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Madness and Drugs | Mercredi 29 novembre 1995 | Alex Brekke

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Dim 8 Nov 2020 - 11:43
Madness and Drugs
Alex Brekke
Je vous ai souvent parlé de mes parents, de John, de ma relation avec la mort ou encore de mes joies, de mes moments de folie, mais j'avoue qu'il y a certaines phases de mon existence que j'ai tu depuis le début.

Quand j'avais quinze ans, après l'événement d'Halloween, j'ai rencontré un garçon. Nathaniel Campbell. Un Serpentard. Sans mentir, je crois que c'est la pire relation que j'ai eu de toute ma vie. Non pas que nous étions vraiment proche, mais il avait su lire en moi pour trouver une faille. Il s'y était engouffré, sans la moindre compassion à mon égard.

Son but ? Je ne le sais pas vraiment. Je crois qu'au fond, lui-même n'en savait rien. Une fois, il me l'avait dit. Il ne faisait ça que pour s'amuser. La vie, pour lui, n'était qu'une vaste blague, un gigantesque jeu où rien n'était impossible.

J'ai d'ailleurs une phrase de lui qui me revient et qui m'a marqué plus que je ne l'aurais pensé. « Quand il n'y a pas le talent ou les compétences, il y a toujours la triche. » Ca résume bien sa psyché. Un vrai cobra.
Durant sa scolarité, tous ceux qui avaient connu Eileen, de près ou de loin, pouvaient l'affirmer : elle était entourée. Elle était populaire. Bien sûr, les personnes qui la connaissaient vraiment, et qui se trouvaient toujours à Poudlard, se comptaient sur les doigts d'une main.

Tabata, bien sûr, même si elle n'existait plus à ses yeux. Cette sœur, cette famille qu'elle avait cru retrouver dans le monde magique à une époque. Celle qui, d'une disparition, d'une fuite vers son pays d'origine, avait renié son existence. Celle qui, sans un mot, sans une lettre, s'en était allée pour ne plus jamais la recontacter, s'en faisant une ennemie par la colère, par une haine viscérale due à son incompréhension.

Elyana, sans le moindre doute. Son Amortentia, son renard. Celle qu'elle ne lâcherait plus, quoi qu'il advienne. Celle qui, par ses actions, par ses paroles, par ses reproches muets, mais tolérants, s'était dévoilée en une amie fidèle et féroce. Bref, sa meilleure amie, sans conteste.

Chaïm, Alistair et Roxane. Eux, c'était différent. Ils étaient reliés par un fil invisible, par le besoin d'être entièrement admis dans un groupe sans compromis. Ils savaient l'histoire des uns et des autres, savaient quelques secrets inavouables, mais ne se jugeaient pas.

Aria, évidemment. Son Aria. Son Secret. Sa Destinée. Celle pour qui, la jeune femme le savait, elle pourrait décrocher la lune et en faire l'unique perle d'un collier, d'une chaîne, pour la combler. Celle qui, drapée dans son indifférence, ne la regardait plus, ignorait chaque signe qu'elle souhaitait lui adresser. Son crève-cœur.

Oui, tous ceux qui avaient pu rencontrer l'Américaine pouvaient l'affirmer : elle était entourée. Elle était populaire. Elle était admirée. Pour autant, ils l'avaient tous remarqué. Sans la Française, et malgré le soutien inconditionnel de la Sleepy, la King paraissait perdue, désœuvrée. Proie facile pour les doutes, elle s'enfermait dans une remise en question aussi violente que muette.

Silencieuse, la jeune femme s'enfermait dans un mutisme presque insolent depuis des jours. Seul quelque rares élus avaient eu le droit d'entendre son timbre de voix. L'animagus, avec qui elle partageait ses doutes, ses peines, sans pour autant parvenir à combler le vide qu'avaient laissé Aria et Tabata. Sessho, Ariel, pour des raisons bien différentes ; l'un parce que la demoiselle avait l'impression de lui devoir des excuses et sa vie, l'autre suite à une rage sourde. Une inspectrice et le professeur McGonagall, durant les entretiens, car elle souhaitait vraiment offrir un maximum d'indices pour retrouver les coupables.

Le reste, les autres, n'y avaient pas eu droit le peu de fois où elle avait consenti à supporter leur présence. Une présence qu'elle jugeait néfaste, car leurs rires, leurs sourires, mais aussi leurs regards en coin et leurs mines déçus l'agaçaient au plus au point. Trop observatrice pour son propre bien parfois, elle avait remarqué le manège de certains de ses camarades. Là où elle ne souhaitait que s'enfermer dans sa tête et s'évader loin de tout, loin des autres, ils cherchaient à la garder près d'eux, à l'accompagner dans sa tristesse, à lui faire reprendre goût à la vie et l'émerveillement qu'elle adorait, initialement, offrir aux autres.

Seulement, elle n'en avait ni l'envie, ni la force. Aveuglée par l'amertume qui serpentait dans ses veines, la demoiselle préférait s'isoler. Pour autant, seule, elle ne l'était pas, mais une solitude affligeante étreignait son esprit pour brouiller ses sens et la réalité. Paradoxale venant de la personne qui se jouait de la perception d'autrui, la sienne se retrouvait incapable de remarquer l'évidence ; remarquer tous ceux qui souhaitaient la revoir rire, sourire, s'exclamer, s'amuser, danser et se jouer de la vie et du sérieux des autres.

Puis un lundi, lendemain même du jour où elle avait plongé dans le lac, croyant alors aider un potentiel futur noyé, il était apparu. Elle avait l'impression de l'avoir déjà rencontré sans parvenir à se souvenir précisément où elle l'avait vu. Un Serpentard, pour ceux qui l'avaient déjà cotoyé, qui paraissait amical et serein. Lui aussi était populaire. Il l'avait attendu devant la Grande Salle le matin, mais ne lui avait pas offert l'occasion d'y entrer. Il l'avait traîné de force, malgré ses faibles protestations, jusqu'à un couloir oublié de tous. Preuve évidente de sa faiblesse mentale, elle ne s'était que peu débattue, n'ayant pas la foie de se battre.

« Bonjour King, avait-il dit pour briser la glace, sans lui laisser le temps de reprendre contenance après l'avoir relâchée. Excuse cette entrée en matière quelque peu violente, mais je voulais être certain de pouvoir te voir sans que nous soyons dérangés. »

En chien de faïence, la vipère refoulée et le cobra s'étaient observés pendant de nombreuses secondes sans un mot prononcé de plus. Ainsi, ils avaient pris le temps de se juger mutuellement. Contre toute attente, c'était l'illusionniste qui avait brisé le silence. À bout de nerf, la jeune femme avait la baguette facile, mais elle s'était retenue de l’employer sur l'instant. Virer le garçon à grand coup de sort était tentant, mais la curiosité l'avait emporté de peu. D'autant que, intelligent, il s'était accoudé à la seule issue et gardait lui-même sa compagne à portée de main pour le moment.

« Déjà, qui t'es ?, avait grogné la Gryffondor, passive-agressive. Et ensuite, qu'est-ce que tu me veux ? Je te laisse trente secondes pour répondre avant de t'envoyer t'éclater contre un mur.
Charmant, vraiment, avait répliqué le rouquin – car s'en était un – avec un sourire taquin, mais je ne suis pas trop intéressé par ce genre de rela... »

Coupé dans son monologue, le Serpentard avait levé les yeux au ciel. Puis ses mains avaient suivi, l'homme les relevant vers les airs en signe de paix. Il n'avait pas l'air d'apprécier la vision du charme pointé sur son visage.

« Tout doux, je suis là en ami, s'était-il repris, se redressant face à la cinquième année. Nathaniel Campbell, sixième année de mon état, excellent joueur de Quidditch et accro à ton côté fantasque, pour me présenter. »

Puis, il lui avait tendu la main, espérant sans doute recevoir un signe de la part de son interlocutrice. Celle-ci, ne comprenant pas vraiment son manège, et ne souhaitant pas faire d'effort dans cette direction, s'était contentée d'un reniflement dédaigneux.

« Bonjour Nathaniel, avait alors repris le garçon sans la moindre honte. Je m'appelle Eileen King, cinquième année de Gryffondor et je suis ravie de rencontrer un de mes fans, vraiment... »

Le charme avait migré des yeux à son torse, avant d'être appuyé sur ce dernier.

« Tout le plaisir est pour m... », avait commencé le sang-mêlé.

Cependant, plutôt que terminer son petit jeu à ses risques et périls, il avait dévié de son imitation grotesque. Ses mains toujours en évidence, il avait commencé à reculer lentement, de façon à faire comprendre à la née-moldu qu'il allait, comme elle le souhaitait, la laisser repartir. Mais pas tout de suite.

« J'étais sérieux, avait-il offert alors devant le regard courroucé de sa prisonnière. Je t'observe depuis longtemps de loin et je trouve que ta joie de vivre manque à ce château depuis le début du mois. C'est pour ça que je suis là. »

L'idée même d'une nouvelle aide avait éveillé les pulsions parfois meurtrière de la jeune femme, mais elle n'avait pas eu le temps de prononcer une syllabe qu'elle se retrouvait démunie. En un mouvement, sa main migrant sur le poignet de la Louisianaise pour lui tordre, le jeune homme l'avait désarmé en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire duel.

« Et j'ai beaucoup appris en t'observant, comme tu peux le voir, avait-il soumis à la suite en jouant avec la baguette de sa camarade, en retrouvant son rictus en coin. Mais je ne suis pas là pour faire l'éloge de ce que tu fais, juste pour t'inviter à retrouver ta bonne humeur d'antan. Et, si tu te le demandes, oui : j'ai la solution. »

À l'image d'un serpent tendant le fruit défendu, il lui offrait une solution soi-disant miracle. Oublier ses problèmes. Oublier ses doutes. Ne plus penser. Avant de partir, l'écossais s'était penché à son oreille en lui glissant sa baguette et un sachet dans la main.

« Quand il n'y a pas le talent ou les compétences, il y a toujours la triche. Et cette réalité vaut pour tout, King, même notre humeur, même notre bonheur. »

La minute d'après, il avait fait volte-face et avait disparu dans le couloir, redevenant ce qu'il était pour le moment : une ombre parmi les ombres.

Trois jours plus tard, le mercredi soir, Eileen se trouvait en haut de la tour d'Astronomie. Le couvre-feu était passé depuis plusieurs heures, mais la rouge-et-or refusait de redescendre dans son dortoir. Elle était en colère. Elle avait la haine. Non pas contre les autres, comme c'était le cas depuis des jours, des semaines, mais contre elle-même.

La honte. Elle se méprisait pour ce qu'elle s’apprêtait à faire. Pourtant, l'idée lui paraissait trop tentante à présent. Une tentation si farouche qu'à chaque fois qu'elle avait voulu jeter le contenu de cette poche, elle avait hésité et s'était finalement rétractée à la dernière seconde. Durant les trois derniers jours, elle en avait senti le poids dans son uniforme, sur ses doigts enfoncés dans ses poches, sur sa peau qui caressait le plastique.

Ce soir-là, seul témoin de sa faiblesse, une lune gibbeuse, à semi-moqueuse, l'observait depuis l'au-delà de l'atmosphère. Dans la paume de sa main, ouverte sur le ciel, se trouvait l'une des pilules fournies par le Serpentard. Blanche, sans irrégularité, la demoiselle n'arrivait pas à faire taire ses questionnements à son sujet. Curiosité, déni, colère, tristesse, espoir. Tout se mélangeait en une boule informe, instable et explosive au creux de sa poitrine.

Le départ de Tabata, l'ignorance d'Aria, son incapacité à apprécier ce qu'il lui restait... Il ne s'agissait, au fond, que de petits détails supplémentaires dans sa situation actuelle. Ainsi, elle avait la sensation de respirer les flagrances de son égoïsme, de sa désillusion, alors même qu'elle se le répétait en boucle : elle n'avait pas à se plaindre, elle n'en avait pas le droit. Elle avait un toit, un salaire, des amis. Pourtant, beaucoup le savent, il suffit parfois d'une goutte d'eau pour faire déborder le vase. Et le barrage émotionnel de la brune se fissurait déjà, s'apprêtait à voler en un millier d'éclats aussi tranchants que des lames de rasoir.

Seule la pluie, habituellement, avait droit d'observer la jeune femme quand la nostalgie s'invitait, la forçait à se lamenter.

Ce soir-là, il n'y avait aucun nuage. Ce soir-là, il ne pleuvait pas. Ce soir-là, elle se laissa submerger malgré l'endroit et le temps. Elle pleura. Elle pleura et jura, allant jusqu'à maudire les cieux et les océans. Elle pleura et hurla jusqu'à s'en briser la voix. Un trop-plein à évacuer.

Jusqu'à ce qu'une anesthésie morale la berce jusqu'au sol. Là, allongée, elle observa sa main et cette drogue. Toujours présente pour la narguer. Comme le reste de la recette. Les feuilles. Le tabac. Le cannabis. Un cocktail explosif servi sur un plateau.

Il lui fallut de nombreux essais pour parvenir à réaliser un tube satisfaisant. Il ne lui fallut qu'une seconde pour l'allumer à l'aide du zippo qui ne la quittait jamais, présent d'un mentor lointain. Elle inspira la fumée et toussa à plusieurs reprises. Sa gorge lui brûlait et le goût était ignoble, mais s'il fallait passer par cette étape peu agréable pour se souvenir de son bien-être, elle allait faire l'effort. Le semblant de médicament, lui aussi, fut aspiré par son organisme. Il rejoint sa langue et, avec une lenteur agréable, se mit à fondre, à se mêler au peu de salive qui lui restait.

Les effets, évidence même car c'était la toute première fois, n'avaient pas tardé à venir. Et le tube, lui, se consumait lentement, chaque nouvelle inspiration envoyant valser ses idées. Les quelques lueurs et les ombres, autour d'elle, se firent doux songes ; la magnifique évasion d'une âme vers des contrées inconnues. L'inspiration lui vint sans forcer. Et, bien que factice, un sentiment de bien-être et d'euphorie la submergea. Cela l'amena à briser ses barrières avec une douceur qu'elle avait négligé.

C'était agréable de se sentir ainsi, si paisible. Un baume empoisonné sur ses plaies à vif qui fonctionna si bien que, malgré le bruit caractéristique des talons qui frappent le sol, la droguée ne parvint pas à s'en sentir concernée. Malgré la preuve évidente d'une approche par les escaliers menant à son perchoir, la brune resta immobile, étendue sur la pierre froide. D'une minute à l'autre, quelqu'un allait la découvrir, auréolé des vapeurs toxiques qu'elle recrachait encore. En pensée, quelques mots s'échappèrent de ses lèvres entrouvertes, se mêlant aux notes qu'elle fredonnait.

« Et alors ? »
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

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Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
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Dim 8 Nov 2020 - 14:41
Madness and drugs
feat Eileen M. King | Mercredi 29 novembre 1995
Ne rien dire. Ne rien faire. Ne rien laisser savoir.

Le château grouillait d’une effervescence mauvaise, malsaine. Sombre. Beaucoup trop sombre. Il ne fallait pas s’attendre à ce que la joie emplisse les murs après les récents événements. Ce n’était pas qu’une simple farce d’adolescent. C’était l’un des leurs qui avait été enlevé. Torturé. Pour une grande majorité les faits n’étaient qu’une rumeur avérée, mais des bruits de couleurs tout de même. Pour d’autres ils constituaient des images qui hanteraient leurs nuits et leurs journées pour une longue période. Les rumeurs allaient toujours tellement vite au château.

Les bruits courraient dans les couloirs. Se taisaient au passage du concerné. Alex avait vécu ça a une époque lointaine, lorsqu’elle partageait les même bancs qu’eux, arborait les mêmes couleurs qu’eux. Mais ce n’était plus le cas maintenant. Elle savait les rumeurs qui circulaient sur son passage. Elle se doutait qu’elles finiraient par arriver aux oreilles des étudiants. Oui elle passait beaucoup de temps à la Tête de Sanglier. Et alors ? Elle avait le droit de vivre sa vie bon sang ! Elle n’avait pas la tête à démentir, de toute manière. Qu’ils parlent si c’était ce qu’ils voulaient. Ce qui la faisait sourire c’est qu’aucun n’avait eu le cran de lui en parler. Où s’étaient donc cachés les adolescents fougueux qui lançaient des pieds de nez à la hiérarchie ? Avaient-ils disparus en même temps que son adolescence ?

