèvres. Elle remarqua à peine la bille bleue qui rentra dans le trou.

- Je te propose un truc, baby girl, déclara le Gallagher. Si tu gagnes cette partie, je te promets de t'appeler par ton prénom. Si tu perds, tu resteras baby girl ou n'importe quel autre surnom qui me plaira. Deal ?

Le jeune homme accompagna sa proposition d’un rapprochement fugace. La sensation fantôme du corps frôlé réveilla doucement les sens de la sorcière boréale. Ses paupières se plissèrent sur l’aurore de ses yeux accueillant les premiers rayons du défi. La remonté d’une commissure de lèvre accompagna sa réponse.

- Deal, Red Rose Man, prononça-t-elle sobrement.

L’humeur du jeu s’ancra dans l’instant. Qui gagnerait ? L’homme à la rose rouge ? La femme au teint polaire ? Lequel des deux serait le premier à débarrasser le billard de toutes ses cibles ? Lequel ressortirait vainqueur d’un pari futile sous couvert d’un jeu aux revers encore inconnus ? Jusqu’où irait la danse ? Qui la mènerait ?

La réussite du Gallagher fut suivie d’un échec. Comme le fut la sienne. L’égalité les toisa du haut de son piédestal.

L’Islandaise attrapa la cigarette que l'Anglais lui tendit et la cala entre ses lèvres malicieuses en attendant l’approche du briquet.

- Takk, remercia-t-elle de sa langue natale, appuyé par une légère inclinaison de tête vers le contrebandier.

La bouffée vaporeuse qui accompagna son expiration vint se mêler aux autres volutes semi-opaques qui embrumaient la salle. Elle troqua son verre contre sa queue de billard et se pencha sur la table, la bille blanche dans sa ligne de mir, une verte juste derrière et le trou dans l’angle à gauche. Elle inspira une nouvelle bouffée du poison et tira d’un geste franc en expirant.

L’angle avait été bien calculé, le tir bien exécuté et la force dosée avec justesse. La satisfaction étira les lèvres de la brune quand elle se redressa. Elle glissa un rapide regard provocateur à son adversaire en se déplaçant autour du billard.  

Avait-elle souvent joué à ce jeu dans son passé ? Elle se souvenait des règles. De certaines variantes selon s’il s’agissait du billard américain ou anglais. Elle se souvenait des gestes, des angles, des positions, des figures. Oui, elle avait probablement joué plus d’une fois auparavant même si aucun souvenir fixe n’agrémentait de rires les traces de son apprentissage. Elle laissa glisser cette nouvelle réflexion sur son angoisse latente et tenta de rester focalisée sur le jeu.

La situation se compliquait, la blanche n’était plus bien positionnée. Elle réfléchit un instant, ses yeux voguant sur la table, suivant des lignes imaginaires. La orange. Elle ne pouvait pas la rentrer directement mais avec un rebond sur le bord opposé, elle pourrait y arriver. Mais la noire était juste à côté du trou visé et risquait d’y glisser si l’angle était trop serré. Stratégie risquée, mais elle devait la tenter.

L’amnésique s’assit d’une cuisse sur le rebord du billard pour atteindre la blanche en suivant l’axe souhaité. Elle tira, la blanche roula jusqu’à la orange qui heurta le bord opposé et se dirigea vers le trou.

Elle ne rentrerait pas. Trop à droite.

La noire l’avait-elle intimidée ?

La orange cogna à nouveau contre un bord, à quelques centimètres du trou toujours gardé par l’immobile sphère obsidienne.

Elvý remit pied à terre, tourna le dos au billard, attrapa sa cigarette entre deux doigts et, tout en écrasant son bout contre le cendrier, glissa :

- Faudrait pas non plus que je prenne trop d’avance sur toi, ça gâcherait le suspens.

Elle se retourna vers l'homme à la rose rouge, la facétie au visage.

