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[17/11/95] I hear your voice ~ feat Levine

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Mar 24 Nov 2020 - 15:57
I hear your voice
feat Lévine Serger | vendredi 17 novembre 1995
Ce fut le noir qui l’entourait qui lui fit presser le pas. Ce furent les néons qui grésillaient qui l’obligèrent à plisser les yeux. Ce fut cette sensation d’oppression qui la força à rejoindre le grand air. Elle tourna dans de nombreux couloirs, s’énervant de son absence de repères. Son sang pulsait dans ses membres douloureux, calquant son rythme sur l’écho de sa démarche. Plus elle accélérait plus la brûlure intérieure la malmenait, laissant dans son passage un peu plus de déchirement. Sa tête semblait sur le point d’exploser, déchirée par les flots ininterrompus de pensées et d’émotions qui y cascadaient.

Elle était en colère. En colère contre l’inspecteur qui n’avait pas voulu entendre raison. Contre la gazette qui, elle le savait, ne sortait que mensonges et diffamations pour les discréditer. En colère contre le ministère qui avait trouvé comme seule solution aux problèmes de placer ses pions à Poudlard.

Elle était las. Las de se battre contre des moulins à vents là où elle aimerait y voir de vrais soldats qu’elle pourrait affronter corps et âme. Las de se battre pour un tout et un rien sans être écoutée. Las de vivre dans le mensonge, de mener deux vies qu’elle ne savait relier efficacement.

Elle était fatiguée. Fatiguée de ses nuits blanches qu’elle se forçait de mener pour éviter les répétitions des scènes de ce soir là. Fatiguée d’atténuer les douleurs et les monstres de l’obscurité par les mêmes substances vampiriques qui palissaient sa peau et assombrissaient ses cernes.

Elle était triste. Triste de sursauter à la moindre porte qui claque, au moindre écho trop fort, à la moindre présence qu’elle n’avait su distinguer visuellement avant de l’entendre. Triste de ne pas pouvoir préserver les étudiants des événements. Ces sorciers étaient en train de voler la candeur et l’insouciance de beaucoup trop d’élèves.

Lorsque enfin Alex réussit à atteindre la lumière de l’atrium après ce qu’elle avait perçu comme des heures de marche insupportables, elle soupira. Elle n’était pas réellement capable de faire un bilan objectif de la situation. Peut-être que Jayce l’aiderait, à son retour à l’appartement. Dans un petit sourire elle se rendit compte qu’elle passait largement plus de temps à Pré-au-Lard chez son meilleur ami qu’au château où elle résidait.

La fourmilière qui s’agitait autour d’elle lui donnait la nausée. Son cou la tiraillait et elle ne réussit pas à retenir un bâillement. Il était temps de rentrer, peu importe qu’elle lit elle allait choisir. Alors qu’elle se dirigeait vers l’une des innombrables cheminées, un reste de poudre dans sa poche, un son l’arrêta brutalement, faisant couiner les talons de ses chaussures de désapprobation.

Un son. Une mélopée. Une bouée de sauvetage. Un cri dans la nuit. Un cri qui lui avait permis de s’éviter bien des dommages supérieurs. Elle ne connaissait pas le visage associé à cette mise en garde, ni même l’allure qu’il arborait. Elle était convaincue que c’était un il, bien qu’elle même ait une voix assez androgyne. Elle n’avait aucun élément mais elle pouvait l’affirmer, comme une intuition profonde que l’être qui l’avait sauvé autant qu’il le pouvait était un homme.

Elle s’était retournée. Avait laissé son regard vagabonder. Farfouiller. Analyser. Tel un radar elle avait passé ses yeux sur chaque personne identifiable à cette distance. Il était hors de question qu’elle laisse passer sa chance de le remercier pour ce qu’il avait fait, aussi futile cela puisse paraître. Un peu plus loin elle remarqua deux hommes. L’un a la stature parfaitement droite et propre, l’autre à l’apparence plus nonchalante. Plus… banale. En se concentrant elle était presque sûre que la voix qu’elle souhaitait associer provenait de l’un deux.

Plus ses jambes l’amenaient vers eux, plus elle était sûre d’elle. Le timbre de ses souvenirs était bien de l’un de ses hommes et plus particulièrement le plus grand des deux. Il était brun, le visage fin et délicat. La voix posée et l’ensemble fier. Il dégageait un quelque chose de charismatique qu’elle n’aurait pas su définir, mais qui lui donnait l’impression d’être abordable. Peut-être que tout cela n’était que masque et apparence, bercé d’illusions par son envie de voir en quelqu’un un potentiel non-ennemi. Elle en était là, à espérer que les gens ne soient pas ses ennemis.