Mais ce n’était pas là le sujet important. Ce n’était pas ça qu’il fallait cacher. Elle ne lisait jamais la presse. Elle n’aimait pas les grattes-papier qui pensaient tout savoir sans jamais avoir été sur les lieux. Ceux qui parlaient, qui blablataient, qui affublaient sans jamais chercher plus loin que leurs puissants. C’est Jayce qui lui avait mis entre les mains, lui avait intimé de la lire cette fois-ci. Elle ne savait pas pourquoi elle avait obéi bêtement. Pourquoi elle avait délibérément ouvert les pages de la Gazette du sorcier qui datait de plusieurs semaines déjà. Pourquoi elle avait laissé ses yeux courir sur les mots qui tournaient presque en dérision les événements. Comment pouvaient-ils oser ? Comment pouvait-ils seulement prétendre savoir ? Elle se rappelait son interrogatoire. La condescendance de l’inspecteur. Sa manière de douter de tout derrière sa moustache et son vieux carnet.

Rageusement elle avait jeté le journal sur une table de la bibliothèque, heurtant malencontreusement de sa main blessée l’étagère attenante. Elle étouffa un cri de douleur, le transformant en un grognement sourd. Il était hors de question qu’elle aille voir des médecins. Hors de question qu’elle fasse partie des fuyards dont parlait la presse.

Ne rien dire. Ne rien faire. Ne rien faire savoir.

Elle passa une main sur son visage, basculant sa tête en arrière un instant. Les bougies des immenses lustres au-dessus de son visage projetaient des ombres dansantes sur les rayonnages de livre. Des ombres angoissantes dignes d’Halloween. Mais Halloween n’était plus. Il fallait tourner la page. Oublier.

Mais comment oublier ? Comment oublier la silhouette qui avait rivé son regard sur elle dans un sourire mauvais. Comment oublier le bruit des briques qui éclate à côté d’elle. Comment oublier la douleur fulgurante, envahissante, transperçante. Celle des os qui se brisent. Celle qui vrille les tympans, qui fait exploser la moindre cellule pour l’irradier d’une brûlure insatiable.

Inconsciemment elle avait fermé les yeux. Derrière ses paupières se redessinaient les ombres et les images. Dans ses oreilles bourdonnaient les sons. Dans ses membres se répétaient inlassablement les sensations.. Lorsqu’elle les rouvrit sa main s’était mise à trembler.  Sa main qui avait doublé de volumes. Sa main dont les veines gonflées ressortaient comme des nervures sur le point éclaté. Sa main dont les extrémités refusaient de se mouvoir comme elle le voulait. Sa main qui semblait avoir quelques excroissances anormales.

Il fallait qu’elle sorte, qu’elle prenne l’air. Elle sentait les larmes monter aux coins de ses yeux, une boule se former dans sa gorge, un poids alourdir son estomac. Il fallait qu’elle bouge. Alors elle s’était levée, avait quitté la bibliothèque en silence sous le regard lourd de sens de Miss Pince. Elle ne lui avait rien dit, bien que les bleus sur ses bras et son silence en disait long. Elle appréciait sa supérieure mais elle ne se sentait pas en capacité de lui en parler. Pas maintenant. Jamais.

Machinalement elle avait arpenté les couloirs, se délectant du silence et de l’écho de ses pas sur les dalles froides. Des dalles semblant comme les pavés de Pré-au-Lard sous ses pieds. Elle avait accéléré. Tout lui rappelait ce jour. Elle étouffait.

Alors qu’elle gravissait les marches unes à unes – ou quatre à quatre, elle ne comptait pas, ne savait pas –, elle sentit bientôt une légère brise effleurer son visage. Elle y était presque. L’éclat de la lune baignait déjà les dernières marches de cette lueur si particulière. Elle ne s’attendait pas à ce que quelqu’un soit là. Encore moins une élève. Ses cheveux noirs étendus sur le sol donnait un aspect de noir et blanc à la scène. Comme une photographie, un instant que l’on avait voulu figer dans le papier glacé. Seuls le blason de lion et l’incandescence qu’elle portait du bout de ses doigts donnait un semblant de couleur, un semblant de vie à l’ensemble.

Eileen King. Elle ne la connaissait que de nom, avait entendu parler de ses frasques et facéties avec les jumeaux Weasley. Elle avait reconnu la culture moldue dans ces arlequins qui circulaient sous les robes des élèves. Elle qui semblait vivante et bien entourée cherchait la solitude et l’isolement. l’odeur qui chatouillait ses narines ne ressemblait à rien de ce qu’elle connaissait – et Merlin savait combien elle avait testé de choses, sans pour autant en être dépendante par chance. Alex était restée appuyée dans l’embrasure de l’escalier à écouter la jeune fille fredonner. Elle avait une belle voix, vraiment. Même dans les vapeurs qui l’entouraient elle parvenait à produire des notes justes – ou du moins semblaient-elles l’être à ses oreilles novices.

« Et alors ? » L’ex-Gryffondor avait souri dans la nuit. Elle se doutait bien que ces deux petits mots ne lui étaient pas destinés particulièrement, qu’ils avaient été simplement chuchotés à la nuit et à ce qui l’entourait en réponse à ses propres pensées. La blonde y voyait un moyen simple d’annoncer sa présence sans faire peur à qui que ce soit, sans donner l’impression de reprocher la présence de l’adolescente autre part que dans son dortoir après le couvre-feu. « Et alors ? C’est comme ça qu’on dit bonsoir chez les King ? »

Elle s’était alors approchée doucement avant de s’asseoir à côté d’elle, remontant ses genoux contre elle. Elle avait regardé la lune, les quelques nuages qui passaient, les ombres qu’ils propageaient tous les deux sur les pierres solides du château. Puis elle avait tourné le regard sur la Gryffondor. « Chez nous en général on dit salut, bonjour ou bonsoir pour le coup. » Elle parut réfléchir un instant avant qu’un sourire espiègle ne se dessinât sur ses lèvres. « Ou t’en veux ? Mais rarement et alors. C’est original. »
Alex Brekke
Membre
Alex Brekke

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The good one or the real one ?
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Mar 10 Nov 2020 - 16:40
Madness and Drugs
Alex Brekke
Un vrai cobra, comme je le disais plus tôt. D'un autre côté, je suis mauvaise langue. Je m'explique : je suis le genre de personne persuadée que tout dans la vie a un sens. Chaque action que nous entreprenons, chaque rencontre que nous faisons.

Aussi, j'en viens à me questionner. Aurais-je véritablement eu l'occasion de converser avec Alex Brekke dans d'autres circonstances ? C'était l'une des bibliothécaires à Poudlard, alors en dehors d'aller lui demander conseil sur un livre ou un autre, je ne vois pas trop ce qui aurait pu me pousser à vouloir m'entretenir avec elle.

Ma rencontre avec Nathaniel a eu des conséquences sur ma vie, bonnes comme mauvaises, le nier serait un mensonge. Et s'il est encore trop tôt pour vous dire si notre entrevue, à elle et moi, faisait partie de l'une ou de l'autre catégorie, je peux au moins affirmer que sans Campbell, ce ne serait pas arrivé.

Certains pourraient croire au destin, ou à une force supérieure. En soit ce n'est pas bête, et moi-même j'en suis partisane, mais pour ce contexte-là, j'imagine que ce n'était que l'enchaînement à attendre ; une suite logique.
Elle fredonnait. Elle fredonnait l'inspiration qui lui arrivait à une allure surnaturelle. Elle fredonnait sa peine, sa mélancolie, mais aussi sa joie et ses espoirs. Elle fredonnait sans se soucier des étoiles et de la lune, sans se soucier du reste du monde.

Allongée sur les pierres froides, le tube incandescent à son extrémité restait coincé entre son index et son pouce. Sa main dominante, la gauche, se mouvait au gré de ses envies. Le monochrome coloré, l'entourant, dansait autour d'elle et, mimant de la cigarette empoisonnée, elle se voyait maître d'orchestre maintenant le cap, le rythme à travers une baguette fantasmée.

Depuis combien de temps, d'année, n'avait-elle pas laissé sa voix s'évader de la sorte ? Malgré la brume qui entourait son âme et désinhibait la brune, la question s'installa au fond de son crâne, spectateur presque silencieux d'une voix sous-estimée.

Petite, Eileen était de ces personnes qui débordaient d'énergie et qu'il fallait parvenir à catalyser. La magie et la musique avaient été les armes de ses parents, les passions faisant flancher son absence de concentration. Puis, arrivée à un âge suffisamment avancé pour comprendre ce qu'elle entendait et racontait, elle avait offert ses chants, malgré un timbre encore fluet, à un père comblé de bonheur. Guitare, contrebasse, piano, l'instrument importait peu tant qu'il pouvait sublimer la voix de son enfant.

Après la mort de ses parents, Eileen avait arrêté de chanter. Du moins, jusqu'à revenir à Poudlard où, après de nombreuses recherches et des essais allant parfois jusqu'à lui offrir des séjours à l'infirmerie, elle avait trouvé l'enchantement parfait pour métamorphoser ses cordes vocales. La raison était simple : cet instrument naturel était associé à des souvenirs certes heureux, mais qui la ramenait vers un passé qui, malgré ses frasques, malgré sa bonne humeur explosive, restait douloureux pour la jeune femme. L'association d'idée qui s'était installée inconsciemment en elle l'avait alors amené vers une malheureuse réalité : elle détestait sa voix, et ce malgré sa beauté.

Ce soir-là, néanmoins, l'inconscient et l'inconscient de la jeune femme se mêlaient et se mélangeait, allant jusqu'à lui faire oublier sa décision d'antan. Et comme preuve que cette soirée, pouvant paraître si anodine pour nombres de sorciers, serait un tournant décisif pour la demoiselle, son murmure s'était éveillé, avait augmenté et s'était mû en une belle mélodie aux accents parfois tristes, parfois énergiques.

« Et alors ? »

Jusqu'au deux mots qu'elle formula après l'entente du grincement des escaliers. Jusqu'à comprendre que sa solitude n'allait être que temporaire. Ami ou ennemi, elle se foutait bien de savoir qui allait arriver d'une seconde à l'autre. Qu'ils la trouvent ainsi, pensait-elle avec un amusement étrange. Qu'ils la remarquent. Qu'ils voient les nuances de la populaire Eileen King.

Pour la toute première fois de sa vie, la Gryffondor ne ressentait, à cette idée, aucune appréhension. Comme si sa plus grande force sur l'instant résidait dans le fait de reconnaître sa faiblesse, de reconnaître ses failles.

Les deux mots pouvaient paraître anodins, mais pour la vipère refoulée, c'était l'assurance d'une ouverture. La première, véritable, depuis le début du mois. Non que ce fût naturellement qu'elle se faisait. Les substances qui coulaient à travers ses poumons et ses veines jouaient un rôle majeur dans cette évidence.

«
Et alors ? C’est comme ça qu’on dit bonsoir chez les King ? »

La personne qui venait de parler avait cette faculté fascinante et étrange, pour l'étudiante, à paraître ni masculine, ni féminine. Véritable androgyne, Eileen dût forcer sur son bras droit pour pouvoir arquer sa colonne vertébrale et pencher la tête vers l'arrière. Là, elle put observer la nouvelle venue et découvrir son identité.

Et si le stress aurait dû monter en voyant qu'il s'agissait, ni plus, ni moins, que d'un membre du personnel de l'école, il n'en fit rien. La King ne parvint simplement pas à s'en inquiéter. Le mouvement de la bibliothécaire y avait d'ailleurs sans doute aidé, quand cette dernière, loin de l'agresser, était venue s'installer à ses côtés sous le regard interloqué de son interlocutrice.

« Chez nous en général on dit salut, bonjour ou bonsoir pour le coup. »

Eileen resta parfaitement silencieuse, bien que son regard ne quitta pas l'arrivante. Elle avait cette étrange impression, encore diffuse, qu'elle pouvait parvenir à communiquer avec elle sans avoir à ouvrir la bouche. Cependant, pour cela, le premier objectif à atteindre était d'arriver à formuler une pensée cohérente, ce qui n'était pas gagné. L'esprit de l'Américaine avait filé à l'anglaise, avait fusé hors de son corps, de toute logique, pour se propager partout et nulle part à la fois. Seule constante, son regard restait fixe, bloqué sur un point invisible, qu'elle seule pouvait discerner, sur la joue de l'adulte. Un marqueur qui disparut quand elle tourna son visage pour, avec une certaine finesse, s'adresser une nouvelle fois à elle.

« Ou t’en veux ? Mais rarement
et alors. C’est original. »

En réaction aux mots dits, Eileen rapprocha le tube encore fumant et le coinça entre ses lèvres. Elle en aspira une nouvelle bouffée, avant de le tendre vers la blonde tout en recrachant un nuage de vapeurs toxiques au-dessus d'elle. Elle vit un certain lapin blanc apparaître à l'intérieur, avant qu'il ne disparaisse la seconde d'après. Il doit encore être en retard, pensa-t-elle en voyant la fumée se disperser, puis elle reporta son attention sur la Brekke.
 
«
Et alors ? », répliqua ensuite la concernée en lui rendant son œillade.

Ainsi, elle offrait à la sang-mêlé une vue plongeante sur ses pupilles. Dilatées à l'extrême, elles en ressortaient éclatées. Néanmoins, le regard de la Louisianaise, qui brillait d'intensité, pétillait d'une malice certaine, pouvait le faire oublier.

D'autant plus que ses paupières se fermèrent rapidement après sa réplique, car la demoiselle laissa un rire s'échapper. Si, au départ, il ne s'agissait manifestement que d'une exclamation suite à sa boutade, il devint rapidement incontrôlable. Comme sortie des tréfonds de son être, comme si tous les éclats qu'elle avait retenus souhaitaient s'échapper, la jeune femme fut prise d'un fou-rire irrépressible. Pendant de longues minutes, allant jusqu'à rouler au sol en se tenant le ventre, se pliant en deux, Eileen ne parvint pas à l'arrêter.

Il fallut attendre pour cela qu'elle soit prise d'une quinte de toux féroce, l'épuisant et la galvanisant à la fois. Après quoi, elle se laissa de nouveau sombrer sur le dos, laissant ses bras choir de part et d'autre de son corps comme un oiseau en plein vol. Là, elle reprit pleinement conscience de la présence d'Alex.

« Si je n'étais pas qui j'étais et que j'avais un semblant de conscience estudiantine, je dirais que c'est pas très pro' de pas me punir. »

Eileen détourna les yeux et plongea son regard dans celui de l'être céleste à demi-visible. La lune lui paraissait si belle. Si lointaine et si belle.
Comme Aria. Quelques secondes, elle se perdit dans sa rêverie, avant de la chasser difficilement, malgré l'image d'une violoniste encore présente dans son esprit.

« Maiiiiiiis, je suis qui je suis, donc je m'en fou. »

Si Eileen s'apprêta à s'arrêter-là pour offrir un semblant de temps de parole à la personne assise à ses côtés, elle l'oublia. Plus important à ses yeux, elle souhaitait établir un dialogue saint et équitable entre elle et sa nouvelle amie. Pour se faire, comme elle l'avait appris très jeune, il fallait démontrer une certaine politesse.

« D'ailleurs, et c'est pas bien d'être malpolie de la sorte, bonsoir madame ! »

Un ricanement léger s'esquiva et se laissa entendre. Et ainsi, paradoxe apparent, alors même qu'elle savait que son état n'était pas seulement dû à son bon vouloir, Eileen eut la sensation de regagner sa facétie habituelle ; elle avait l'impression de se retrouver enfin. Pour preuve, un sourire lui mangea les joues dès l'instant où ses mots franchirent sa bouche.
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Mar 10 Nov 2020 - 21:54
Madness and drugs
feat Eileen M. King | Mercredi 29 novembre 1995
La tour d’astronomie avait toujours revêtu un aspect particulier pour la bibliothécaire. L’immense paysage qui s’étalait sous son regard la laissait toujours autant rêveuse. Son aspect protégé du brouhaha du reste du château lui donnait la sensation d’être dans un cocon protégé de tout. Des professeurs, des camarades un peu lourd, des joies et des malheurs. Des sorciers un peu, en quelque sorte. De là-haut, moldus et sorciers étaient les mêmes. Plus rien d’autre ne subsistait que le souffle du vent, les reflets brillants du lac et l’étendu paisible du monde. Elle se sentait toujours bien quand elle y allait. Parce qu’elle pouvait rester seule avec elle-même. Seule avec ses espoirs et ses rêves. Seule avec ses secrets. Seule avec ses regrets. Rare étaient les membres du personnel à venir vérifier si des étudiants s’y réfugiaient. Alors que si de générations en générations tout un chacun un y avait trouvé calme et sérénité c’est qu’il y avait bien une raison.