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Elvý Njállsdóttir
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Ven 20 Nov 2020 - 1:04
Are you insane like me ?
25 octobre 1995

L'abîme pas, mon Elvý, l'avait prévenu Darnell en se fendant d'une accolade faussement menaçante. Quel putain de beau parleur. Comme si lui ne se gênait pas pour traîner la silhouette gracile de sa copine dans les bas-fond londoniens.
Mais non, Cébren ne l'abîmera pas. C'est elle qui risquerait de lui éventrer le myocarde avec ses pupilles céruléennes, le genre qu'un poète à la con assimilerait à deux billes d'enfant. C'est elle qui lui brûlerait les mirettes avec sa chevelure cendrée. Elle pourrait les attacher en dévoilant le tracé osseux de son visage ou les laisser libre pour qu'ils mettent en valeur sa mine de poupée. Peu importe.

La sorcière relève son défi. Son nouveau surnom le fait sourire. Elle est belle dans sa sobre insolence, baby girl. Qu'est-ce qu'elle fait là, oisillon nordique tombé des montagnes enneigées ?  Ce n'était pas comme si derrière le Druken Goat, ne roupillaient pas des moldus dans leur vomi.

Ses petons claquent au sol, elle louvoie autour du billard avec une allure de danseuse étoile. Sa boule verte va se loger dans le trou comme si elle avait voulu s'y cacher. Un léger sifflement admiratif s'échappe des lèvres de Cébren mais il n'est pas inquiet. Et le second coup de baby girl lui donne raison.

- Faudrait pas non plus que je prenne trop d’avance sur toi, ça gâcherait le suspens.

Sous couvert d'un prétexte frivole, la donne a une toute autre importance. Les deux sorciers sont joueurs, autant elle que lui. Et elle est adorable, baby girl, quand elle parle crânement. Alors le contrebandier rentre dans son jeu, dans ses paroles vantardes, dans son phrasé facétieux. Il sait, Cébren, que c'est un jeu qu'il finira par gagner. Il y est rôdé depuis son enfance à traîner là où il ne devait pas être. A observer les échanges galants jusqu'à ce que l'un des deux partis reconnaisse sa défaite.

Cébren quitte souplement son perchoir, cigarette coincée entre ses lèvres et verre posé à proximité. Il se saisit de sa queue de billard. Il est confiant, le contrebandier, pourquoi ne le serait-il pas ? Le jeune homme se met en position. La boule violette est sa cible. Sa respiration est calme et contrôlée, comme s'il devait lancer un sort sur une cible lointaine. Ses sourcils se froncent par dessus un œil à moitié fermé et l'autre ouvert. La queue frappe, la boule blanche roule sur le tapis verdâtre et cogne la sphère visée qui rebondit contre le bois vieilli du billard. A quelques centimètres du trou.

Le sorcier se redresse. Il a l'échec noble même si échouer n'est pas dans ses habitudes. Mais quand on a une gavroche en guise de toit et un long manteau troué comme murs, on prend vite le pli de ne pas tout contrôler. Cébren se retourne vers baby girl et ses doigts viennent se refermer autour de la paraison froide de son verre.

- T'y habitue pas trop, ma belle.

Il retire la cigarette qu'il avait au bec avant de boire une gorgée.

- Alors...on va pas passer la partie à se regarder dans le blanc des yeux...cause moi un peu de toi, baby girl. Comment t'en es arrivée à te foutre dans les pattes d'un type comme Monroe ?

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Cébren Gallagher
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Jeu 17 Déc 2020 - 11:21



Crazy Stupid Drug
☽ Elvý & Cébren ☾





Mercredi 25 octobre 1995

À côté des miettes carbonées qui tapissaient le fond du cendrier, une main délicate vint soulever un verre au liquide ambré. Elvý acclama l'échec du contrebandier d'une nouvelle gorgée.

- T'y habitue pas trop, ma belle.

Bien sûr qu'elle s'y habituait. Bien sûr qu'elle prenait goût à ce jeu où elle entretenait son avance depuis la première bille touchée. Où, de sa position de cliente, elle se détachait pour se révéler reine insoumise d'un terrain aux coins troués. Elle aimait avoir le menton haut et joueur devant ce "contact" habillé de la fierté noble des indomptés. Le jeu la galvanisait. Elle s'y plaisait. Il lui plaisait.