De sa position à l’arrêt, elle pouvait entendre quelques bribes de conversation qu’elle ne voulait pour autant pas réellement écouter. Elle les entendait parler il est vrai, mais elle refusait d’aller à l’impolitesse en suivant la conversation de deux inconnus. La bibliothécaire attendit alors que leurs mots s’estompent, le regard sur ses bouts de chaussure, les mains croisées devant elle.

Alors que les voix s’éteignaient et que l’homme pour qui elle ne conservait aucun intérêt s’éloignait, elle prit son courage à deux mains pour s’approcher à son tour. « Excusez-moi monsieur. » Elle patienta alors, espérant croiser les prunelles de son interlocuteur et surtout ne pas le déranger. « Je ne veux pas vous déranger longtemps dans vos activités, vous devez être occupé. C’est pour ça que je ne vais pas passer par quatre balais. » Elle inspira un grand coup, expirant à chaque fois un petit peu dès lors qu’elle tentait de s’exprimer.

Bon sang, elle ne pensait pas que ce serait si dur. Pour quelqu’un qui voulait être rapide et concise, elle mettait beaucoup de temps. Elle ne savait pas vraiment comment aborder les choses. Est-ce que c’est vous qui m’avez sauvé la vie ? Si ce n’était pas lui elle aurait l’air cloche. Étiez-vous à Pré-au-Lard la nuit d’Halloween ? Elle n’avait pas à s’enquérir de son emploi du temps exact. Elle venait de sortir d’un interrogatoire, ce n’était sûrement pas pour en soumettre un d’un point de vue de l’inquisiteur. « Votre voix me dit quelque chose, je suis sûre de l’avoir déjà entendue. » C’était neutre, plus ou moins réussi.

La jeune femme soupira, passant une main sur son front pour tenter d’en chasser les traces de fatigue et de nervosité. Sans grand succès, il faut l’avouer, mais l’ambition y était. « C’est peut-être stupide. Mais je suis sûre de vous avoir entendu, le soir d’Halloween. Mais je peux peut-être me tromper, cela dit. » Après tout elle n’avait pas le choix d’aborder le thème de cette soirée. En espérant maintenant qu’elle n’avait pas complètement déraillé et qu’elle ne se faisait pas des films.
Alex Brekke
Membre
Alex Brekke

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The good one or the real one ?
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Jeu 26 Nov 2020 - 13:06
I hear your voice.Lévine & Alex
I should've known. I'd leave alone. Just goes to show. That the blood you bleed is just the blood you owe. ( No time to die → Billie Eilish ) ••• La nuit était froide. La nuit était humide. Et dans l'air, résonnait le souffre d'un sortilège. Les étincelles dans le ciel. La pluie. L'orage. Dans sa poitrine, son cœur battait la chamade. Si fort qu'il n'entendait plus ses pas. Ne sentait plus sa course. Le souffle aux bords des lèvres. La nausée dans les pieds. Le devoir dans les yeux. L'urgence dans les veines. Les pavés dans les talons, il ne voyait qu'elle. Silhouette blafarde sous le halo d'un lampadaire. Elle était frêle. Elle était brève. Petite lumière l'empêchant d'inspirer, de se freiner. Il n'avait pas pu lutter. N'avait pas pu l'empêcher. Sous ses paupières dansaient les cendres et la poussière. Son cœur battait encore. L'averse le recouvrait à présent. Le spectre avait disparu. Mirage d'une volonté perdue.

Dans le bureau, c'était une bousculade. Une fourmilière sans cesse en mouvements. La tête dans les parchemins, Lévine n'en voyait plus le bout. Des heures, une nuit complète, de nage dans les rapports, dans les écrits, dans tout ce bordel qui lui donnait la migraine. Ils étaient en avance. Ou en retard. Il ne savait plus vraiment. La tempe soutenue par sa paume, il se retenait de s'écrouler. De tout envoyer balader d'un revers. De tout jeter au visage de son collègue qui se perdait en boutades, boudant ses dossiers pour une sieste dont il venait d'émerger. Le fiel contre les dents, soumis à une insomnie, à un alignement de travail supplémentaire, supplantant sa nuit dans un lit, pour le troquer contre un siège inconfortable, il conditionnait à grand-peine ses dernières réserves d'énergie. Il ne devait pas les perdre en agitation inutile. S'énerver contre la bêtise notoire et reconnue de son équipier ne ferait qu'accentuer la pression sur ses nerfs à vifs.