Parfois elle s’était approché des rambardes. Avait regardé le vide, l’avait contemplé, s’imaginant être quelqu’un d’autre quelque. Un oiseau peut-être. Un dragon pour mieux. Un être qui pourrait sentir le souffle du vent, danser avec lui pour découvrir le monde autrement. Elle souriait avant de faire demi-tour. Bien souvent elle avait tenté de trouver le courage de vagabonder sur les rebords comme elle le faisait avec les maisons et le moindre aménagement de Londres. Mais les risques n’étaient pas les mêmes ici. Et flancher aurait fait tomber la réputation de l’école au même titre qu’elle. Elle ne pouvait se le permettre, au moins pour Dumbledore.

Alors elle comprenait qu’Eileen ait voulu venir s’y réfugier, peu importe ses raisons. Elle n’avait pas besoin de savoir. Elle avait ses propres raisons d’être là. En y pensant elle disposa ses bras différemment sur ses jambes pour cacher le tout à l’élève. Comme si dans cet état elle pouvait observer quoique ce soit. Sa propre bêtise lui tira un sourire alors qu’elle voyait la Gryffondor se redresser pour la regarder, nonchalamment appuyée sur son bras. Il y avait quelque chose dans sa posture, dans son sourire, qui lui rappelait sa jeunesse. Comme si rien ne pouvait vous arriver tant qu’on restait là hors du temps. Comme si de toute manière tout le reste n’était que fumée et pacotille. La blonde se laissa basculer légèrement sur le côté pour attraper le tube tendu.

Ses yeux habitués aperçurent tout de suite qu’il n’était que le résultat d’une néophyte. Elle aussi était à l’origine de rouleaux foireux, mais pas comme celui-là. Mais alors que ses doigts se posèrent sur lui ce ne fut pas ce qui la perturba dans l’instant. Ses yeux. Noirs. Profonds. Trop profonds. Alex s’était déjà perdue dans ce genre de regards. Mais même l’espièglerie qui y brillait en toile de fond ne pouvait masquer que l’immense noirceur de ses prunelles était tout sauf naturel. Il ne fallut pas longtemps à la bibliothécaire pour faire le lien entre les effluves étranges qui montaient à ses narines et l’effet qu’elle apercevait sur l’étudiante.

Toute sorte d’émotions se chamaillaient la place principale dans l’esprit de l’adulte. Du questionnement sur la provenance et la composition de la substance incandescente. De l’incrédulité devant le fou rire de la chanteuse. De l’inquiétude alors que le corps à ses côtés était pris d’une toux aussi intense que ravageuse. Elle ne pouvait rien faire à part la laisser reprendre son souffle petit à petit. Elle n’avait pas d’eau sous la main et se sentait complètement démuni. Lorsque enfin la Gryffondor laissa son corps calmé retomber, presque las sur le sol, la décision d’Alex était prise. Tant pis si elle râlait, tant pis si elle épuisait les derniers restant d’un stock, il était hors de question qu’elle la laisse reprendre la moindre bouffée de ce démon. Alors elle le laissa rouler sur les dalles entre ses jambes avant qu’il ne finisse étouffé sous sa chaussure.

Le froid eut l’air d’avoir un effet positif sur la jeune fille. Sa respiration était plus calme, son regard toujours aussi embrumé mais l’ensemble semblait plus cohérent. Quoiqu’il arrive la blonde mènerait sa petite enquête pour découvrir qui vendait ce genre de choses. « Si je n'étais pas qui j'étais et que j'avais un semblant de conscience estudiantine, je dirais que c'est pas très pro' de pas me punir. Maiiiiiiis, je suis qui je suis, donc je m'en fou. D'ailleurs, et c'est pas bien d'être malpolie de la sorte, bonsoir madame ! » Devant la demi insolence d’Eileen elle se surprit à se hausser un sourcil et pouffer de rire. Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle avait retenu sa respiration et que chacun de ses muscles étaient raidis, près à chercher de l’aide si jamais les choses dérapaient. Elle se détendit alors, laissant vagabonder son regard sur le corps à côté d’elle, sans arrière pensée aucune.

« Tu vois quand tu veux qu’un bonsoir classique fonctionne. » Après ce qui venait de se passer, la Londonienne ressentait le besoin de plaisanter, de la taquiner, la bousculer un peu. Elle n’avait pas envie de conserver la frontière entre personnel et élève qu’elle s’acharnait à conserver tant bien que mal lorsqu’elle œuvrait à la bibliothèque ou qu’elle parcourait les dédales de couloirs et d’escaliers. Quand on lui demandait d’être bibliothécaire plus qu’elle même. Elle n’aurait pas su expliquer le pourquoi du comment, mais elle sentait que ce soir on ne lui demandait pas d’être l’adulte responsable. Elle n’aurait pas su déterminer non plus ce qu’elle devait être, ni comment se comporter. Alors le plus simple dans l’immédiat était de simplement se laisser aller.

« Si je n’étais qui j’étais et que j’avais un semblant de conscience professionnelle, je dirai qu’en dehors de la bibliothèque j’ai rien à te reprocher c’est pas mon domaine d’autorité. » Il est vrai qu’elle aurait pu, en tant que personnel responsable au sein de cette école, sévir et sanctionner l’étudiante en plus de confisquer toute substance en sa possession. Mais qui était-elle pour la juger et la condamner alors qu’elle était la première à s’accorder quelques cocktails chimiques pour détendre chaque cellule nerveuse de son anatomie. Et clairement ce soir elle en aurait bien besoin, ne serait-ce que pour calmer la douleur tambourinante de sa main. « Soyons honnête, t’as envie que je te punisse ? Parce que clairement, pro’ ou pas c’est la dernière chose que j’ai envie de faire ce soir. » Elle s’allongea à ses côtés, passant quant à elle un bras sous sa tête en oreiller et posant son bras abîmé sur son ventre. La position l’élançait un peu, mais de toute manière rien n’était confortable ces derniers temps.

Elle sentait le sourire de la plus jeune plus qu’elle ne le voyait. C’était beaucoup plus agréable de la savoir comme ça que parcourue de sombres effets. La lune les baignait toutes les deux d’une lueur particulière, mystérieuse. Intime. Elle faisait paraître les cheveux d’Alex plus blanc que blond et ses yeux plus gris que glace. Seul le sweat bordeaux qu’elle portait lui donnait un peu de couleur. Réfléchissant toujours, elle pencha sa tête vers son épaule, son crâne toujours au sol faisait crisser étrangement ses cheveux à ses oreilles. « J’ai commencé ce genre de truc à ton âge. Pour combattre mes vieux démons. » Peu étaient ceux à qui elle en avait parlé. Peu faisait toujours partie de son entourage d’ailleurs. « Franchement, te laisse pas embarquer là-dedans. Ça dure jamais longtemps mais ça le reste beaucoup trop. »
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Ven 20 Nov 2020 - 18:15
Madness and Drugs
Alex Brekke
Souvent, je me questionnais à cet âge. Est-ce que je faisais les bons choix ? Est-ce que mes objectifs étaient réalistes ? Avec le recul, j'en viens à penser que ce n'est pas fondamental. L'horizon vers lequel nous nous dirigeons importe, c'est un fait, mais je pense que la destination est bien plus dérisoire que le chemin que nous empruntons.

Je tombais. Je tombais encore et encore. Mais s'il y a bien une chose que rien ni personne ne pourra jamais m'enlever, c'est bien qu'à chaque fois, je finissais toujours par me relever. Et croyez-moi, des erreurs j'en ai faites, mais je peux affirmer que c'est ça qui m'a fait grandir, ça qui m'a forgé.

Tombe, tombe et relève-toi. Trébuche, fracasse-toi au sol, mais ne t'arrête pas. La force du mouvement est plus décisive que le résultat. C'était et c'est toujours ma façon de penser. Et il est clair qu'à l'époque, ça faisait déjà trop longtemps que j'étais en suspens. Il fallait me sortir de cette torpeur.
La chanteuse improvisée avait remarqué le manège de la bibliothécaire, mais elle n'avait pas eu la force d'en prendre ombrage. D'un côté, une partie de son esprit lui soufflait encore et toujours que c'était une mauvaise idée. D'un autre, elle se sentait trop bien sur l'instant pour en vouloir à quiconque. Même pour la Française qu'elle détestait ces derniers temps, prouvant ainsi la force de son état actuel, elle aurait pu trouver des circonstances atténuantes. Alors voir sa toxine s'échouer au sol pour finir écraser par le talon de l'adulte ne lui fit ni chaud, ni froid.

Pour preuves évidentes : les plaisanteries qui suivirent, après qu'elle se soit laissée choir à même le sol. Son insolence retrouvée, qui durant le dernier mois, s'était évadée vers des contrées que l'illusionniste ne connaissait pas. Sans doute était-ce ces petits détails, ces petits défauts, qui la faisait se sentir entière à nouveau. Pour combien de temps, elle ne pouvait le deviner, mais l'important résidait dans sa capacité à profiter du moment présent. Et si Eileen possédait une qualité, c'était bien celle-ci : sa capacité à s'émerveiller de tout et de n'importe quoi, n'importe quand. Il suffisait juste parfois d'une petite aide extérieure.

Par ailleurs, si son émotion devait se faire au mépris du mental de la blonde, si celle-ci devait finir furieuse pour qu'elle y parvienne, la demoiselle l'acceptait. Même un nombre astronomique de retenues ne la dérangerait pas ; elle s'en accommoderait. Pour autant, la conversation ne tournait pas dans cette direction et la Gryffondor n'avait pas idée de s'en plaindre. C'était donc avec une étrange connexion, offrant l'illusion à la King de pouvoir être comprise sans offrir le moindre son, qu'elle accueillit les mots de son interlocutrice.

« Tu vois quand tu veux qu’un bonsoir classique fonctionne. »

À la seconde où la phrase se fit entendre, la brune tourna un regard à mi-chemin entre le choc et l'amusement vers la plus vieille. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi, ni même à définir si ce qu'elle pressentait était réaliste ou non, mais elle se retrouvait persuadée qu'elle pouvait lui faire saisir l'intégralité de ses pensées par des regards, des gestes et des contacts. La dernière option, toutefois, lui paraissait un peu préméditée et, de facto, elle n'osa pas s'y essayer. Elle se contenta à la place d'offrir sa grimace la plus ridicule, tout en étant persuadé du bien fondé de son geste.

Cette grimace, au fond, tout comme la drogue qui coulait à travers ses veines, pouvait révéler un détail important. Malgré tout ce que sa cadette faisait, ce qu'elle entreprenait, ses relations et ses actions, Alex pouvait peut-être lire une explication dans son comportement. Au plus profond de son esprit, enfoncé par son vécu, par son refus du deuil, la jeune femme possédait un désir secret. Bien gardé, elle ne souhaitait pas le laisser sortir, ne voulait pas qu'il soit remarqué.

Ce n'était qu'un délire, un caprice, une fantaisie, mais cela prouvait d'autant plus qu'elle n'avait pas eu le temps de l'apprécier, de l'accepter. Eileen, parfois, cachée par le manteau de la nuit, demandait à vivre un retour en arrière. Elle voulait retrouver les sensations qu'elle avait pu sentir, ressentir, savourer quand elle avait été une enfant. Mais comme une note envoyée à elle-même trop tard, elle comprenait l'impossibilité de son vœux fait à la nuit, fait à la lune.

« Si je n’étais qui j’étais et que j’avais un semblant de conscience professionnelle, je dirai qu’en dehors de la bibliothèque j’ai rien à te reprocher c’est pas mon domaine d’autorité. »

Impossible, ce n'était pourtant pas un terme que la lionne acceptait facilement. Qu'il faille ruser, foncer, courir ou voler, elle n'était jamais la dernière à accepter de nouvelles options, toujours prête à essayer les expériences que les autres osaient lui proposer. La raison était simple : si elle ne pouvait pas retrouver ce qu'elle avait perdu, elle avait tout de même saisi qu'elle avait encore tant à découvrir, tant à trouver, à dénicher, à récolter.

Un détail, une envie de mordre la vie à pleine dent qui s'était dissipé ces derniers jours. Pour faire un doigt d'honneur à son destin, à son malheur, à ses crises, à l'alcool dans lequel elle se noyait dans la solitude de sa chambre, elle courrait. Normalement. Toujours en mouvement, elle ne s'arrêtait jamais. Elle avait toujours une nouvelle idée, une nouvelle pensée, une nouvelle action à tenter.

Mais pas depuis cet instant. Pas depuis ce moment où sa peau s'était lacérée par le touché brutal d'un sol inégal. Lui donnant la sensation de couler dans du béton, d'être enchaînée, le corps beaucoup trop lourd pour accepter le moindre mouvement, l'Américaine se réfugiait derrière le givre de son mépris, derrière l'incandescence de sa rage.

Ce soir-là, les deux s'étaient dissipés. Le gel s'était fait eau salée ruisselant sur ses joues. La brûlure s'était métamorphosé en un baume sur ses plaies. Dans la profondeur de l'obscurité, où seule l'astre de la nuit offrait un semblant d'éclaircie, un paradoxal mélange de joie et de mélancolie étreignait la brune. Elle avait ainsi envie de rire et s'esclaffer. Elle avait envie de mettre des mots sur ses maux et chanter.  

« Soyons honnête, t’as envie que je te punisse ? Parce que clairement, pro’ ou pas c’est la dernière chose que j’ai envie de faire ce soir. »

Pour seule réplique, la magicienne secoua la tête. Punir n'était pas le bon terme. Sanctionner non plus. Eileen ne demandait ni l'un, ni l'autre. Sa seule véritable envie, et la présence de l'adulte y était pour beaucoup, était d'être maternée. Que quelqu'un la prenne dans ses bras et lui souffle que tout irait mieux. Que ce n'était qu'un mauvais moment à passer. Que la lumière finirait par revenir et qu'elle ne devait pas se laisser aller ainsi. Toutes ces phrases, elle les connaissait déjà par-cœur. Elle en abreuvait quotidiennement ses camarades quand elle se faisait soleil des autres, mais parfois, elle-même en avait besoin.

Cela pouvait paraître comme un non-sens, car si sa lubie de redevenir une enfant restait présente, bien que camouflée, Eileen était en réalité bien plus mature qu'elle n'y paraissait. La faute à ses expériences. Seulement, à trop être le pilier de certain, le sien finissait parfois par se fissurer.

« J’ai commencé ce genre de truc à ton âge. Pour combattre mes vieux démons. »

Brekke parvenait-elle à lire dans ses pensées, dans son sourire, dans son regard voilé qui ne percevait plus la réalité ? Pouvait-elle se fondre dans son esprit à la recherche de ses besoins, de ses envies éclipsées ? Rien ne l'indiquait, et pourtant ses paroles pouvaient le laisser présager.

Elles surprirent la plus jeune, car elles faisaient écho à la raison qui l'avait poussée à consommer le poison. Parce qu'en une seule phrase, elle pointait du doigt la compréhension de son geste plutôt qu'un jugement hâtif et détestable. Parce qu'elle parvenait, sans pour autant la connaître vraiment, à se mettre à sa place, dans sa peau. Plus que d'être choyée ou pouponnée, l'adolescente avait en réalité besoin d'un tel échange. Entre l'envie et la nécessité, il y a souvent des différences.

Bien plus alerte qu'elle ne l'avait été jusque-là, bien plus à l'écoute aussi, Eileen se laissa rouler sur le côté pour offrir son trois-quarts à la lune. Son bras gauche se replia en appui-tête inconfortable, mais elle n'eut cure du désagrément.

« Franchement, te laisse pas embarquer là-dedans, reprit la bibliothécaire. Ça dure jamais longtemps mais ça le reste beaucoup trop. »

Si la dernière phrase laissa perplexe la demoiselle durant les secondes qui suivirent, l'amenant à offrir une expression sceptique à l'employée, un éclair de génie eut l'air de la traverser quand elle saisit le sens de la phrase. Son air pouvait presque faire voir l'ampoule qui s'était, mentalement, allumée au-dessus de son crâne. Puis la lumière disparut de son regard, remplacée par la brume.