Red Rose Man lui laissa champ libre pour élargir son avance. La table était propre. Le dernier coup avait redessiné le jeu. Ses billes étaient bien positionnées. Près des trous. Peu d'obstacles. Elle pouvait faire un coup de maître.  

L'Islandaise choisit une cible. En se penchant, une de ses mèches brunes tomba sur son visage, chatouillant sa joue droite et barrant son œil droit. Elle le ferma, fixant le gauche sur les rails que devrait suivre la bille blanche pour faire rouler la marron dans le trou. D'un coup sec avec sa queue, son plan s’exécuta sans accrocs.

Trois à Un.

Son regard se releva pour narguer celui de son adversaire. Celui-ci, verre à la main, chercha peut-être à se redonner contenance – où à distraire la favorite de ce jeu – lorsqu'il déclara :

- Alors...on va pas passer la partie à se regarder dans le blanc des yeux...cause moi un peu de toi, baby girl. Comment t'en es arrivée à te foutre dans les pattes d'un type comme Monroe ?

Red Rose Man n'avait pas besoin de se redonner contenance, son assurance débordait même dans sa défaite latente. Cette question, c'était évidemment pour la distraire. Ou bien, peut-être s'intéressait-il vraiment à elle ?

Elvý répondit d'abord par un soupir rieur. L'ironie au visage, elle se positionna à un autre angle du billard.

- Comme à peu près tout ceux qui croisent le chemin d'un « type comme Monroe », souffla-t-elle, les yeux rivés sur la bille bleue.

Elle rentra un nouveau point. Se redressa. Récupéra son verre et le leva à hauteur de leurs regards.

- Par hasard, en soirée, il y a pas si longtemps que ça.

Cette gorgée-ci brûla sa gorge telle un carburant atteignant ses entrailles et donnant toute l'impulsion nécessaire à sa détermination pour réussir un troisième coup. Ses pas la ramenèrent au rebord du billard où, une nouvelle fois, elle s'assit à demi, faisant remonter le tissu de sa robe de quelques centimètres sur sa cuisse. Moins accessible, la bille orange qu'elle avait loupé au précédent tour se tentait tout de même. Ce serait le défi qui ponctuerait sa suite de réussites. Reine de trèfle dans un jeu qui aurait pu paraître truqué, elle tira pour la troisième fois d'affilée. Et marqua un cinquième point.

Orgueilleuse, elle tourna son visage vers Cébren.

- Mais ce talent-là, c'est pas en « traînant dans les pattes » de Darnell que je l'ai acquis. En fait, je crois même qu'il m'est inné, rigola-t-elle d'un orgueil feint.

Mais jusqu'où la chance la porterait-elle ? Car celle-ci faisait bien évidemment sa part dans ces réussites à répétition, bien que la précision de tir de la Scandinave était incontestable. À dire vrai, Elvý s'étonnait elle-même de son jeu. Elle ne se savait pas aussi douée au billard. Combien d'heure passées à y jouer dans son passé avaient été éclipsés de sa mémoire ?

Si le contrebandier émettait l'interrogation à haute voix, elle inventerait. Un chiffre, un nombre de soirées à boire et à jouer avec des amis d'une autre contrée. Un voyage, la rencontre d'amateurs de billards. Et qui sait, avec un peu de chance dirait-elle même la vérité ?

Mais pour rattraper les potentielles inventions faussées capables de s'échapper de ses lèvres, elle amena d'elle-même une phrase au point d'interrogation.

- Et toi alors, tu le connais depuis longtemps Darnell ? Il m'a très peu parlé de toi, au final.

Elle réfléchit un instant avant de se décider pour ce quatrième coup. Il lui restait deux billes : une bleue et une rouge. Ensuite, il y aurait la noire. Mais elle n'en était pas encore à là.

Elle choisit la bleue. D'un ricochet s'échappant à son contrôle, la bille tapa contre un rebord à plusieurs centimètres du trou pour rejoindre le centre de la table. Premier raté de cette belle série. S'était-elle déconcentrée ou la chance avait-elle tourné ? Peu importait, le coup de maître avait été atteint par son brelan de billes.