Toujours en colère. Rarement de repos. Il lâcha sa plume qu'il jeta contre son encrier à moitié vide. Il l'avait déjà fait changer, et l'absence d'un remplaçant dans son tiroir d'or est déjà grand ouvert, le narguait d'un déplacement forcé. Un instant, il hésita à charger Stanislas de cette mission, avant de le voir se dérober au regard de leur supérieure qui faisait son entrée, en se jetant sous sa table. Il se foutait d'eux. Il empoigna une mèche de ses cheveux, la bouche ouverte d'un ahurissement non feint. Lui qui avait filé à l'anglaise sous le coup des minuits pour rentrer leur chercher un café – qu'ils attendaient encore-, pour finalement probablement s'avachir comme le porc qu'il était en ce moment, sur son canapé, leur laissant tout le boulot dans les bras. La rancune monta en flèche, faisant rougir ses joues. Si Callaghan n'avait pas arrêté sa marche, se figeant aussi droite qu'une pique, le faciès déformé d'un rictus froid et cruel, il aurait fendu sur le bureau tout aussi désorganisé que tout le reste, pour écraser son nez de son poing.

Les ongles parfaitement manucurés, perchée sur ses échasses rouges, contrastant avec son tailleur tout aussi noir que les autres jours de la semaine, la blonde décolorée fit grincer son index contre le coin ébréché de l'assise de son subordonné. Celui-ci, tout empressé, se redressa, accusant une boule de papier d'avoir échappé à sa vigilance. Comme un soufflé, tout retomba, et Lévine laissa tomber son front jusqu'au creux de sa main. Ses lettres calligraphiées dansaient devant ses pupilles, sous le flou de ses paupières à moitié abaissées. Ils étaient débordés. Comme ils l'avaient peu été depuis la fin des vacances scolaires. Entre la routine des rondes pour prêter main forte aux empotés de la police magique, accepter les enquêtes qui n'étaient pas de leur ressort – ou celles qui n'avaient pas lieu d'être -, pour finalement se confronter à l'affaire de Pré-au-Lard, les minutes passées hors de l'open space se résumaient à une pause aux toilettes, de quoi se rafraîchir un peu, ou vaquer à ses occupations en couplant à tout le reste. Adieu vie sociale. De toute manière, ce n'était pas comme s'il en avait réellement une. Pas d'amis. Une maigre famille. Toute sa vie tournait autour de son job, de ses anecdotes de bureau sans intérêts. Et les seuls rebondissements de sa dernière semaine ce résumer à la fuite de Stanislas la veille. C'était triste.

De l'index, il releva le coin d'une page de l'un des nombreux rapports de la cinquième brigade. Celle qui avait prit en charge le déblayage de l'artère principale du village sorcier, où le mur d'un bâtiment avait explosé dans la nuit du 31 Octobre au 1er Novembre. Présent, il avait ajouté la copie du compte rendu de son propre interrogatoire, l'accrochant à ceux de ses collègues arrivés peu après. Ils avaient trouvé des traces de sang. Dans sa mémoire endormie résonnait encore la détonation et dans le brouillard d'un amas de poussières et de gravats, il distinguait les coupures, foulures et os en miettes de certains. Dans son dos, sur ses côtes, n'étaient plus visibles les ecchymoses de son atterrissages. Sainte-Mangouste n'avait enregistré aucune entrée ce soir-là, sauf celle d'une élève au doigt rongé par une mâchoire canine. L’œuvre d'une animagus se trouvant dans le registre. Gamine blessée qui s'était barrée aussitôt les soins apportés. C'était censé. Lâche mais censé.

Tout ça n'avançait à rien. Des faits qui ne reliaient aucun fil rouge sur le tableau dans son dos, mais qui avaient le mérite d'appuyer les versions des concernés. De lever certains soupçons tout en y ajoutant une flopée de nouvelles questions. C'était épuisant. Et grisant. De sa paume, il claqua le tas de feuilles pour l'aplatir et le faire paraître moins imposant, et il darda son regard sur l'ensemble de la pièce. Dans son coin, Elnath faisait courir son bras pour enserrer une pile de preuves emballées pour aller la ranger à la jonction du couloir dans une centaine de mètres. Cliff, lui, bouclait ses dernières sangles sur sa veste pour se retirer à la hâte, l’holster en évidence. C'était l'heure de remplacer la garde sur Pré-au-Lard. Lui n'y était affilé que les Mardi et Samedi. De huit heures à vingt-deux heures. Avec une heure de pause en plein milieu. Demain ce serait son tour. Et il l'attendait avec impatience. Sortir. Prendre l'air. Fumer sur le haut d'un toit ou au coin d'une rue.