La jeune femme sentait qu'elle pouvait être comprise et aiguillée. Elle ne savait pas encore si elle pouvait faire pleinement confiance en l'arrivante, mais elle voulait y croire. Elle en soupçonnait le caractère indispensable pour son futur, pour le chemin qu'elle arpenterait par la suite. Ce fut cela qui la décida à mettre des mots, des images, sur ce qu'elle ressentait, bien que d'une manière bien différente à ses habitudes assez brutes.

« J'ai observé le ciel et la terre. J'ai vogué sur les étoiles et les mers. J'ai flâné sur la lune et des chimères. J'ai goûté à la douceur des plumes et à la fureur du tonnerre. »

C'était étrange de s'écouter parler de la sorte. Elle avait l'impression d'entendre quelqu'un d'autre qui murmurait à sa place. Comme si une voix mystérieuse venait lui souffler les mots qu'elle se contentait de répéter. Des mots qui lui venaient avec un naturel déroutant.

« Tu sais ce que j'en retire ?, reprit-elle vers la plus vieille, sans s'importuner d'un vouvoiement pourtant acquis. Rien ne m'est interdit, parce que je sais me laisser porter par mes songes, par mes délires, par l'utopie de mes rêveries. »

Elle était une illusionniste. Elle était une musicienne. Elle était l'héritage de deux êtres qu'elle ne pouvait que juger exceptionnelles. Elle n'avait pas le droit de faiblir. Pas en public. Pas devant les autres. Alors, elle se le demandait vraiment : pourquoi ? Pourquoi n'y arrivait-elle plus ? Pourquoi ne parvenait-elle plus à se reconnaître quand elle se regardait dans le miroir ?

« C'est ce que je t'aurais dit il y a de ça quelques mois, souffla-t-elle si bas qu'Alex allait devoir tendre l'oreille pour l'entendre ; comme si la rouge-et-or avait peur de ses propres phrasés. Mais ces derniers temps, j'ai juste eu l'impression de me noyer dans un océan de néant. »

Plus rien. Plus rien ne lui venait naturellement depuis quelques semaines. Et au fond, c'était parce qu'elle voulait récupérer ses facultés, sa créativité, qu'elle en était venue à aspirer les stupéfiants ; parce qu'elle désirait se retrouver.
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Dim 22 Nov 2020 - 21:33
Madness and drugs
feat Eileen M. King | Mercredi 29 novembre 1995
Il y avait quelque chose d’apaisant dans les instants qu’elles partageaient. Quelque chose d’étrange et de pourtant si intense qu’il laissa un sentiment puissant au creux de l’estomac. Depuis combien d’années n’avait-elle pas reconnu qu’elle était tombé bas à cause des effluves qui embrumaient les esprits pour réchauffer les entrailles ? Elle avait du en parler quelques fois, très certainement dans des vapeurs d’éthanol l’auréolant de chaleur réconfortante. Elle n’aurait pas su définir clairement ce qui déliait sa langue ce soir, ni pourquoi elle se permettait tant de familiarité avec une étudiante. Peut-être parce qu’elle décelait en son insolence sa propre arrogance. Parce que derrière ses pupilles dilatées à l’extrême elle pouvait lire les démons qu’elles partageaient. Ombres étranges et différentes mais pourtant si liantes.

Ce soir Alex avait le cœur à la parole et à l’apaisement. Ce soir elle tenterait de tendre sa main comme elle aurait aimé qu’on la lui tende à son âge. Elles avaient tellement de choses en commun. Tellement de choses que la blonde ne pouvait en avoir conscience. L’adulte responsable en elle lui criait de remettre les points sur les i, de ne pas se laisser aller à des élucubrations farfelues et de simplement la renvoyer dans son dortoir avec une sanction. Mais ce soir elle n’était pas responsable. Ce soir elle était l’adolescente d’il y a dix ans. l’adolescente brisée qui demandait de l’aide. Mais ce soir c’était Eileen qui avait besoin d’être écoutée.

La demi-roulade de l’élève lui fit tourner la tête, détailler les courbes de son visage et la forme de son sourire qui lui montrait la compréhension soudaine. Avait-elle réellement saisi ce qu’au fond elle voulait lui transmettre ? Seraient-elles capables d’échanger à demi-mots, à travers des regards qui en diraient plus longs que n’importe quel sort de l’univers ? Peut-être. Du moins elle avait envie d’y croire.

« J'ai observé le ciel et la terre. J'ai vogué sur les étoiles et les mers. J'ai flâné sur la lune et des chimères. J'ai goûté à la douceur des plumes et à la fureur du tonnerre. »

Il y avait quelque chose de beaux dans ces quelques mots. Des images qui lui parlaient, qui la guidaient vers les méandres de l’esprit de la brune et du sien. Il y avait quelque chose de poétique. Elle qui avait passé de si nombreuses heures à parcourir des vers, à écouter rebondir en elle les pieds et les rimes, à se laisser bercer par les alexandrins et leurs compères, ne savait de quel poète elle les tirait. Alors, devina-t-elle qu’ils provenaient tout simplement du fond de son âme et qu’à défaut d’être directe – ce qui n’était pas le mot d’ordre de cet instant – la Gryffondor lui offrait des images et des sensations pour comprendre ce qui la traversait.

« Tu sais ce que j'en retire ? Rien ne m'est interdit, parce que je sais me laisser porter par mes songes, par mes délires, par l'utopie de mes rêveries. »

Le tutoiement de l’élève ne l’effleura pas. Elle s’en contrefichait des manières et de la bienséance. Alex n’avait pas l’impression d’être en face d’une élève, de devoir franchir le fossé de la dizaine d’années qui les séparaient. D’une certaine manière elle se revoyait en elle, fraîche et insouciante, à imaginer que le monde lui tendait les bras et qu’un seul mot de sa part rendrait tout possible.

« C'est ce que je t'aurais dit il y a de ça quelques mois. Mais ces derniers temps, j'ai juste eu l'impression de me noyer dans un océan de néant. »

Mais ces rêves avaient pris fins lorsqu’on les lui avait volé. Lorsque alors qu’elle se sentait plus puissante que jamais on avait jugé bon de lui prendre tout ce qu’elle possédait. Son courage, son ambition. Sa jeunesse, en quelque sorte. La bibliothécaire n’avait pas vraiment écouté ce qui s’était passé pour les élèves ce soir-là. Elle en avait entendu des bruits, bien évidemment. Mais elle ne savait rien de ce qui était arrivé concrètement à l’étudiante qui lui offrait ses profonds démons.

Elle ne lui demandera pas ce qu’il s’est passé pour elle. Parce que ce genre de confidences ne se demandent pas. Elles se gagnent, se méritent. Se délivrent dès lors que le trop plein se fait et qu’alors quelqu’un a les épaules assez larges ou les mains suffisamment ouvertes pour les recevoir.

Alex se tourna alors vers elle, imitant sa position. Elles étaient proches, ainsi, suffisamment pour que les moindres confessions chuchotées lui parviennent. Ce n’était pas pour cela qu’elle avait entrepris ce geste. C’était juste pour que la jeune fille puisse lire en ses prunelles tout ce qu’elle avait à lui dire, tout ce qu’elle avait à lui offrir si jamais elles prenaient le temps de les découvrir. Car ce chemin elles le feraient ensemble, si elle le voulait.

« On va pas se le cacher je vais pas être aussi poète que toi, j’suis plus que nulle là-d’dans. » Mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, associer des sons à des images profondes étaient trop compliqué pour la blonde. « Je peux pas non plus te dire qu’il existe des solutions miracles à tous tes problèmes. Qu’un simple coup de baguette ou de pied au cul peut tout arranger. » On avait tenté si souvent de la secouer, de lui tirer les vers du nez, de la faire changer. Mais comment vouloir revenir dans la lumière quand tout ce qui nous entoure n’est que brouhaha et ombres angoissantes ?

Le regard de la blonde se baissa sur les dalles froides sur lesquelles elles reposaient, ses doigts glissant dessus sans vraiment d’objectif. « On a tous des manières différentes d’échapper au monde. » Un rictus léger déforma ses lèvres, les étirant en une sorte de sourire nostalgique. « A ton âge je traînais avec mes potes moldus. On se posait dans un square et à la nuit tombée on faisait les cons. J’avais l’impression que rien ne pouvait m’atteindre. » Elle avait souvent enfreint le règlement, s’éclipsant des sorciers pour retrouver ceux qui l’ont fait grandir. « On courait sur les toits. On se faisait des courses de dingue, à en réveiller parfois les voisins avant de se faire courser par des policiers pas très marrants. C’était l’adrénaline qui me guidait. »

Lentement elle releva les yeux sur la brune alors que ses entrailles se serraient. « Y a forcément un jour où ça suffit plus. Parce qu’on t’a pris tout ce que t’avais. Parce qu’à force de faire genre que tout va bien et que t’es inatteignable on finit par le croire soi-même. On se sent faible, moins que rien, vide. » Elle plongea son regard dans le sien, laissant à la brune le loisir d’y voir ce qu’elle voudrait y lire. « T’as complètement raison, rien t’est interdit. T’as le droit de te laisser aller à tes rêves, peu importe comment tu t’y prends. »

Elle fit une pause, penchant la tête légèrement sur son épaule. « Y a qu’un seul truc que t’as pas le droit de faire : c’est de laisser des substances de merde te bouffer les pensées. C’est cool sur l’instant, puis te sens encore plus merdique et plus seule que la veille et c’est pire. »

Avec le recul elle reconnaissait les ombres bienveillantes qui avaient veillées sur elle alors qu’elle sombrait peu à peu. Qui l’avaient laissé s’enfoncer parce qu’elle n’acceptait aucune aide mais qui avait su patienter jusqu’au jour où elle avait accepté de remonter à la surface. Un instant sa main au sol se souleva avant qu’elle ne la repose. Elle n’était pas forcément du genre tactile, mais l’envie de poser quelques secondes sa paume sur l’épaule ou la joue de l’adolescente l’avait prise. Elle y avait cependant renoncé, ne sachant comment son geste pourrait être pris. « Mais t’es pas seule. Même si tout te le prouve autour de toi t’es pas seule. Partout, quelque part, y a forcément quelqu’un qui peut te comprendre. »

Alors qu’elle prenait conscience de la profondeur de la situation Alex se permit de rire un peu. « Oulah, on dirait une vieille moralisatrice avec ses sermons à deux balles. Si jamais je ressors un truc de merde comme ça, t’as l’autorisation de m’en coller une. Pas trop fort je reste ta supérieure quoiqu’il arrive, mais on se comprend. » La gravité ce n’était pas son truc, il fallait toujours qu’elle retombe sur un peu de légèreté pour ne pas trop se laisser tomber. « Dis-moi, miss je-sors-des-trucs-poétiques-de-je-ne-sais-où, pourquoi t’essaierai pas de faire un truc genre… un slam ou une chanson, pour sortir un peu c’que t’as ? T’as l’air d’être douée pour trouver des mots et puis t’as une voix pas dégueu. »
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Lun 23 Nov 2020 - 16:15
Madness and Drugs
Alex Brekke
Je crois finalement qu'on a tous sombré un jour ou l'autre, pour une raison qui ne regarde que nous. Tu l'as subi, sans doute, tout comme mes parents aussi, dans leur jeunesse, bien avant leur mort. Comme John, qui a craqué bien des fois. Comme moi, avant ce jour, pendant ce jour, bien des fois après.

Je ne serais même pas surprise que Dumbledore lui-même ait eu ses moments de doutes, de faiblesses ou qu'il ait vrillé pour une raison ou pour une autre. Pourquoi est-ce que ça nous arrive, j'en sais trop rien. C'est un peu comme la solitude. C'est loin d'être vraiment compréhensible.

Après tout, c'est vrai, non ? Pourquoi est-ce que j'ai pu me sentir extrêmement seule, au point de faire du mal à certains de mes camarades, alors que j'étais entourée ? Je ne sais pas. J'avais la sensation de les remarquer sans les voir.

Comme si une croix barrait les visages des autres et que je ne pouvais pas discerner leurs traits. Le seul remède c'est leur patience et le temps. C'est de trouver une personne qui sort du lot et qui parvient à nous démontrer que, quoi qu'on croit, bien des gens nous ressemblent.
La vérité, c'est qu'Eileen n'avait pas tout dit, ou plutôt qu'elle l'avait enrobé d'une poésie sortit tout droit de son imaginaire. Elle avait eu la sensation d'entendre les mots sortir de nulle part, comme pour la guider, mais dans le fond comme dans la forme, elle avait la sensation de mentir. Le néant n'avait pas été le seul à se faire une place dans son esprit. Il y avait eu autre chose ; une chose qui la terrifiait.

Il y avait eu un démon, un monstre qui avait pris possession de son corps, de son âme, et qui l'avait perverti. Ou l'était-elle depuis déjà des années ? Avait-elle seulement refusé de voir l'évidence ? Maintenant que c'était fait, elle se retrouvait incapable de se regarder. Elle se retrouvait paralysé par l'horreur dès que ses pupilles se dirigeaient, par mégarde, vers un objet qui la reflétait. Comment pouvait-elle l'avouer à l'adulte ? À cette femme qui avait l'air de la comprendre, de l'accepter sans la jauger ? Le pouvait-elle seulement ? Y parviendrait-elle, elle qui, sans même en prendre garde, se retrouvait effrayé par le jugement, autant du sien que de celui des autres ?

Par le passé, les rumeurs qui circulaient la concernant ne l'atteignaient pas. Jamais. Aujourd'hui, rien que l'idée de pouvoir être dépréciée à cause des on-dit, d'accusations fondées ou non, la terrifiait. Le néant avait été présent, mais quelques jours plus tôt, c'était les ombres et l'envie de faire souffrir qui avaient pris le dessus. Cette simple réalité avait profondément modifié sa perception d'elle-même.

Ainsi, vicieuse, elle s'était certes montrée imaginative, créative dans sa façon de se comporter et dans les mots choisis, mais à quel prix ? C'était la joie, la bonne humeur, l'émerveillement des foules qu'elle désirait ; ce n'était pas de briser, de détruire ses camarades, ses confrères et consœurs. Précisément ce qu'elle s'était apprêtée à faire avec une joie morbide ; ce qu'elle avait désiré au plus profond de son être par pure haine de tout ce qui l'entourait à cet instant.

Ils ne l'avaient pas mérité.

Elle n'avait aucun droit de s'en prendre à eux.

Alors, à sa manière, la jeune femme avait trouvé l'alternative de se sanctionner elle-même. Pour se retrouver, parce qu'elle désirait redevenir celle qu'elle était, c'était de beaux mots pour camoufler l'inconscience de son geste ; pour, d'une pirouette, cacher à sa propre perception la réalité l'ayant poussé à une telle décision. Campbell l'avait-il saisi, pour l'approcher de la sorte ? Peut-être.

La drogue était un bon moyen de se museler. Eileen n'en avait jamais pris par le passé, mais elle en connaissait les ravages pour avoir traîné avec John dans les rues quand elle n'était qu'une gamine. Elle avait eu tout le loisir de les remarquer, ces personnes qui, ayant pour seul toit le ciel et la nuit, se détruisait lentement par leur consommation excessive.

La seule différence entre elle et eux, ce soir-là, c'était la présence d'Alex. La blonde n'avait pas l'intention de la laisser sombrer. Comme une main tendue qui voulait l'empêcher de sauter. Comme un bras immergé qui la tirait de force vers la surface. Par une compréhension que la brune ne comprenait qu'à moitié, elle parvenait à lui faire sortir la tête de l'eau. Un peu. Pour l'instant. Peut-être pour longtemps. Elle ne le savait pas, mais la connexion qu'elle ressentait avec la bibliothécaire avait ce petit quelque chose d'unique qu'elle n'avait plus ressenti depuis des années.

Comme une chaleur brûlante au creux de son estomac. Comme l'envie de rire de sa vie, du sérieux, de l'envie. Comme si, au travers le désert gelé du regard de l'adulte, elle y voyait un brasier. C'était étrange, paradoxale, mais particulièrement reposant. Et Eileen, loin de vouloir s'en débarrasser, eut envie de s'enfermer dans ses yeux quand son interlocutrice se tourna vers elle. Elle aurait voulu s'emprisonner dans le brillant, compatissant, de ses pupilles aux mille éclats.