Les six billes pleines du Red Rose Man semblaient à présent bien seules sur le tapis vert face aux deux uniques rayés de Baby Girl.

- Gangi ykkur vel, fit l'Islandaise en allant récupérer sa cigarette dans le cendrier.

Elle se pencha ensuite à l'oreille du Gallagher et lui susurra, un sourire moqueur aux lèvres :

- Ça veut dire « Bonne chance ».

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Dim 14 Fév 2021 - 23:41
Are you insane like me ?
25 octobre 1995

Cébren éclata de rire. Un rire sans ambage. Un rire mis à nu par la nordique comme si le froid malicieux de son phrasé avait gelé à en brûler son cœur. Il était amusé de voir une nana lui foutre la raclée de sa vie, comme aurait dit Ernest. Les femmes. Elles avait été nombreuses à traverser son existence comme autant de points lumineux pianotant le firmament. Il y avait eu sa mère, étoile filante éphémère. Il y avait eu les prostituées, astres solides, remparts contre l'air glacial londonien. Il y avait eu Louise, une constellation à elle toute seule avec le monde qu'elle apportait avec elle. Est-ce que baby girl marquerait ses relations féminines de ses yeux en amande ?  

- Comme à peu près tout ceux qui croisent le chemin d'un « type comme Monroe » finit-elle par répondre.

Un nouveau point. Un nouveau coup à sa fierté. Un nouveau coup au cœur.

- Par hasard, en soirée, il y a pas si longtemps que ça.

Allez, baby girl. Tu en dis trop ou pas assez. Non, c'est que tu n'en dis pas assez. Comment je peux te connaître si tu éludes mes questions comme on balaye un insecte ? C'est quoi ton livre préféré ? Est-ce que tu mets le lait avant ou après les céréales ? Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Un boulot qui te permet de t'en mettre plein les narines, je suppose ? J'fais pas dans le bénévolat, baby girl. Même toi, tu devras payer.

La jeune femme se pencha de nouveau pour jouer. Le tissu de sa robe se carapata en hauteur, oh, de quelques centimètres à peine. Un frisson improbable fit dresser le duvet de la nuque de Cébren. Mais il conserva son air impassible. Il ne se posa pas de questions. Jamais. C'est comme ça qu'on devient ce qu'il est. Comme baby girl avec son talent pour le billard.

- Et toi alors, tu le connais depuis longtemps Darnell ? Il m'a très peu parlé de toi, au final.

Les doigts de Cébren caressèrent le bouton écorné de son veston. On était un dandy de grand chemin ou on ne l'était pas. Mi bourgeois, mi vagabond. Voilà ce qu'on pouvait dire de lui. Mais Darnell attendait peut-être que baby girl se fasse son propre avis ? La première fois qu'on parlait avec le contrebandier était une expérience unique. Ça valait le coup de la vivre soi-même. Darnell n'avait probablement pas voulu la lui retirer.

- C'est peut-être qu'il n'y a pas grand chose à dire de moi, sourit-il. Darnell est un vieil ami, le genre qu'on a pas intérêt à perdre de vue.

Nouveau coup pour la jeune femme. Raté, cette fois. Il fallait bien une pause à son ascension. Elle articula une phrase, probablement dans sa langue. Cébren n'était plus un inculte mais il aurait été incapable de l'assigner à un pays en particulier. Elle susurra la traduction à son oreille. Peut-être lui avait-elle jeté un sort. On ne savait jamais avec ces étrangères après tout. En tout cas, si Cébren réussit son prochain coup, il échoua le second. La main revint à baby birl. Les lancers se jouèrent comme une douce valse qui monta en intensité au fur et à mesure que le dénouement approchait.

Cébren se redressa. Baby girl l'avait emporté. Dommage. Sa langue s'était habituée à prononcer d'un ton suave le surnom.

- Eh bien, eh bien.

Il tira la dernière bouffée de sa cigarette qu'il écrasa dans le cendrier. Les effluves flottaient autour de lui, lui donnant vaguement l'air d'une apparition surnaturelle.

Il sourit. Sincèrement.