Voyant l'apprenti revenir en jetant sur son dossier de chaire son pardessus réglementaire, il comprit que le ras-le-bol était général. Il ne sentait plus ses jambes. Et en craquant ses vertèbres en s'étirant, il ne les sentit pas plus. Il devait bouger. Se hissant sur ses pieds, il fit quelques pas hésitants. Dans ses chevilles, des fourmis se réveillaient. D'un revers, il attira à sa main la masse cartonnée de son dossier totalement rempli. Le reste, il le replaça en ligne, prenant soin de remettre sa plume sur son piédestal. Le bouchon de l'encrier vissé, il toqua à la porte de Callaghan et sans un mot, lui remit en main propre les papelards qu'elle devrait transmettre elle-même à la hiérarchie. Aucun regard colérique. Aucun reproche. Elle ne prit pas la peine de relever son menton à son entrée, ni de saluer à sa sortie. Une pauvre conne qui avait la décence de ne pas l'ouvrir. Il serra les poings et se para de son plus beau sourire. Une journée de plus en enfer.

Il s'autorisa un petit tour, déléguant les dernières signatures et tampons aux soins de Stan qui s'était enfin activé. Les doigts dans les cheveux, il arpenta les couloirs bondés de son étage. Il en salua quelques-uns, ignora les autres superbement. Au-dessus de lui, les néons clignotaient, lui faisant mal aux yeux. Un peu plus loin, il y avait les salles d'interrogatoires. Une succession de portes closes lourdement renforcées s'étendant sur une quinzaine d'habitacles froids, austères et oppressants. Ce n'était pas pire qu'ailleurs. Pas mieux. Pas vraiment équitable au lotus d'or et sa luxure terrifiante. Ne surpassant pas non plus les ombres d'une salle de classe et les moqueries des diables se déguisant en élèves modèles.

Les mains dans les poches, il attendit l'ascenseur. Les grilles dorées s'ouvrir après trois minutes où il tapa du pied pour s'occuper, pour actionner ses muscles engourdis. Dans la cage se serraient comme des sardines les salariés aux sacoches de cuir et à l'air déprimé. C'était le propre de l'endroit. D'un pas, il se faufila entre la stature voûtée d'un secrétaire aux grosses lunettes, et une jeune femme à l'air candide, portant fièrement le badge de son département sur son veston. Dos au mur, il se suspendit aux secousses, aux allés et venus les figeant sur un palier puis un autre. C'était reposant. Ses cils affinèrent les poches sous ses yeux, et il s'autorisa à soupirer, à détendre la tension sur ses épaules. Qu'il rêvait d'un verre. D'une fée verte dans un bar pas trop loin. D'une cigarette pour l'accompagner.  Peut-être seul. Peut-être pas. Il voulait se perdre. S'accorder une pause nécessaire. Peut-être se soûler jusqu'à tout oublier. Jusqu'à ne pas se souvenir de qui il est.

D'une pression, l'Atrium se dégagea devant lui. Un terrain exigu aux gens toujours pressés. Il se mêla à la foule, contenant sa fatigue et son agacement dans un sourire avenant, dans sa posture droite et fière. On le tira par la manche non loin de la fontaine, à quelques mètres à peine de l'allée des cheminées. Crissant des talons, il fit face à la calvitie déjà avancée du commandant de la troisième brigade. Un petit homme un peu rabougrit avoisinant la cinquantaine passée. Les sourcils constamment froncés, il avait la bonhomie d'un chien un peu féroce, aboyant au moindre étranger. Il ne lui avait inspiré une grande sympathie. Si tant est qu'il fût capable de la ressentir pour quelqu'un. Les épaules rigides et la bouche surmontée d'un postiche poivre et sel, il lui fit par de ses inquiétudes pour l'enquête ayant mise le feu aux poudres. Il lui confia tout bas, à tel point que Lévine courba l'échine pour capter son murmure éraillé, qu'il craignait qu'une fois de plus, ils puissent se retrouver pieds et poings liés par l'inaction du ministre lui-même. Était-ce son sourire qui lui donnait envie de se livrer à lui ? Le prenait-il donc pour un bon samaritain changeant de casquette pour devenir psychomage en un tour de main ?