« On va pas se le cacher je vais pas être aussi poète que toi, j’suis plus que nulle là-d’dans. »

Il y avait une forme de confession dans la voix de la plus âgée. Quelque chose de profond dans la douce connivence qui naissait entre elles. Dans leurs postures complices. Dans leurs échanges d'expressions silencieuses. Dans leur communion retenue, secrète.

« Je peux pas non plus te dire qu’il existe des solutions miracles à tous tes problèmes. Qu’un simple coup de baguette ou de pied au cul peut tout arranger. »

La jeune femme le savait. Elle le savait depuis des années. Depuis que la voiture avait percuté le camion pour terminer sa course à s'écraser contre un arbre. Depuis que ses parents hurlaient à la mort après un mutisme assourdissant. Depuis qu'ils avaient voulu s'assurer que leur fille était saine et sauve. Puis depuis qu'ils avaient rendus leurs derniers souffles en simultané. Sa vie, à cet instant, avait changé du tout au tout.

Eileen eut envie de le lui dire, de lui avouer que parfois, elle leur en voulait de l'avoir abandonnée. Seule les larmes lui vint et pudique, elle voulut détourner les yeux. Elle ne le fit pas. Elle ne voulait pas briser la bulle qui s'était formée entre elle et cette figure presque mystique qui, elle le pressentait, pouvait la guider pour arriver à surmonter ses troubles, sa colère, sa haine, sa tristesse. Sa désillusion. Ce monde qui, sous prétexte de lui offrir un grand pouvoir, lui avait tout pris pour compenser.

Parfois, elle haïssait le fait d'être une sorcière.

« On a tous des manières différentes d’échapper au monde. »

D'échapper à la misère, à sa misère. Un temps, l'illusionnisme et la musique l'avaient aidée, mais elle ne parvenait plus à y percevoir son exutoire. Maintenant, elle voulait oublier. S'endormir et ne plus jamais avoir à se réveiller. Parfois, ce serait plus facile ainsi. Pourtant, tout son corps le lui refusait. Le repos, c'était accordé aux autres. L'insomnie s'était faite grande amie, amour à sens unique, rendant la jeune femme incapable de fermer les yeux plus de quelques heures par nuit ; quand elle parvenait à sombrer dans des songes. Ou plutôt des cauchemars.

« À ton âge je traînais avec mes potes moldus. On se posait dans un square et à la nuit tombée on faisait les cons. J’avais l’impression que rien ne pouvait m’atteindre. On courait sur les toits. On se faisait des courses de dingue, à en réveiller parfois les voisins avant de se faire courser par des policiers pas très marrants. C’était l’adrénaline qui me guidait. »

Dans ces mots, la née-moldu se reconnut. Du moins, elle reconnut la petite fille pleine de rage qu'elle avait été ; qu'au fond d'elle, elle était toujours. Gamine de sept ans envoyée dans un autre pays que le sien pour rejoindre sa seule famille. Une famille qui la haïssait d'être encore en vie. Gamine de sept ans qui s'était échappée de l'enfer qu'était devenue son quotidien, entre brimades et coups, pour se retrouver tel un chat sur les toits de la ville, du monde, en compagnie d'adolescents bien plus âgés qu'elle. Pendant quelques années, elle avait été un membre à part entière de leur bande, malgré les années qui les séparaient.

Et puis le professeur McGonagall était arrivée et l'avait amené jusqu'au Chaudron Baveur où elle devait travailler pour garder sa chambre. Bien sûr, sa charge était bien moindre que celle des autres employés, mais elle restait une enfant qui devait bosser pour avoir le droit de manger. Une enfant qui avait perdu sa famille une seconde fois, qui avait perdu son grand-frère, son mentor. John lui manquait. Comme ses parents. La seule différence, c'était que l'abandon n'était pas venu du même côté.

« Y a forcément un jour où ça suffit plus. Parce qu’on t’a pris tout ce que t’avais. Parce qu’à force de faire genre que tout va bien et que t’es inatteignable on finit par le croire soi-même. On se sent faible, moins que rien, vide. T’as complètement raison, rien t’est interdit. T’as le droit de te laisser aller à tes rêves, peu importe comment tu t’y prends. »

Il y avait quelque chose de magnifique dans la sincérité de la blonde. Quelque chose de sublime dans les mots qu'elle lui livrait avec une nostalgie violente. Quelque chose d'éblouissant dans la tristesse puissante qu'Eileen lut sur son faciès, miroir de son propre reflet abimé, de ses poings écorchés.

« Y a qu’un seul truc que t’as pas le droit de faire : c’est de laisser des substances de merde te bouffer les pensées. C’est cool sur l’instant, puis te sens encore plus merdique et plus seule que la veille et c’est pire. »

Une esquisse abattue s'invita sur le visage de l'Américaine. Au fond, elle se demanda si ce n'était pas ce qu'elle recherchait. Pour devenir une loque. Pour ne plus être en capacité de faire souffrir autrui. Pour autant, une petite voix dans sa tête lui souffla qu'elle avait raison, que ce n'était pas la solution. Qu'en face d'elle, par son geste, par son mouvement, par le chemin qu'elle venait d'emprunter, elle venait peut-être de la dénicher. Et que, tant qu'elle n'était pas certaine de se tromper, elle devait s'y accrocher comme à une bouée de sauvetage avant d'être envoyée par le fond, d'être aspirée par ses démons.

« Mais t’es pas seule. Même si tout te le prouve autour de toi, t’es pas seule. Partout, quelque part, y a forcément quelqu’un qui peut te comprendre. »

Sans doute ne s'en rendait-elle pas compte, mais pour la King, la Brekke se dévoilait sous le visage qu'elle-même décrivait. Son âme meurtrie, pour la cinquième année, lui assurait la faculté d'être admise et tolérée. La peur restait présente, mais la jeune femme, toujours bloqué sur les pupilles de sa vis-à-vis, essayait de se donner le courage d'avouer. De tout lui avouer. Parce qu'elle voulait croire qu'elle pouvait saisir. Qu'elle pouvait l'aider.

« Oulah, on dirait une vieille moralisatrice avec ses sermons à deux balles. Si jamais je ressors un truc de merde comme ça, t’as l’autorisation de m’en coller une. Pas trop fort je reste ta supérieure quoiqu’il arrive, mais on se comprend. Dis-moi, miss je-sors-des-trucs-poétiques-de-je-ne-sais-où, pourquoi t’essaierai pas de faire un truc genre… un slam ou une chanson, pour sortir un peu c’que t’as ? T’as l’air d’être douée pour trouver des mots et puis t’as une voix pas dégueu. »

Eileen n'avait nullement l'envie de la frapper. Elle avait envie de l'enserrer dans une étreinte puissance pour ne plus jamais la relâcher, pour pouvoir se laisser sombrer dans ses larmes, dans le sel de son esprit. Elle ne s'y osa pas.

À la place, elle rompit le contact pourtant salvateur qui l'avait poussé à se montrer particulièrement attentive. L'idée d'écrire un slam ou tout simplement des paroles lui plaisaient, mais elle doutait y parvenir dans son état. Elle se jura de le faire plus tard. Pour elle. Pour personne d'autre. D'écrire, pour crier ses angoisses, pour hurler son mal-être.

Pour l'heure, elle aurait aimé rejoindre John et courir sur les toits. Elle aurait aimé revoir les sourires et entendre les rires de Gaby, de Lucas, d'Élise. De tous ces adolescents qui l'avaient accepté enfant et qui l'avait traitée comme l'une des leurs sans se soucier de son âge. Elle aurait aimé fouler les toits de Londres et voler au-dessus des cieux. Elle aurait aimé ressentir l'adrénaline d'un envol au creux de son estomac.

Elle n'y avait plus droit, pas depuis qu'elle avait découvert sa condition de sorcière. Par opposition, elle avait le droit de se confier, de l'avouer, de mettre des mots sur ses maux. Alex l'y encourageait, non ? Elle s'excusait de ne pas lui offrir la légèreté qu'elle avait voulu instaurer avec ces derniers dires, mais la née-moldu ne se sentait plus âme à plaisanter. Elle voulait des bras autour de son cou et des mots au creux de son oreille. Elle voulait qu'on lui souffle que ça finirait par passer, que le temps était le meilleur des remèdes.

Elle n'était peut-être pas seule, mais parce qu'elle ne l'avait jamais avoué à quiconque, c'était tout comme. Et avec une détermination soudaine, la jeune femme décida qu'il était grand temps que ça cesse. Elle inspira comme elle n'avait jamais respiré jusque-là, son regard accroché à la seule ancre lumineuse dans les cieux.

« Je viens de la Nouvelle-Orléans, commença-t-elle son long récit ; elle savait déjà qu'elle allait monopoliser la parole pendant de nombreuses minutes. Mais ça, tous ceux que je connais le savent déjà. »

Pourquoi se sentait-elle suffisamment en confiance avec Alex pour lui avouer ce qu'elle n'avait jamais révélé à personne ? Parce qu'elle ressentait toujours la connexion, la bulle qui les coupait du temps, de l'espace, du reste de l'humanité ? Elle n'en avait aucune idée. Et pour être tout à fait franche envers elle-même, elle s'en contrefichait comme de son premier chaudron.

« Ce que je dis jamais, c'est que je suis une née-moldu. Mes parents étaient des petites célébrités où on vivait. Tout le monde les connaissait. On pouvait pas faire un pas dans la rue sans se faire arrêter par les passants pour qu'ils signent des autographes ou que les gens prennent des photos d'eux. »

Un sourire nostalgique dévora le faciès de la demoiselle. Qu'il devait être laid ce sourire. Elle sentit, pour la seconde fois, ses yeux s'embuer de larmes contenues. Trop pudique pour pleurer complètement devant quelqu'un.

« Petite, je vivais une vie de rêve. Une putain de vie de rêve. J'avais des parents aimants qui m'ont enseignés tout ce qu'ils savaient et des voisins géniaux qui avaient des enfants de mon âge avec qui je passais mon temps à inventer des jeux à la con. Nina, c'était ma meilleure amie quand j'étais petite. Je me demande ce qu'elle est devenue. »

Nina, ça avait sa voisine directe et la fille d'un autre musicien avec qui son père jouait souvent. Nina, elle avait grandi avec elle et avait toujours été dans la même classe jusqu'à l'accident. Nina, c'était la première qui avait voulu lui envoyer une lettre quand elle avait découvert sa nouvelle adresse en Angleterre. Une lettre qu'Eileen n'avait pas pu lire, parce que sa tante l'avait brûlée dès qu'elle l'avait reçue. Et comme Nina avait déménagé, tous les courriers que la brune avait voulu lui adresser par la suite étaient toujours revenus sans jamais avoir été ouverts. Avec le temps, la King avait abandonné l'idée de la retrouver.

« J'avais sept ans, reprit-elle, avant d'être interrompu par un sanglot qu'elle refoula. On était en voiture. Mon père en était si fier de sa caisse, c'était drôle... On roulait tranquillement. Mes parents étaient invités, je ne sais plus trop où, sauf qu'on n’est jamais arrivé. »

Eileen souffla et prit le temps de se relever complètement. Comme une âme en peine, elle se dirigea jusqu'à la barrière sur laquelle elle s'accouda, ses yeux ne lâchant pas l'astre qui se faisait toujours seul témoin silencieux de leur conversation. Elle sentait en elle un grondement remonter, mais elle tenta de le faire taire.

« Un camion nous a percuté. Je serais bien incapable de comprendre le pourquoi du comment. Tout ce que je peux te dire, c'est que pendant quelques secondes, le temps a eu l'air de s'arrêter pour moi. Je me rappelle des secousses. Du bruit du métal qui se tord. Des respirations saccadés. Du bruit du second impact... »

Tout son corps fut pris d'un frisson. Le souvenir, qui ressortait des tréfonds de sa mémoire, était horrible. Et ce fut avec le courage d'une lionne en rage qu'elle décida de l'affronter en face. Elle serra les dents. Ses mains agrippèrent la rambarde.

« Dix minutes après l'accident, mes parents étaient morts, écrasés comme de vulgaires insectes et moi... Ses dents grincèrent quand elle les serra. Moi, j'avais aucune putain d'égratignures ! »

La rouge-et-or eut envie de le beugler. Pourtant, son ton s'était fait très bas, bien qu'Alex pût facilement l'entendre dans l'absence de bruit offert par la nuit.

« Avec le temps, j'ai compris que c'était mon premier déclenchement de magie. Ça arrive à tous les sorciers, avec une émotion forte ou une connerie du même genre, non ? »

Avec une rapidité fulgurante, perdant petit à petit le contrôle, l'orpheline se retourna. Elle vrilla son regard, empli d'une haine féroce envers elle-même, envers la magie, envers le monde, dans celui de son interlocutrice.

« Pourquoi ?, aboya-t-elle. Pourquoi moi et pas eux ?! Pourquoi ma putain de magie m'a protégé et les a laissé crevé ?! Je la déteste ! Je me déteste ! »

Le déluge d'émotions qui venait de se faire dans son corps était bien trop violent. Sans parvenir à se retenir, elle s'effondra à genoux et frappa le sol de ses poings serrés à s'en faire blanchir les jointures. Puis, elle se recroquevilla sur elle-même. Elle avait envie de hurler, elle avait envie de frapper, elle avait envie de pleurer. Seul mouvement en réponse, ses lèvres et de ses cordes vocales s'activèrent de concert. Après un râle, elle prononça, dans un murmure, une dernière interrogation.

« Pourquoi ? Pourquoi ils m'ont abandonné ? »

Eileen avait bien d'autres blessures à confesser, mais n'étant plus en état de les formuler, elles allaient attendre. Attendre encore quelques minutes, quelques heures, quelques mois ou des années. Comment pouvait-elle le savoir, alors même qu'elle peinait maintenant à discerner le présent du passé ?
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Eileen M. King
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Eileen M. King

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• lilie
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Lun 7 Déc 2020 - 17:03
Madness and drugs
feat Eileen M. King | Mercredi 29 novembre 1995
Pourquoi ? C’est la question qui lui taraudait l’esprit alors qu’elle laissait tomber ses tripes sur la pierre froide, qu’elle laissait s’échapper les tisons qui brûlaient son âme depuis des années. Pourquoi elle se livrait à une adolescente ? Pourquoi elle prenait la peine de lui sous-entendre ce qui avait traversé sa vie ? Elle n’avait pas de réponse et peut-être n’y en avait-il tout simplement pas. En fallait-il une ? Tout ce qui ce dirait ici y resterait. Elle le savait. Le sentait. L’imposerait s’il le fallait.

Les larmes de l’étudiante ne lui avait pas échappé. Toute son attitude alors qu’elle monologuait sur son passé non plus. Elle ne savait pas encore à quel point ce qu’elle pouvait lui dire faisait écho à ses fêlures. Elle ne la connaissait pas, Eileen. Elle était là depuis trop récemment et bien que comme tout personnel et enseignant elle aimait écouter les potins étudiants à échanger autour de quelques biscuits, elle ne prenait pas la peine de converser sur les détails personnels. Elle n’aurait pas aimé qu’on discute de son passé, des détails de sa vie qui créaient l’ombre derrière son regard. Il était hors de question qu’elle le fasse avec Eileen.

Elle n’attendait même pas vraiment qu’elle se confie à elle. La bibliothécaire savait pertinemment combien c’était difficile de s’ouvrir à d’autres. Parfois plus encore à des amis. Mais elles n’étaient pas amies, et avant ce soir là elles n’étaient que des inconnues qui se croisaient dans les couloirs parfois et dont seul le nom était alors porté à leur connaissance. Peut-être que c’était pour ça que c’était plus simple ce soir. Parce que les brumes qui enveloppaient la jeune Gryffondor lui feraient certainement oublier cette conversation, où la rendrait plus éparse, moins nette. Elle n’avaient que la lune pour témoin, ce soir.

Un silence les avait enveloppés, rendant cet échange déjà volatile et hors du temps. La blonde n’attendait pas spécialement de réponse, elle voyait bien dans les attitudes de son interlocutrice que ses mots se frayaient un chemin en elle, bien qu’elle ne puisse déterminer quel était celui qu’ils empruntaient.

« Je viens de la Nouvelle-Orléans. Mais ça, tous ceux que je connais le savent déjà. »

Quelque chose avait l’air de s’être débloqué en elle. Elle ne savait pas d’où elle venait, elle ne la connaissait pas. Elle ne savait rien d’elle. Mais ce n’était pas le moment de lui faire remarquer, de la stopper dans l’élan qu’elle commençait à se donner. Alors elle se tut, se redressant pour s’asseoir et entourer ses genoux de ses bras. C’était à Alex d’écouter, maintenant.