- Félicitations, Elvý

Le nom sonna étrangement à ses oreilles. Alors qu'il devait inviter au rapprochement, il sembla éloigner le contrebandier de la jeune femme. Les fêtes les plus grandes étaient les plus intimistes, tout comme les surnoms sacralisaient une relation.

Cébren attrapa sa gavroche du bout des doigts et l'enfonça sur sa tête. Il fit signe à Elvý de le suivre. Ils montèrent les escaliers jusqu'à une chambre. La porte grinça lorsqu'elle s'ouvrit et l'intérieur n'était guère plus reluisant. Un lit semblait être fait de draps en papier, une table bancale qu'on avait calée avec un livre et un lavabo. Le contrebandier se tourna vers sa cliente. Il sortit de sa poche un paquet. Oui, les femmes avaient une certaine place dans la vie de Cébren Gallagher mais Caroline était probablement la seule qu'il recontactait au lendemain d'une soirée.

- Je suppose que Monroe t'a briffée ? Que c'est pas ta première ? Au cas où, vas-y doucement, elle est bien dosée. Cinq minutes pour ressentir les effets. Ils vont durer environ vingt minutes, ça dépend de la quantité que tu prendras. Mais crois-moi, ces vingt minutes valent le coup.

Te flingue pas, Elvý.

 
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Mar 23 Fév 2021 - 15:28



Crazy Stupid Drug
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Mercredi 25 octobre 1995

Son aisance insoupçonnée sur la table de billard donnait de l’assurance à ses pas, à ses gestes et à son phrasé. L’orgueil devenait maître de ses provocations, là où son accent séducteur ponctuait ses questions. Elvý se ravissait de tous les avantages qu’elle s’octroyait à ce jeu pluriel.

- C'est peut-être qu'il n'y a pas grand chose à dire de moi, répondit le contrebandier d’un sourire énigmatique. Darnell est un vieil ami, le genre qu'on a pas intérêt à perdre de vue.

Elvý détourna son regard du billard pour entourer le visage de l’homme de ses pupilles. Elle pencha la tête sur le côté, les yeux plissés et un sourire en coin.

- Je suis pourtant convaincue qu’il y a nombre de choses à découvrir sur toi, Cébren Gallagher.

À commencer par l’origine de son nom. De quelle région du monde venait ce prénom unique dont la sonorité roulait d’une façon d’autant plus singulière sous la langue de l’Islandaise ? Sûrement pas de Londres. Où avait-il grandi ? La sobriété de ses gestes élégants pouvait-elle réellement cacher le passé délavé d’un garçon de rue ? Quels vices cachait le bouton de rose de son costume ? Le veston bien trop raffiné pour un contrebandier mais les godasses bien trop usées pour un type huppé, Cébren était ce mystère qui chatouillait la curiosité et réveillait des désirs secrets. Un mystère qu’Elvý savait apprécier, de ceux qui se savouraient et dont on ne devait pas s’impatienter : les couches s’effriteraient d’elles-mêmes au gré du vent.

La partie se continua sur un dialogue espacé et vaporeux, emprunt des effluves de tabac et d’alcool. Cébren tenta tant bien que mal de rattraper son retard mais l’issue prématurée du jeu le coupa dans son élan. La bille noire s’était échappée du tapis de jade sous la mine fière d’une sorcière scandinave.

- Eh bien, eh bien, sourit le perdant sur la note du fairplay. Félicitations, Elvý

Adieu baby girl et tout autre sobriquet : la victoire de l’Islandaise fut la poussière d’or qui recouvrit leur cercueil. Elvý sourit à la restitution de sa véritable dénomination : elle aimait son prénom, elle y tenait. Pour elle, les prénoms avaient ce quelque chose de sacré, de spécial, de singulier. Un prénom prononcé par un étranger, par un proche, par un ami, par un amour ou par une simple connaissance, avait toujours ce don subtil de sublimer une phrase. Comme une intention revêtue par des lettres, comme de l’attention portée par des syllabes. Un prénom, c’était un son familier qui disait : « tu n’es pas qu’un ectoplasme, tu es là, tu existes, je te vois ». Un prénom, c’était mélodieux. Un prénom, c’était précieux.