Il mit fin à la discussion d'une tape sur le bras, et de quelques mots préétablis pour le rassurer, pour l'empêcher de tourner en rond et se ronger les sangs. Il faut que vous gardiez la tête froide, Monsieur Franz, sinon, que nous restera-t-il pour combattre mis à part notre paranoïa ?, lui avait-il demandé chaudement, faisant taire les plis profonds ridant un peu plus les coins de ses yeux enfoncés dans sa peau distendue. Et le voilà qui repartait, sa mallette à la main, et la fougue dans les bottes. Il ne leur en fallait jamais plus. Rarement. C'était prévisible. Se préparant à lui emboîter la route, contrit et chevillé à bras le corps par le rappel à l'ordre de la situation actuelle, il fut interrompu par une voix. Un timbre grave, androgyne. De trois quart, il posa le regard sur une silhouette droite, mi-homme, mi-femme. D'elle, de lui, se dégageait un semblant de flou, une frontière genrée déchirée par le voile de ses cheveux courts, de sa mâchoire carrée et des rondeurs sur ses hanches.

« Excusez-moi monsieur. », l'avait-elle – il?-, alpagué en ancrant le bleu de ses iris dans les siens. « Je ne veux pas vous déranger longtemps dans vos activités, vous devez être occupé. C’est pour ça que je ne vais pas passer par quatre balais. », dégageant l'un de ses poignets, il l'amena jusqu'à son oreille pour y déloger le tube de tabac qu'il s'était réservé pour sa balade en solitaire. Entre le pouce et l'index, il en tourna l'embout, portant toute son attention sur les mimiques expressives de sa vis-à-vis. L'hésitation dans une inspiration. Le pincement de lèvres, le froncement de nez. Mister Auror était un peu taquin, un peu moqueur, alors, il fit glisser sa bouche dans une esquisse à demi-voilée d'amusement.

« Votre voix me dit quelque chose, je suis sûre de l’avoir déjà entendue. » , précisa-t-elle après quelques instants, et cette-fois, ses sourcils se levèrent de concert dans une expression surprise. Sa voix, disait-elle ? Voilà qui était peu banal, peu commun. D'aucun fixé sur son métissage, sur ses paupières en amande, et ses traits européens. Peu sur son timbre. Sur la fausse note de sa jovialité. Sur le grave toujours agrémenté d'une dose de politesse, de sentiments qu'il ne ressentait jamais.

Il voulut la questionner, lui demander d'être plus claire, plus concise, mais elle le devança, portant à son front une main squelettique, blafarde. Elle lui sembla aussi épuisée que lui. Tenant par les nerfs.

« C’est peut-être stupide. Mais je suis sûre de vous avoir entendu, le soir d’Halloween. Mais je peux peut-être me tromper, cela dit. » , il voulut la faire tourner en bourrique, lui affirmer que non, il n'y était pas, qu'elle se trompait de personne pour se consoler dans les bras de la fumée d'une clope, se lover contre la mélasse engluant ses cils. Fuir. Pourtant, il se fendit d'un soupir du fond de la gorge, et s'appuya de côté contre les carreaux anthracite bordant la fontaine. Les avant-bras contre son torse, il fit un tour circulaire de tout ce bruit vrombissant dans sa boîte crânienne. Dans un coin, planqué dans les dossiers de sa fatigue, traînait encore l'éclair orangé sur des briques, la silhouette dans le noir, le fantôme au bout de ses doigts qu'il aurait souhaité attraper.

« J'y étais. », confessa-t-il en lorgnant sur la sculpture de ses joues creusées. « Nous pourrions en parler ailleurs, si vous le voulez bien ? », il ne le voulait pas tout à fait, mais il avait déjà trop parlé, s'était déjà trop attardé sur elle pour qu'il puisse s'en tirer d'un : Je ne vous connais pas, désolé.