« Ce que je dis jamais, c'est que je suis une née-moldu. Mes parents étaient des petites célébrités où on vivait. Tout le monde les connaissait. On pouvait pas faire un pas dans la rue sans se faire arrêter par les passants pour qu'ils signent des autographes ou que les gens prennent des photos d'eux. Petite, je vivais une vie de rêve. Une putain de vie de rêve. J'avais des parents aimants qui m'ont enseignés tout ce qu'ils savaient et des voisins géniaux qui avaient des enfants de mon âge avec qui je passais mon temps à inventer des jeux à la con.  »

Elle n’était pas née-moldue, mais elle avait grandi parmi eux. Elle avait appris leurs jeux, leurs rêves et leurs espoirs. Avait développé les siens en écho aux leurs. Elle pouvait seulement comprendre combien cette révélation pouvait s’avérer dangereuse en ces temps troublés. Instinctivement le regard de l’adulte se porta sur l’escalier, s’assurant que personne ne venait troubler leur échanges et entendre leurs confessions.

« Nina, c'était ma meilleure amie quand j'étais petite. Je me demande ce qu'elle est devenue. »

Jusqu’ici leurs vécus se faisaient écho, dans des directions différentes et à la fois similaires. Elle avait grandi avec Wenceslas, son meilleur ami. Son presque frère. Un instant elle se perdit dans l’admiration de ses doigts. Que devenait-il, à présent ? Elle chassa la pensée fugace, ne souhaitant pas y réfléchir trop. Une boule dans sa gorge avait été la seule réponse à sa tentative d’oublier et de passer à autre chose.

« J'avais sept ans. On était en voiture. Mon père en était si fier de sa caisse, c'était drôle... On roulait tranquillement. Mes parents étaient invités, je ne sais plus trop où, sauf qu'on n’est jamais arrivé. »

La blonde posa son regard sur elle, sans un mot. Quelque part elle sentait que le fond du problème était proche, les pauses et le souffle de la jeune fille le lui montrait. Ses yeux suivirent chacun de ses mouvements, de sa manière de se redresser, digne et calme d’apparence, à la façon dont ses bras se posèrent sur la rambarde froide alors qu’elle fixait la lune. Vis à vis de sa propre position assise elle la voyait de trois quarts et la lueur de l’astre palissait sa peau déjà bien peu colorée.

« Un camion nous a percuté. Je serais bien incapable de comprendre le pourquoi du comment. Tout ce que je peux te dire, c'est que pendant quelques secondes, le temps a eu l'air de s'arrêter pour moi. Je me rappelle des secousses. Du bruit du métal qui se tord. Des respirations saccadés. Du bruit du second impact… Dix minutes après l'accident, mes parents étaient morts, écrasés comme de vulgaires insectes et moi… Moi, j'avais aucune putain d'égratignures ! »

La rage et la douleur qui émanaient d’elle se faisait ressentir plus que de raison. Elle comprenait cette injustice. Elle comprenait cette sensation d’abandon et d’impuissance. Elle se revoyait enfant, à courir les rues à la recherche de son père sans aucune réponse à ses pourquoi. Pourquoi il était parti ? Pourquoi il avait toujours haï le fait d’avoir une fille ? Est-ce pour ça qu’il l’avait laissé, parce qu’il avait honte d’avoir fait une fille ? Elle avait toujours fait tout ce qu’il lui avait demandé, s’était comporté comme le fils qu’il voulait. Elle avait tout enduré sans rien dire. Alors pourquoi ? Encore aujourd’hui elle n’avait aucune réponse, et le père Roaldson ne lui en avait jamais donné. En voulait-elle encore seulement ?

« Avec le temps, j'ai compris que c'était mon premier déclenchement de magie. Ça arrive à tous les sorciers, avec une émotion forte ou une connerie du même genre, non ? »

Alex ne se souvenait pas réellement de ses premiers instants de magie. Étaient-ils liés à la perte de son père ? Roaldson les avaient-ils vus, lui qui n’ignoraient rien de l’univers des sorciers ? Elle n’avait pas de souvenir de ces moments. Seuls les rires et le partage avec ses amis restaient gravés en elle. Seules les bouclettes brunes hantaient encore parfois ses rêves et ses cauchemars, trop souvent liés.

« Pourquoi ? Pourquoi moi et pas eux ?! Pourquoi ma putain de magie m'a protégé et les a laissé crevé ?! Je la déteste ! Je me déteste ! Pourquoi ? Pourquoi ils m'ont abandonné ? »

Elle n’eut pas le temps d’anticiper le volte face de l’adolescente. Ni même de se préparer au summum de cette détresse. Elle la reçut en pleine face, en pleine gorge, en plein ventre. Comme un millier d’uppercut heurtant sa cage thoracique, l’attaquant de part et d’autres pour qu’elle sente leur présence sur chaque parcelle de sa peau. C’était une corde enserrant son cou pour maintenir ses cordes vocales au silence. C’était un poids sur le ventre qui l’empêchait de se mouvoir. C’était des pics sous ses paupières qui faisaient poindre des larmes qu’elle se retenait de laisser rouler.

Ce n’était pas sa douleur qui était à apaiser. C’était les poings frappant la pierre d’Eileen. C’était ses doigts crispés qu’elle semblait vouloir briser pour mieux ressentir encore l’écho du torrent intérieur qui s’ébouillantait. C’était la boule que formait son corps sur le sol qu’il était temps de bercer.

Un instant elle ferma les yeux, quelques doux sillons se creusant sur ses joues au rythme de sa faiblesse qu’elle ne parvenait pas à retenir. Pourquoi fallait-il que ses pourquoi résonnent ? Pourquoi fallait-il qu’ils les brisent suffisamment pour ne pouvoir tenir plus longtemps. Des pourquoi. Trop de pourquoi. Et toujours trop de parce que indéterminés.

Alors elle s’est redressée. S’est approchée du corps tremblotant lentement. A glissé une main hésitante sur son dos. La tendresse ce n’était pas trop son truc. En général elle écoutait sans rien dire, se faisait le réceptacle des peines sans y répondre. Mais il y avait trop de ressemblances pour qu’elle reste insensible.

Sa main s’était mue pour caresser lentement sa colonne dans un geste qu’elle voulait apaisant. Sa gorge la brûlait autant que les larmes qui glissaient et que ses dents qui se serraient. Elle ne pouvait pas lui apporter de réponse, mais elle pouvait lui apporter sa présence.

Doucement elle s’est mise à genoux, collant ses jambes à elle. Doucement elle avait saisi l’adolescente pour la faire basculer contre elle. Doucement elle l’avait encerclée de ses bras, la serrant avec délicatesse. Doucement elle avait posé sa tête sur ses cheveux noirs, sans rien dire. Elle ne connaissait pas les mots doux, les sons apaisants. Elle connaissait simplement la chaleur des bras de son meilleur ami lorsqu’elle craquait, trop alcoolisée ou épuisée. Elle connaissait la chaleur de ses draps lorsqu’elle se sentait seule. Pas les mots qu’on disait en ces cas-là.

Sa mâchoire tremblait légèrement dans sa tentative de ne pas sangloter. C’était à elle d’être forte ce soir là. Elle ne sut pas combien de temps elles passèrent comme ça, blotties l’une contre l’autre, à tenter d’apaiser les ouragans qui les traversaient. À s’apaiser mutuellement. Mais lorsque Alex réussit à reprendre un temps soit peu le contrôle d’elle-même, elle réussit à susurrer quelques mots au creux de son oreille.

« J’ai pas de réponse à tes pourquoi. Je peux pas te dire que c’était écrit ou que c’est comme ça. » Elle n’avait jamais cru au destin. Elle était maîtresse de sa vie. Rien ni personne ne pouvait lui enlever ça. « Mais je sais que t’y es pour rien. Magie ou pas. Tu t’es retrouvée impuissante face à tout ça. »

Un sanglot la traversa finalement, anéantissant l’espoir de se montrer forte. « T’as pas demandé à souffrir, ni à être abandonnée. T’y es pour rien. » Ses poings se serrèrent, faisant fi de ses doigts brisés qui criaient de ne pas leur imposer ça. De sa main valide elle redressa la Gryffondor, entourant son visage de ses paumes tremblantes. Ses yeux rougies cherchèrent les siens. « Regarde-moi... » Sa main glissa sur ses cheveux d’ébène, recalant une mèche derrière son oreille avant de retrouver la chaleur de sa joue. « T’y es pour rien Eileen. »
Alex Brekke
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The good one or the real one ?
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Dim 7 Fév 2021 - 14:03
Madness and Drugs
Alex Brekke
Pourquoi est-ce que je raconte tout ça, au fond ? Tu te dis sans doute que c'est parce que j'en ai besoin, n'est-ce pas ? Je suis bien incapable d'aller dans ton sens ou dans un autre. Je ne suis pas certaine de le savoir. Ou peut-être que je le sais et que je n'ai pas envie de t'offrir cette réponse. Un peu comme un jeu de devinette.

Alors, peut-être que, oui, j'en ai besoin. C'est gratifiant d'être entendue, après tout. J'ai toujours adoré ça. Je crois que même dans les pires moments, je ressentais une pointe de satisfaction à être écoutée et suivie. Ou alors, c'est peut-être juste pour me sentir mieux. Pour extérioriser ce que j'ai vécu par le passé. Comment le savoir ?

Peut-être que finalement, je n'en ai pas besoin et que je me contente juste de te faire plaisir. Que te raconter les grandes lignes de ma vie de cette façon me fait ni chaud, ni froid, mais qu'estimant que c'est toi, qui en a besoin, je me plie à ta volonté.

La réponse, je ne te la donnerai pas. Tout ce que je peux te dire, c'est que tout ce que je raconte est la vérité.
Eileen, et cela n'avait pas changé avec le temps, n'avait jamais apprécié être vue dans un état de faiblesse. En grandissant, elle s'était jurée d'être forte, pour elle, pour ses parents, mais aussi pour tous les autres. Elle s'était consolidé une carapace si épaisse qu'elle-même ignorait la puissance de certaines de ses émotions.

C'était plus simple ainsi. Il était plus facile de se regarder dans un miroir et se sourire le matin, plutôt que voir un monstre et se haïr. Il était plus facile de faire le pitre, de faire rire et d'être entourée, plutôt que broyer constamment du noir dans un coin. Il était plus facile de laisser ses squelettes dans le placard, de fermer la porte à clef et de la jeter au fond d'un lac.

Ce dernier mois, cependant, n'avait offert aucun répit à son armure. Fissurée au début par un départ inattendu, elle s'était émiettée et brisée par ses propres actions et ressentiments. Combien de personnes avaient soufferts par son manque d'empathie les derniers jours ? Combien de ses camarades, ses amis, avaient cru la perdre, la voir se noyer dans une solitude qui, à leurs yeux, ne lui seyait pas ?

C'était un cercle vicieux. La douleur ressentie engendrait des vagues de tourments. Des tourments qu'elle reportait sur autrui sans même le voir, sans le remarquer. Jusqu'à ouvrir les yeux. Sur son passé, sur ses actions. Sur elle.

C'était étrange comme sensation. Elle avait hurlé et pleuré à s'en briser les cordes vocales. Elle avait frappé ses points sur la pierre pour s'offrir une douleur réparatrice. Elle s'était confessée à une adulte, pour la première fois, depuis des années.

Elle s'était attendue à un semblant de soulagement, mais aussi lâche qu'elle pouvait l'être parfois, il s'était détourné et l'avait fui. Alors les larmes n'avaient pas arrêté de couler.

Elle avait senti les bras de la bibliothécaire contre elle, la manipuler comme une marionnette pour la blottir contre son torse. Elle s'était laissée faire, sans offrir la moindre résistance. Elle n'en ressentait pas la force. Pas cette nuit-là. Pas à cet instant.

Et au fond, la chaleur de son étreinte, doux souvenir des bras d'une mère après un cauchemar violent, avait au moins eu le mérite d'offrir un semblant de répit à son esprit malmené.

Les étoiles avaient laissé leur place à la veilleuse en forme de cartes accroché au plafond de sa chambre. Les barrières qui les entouraient aux murs tapissés de posters de groupes et de célébrités locales. La Nouvelle-Orléans lui manquait souvent, mais la jeune femme n'avait jamais pris la peine de le formuler, ni même d'essayer de se souvenir de ce qu'elle y possédait.

C'était un rêve éveillé. Une hallucination due à la force des bras de la blonde. Agréable et passager, Eileen l'accepta et laissa échapper un sourire au travers des sillons sur son visage blafard. Le regard hagard, elle revoyait sa mère, la maintenant dans ses bras, lui murmurant des mots dont elle ne se souvenait plus de la teneur. Si elle tournait la tête vers la droite, elle pouvait discerner la silhouette de son père, accoudé à la porte, qui les observait sans un mot.

Elle aurait aimé ne pas se réveiller. Mais ce n'était qu'un mirage. Et ce fut la voix d'Alex qui la ramena brutalement au présent et sa réalité.

« J’ai pas de réponse à tes pourquoi, murmura-t-elle au creux de son oreille ; Eileen en sursauta quand l'image se dissipa comme de la fumée. Je peux pas te dire que c’était écrit ou que c’est comme ça. »

La jeune femme ne répliqua pas, mais tourna la tête de droite à gauche dans l'espoir de revoir la scène qui venait de disparaître. En vain.

« Mais je sais que t’y es pour rien. Magie ou pas. Tu t’es retrouvée impuissante face à tout ça. »

Encore à demi-enfermée dans sa vision, il fallut plus d'une minute à la jeune femme pour comprendre de quoi elle parlait. Puis tous les souvenirs précédents de la soirée revinrent avec une force inouïe. Elle eut l'impression de se prendre des coups, encore et encore, pendant quelques secondes. Jusqu'à entendre le sanglot de l'autre sorcière. Ce fut comme un déclic.

« T’as pas demandé à souffrir, ni à être abandonnée. T’y es pour rien. »

King n'avait jamais supporté la souffrance d'autrui, sans même remarquer qu'elle était largement capable de la faire subir. Et dans d'autre circonstance, nul doute que l'élève aurait cherché à aider son aînée dans l'immédiat. Néanmoins, elle n'était présentement pas en état et au fond, elle le savait. Le déclic ne fut ainsi pas comme escompté. Au lieu de lui donner la force et le courage nécessaire à se relever pour combattre, il lui arracha ses dernières forces. D'une certaine manière.

« Regarde-moi... »

Comme plus tôt, Eileen se laissa faire sans montrer la moindre résistance quand Alex chercha à la regarder dans les yeux. Elle n'en avait aucune envie, mais se débattre était au-dessus de ses forces. Et puis elle le vit. Dans ses yeux...

La même souffrance. Les mêmes démons.

« T’y es pour rien Eileen. »

Elle eut la sensation désagréable de voir un miroir déformé. Elle n'était pas seule à être brisée. La colère, la rage, la tristesse, tout se dissipa. Une vitre venait, mentalement, de voler en éclat. En quelques secondes, ce fut le vide qui l'engloba.

Un vide qu'Eileen n'avait jamais ressenti. De la joie à la colère, la jeune femme avait subi ou savouré ses émotions au fil des ans. Ce soir-là, ce fut une nouvelle expérience : la profonde lassitude qui s'invita la fit frissonner.

Le même gouffre. Le même vide.

La jeune femme aurait voulu se débattre mentalement et se sortir de cet état de transe désagréable. Elle ne le fit pas. Comme si elle comprenait qu'elle ne le devait pas. Malgré toutes les cassures, malgré toutes les blessures, dans une compréhension inattendue, quelque chose s'était réveillée, s'était allumée. Une minuscule lueur qu'Eileen ne pouvait pas sentir ni discerner. Une lueur qui pourrait devenir gigantesque, avec le temps, au point de la bruler. Elle ne pouvait savoir à cet instant si c'était bénéfique ou négatif, ignorant même son existence. Pourtant, ce fut celle-ci qui lui donna la force de répliquer. Celle-ci qui, malgré son état, lui donna le courage de continuer à avancer.

Peut-être, aussi, parce que c'était là son seul véritable objectif. Ne jamais s'arrêter.