Et ce fut sur cette victoire aussi concrète que symbolique que s’enclencha le deuxième versant de leur rencontre. Mégots et verres vides furent abandonnés sur la table en bois alors que les pas des deux jeunes adultes se dirigèrent vers un escalier grinçant pour atteindre le parquet d’une chambre à l’étage. Les voilà qui passaient à présent aux choses sérieuses.

Alors que le dealer fouilla dans ses poches à la recherche d’un petit paquet transparent, Elvý laissa sa curiosité songeuse la guider jusqu’à la fenêtre. Un simple mur habillé des sanglots de la pluie lui fit face avec son toit pentu corné d’une gouttière cabossée. L’étroit espace entre les deux bâtiments gênait les rayons du soleil qui devaient lutter pour s’infiltrer dans la pièce. Et le ciel, quant à lui, n’apparaissait que dans un coin gris du paysage vitreux. La nyctophobie n’avait pas sa place en ces lieux à l’éclaircie dégarnie.

- Je suppose que Monroe t'a briffée ? l’interrogea le contrebandier. Que c'est pas ta première ? Au cas où, vas-y doucement, elle est bien dosée. Cinq minutes pour ressentir les effets. Ils vont durer environ vingt minutes, ça dépend de la quantité que tu prendras. Mais crois-moi, ces vingt minutes valent le coup.

Les hanches de la brune s’étaient échouées sur le lit et, les mains appuyées en arrière sur le matelas dur, elle observait le petit paquet entre les mains du Gallagher, la tête penchée sur le côté d’un air sceptique.

- Humm, vingt minutes seulement ? J’espère alors qu’elles en valent vraiment le coup… Sinon je devrais revenir pour me plaindre, Red Rose Man.

Sourire en coin, le narguant d’un surnom qu’elle se plaisait finalement à garder, là où le sien lui avait été prohibé. Elle se redressa ensuite pour fouiller dans les recoins de sa cape de sorcière.

- Et oui, ne t’en fais pas, j’ai déjà tapé. Je te dois combien ?

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Dim 11 Avr 2021 - 21:54
Are you insane like me ?
25 octobre 1995


Alors ça ressemblait à ça un jeu dépourvu d'intérêt personnels ? Lorsqu'on n'avait pas d'informations à soutirer, pas de proie à manipuler ? Lorsqu'on n'avait pas de Gallions d'or à déposer sur la table de chevet spectatrice d'ébats prohibés ?  

- Humm, vingt minutes seulement ? J’espère alors qu’elles en valent vraiment le coup… Sinon je devrais revenir pour me plaindre, Red Rose Man.

Un sourire en coin forma une improbable fossette sur la joue de Red Rose Man. Malgré sa constante instabilité, on pouvait faire confiance à Cébren Gallagher sur la qualité de ses marchandises.

- Et oui, ne t’en fais pas, j’ai déjà tapé. Je te dois combien ?

A peu près tout un tas d'informations que j'aimerais avoir sur toi, Elvý. Je serais capable de les obtenir autrement, par des moyens plus ou moins légaux, je dis pas, mais que je ne sois pas un type louche pour une fois. Est-ce que t'aimes lire, Elvý ? Écrire ? Je vends aussi de la mescaline, celle qui pourrait te donner l'inspiration divine comme l'ont eue des artistes avant toi. C'est un peu ce que tu m'évoques, baby girl. Une putain d'inspiration divine. Mais même si t'aimais ouvrir des bouquins, t'en trouverais pas dans ma piaule - rien que des contrefaçons et de l'argent sale - alors je crois pas qu'on ait grand chose à se dire.

- Cinq Gallions, répondit Cébren.

La main du contrebandier se referma sur les cinq pièces d'or légèrement bosselées que la jeune femme lui tendait. Il les empocha dans son manteau et sortit de son gousset sa montre qu'il consulta.