Alors, à la place, il prit la tête de file pour leur faire traverser les costards en sens inverse. Dépassant les ascenseurs, il les enfonça dans un embranchement, un coude les amenant jusqu'à une impasse, une seule portant donnant sur une salle de pause. Une pièce tout en formes biscornues, encadrant un ensemble de divans marrons foncés. Quelques tableaux aux murs, récompenses et médailles pour services rendus. Des photographies animées sur des légendes du ministère. Des tables basses se placées çà et là, bordant les sofas de chandelles tamisées de couleurs changeantes. Du vert se consumant sur un bougeoir à trois branches récoltant la cire sur ses arabesques. Tout était en pierre brutes, en carrelages sombres et en bois cassés, un peu vieilli. Devant l'ensemble de salon, une cheminée où un feu dansait déjà dans son âtre, sans cesse nourrit par les va-et-vient des employés. À gauche de celle-ci, un buffet en acajou encombré de tasses, de bouquins et journal, s'entassant aux côtés d'un percolateur enchanté. Placé devant le sésame d'un café mérité, il l'actionna d'un mouvement de main, faisant couler un filet aromatique dans le mug blanc. Le chaud entre les paumes, il appuya le haut de ses cuisses contre le meuble, désignant une tasse à la civile.

« Vous en voulez un ? Si l'on doit parler d'une soirée horrible, autant le faire bien. », et d'un tour de baguette, il amena à lui un cendrier en verre, pour s'allumer une cigarette. La première de sa journée. Le tube au coin des lèvres, il en inspira une longue bouffée, laissant s'échapper les vapeurs toxiques par son nez dans une expiration lourde. Ça lui faisait un bien fou. La nuque pliée en arrière, la pomme d’Adam tressaillante de sa déglutition, il attendit qu'elle veuille bien reprendre la parole, ou daigne se servir elle-même pour là, se mettre à parler. Dans l'ordre qu'elle voulait. Lui, pour l'heure, n'avait pas l'intention de jouer l'interrogateur. Il était trop fatigué pour toutes ces conneries.

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Lévine Serger
Admin rusé
Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Mer 9 Déc 2020 - 19:52
I hear your voice
feat Lévine Serger | vendredi 17 novembre 1995
L’esquisse de son sourire en coin ne lui échappa pas. En ces instants de nervosité, chaque détail qui lui parvenait au coin des yeux, l’assaillait comme un millier d’informations à traiter et dont la gestion était plus qu’insupportable. L’homme se moquait-il d’elle ? Il aurait pu. Ses hésitations et ses gestes flous lui donnaient l’air d’un enfant. Où était-elle, l’adulte sûre d’elle capable de regarder n’importe qui de haut pour peu que la cause en vaille la peine ? Était-ce la fatigue qui la rendait ainsi, tremblotante comme une élève au tableau pour sa récitation ? Ou le savant mélange de réalité et d’illusion qui flottait en permanence derrière ses paupières ? Elle n’était plus vraiment capable de déceler le vrai du faux, et peut-être que ses neurones avait concocter un parfait mélange de sons pour reproduire une voix afin d’appuyer la véracité de ses illusions. Peut-être que ce n’était pas lui. Peut-être qu’il n’y avait eu personne ce soir-là. Peut-être que son instinct de survie avait monté le subterfuge de toute pièce pour qu’elle réagisse.

Elle ne savait plus où elle en était. Mais elle était lancée maintenant. Ne se sentait pas capable de faire demi-tour. Le silence de l’auror la laissait perplexe, confuse. Perdue. Pourtant ses gestes lui prouvaient qu’il l’écoutait. Son appui sur la fontaine. Ses doigts jouant avec la cigarette dérangée de son reposoir improvisé. Sa réponse qui brisait le silence et faisait éclater ses premiers doutes pour en créer de nouveaux.

« J’y étais. »

Il y était. C’était tout ce qu’elle voulait savoir, même si ces quelques mots éveillaient en elle des centaines d’autres interrogations. Il y était, oui. Mais était-ce lui ? Était-ce lui les pas dans son dos qui se rapprochaient ? Était-ce celui dont le cri avait déchiré la nuit pour que les briques ne déchirent pas ses entrailles ? Était-ce lui qui murmurait la même chose inlassablement, de nuit en nuit ? Ou n’était-ce qu’une paréidolie dans laquelle elle se fourvoyait ? « Nous pourrions en parler ailleurs, si vous le voulez bien ? » Elle hocha simplement la tête, comme si déjà elle avait trop parlé. Mais il était hors de question qu’elle s’arrête alors que tous ces mots se heurtaient en cacophonie dans son crâne.

Alex le suivit, inspirant et expirant lentement pour tenter de se redonner une constance. Elle n’était personne en ces lieux mais à côté de l’auror à l’allure fière et sûre elle se devait d’avoir l’air un minimum… quelque chose. Elle angoissait déjà à l’idée de laisser ses tripes dans la salle de repos dans laquelle ils venaient de pénétrer. Il le faudrait, en quelque sorte. Elle n’était plus en interrogatoire, elle n’aurait pas à retrouver les termes exacts, les détails tranchants de sensations. Elle s’y replongera, quoiqu’il arrive. Un peu malgré elle, mais pas entièrement contre sa volonté.