« Toi non plus, dit-elle d'une voix très basse, ses cordes vocales malmenées, tu y es pour rien. »

Elle ne savait pas de quoi elle parlait. Elle ne pouvait pas deviner ce que la blonde avait vécu. Ce ne pouvait être que des suppositions. Comme pour Sessho. Et tous les autres. Des idées qu'elle ne chercha même pas à développer. Elle avait vu le même regard et c'était suffisant.

« Je sais pas ce que t'as vécu, mais j'suis sûr que ça peut pas être ta faute. »

Sans doute l'adulte le savait-elle déjà. Sans doute l'avait-elle déjà entendu maintes et maintes fois. Ce n'était-là qu'une piqûre de rappel offerte par une autre âme en peine.
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Dim 11 Juil 2021 - 13:22
Madness and drugs
feat Eileen M. King | Mercredi 29 novembre 1995
Depuis combien de temps n’avait-elle pas laissé des gestes de tendresse adoucir ses traits ? Depuis combien de temps n’avait-elle pas été en posture de réconforter quelqu’un ? Les dernières années l’avaient isolée des autres, de ses amis, de sa famille, de Jayce. Ces dernières semaines elle avait eu besoin d’être réconfortée. Peut-être égoïstement, la bibliothécaire ressentait comme une certaine chaleur apaisante à l’idée de représenter un petit îlot de sécurité pour l’adolescente.

Elle n’avait jamais connu la chaleur des bras maternels, n’avait aucun souvenir d’une quelconque douceur paternelle. Mr Roaldson avait toujours été aimant, à sa manière, suffisamment pour le considérer comme un père. Mais lorsqu’elle avait constaté progressivement que les traits de son visage s’éloignaient davantage des autres membres de la famille elle s’était un peu éloignée. Ils l’avaient certes élevée, elle n’était pas des leurs.

Les siens, c’étaient les copains. Moldus principalement, sorciers pour quelques uns. Elle avait cultivé sa différence – dans son attitude rebelle, son apparence atypique – pour mieux se défendre encore du monde extérieur. Si on remarquait en premier lieu la façade, personne ne s’intéresserait aux fondations. Mais pour ce soir au moins elle acceptait de partager un peu d’elle avec la jeune sorcière, de laisser voir ces failles qui la rendaient un peu plus humaine.

Alors que ses doigts se perdaient, maternels, dans la chevelure de l’adolescente, le sourire qui naquit sur ses traits la réchauffa un instant. Eileen avait l’air si fragile et si paisible en même temps. Était-ce simplement le pouvoir de ses bras qui la soutenaient ou les effets des substances qu’elle avait consommé ? Très certainement un mélange des deux, mais penser qu’elle avait une quelconque capacité à la réconforter la faisait se sentir un peu mieux.

Ce doux mirage sentimental s’effaça en même temps que la Gryffondor sursautait à ses mots. Ce n’était pas elle qui l’avait apaisé mais seulement les vapeurs. Son coeur s’en serra légèrement alors qu’elle poursuivait tout de même sur sa lancée.

La blonde ne parvint pas à lâcher le regard qu’elle avait accroché pour mieux y ancrer ses paroles. Il flottait en cet instant comme une communion, une compréhension silencieuse entre les deux sorcières. Un méli-mélo de sentiments aussi contradictoires que complémentaires, aussi brûlants que glaçants. Elles étaient deux âmes en peine portant le poids de leur culpabilité respective. Pourtant l’une comme l’autre étaient innocentes. Tout n’était qu’un hasard foireux qui avait conduit au pire. Un accident malencontreux pour l’une, un abandon incompréhensible pour l’autre. Mais dans les deux cas la magie les avaient sauvé. Elle avait protégé Eileen et avait donné une autre vie à Alex.

« Toi non plus, tu y es pour rien. » La voix faible de l’adolescente la fit sourire tristement. Malgré tout ce qu’elle venait de lui raconter, malgré les vapeurs qui emplissaient chacun de ses membres elle conservait tout de même un pied avec la réalité. C’était bon signe. « Je sais pas ce que t’as vécu, mais j’suis sûr que ça peut pas être ta faute. »

La sorcière releva la tête, une boule bien ancrée dans sa gorge. Ses yeux se perdirent quelques secondes dans les nuages alors que les larmes glissaient silencieusement sur ses joues. Sa lèvre tremblait alors qu’elle tentait d’empêcher les sanglots de s’échapper. Inconsciemment elle la serra un peu plus contre elle, sa main reprenant les caresses qu’elle avait entreprises. C’était à son tour d’en dire un peu plus.

« Je devais avoir six ou sept ans, moi aussi. » Elles avaient subi des traumatismes au même âge. Peut-être était-ce cela qui les rapprochait le temps d’une soirée. « J’ai toujours grandi qu’avec mon père. Il m’a toujours dit que ma mère était morte à cause de moi, parce que je l’ai trop fatiguée à ma naissance. » Toute son enfance elle avait grandi avec ce slogan qui résonnait sans cesse. Elle avait tué sa mère avant même d’avoir poussé son premier cri.

Les yeux dans le vide elle se rappelait des photographies qu’elle voyait dans le salon. Elle tenait sa blondeur et son sourire de sa mère. Mais elle était plus gracieuse qu’elle, plus féminine, plus jolie. Elle ne lui ressemblait pas. Alex s’était toujours sentie à part. Pas suffisamment féminine pour ressembler aux jeunes filles du quartier, mais pas suffisamment masculine non plus pour être vraiment des garçons de la bande. Un entre-deux flou qu’elle avait appris à entretenir en grandissant mais qui l’avait blessé petite.

« Mon père voulait un fils et pas une fille. Avec moi il a eu un peu des deux. » Un petit rire s’échappa de ses lèvres. « Ça m’a toujours amusé d’être cet entre-deux que personne ne comprend réellement sans me connaître. » Elle soupira, laissant sa tête retomber en arrière. Un petit vent soufflait, rafraîchissant ses joues et son visage rougis par les différentes émotions qui l’avaient traversées ce soir.

« Un matin il est parti travailler, et il n’est jamais revenu. » Peut-être était-ce mieux comme ça, après tout. « Je l’ai attendu et cherché longtemps. Ce sont nos voisins qui m’ont récupéré et mon élevé. Mon père était le meilleur ami du voisin. Ils se sont connus à l’école de sorcellerie, Poudlard ou Durmstrang j’en sais rien. » Les pères étaient aussi amis que l’avait été leurs enfants. Ils les voyaient mariés, avec de beaux enfants blonds aux cheveux bouclés. Le destin s’était doucement ris d’eux.

« Je sais toujours pas où il est, ni pourquoi il est parti. » Elle ne pleurait plus. Elle sentait la colère qui montait dans son ventre, l’étreignait désagréablement. Elle avait si souvent pleuré à l’époque, si souvent crié de désespoir que la tristesse avait laissé sa place à de la haine. « J’ai peut-être pas été l’enfant qu’il voulait, même si je faisais beaucoup d’efforts. Il en avait peut-être ras le cul de moi, ou il a trouvé une autre femme ailleurs. Il est peut-être rentré chez lui dans les pays du nord, ou est parti à trois pâtés de maison. »

Elle ne savait pas ce qu’elle ferait si elle le croisait à nouveau. Peut-être qu’elle lui mettrait son poing en pleine figure, comme il le lui avait appris à l’époque. Ou peut-être qu’elle ne ferait rien du tout, car c’était son père malgré tout. « C’est dur à ton âge de porter tout ça. Je suis passée par là et je crois pas que je m’en sois remise complètement. Mais t’es encore une enfant, en quelque sorte. Tu as le temps de te construire. Ne reste pas toute seule avec tes démons, Eileen. »

Alex la serra contre elle encore un peu, déposant un baiser sur son front. Un peu de tendresse ne leur ferait pas de mal à toutes les deux.
Alex Brekke
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Mer 21 Juil 2021 - 0:53
Madness and Drugs
Alex Brekke
Est-ce que j'ai recommencé après ce soir-là ? C'est une question complexe, dirons-nous. Vous savez, il existe une multitude de drogues différentes. Certaines paraissent douces, une caresse sûr l'âme, un moyen d'atteindre une forme de plénitude. C'est fictif. C'est dangereux. Et je suppose que l'excitation du danger, parce qu'il suffit d'un peu de lucidité pour comprendre le chemin emprunté, joue forcément un grand rôle. Un peu comme la Solitude, lui aussi est un personnage que l'on voit trop souvent dans l'histoire. Il ne tient qu'à nous de faire en sorte que celle-ci change.
Tous pouvaient s’accorder sur une règle tacite à Poudlard. Il y avait une limite à ne pas franchir entre un étudiant et un membre du personnel. Ce soir-là, dans l’intimité d’une tour à ciel ouvert, la ligne rouge venait d’être franchie.

Peut-être que les substances que l’élève avaient ingérées troublèrent sa perception ? Peut-être que le besoin de trouver une place dans le monde était trop fort ? Peut-être que les bras autour d’elle et les caresses rassurantes l’avaient conditionnées ? Peut-être s’agissait-il simplement d’un mélange équilibré, à l’image des breuvages que la barmaid appréciaient fabriquer ?

Ce soir-là, Eileen était passée par de nombreuses phases. D’un rêve éveillé se muant en cauchemar à mesure que les minutes défilaient, à une tristesse lancinante, elle était passée par la rancœur, la colère et le désespoir.

Pour autant, le seul véritable souvenir que l’adolescente parviendrait à reconstituer parfaitement ne comporterait qu’un étrange confort. Un apaisement aussi soudain que bienveillant. La chaleur d’une étreinte et la douceur d’une main dans sa chevelure.

Les bras de la blonde était un baume. La King, bien qu’encore embrumée par la doucereuse prison sensorielle, sentait les bienfaits du geste. Il apaisait un mal qui s’était fait invisible, devenant un besoin aussi viscéral que discret. Il s’était installé et s’était caché aux tréfonds de son être pendant des années. L’étreinte elle-même en devenait une drogue.

Encore trop lucide suite à la désillusion de son hallucination, l’illusionniste comprenait que la chaleur de sa mère revenait et devait rester au passé. Ce soir-là, enfermée dans ce cocon d’altruisme, avec pour seul témoin la lune et ses rictus, Eileen se surprit à rêver d’une grande sœur. Non qu’elle le soit par le sang, mais qu’elle le devienne par relation. Pour la première fois depuis l’accident, elle tourna un regard véritable sur le présent et risqua même une œillade vers un futur hypothétique.

Là, elle comprit ce qu’elle devait faire, entre deux pensées incohérentes. Le reflet déformé de sa souffrance, qu’elle pouvait lire dans les iris de son aînée, n’avait rien d’anodin. Sa venue dans cette tour, cette nuit-là, à cette heure, n’avaient rien d’une coïncidence. Parce que la destinée ne pouvait qu’exister dans un monde comme le leur, elles devaient se rencontrer.

« Je devais avoir six ou sept ans, moi aussi. »

Aux premiers mots de la jeune femme, Eileen en arrêta presque de respirer. Cela ne dura pas plus d’une seconde. La surprise due au début de la confession y était pour beaucoup ; la sensation d’y voir un signe, bien présente également, renforça l’émotion.

« J’ai toujours grandi qu’avec mon père. Il m’a toujours dit que ma mère était morte à cause de moi, parce que je l’ai trop fatiguée à ma naissance. »

Comment un adulte pouvait-il dire une telle absurdité à un enfant ? Comme Eileen savait au fond d’elle qu’elle n’était en rien responsable de l’accident, malgré la culpabilité qui la rongeait, elle trouva les mots d’une cruauté froide.

La magicienne aussi pouvait être cruelle. Avec le temps et ses interactions, elle l’avait compris lentement. Jamais, pensait-elle toutefois, elle ne pourrait aller si loin.

« Mon père voulait un fils et pas une fille. Avec moi il a eu un peu des deux. »

Attentive aux paroles, accrochées à ses lèvres comme à ses larmes, la demoiselle en vint à se poser diverses questions. Comment certains pouvaient-ils reprocher la naissance d’un individu qui ne l’avait pas demandé ? Comment pouvaient-ils reprocher un sexe ou une attirance qui ne se contrôlait pas ? Elle y trouvait une étrange corrélation avec la société sorcière. Celle-là même qui reprochait aux nées de non-magiques de naître avec leurs pouvoirs.

« Ça m’a toujours amusé d’être cet entre-deux que personne ne comprend réellement sans me connaître. »

C’était d’une absurdité affligeante pour la jeune femme, autant que d’entendre le toujours de la phrase de l’entre-deux, comme elle s’appelait elle-même. Eileen ne pouvait pas y croire, pas à voir ses traits de crisper à chaque mot qu’elle prononçait.

Être différente, c’était souffrir. L’Américaine le savait pour le vivre au quotidien. Cacher ses origines malgré la fierté qui en découlait. Tromper son attirance et ses sentiments par des caresses et des baisers des nuits durant. Être une vipère dans un clan de lions.

« Un matin, il est parti travailler, et il n’est jamais revenu. »

Eileen s’imagina une seconde à sa place. Et, aussi fugace soit-elle, sa pensée suivante lui parut d’un égoïsme funeste. Elle préférait savoir ses parents morts, en sachant qu’ils l’avaient toujours aimée. Elle savait que, jamais, elle n’aurait pu se remettre d’un abandon volontaire.

« Je l’ai attendu et cherché longtemps. »

La jeune fille ne pouvait que comprendre. Elle-même avait attendu les siens, comme si l’accident n’avait pas pu être réel. Il lui avait fallu des mois pour prendre pleinement conscience qu’ils étaient partis et qu’ils ne reviendraient pas. Entre temps, elle avait changé de pays. Entre temps, les premiers bleus sur ses cuisses, son ventre et ses bras étaient apparus.

« Ce sont nos voisins qui m’ont récupéré et mon élevé. Mon père était le meilleur ami du voisin. Ils se sont connus à l’école de sorcellerie, Poudlard ou Durmstrang j’en sais rien. »

Eileen se demanda un instant ce qu’aurait pu être sa vie avec des amis de ses parents, mais elle ne parvint pas à l’imaginer. Ces mêmes amis la recherchaient-ils ou l’avaient-ils déjà recherché ? S’étaient-ils battus pour avoir sa garde ou pouvoir lui rendre visite ? Elle repoussa son questionnement au fond de son esprit : il ne trouverait jamais de réponse, elle ne devait pas s’y attarder.

Alex n’avait pas terminé. Pour l’heure, son écoute était plus importante que tout le reste.

« Je sais toujours pas où il est, ni pourquoi il est parti. »

Et sans doute que l’adulte ne le saurait jamais. La cinquième année n’osa pas formuler cette réalité. Elle lui apparaissait comme censé, mais se montrait trop impitoyable.

« J’ai peut-être pas été l’enfant qu’il voulait, même si je faisais beaucoup d’efforts. Il en avait peut-être ras le cul de moi, ou il a trouvé une autre femme ailleurs. Il est peut-être rentré chez lui dans les pays du nord ou est parti à trois pâtés de maison. »

Comment était-il possible de se construire correctement avec un tel passé empli de zones d’ombre ? La question murit dans l’esprit de l’adolescente en même temps qu’une compréhension intense de sa propre condition.

Son envie d’être vue, d’être regardée, d’être admirée, d’être appréciée, d’être entourée, lui venait-il de son absence de repaire cohérent ?

« C’est dur à ton âge de porter tout ça. Je suis passée par là et je crois pas que je m’en sois remise complètement. Mais t’es encore une enfant, en quelque sorte. Tu as le temps de te construire. Ne reste pas toute seule avec tes démons, Eileen. »

Eileen se laissa attirer et apprécia le baiser sur son front comme un enfant avant une bonne nuit de sommeil. Elle ne prononça aucun mot, mais chercha à se blottir d’autant plus dans l’étreinte de la blonde.

Ce soir-là, elle se mit à rêver d’un avenir. Aussi brusque et étrange pouvait paraître ce nouveau tournant, cela lui ouvrait d’innombrables possibilités.

Après avoir compris qu’elle n’était pas la seule à souffrir, elle remarquait aussi qu’elle manquait cruellement d’un bien d’une importance pourtant capitale. Un bien que d’autres ne connaissaient pas ou ne possédaient plus.

Des frères et sœurs, elle en avait par centaine de milliers. Les orphelins. Les écorchés. Les délaissés. Les incompris. Les solitaires. Les enragés. Roxane, Chaïm et Alistair, bien sûr. Mais aussi Alex, à sa manière. Combien y avaient-ils d’autres ?