Tu veux venir avec moi, Elvý ? Je te montrerais que le Londres moldu n'est pas si laid malgré son Big Ben au sommet de cette tour que ces couillons ont nommé en l'honneur de leur reine - sérieusement je pensais pas qu'il existait sur cette terre un être avec plus d'ego que Voldemort. Je te montrerais tout ce qu'il y a à voir, même si t'es peut-être une Sang-Pur à l'authenticité certifiée. Ernest me ferait la peau mais t'apprendrais à l'aimer. Un con comme lui, c'est unique.

- Je te laisse. Amuse-toi bien.

Cébren ponctua sa phrase d'un clin d’œil. Le plancher vieilli craqua sous ses pieds lorsque son corps se mouva hors de la chambre. Dehors, le temps s'était calmé. Tout le contraire de ce qu'on pouvait attendre d'un mois d'octobre. A l'intérieur, c'était le chaos. Tout le contraire de ce qu'on pouvait attendre d'un contrebandier averti.
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Jeu 22 Avr 2021 - 14:50



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Mercredi 25 octobre 1995

- Cinq Gallions, annonça la Gallagher.

Peut-être aurait-elle dû réfléchir à négocier d'autres enjeux à leur partie de billard : la moitié du prix en cas de victoire, le double en cas de défaite. Ça lui aurait fait un beau rabais avec l'issue du jeu qui s'était finalement profilée. Mais ce n'était pas le genre d'Elvý, de jouer pour de l'argent. Pas qu'elle n'était pas assez joueuse, pas assez audacieuse pour ça – car de l'audace, elle en avait ! -, seulement, l'appât du gain ne faisait pas parti de ses horizons. L'argent ? Elle en gagnait assez pour mener modestement sa petite vie et il ne semblait exister en elle aucune once de cupidité ou d'ambition pour l'encourager à économiser ses maigres richesses. L'argent, elle le gagnait, puis le dépensait aussitôt. C'était le but, non ? L'argent, elle n'en avait jamais vraiment manqué. Mais, à force de dépenses illicites, peut-être finirait-elle par le connaître, ce manque. Et pas seulement, celui-ci.

La main gauche de l'Islandaise finit par trouver son porte-feuille dans une poche intérieure de sa cape. Elle fila les cinq pièces d'or au contrebandier, puis le rangea à nouveau.

Et lui, allait-il lui manquer ?

Je te laisse, déclara-t-il. Amuse-toi bien.

Un clin d’œil, puis il se détourna. Le bouton de rose rouge se déroba à la vue la Njállsdóttir.

- Au revoir, Cébren, souffla-t-elle.

«À bientôt », pensa-t-elle.

La silhouette de l'homme s'engouffra dans le couloir lugubre et son veston disparut dans un voile de mystères.

Où se rendait-il ?
Allait-il retrouver d'autres clients ? Continuer son business ?
Ou se prêter à un nouveau jeu ? Avec des amis ? Avec un amour ?

Elvý, elle, n'irait plus nul part aujourd'hui, si ce n'était pour retrouver son salon.
Bientôt, peut-être, arriverait-elle à l'appeler son chez-elle.

~

Un mois s'était écoulé, et elle n'y avait pas encore touché. Elle ne l'avait pas revu non plus.

Elle s'était un peu calmée sur les soirées, après Halloween : sa confrontation avec Johann l'avait refroidi. Elle avait eu peur qu'il en découvre davantage encore, qu'après le cannabis, il la surprenne avec des drogues plus sérieuses. Alors, elle s'était faite plus discrète, plus concentrée à l'animalerie et moins absente le soir. Elle avait pris soin de cacher toutes ses réserves. Jusqu'à consommation.

« Ce soir », se décida-t-elle finalement, un vendredi. Elle avait le week-end de libre, donc deux jours pour récupérer, selon la redescente qui l'attendait.

Ce soir, elle allait rejoindre Darnell et un groupe d'amis à Londres. Ce soir, elle taperait. Elle goûterait à cette poudre blanche, à cette substance prohibée, à ces molécules extatiques. À ces vingt minutes qui étaient censées en valoir le coup.

Et demain, peut-être qu'elle le reverrait, son Red Rose Man. Pour se plaindre ou pour en redemander ?

Il lui suffira de vingt minutes psychotropiques pour en décider.

FIN
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