L’ensemble de la pièce semblait chaleureux, contrastant avec la froideur noire de l’atrium du Ministère. Il leur devait bien ça, à ses employés malmenés pendant des heures beaucoup trop longues pour un humain normalement constitué. Elle le voyait sur la pâleur de son guide, aux cernes qui se dessinaient en finesse sous ses yeux, bien que camouflées en partie par la grâce de son visage. Ils avaient un certain mérite à se dévouer autant pour tant de causes. La Londonienne les respectait, ces hommes et ces femmes qui se dévouaient corps et âme pour la justice. Elle n’en aurait jamais eu la force. Ne se sentait pas la force, ce soir. L’homme qui se servait un café bien mérité avait justement tout son respect. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore dont elle n’avait pas conscience.

« Vous en voulez un ? Si l'on doit parler d'une soirée horrible, autant le faire bien. » La blonde n’était pas très café, mais pour le coup peut-être que ça lui ferait du bien, un truc plus fort qu’un thé. Nan, c’était un scotch qu’il lui fallait. Un scotch bien serré. « Je vais vous prendre un thé, si vous avez. » Le paradoxe d’Alex dans toute sa splendeur. L’imitant elle s’installa sur un fauteuil attenant, s’enfonçant avec délice dans le cuir et la mousse confortable de ce dernier. Depuis combien de temps ne s’était-elle pas autant détendue ?

Il ne la questionnerait pas. Elle le sentait, l’entendait en son silence et la posture tranquille qu’il arborait. Ce serait à elle de se livrer, de mener la discussion. C’était bien, dans un certain sens. Elle ne se retrouverait pas sous le feu des questions comme il en avait été le cas avec cette immondice de Penley. Mais il faudrait qu’elle trouve comment aborder les choses. C’est une fois la chaleur doucereuse de la tasse combinée au confort de son siège qu'elle se décida enfin à se lancer.

« Si vous y étiez ça évite de devoir tout vous raconter. » Même si elle ne pouvait pas savoir quand est-ce qu’il était arrivé ni ce qu’il avait vu ou entendu. Elle se massa la tempe, se retenant de fermer les yeux. « Je sors d’interrogatoire, si jamais il manque des détails l’inspecteur Penley a tout noté. » Mais elle n’était pas en interrogatoire, elle était ici de son plein gré. C’était à elle de mener la danse. « Je sais pas où vous étiez, ni ce que vous avez fait, ni vu, ni… Enfin… même moi à force je suis plus sûre. » C’était le cas. A force de ressasser, de revivre, de sortir sa version, d’en lire d’autres, d’entendre les uns et les autres elle n’était plus sûre de la vérité. Sa vérité en tout cas était gravée dans ses côtes fragiles et sa main endolorie.

Elle but une gorgée, laissant l’eau beaucoup trop chaude brûler au passage quelques papilles et son œsophage. Mouais, elle attendrait pour la suite. Pour le thé du moins. Elle inspira alors que ses yeux se perdaient sur le plafond, sur le vide qui l’entourait. Faire le vide quelques instants, y compris dans sa tête. Somnoler quelques secondes… Redressant sa tête elle fronça les sourcils. Ce n’était pas le moment de se laisser porter par la quiétude. « Vous connaissez l’histoire dans les grandes lignes. La disparition, l’alerte, l’attaque, la course poursuite avec quelques personnes dans les rues contre d’autres fuyant. J’ai pas besoin de m’attarder là-dessus. » La gazette l’avait racontée et lui devait la connaître par cœur. Tout le monde la connaissait par coeur.

Ses cellules nerveuses repassaient le fil conducteur de cette soirée en accéléré. Les images, les sons et les odeurs étaient associés dans une netteté implacable qu’elle aurait préféré s’éviter. « Ce qui importe c’est la fin. Juste avant que tout se termine. » Elle eut le malheur de clore ses paupières. Une seconde. Une fraction de seconde de trop. Elle ressentit alors la vive brûlure au moment où la pierre explosait dans son crâne. Elle reprit brusquement pied à la réalité. Combien de temps avait duré son passage de rêverie ? Dix secondes ? Une minute ? Plus ? Suffisamment en tout cas pour que sa tête se soit rentrée légèrement dans ses épaules, que sa main se soit brusquement serrée sur la tasse à en faire pâlir ses jointures déjà bien claires.