Parce qu’elle n’avait jamais aimé la souffrance des autres, même si elle pouvait l’infliger par rancœur, la Gryffondor se mit à rêver. Pouvaient-ils tous se rassembler ? C’était invraisemblable, car il y en avait trop. Rien que dans leur société secrète, ils devaient se compter par dizaine de milliers.

Ce qui lui paraissait moins invraisemblable, néanmoins, était la relation qu’elle pouvait nouer avec ceux qu’elle rencontrait, une proximité qu'elle pouvait tenter de tisser. Et si elle ne pouvait parvenir à ses fins, elle pouvait au moins essayer.

Ne pas laisser les murmures assourdissants et permanents qu’ils entendaient tous à plus ou moins forte intensité gagner du terrain et les ronger. Offrir du réconfort ou un maigre sentiment de paix à ceux à qui cela manquait. Et si elle ne pouvait porter leur fardeau à leur place, elle pourrait tenter de les porter eux vers des sommets où ils pourraient entrevoir le bonheur.

Bien sûr, la Louisianaise souhaitait rester réaliste. Cela ne fonctionnerait pas toujours et il lui faudrait des années. Combattre déjà ses propres plaies et se soigner serait un pas nécessaire à l’élaboration de son idée.

Une idée qui germait dans un calme enveloppé par le vent et leurs respirations communes. Durant de longues minutes, des dizaines en vérité, la jeune femme fut absorbée par ses pensées. Tout à son étrange méditation, confortablement installée contre le corps de la bibliothécaire, elle avait perdu toute notion du temps.

Quand elle se décida enfin à briser le silence qui s’était installée, ce fut avec une sincérité solennelle.

« Je ne suis pas seule, murmura-t-elle, son regard se perdant dans les étoiles. Tu es là. »

Elle était-là, dans cette atmosphère presque mystique. Elle était là où elle devait être, avec la bonne personne.

« Je ne suis pas seule, reprit-elle, et toi non plus. »

Parce qu’elle souhaitait faire comprendre l’importance des mots qu’elle venait de prononcer à son interlocutrice, elle bougea de sorte à pouvoir, de nouveau, la regarder dans les yeux.

S’il était toujours possible de lire la souffrance de la brune dans ses pupilles, un éclat pétillant pouvait aussi être remarqué. Sa détermination.

Celle-ci disparaissait dans le néant et revenait souvent par phase. Cette fois-ci, et même s’il faudrait du temps pour vraiment voir ses bienfaits, c’était différent. Elle allait rester.

« Je suis là. »

La solitude avait toujours eu quelque chose de rassurant. Et bien après cette conversation, la sorcière continuerait à rechercher sa compagnie par moment. Parfois pour se laisser aller à la mélancolie, parfois pour contempler les vivants et leurs activités, d’autres pour simplement profiter d’un moment de calme pour une introspection appropriée.

La colère, la rancœur ou encore la haine ne risquait pas, non plus, de disparaître. Il ne tenait cependant qu’à elle de les combattre. Chez elle comme chez autrui. Elle n’en avait pas encore les moyens, mais ça viendrait, la jeune femme ne pouvait croire l’inverse.

« Je ne suis pas forte, ni indispensable, ni même incroyable, mais je suis là. Et je me demande combien d’autres que moi ou que toi auraient besoin d’un moment de tendresse ou de joie. »

C’était-là une utopie, comme le disait si bien Aria. Et avec le recul, les mots qu’elle aurait dû prononcer en réponse lui paraissait plus limpide que jamais.

Ne valait-il mieux pas perdre son temps à courir après un rêve ? Après la paix ? Après l’amour ? S’enfoncer dans un rejet brutal des autres et de leurs idées, à quoi cela rimait ?

Elle était en vie. Elle avait cette chance. Et même si cela ne représentait qu’un idéal chimérique, elle préférait employer son énergie à cela, plutôt que croire que sa vie n’était rythmée que par les décisions de puissants inatteignables.

Ne jamais s’arrêter. Avancer quoi qu’il lui en coûte. Avoir des remords plutôt que des regrets.

« Tu crois, quand j’irais mieux, qu’on pourra en trouver d’autre ? Qu’on pourra les aider ? »

Pour la première fois depuis un moment maintenant, le corps à demi-engourdi par son allonge prolongé, la jeune femme força sur ses muscles endoloris pour se redresser un peu. Elle ne quittait pas le confort des membres qui l’entouraient, mais se plaçait dans une assise plus en adéquation.

L’attente d’une réponse se fit visible. Le besoin d’avoir un avis extérieur au sien également.

L’interrogation n’avait pas seulement son importance pour les autres. Elle était surtout nécessaire pour l’Américaine. Entre les lignes, posée dans une absence de mots, une question subsistait dans l’esprit de la rouge-et-or.


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Ven 12 Nov 2021 - 16:37
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Parler lui avait laissé une sensation de vide et de soulagement au creux du ventre. Depuis combien de temps n’avait-elle pas raconté son histoire ? C’était étrange de remettre des mots et des sensations sur un passé lointain. Derrière ses paupières baissées, elle revoyait sa propre frimousse enfant, à côté de ces garçons qui l’avaient forgé et qui l’avaient pris sous leurs ailes : Liam, Thomas, Andrew. Toute la bande qu’elle avait choisi pour famille. Elle n’avait plus la sienne depuis belle lurette, mais elle savait que même sans partager le même sang ils étaient là, eux. C’était eux, sa famille.

Le silence qui les entourait lui donnait enfin la sensation d’être apaisée. Sa main restait glissée dans les cheveux de l’adolescente mais son geste s’était arrêté, comme une volonté de ne pas perdre le contact. En dehors de ce mouvement Alex s’assoupissait progressivement, le crâne posé contre le mur pour lui servir d’appui.

« Je ne suis pas seule. Tu es là » Le simple murmure la fit remonter d’un étage dans les limbes dans lesquelles elle plongeait. Elle était là et elle ne bougerait pas. Pas besoin de mot pour le lui faire savoir, seul les allées et venues de sa paume qui reprenait du service suffisait.

« Je ne suis pas seule, et toi non plus. » Le mouvement que la blonde sentit dans ses bras lui fit redresser la tête, reprenant pied avec le marbre froid pour se retrouver plongée dans les prunelles de la Gryffondor. Quelque chose avait changé en elle (en elles ?) ce soir-là. On pouvait toujours y lire sa douleur, il faudrait bien plus qu’une nuit et quelques nuées pour la chasser. Une lueur nouvelle teintait sa voix et son regard. Leur échange lui avait-il suffisamment ouvert les yeux pour qu’elle reprenne un tant soit peu confiance en un avenir ?

« Je suis là. » Le sourire de l’adulte se fit franc et grand. Ces quelques mots sonnaient comme une promesse, de celle qu’on fait en général à un ami proche, à un cadet à qui l’on jure de ne pas l’abandonner. Douce ironie de l’histoire, c’était la plus jeune qui le lui disait. Mais la promesse était tacite. Pour un peu elle lui aurait tendu son petit doigt pour sceller cet accord. A défaut, la nuit en serait leur témoin.

« Je ne suis pas forte, ni indispensable, ni même incroyable, mais je suis là. Et je me demande combien d’autres que moi ou que toi auraient besoin d’un moment de tendresse ou de joie. » Cette soudaine humilité la fit cogiter quelques instants. Était-elle suffisamment brisée pour ne pas voir à quel point une force brûlait en elle et ne s’était jamais éteinte, ou était-ce seulement cette nouvelle envie folle d’affronter le monde qui lui faisait la redécouvrir ?

« Tu crois, quand j’irais mieux, qu’on pourra en trouver d’autre ? Qu’on pourra les aider ? » C’était une vague question. Était-ce réellement possible, d’aider tous ceux a qui on avait brûlé les ailes ? Tous ces gens qui pleuraient ou ressassaient dans la noirceur de leur drap un morceau d’enfance ou de vie qu’on leur avait volé ? Peut-être. Peut-être pas.

« Je ne sais pas combien ils sont, là dehors ou même ici au château, à être aussi forts, indispensables et incroyables que toi et à douter du fait qu’ils sont tout ça à la fois. On a tous besoin d’avoir un espace où on se sent en sécurité, ou quelqu’un pour nous aider à porter un peu du poids pour être plus léger et avancer. » Son espace à elle, c’était la bibliothèque. Son repère à elle, c’était Jayce. Désormais la Londonienne découvrait qu’elle avait trouvé aussi un soutien dans la candeur d’une élève.

« Mais crois-moi que je ferai toujours ce que je peux pour offrir ne serait-ce qu’un sourire à ceux qui ne voient que des grimaces. Et je sais que tu en seras capable, toi aussi. Je sais qu’Eileen King n’est pas seulement une arrogante des couloirs et qu’elle peut accomplir plein de choses. » Elle lui sourit, taquine. « J’ai des yeux et des oreilles partout, sache-le. » Comme un adolescente Alex lui offrit un petit clin d’oeil entendu.

Du pouce, délicatement, elle essuya une trace de maquillage qui avait coulé sous les larmes. Elle avait l’impression de tenir un petit raton-laveur égaré, avec l’ébène de ses cheveux, le pâle de sa peau et le crayon noir sur ses joues. « On le fera ensemble, si tu veux. Moi j’bouge pas, fidèle aux murs du château. » Elle bomba le torse, se donnant un air faussement héroïque. « La bibliothèque te sera toujours ouverte, si tu cherches un endroit où te réfugier. »

Et je serai là, ajoutait son sourire.
Alex Brekke
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Sam 29 Jan 2022 - 18:14
Madness and Drugs
Alex Brekke
Je me suis souvent demandé s'il y avait une forme de destin dans la rencontre avec certaines personnes. La réponse me parait évidente aujourd'hui, mais cela n'a pas toujours été le cas. J'ai fauté à de nombreuses reprises, j'ai cru à des mensonges et je me suis laissé manipuler par mes propres émotions assez fréquemment, sans même m'en apercevoir. Mais, ce que je retire d'important, c'est ce que ces erreurs m'ont permise de trouver, là où je ne le cherchais pas.
« La bibliothèque te sera toujours ouverte, si tu cherches un endroit où te réfugier. »

Eileen n'avait pas répondu aux mots de la bibliothécaire. En vérité, elle n'avait su que dire. Les promesses voilées, indirectes, lui avaient fait plus de bien qu'elle ne pouvait encore l'imaginer. Il lui faudrait du temps pour en prendre la pleine mesure, mais elle commençait déjà à arpenter une voie qui, à l'avenir, serait de plus en plus douce.

Elle n'avait pas répondu, non et avait préféré se laisser bercer dans les bras de la blonde. Demi-consciente, elle était restée sans bouger, serrant contre elle cette femme qui avait eu des allures de grande sœur. Elle n'était, en réalité, retournée dans son dortoir qu'assez tard. Ainsi, elle n'avait pu grappiller que quelques heures de sommeil, avant de se réveiller pour sa journée du lendemain, mais le sacrifice en valait la peine. Elle en était persuadée.

La matinée, pour autant, avait été un véritable calvaire. Eileen bataillait avec elle-même pour rester éveillée, avec une sensation d'inconfort de plus en plus grandissante à mesure que le temps filait. L'après-midi avait été un peu plus supportable, même si elle se serait volontiers passée du Professeur Ombrage, de ses insupportables remarques et de la blague qu'était son soi-disant enseignement.

C'était maintenant la soirée, toutefois, quelques heures avant le diner. Chaïm et elle se dirigeaient ensemble vers la salle commune de Gryffondor. Ils s'étaient mis d'accord pour y déposer leurs affaires avant de courir jusqu'à la salle de musique. Néanmoins, plus ils s'approchaient de la tour, moins la vipère refoulée avait envie d'y mettre les pieds. Elle ne souhaitait plus non plus mentir à son ami, à ses amis. Les derniers évènements tournaient encore, mais elle pouvait et devait se montrer honnête.

« Chaïm, attends. Je…
Tu ne viens pas. », finit le garçon à sa place, en se tournant à demi vers elle pour l'avoir dans son champs de vision.

Il y avait une lueur de compréhension de son regard, comme s'il savait déjà tout ce qu'elle pouvait lui dire. Il se contenta de lui faire un fin sourire ; les sourires de Chaïm, sauf dans la salle de musique, n'étaient jamais grand.

« Si je te cherche, tu…
À la bibliothèque. Je serais à la bibliothèque. »

Chaïm n'eut pas tellement le temps de hocher la tête ni même de se montrer surpris. La lionne fit volteface et d'un pas pressé, partit sans demander son reste. Elle dévala les escaliers aussi vite qu'elle le put, esquiva au mieux les groupes d'élèves qu'elle rencontrait, pour arriver enfin devant les portes de l'immense pièce. Trier et s'assurer du bon état de tous les livres qui se trouvaient ici devait être un travail dantesque. La jeune femme n'y avait jamais pensé jusqu'à ce jour, mais ça lui apparaissait maintenant comme une évidence. Elle ne pouvait pas se permettre de déranger véritablement Alex dans son travail.

Elle ne chercha pas, néanmoins, à attendre plus longtemps. Elle passa la porte et commença ses recherches. Elle ne cherchait pas vraiment un livre. Elle cherchait une place. Un endroit où s'installer pour être à la fois tranquille, mais aussi pouvoir l'observer, sans pour autant la déconcentrer.

C'était un peu étrange comme idée. Elle avait même la sensation de presque faire quelque chose de mal, mais elle en ressentait le besoin. Elle ne voulait pas faire de mal aux autres, ça, elle l'avait saisi en voyant le mauvais qui pouvait sommeiller en elle. Elle souhaitait aider la majorité, mais pour ça, elle devait commencer petit, à son échelle. L'aider elle, c'était un bon début, non ?

Elle trouva son bonheur à une table inoccupée qui se trouvait proche d'une fenêtre, mais aussi de l'entrée, où se trouvait le bureau d'Alex. Ce n'était pas si étonnant que personne n'avait encore pris la place, préférant se cacher de la vue de celle qui pouvait les reprendre pour de trop nombreuses raisons. Ce n'était pas son cas.

Elle déposa son sac, puis partit en quête des rayonnages possédant les grimoires sur les potions. Elle récupéra un livre de niveau plus avancé que le sien, qui parlait principalement de certains ingrédients et de leurs propriétés. Une fois son acquisition récupérée, elle retourna là où ses affaires l'attendaient.

Installée, Eileen lisait le manuscrit paresseusement, tout en observant les allées et venues de miss Brekke. À l'occasion, quand elle le pouvait, elle lui offrait un sourire.

Elle ne lui avait pas dit. Elle n'avait pas explicité le fait que par sa venue, par sa présence, par le lien qu'elles avaient partagé, elle aussi, elle la trouvait forte, indispensable et incroyable. Et elle n'avait pas l'intention de le lui avouer.

C'était plutôt par ses actes qu'elle le ferait. De petites attentions qu'elle prévoyait d'avoir pour la sorcière. Elle ignorait encore pourquoi elle ressentait déjà ce besoin, mais il était présent et elle décidait de ne pas le laisser de côté.

Alex lui avait dit que la bibliothèque pouvait devenir un refuge pour elle. Elle l'avait entendu. Et Eileen souhaitait aussi faire remarquer à Alex que, si le lieu ne pouvait pas être le sien, elle espérait par sa présence pouvoir apaiser ses tourments.

Des tourments qu'elle ne connaissait pas en profondeur, mais qu'elle arrivait maintenant à voir chez l'androgyne. Comme une fissure, une fêlure qu'elle espérait pouvoir guérir avec le temps.

Sans pour autant le prononcer, elle se jura de ne pas partir. Elle sentait qu'elles pouvaient se comprendre sur certains points. Elle voulait encore pouvoir en faire l'expérience, mais en étant totalement consciente cette fois-ci.

Pas ce jour-ci, cependant. Eileen ne l'approcha pas de la soirée et elle finit par s'en aller en reposant le grimoire à sa place pour aller prendre son repas quand l'heure fut venue. Mais dès qu'elle aurait affronté ses propres démons et les aurait vaincu, elle espérait, peut-être un peu naïvement, qu'elle pourrait aider la femme à abattre les siens.

Après tout, n'était-ce pas ce qu'elle voulait toujours, au fond ? Offrir de la joie autour d'elle ? Ce serait un bon moyen de se retrouver, mais aussi d'aider quelqu'un, un être déjà cher, à faire de même.

Oui, elle allait aider Alex. Elle ne savait pas encore comment, mais sa décision était prise. Elle allait lui retourner sa bienveillance.

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