Quelle image elle donnait d’elle. Elle se donnait en spectacle. Faible. Lâche. Incapable de faire face aux évènements. Un grognement monta du fond de sa gorge, autant pour s’éclaircir la voix que devant le dégoût profond d’elle-même qui s’installait. Sombre merde avachie dans un fauteuil de salle de repos. « Avant que le dernier Man… » elle se reprit de justesse, se souvenant des remarques de Penley sur ce qu’elle prétendait avoir vu, « … dernière personne ne transplane elle a fait péter un mur. » Ses mâchoires se serrèrent à répétition avant que le reste des mots ne sortent. « J’étais la plus proche. Mais je suis sûre d’avoir entendu quelqu’un me crier de faire attention. Et je l’ai fait. » Elle a fait ce qu’elle a pu pour éviter une mort certaine. C’était déjà pas mal. « Et si je suis là pour le dire aujourd’hui c’est grâce à lui. »

Un grâce à vous resta coincé derrière ses lèvres. Car elle n’était pas sûre que c’était lui. Seul lui savait.
Alex Brekke
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The good one or the real one ?
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Jeu 10 Déc 2020 - 23:00
I hear your voice.Lévine & Alex
I should've known. I'd leave alone. Just goes to show. That the blood you bleed is just the blood you owe. ( No time to die → Billie Eilish ) ••• Le ministère avait toujours eu une aura. L'oppression des briques anthracite de l'atrium combinait à la dorure luxueuse d'une fontaine égayant faussement un espace étriqué. Comme une pancarte rassurante aux visages souriants d'une famille parfaite, sur la devanture des barbelés d'un camp d'extermination. Un halo de mystère. L’éclaircie de lanternes inexistantes dans le vert sombre d'une cheminée en sans cesse crépitement. C'était la foule. C'était le bruit. Les bousculades de droite à gauche, la démarche malhabile d'albatros insomniaques à la poursuite d'un Morphée en cavale. Des employés trop pressés, toujours en retard, courant après du temps perdu, une aiguille de vingt-quatre heures trop courtes pour les feuilles volantes, les notes de feu, et les dossiers urgents. Le stress d'une cigarette pressée entre les doigts, il fit écho aux épaules voûtées d'une pauvre, ou était-ce un ?, civile éprouvée. L'empathie déchirée entre ses obligations et sa sensibilité grésillant des sons intenses, il s'était laissé allé à un sourire. Le haussement en coin de ses lèvres obstinément closes.

Avait-il envie de parler ? Non. Ses cordes vocales étaient bloquées. Asséchées de ces heures interminables à n'enlacer que les remontrances du fond du coffre, et les rasades de café bon marché, distribué à la pelle, avec une goutte de fortifiant pour le sucrer. Avachit contre les nervures sur le marbre de la statue horriblement tape à l’œil, Lévine se perdit dans ses pulsions moqueuses chevauchant ses envies d'en apprendre plus. Cette curiosité l'accablant d'un trouble qui agita ses pupilles dilatées par le goudron réchauffant ses récepteurs nerveux d'une dose d'énergie non négligeable. Ça lui montait à la tête. Sur ses tympans, résonnaient les basses de son cœur surchargé, et les voix des frelons bourdonnants. Il ne l'avait pas interrompu. Un peu salop, il l'avait regardé chercher ses mots, se confondre en hésitations sans scrupules, sans attentes, sans remords. Peut-être qu'il souhaitait voir quelqu'un plus à terre que lui, aujourd'hui. Plus épuisé. Plus fatigué. Besoin égoïste de se marrer, de se satisfaire d'une faiblesse qui n'était pas sienne.

Il n'en fut pas contenté.

Halloween. Halloween revenait sur le tapis. Des lignes dans les pochettes cartonnées d'un rapport bien entamé, une ombrelle sur une plage de questions sans réponses. Il était sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, de tous les instants. Le drame inexpliqué aux témoignages douteux, aux contradictions en escaliers ne menant à rien de plus qu'un brouillard en son sommet. C'était pour le fuir, pour virer à grands coups la grisaille de cette-nuit là, qu'il s'était éclipsé, s'était fondu à tous ces imperméables de scribouillards. Et elle était là. Silhouette élancée d'une faiblesse partagée. Le fier menton baissé sur les chaussures, il s'était lassé. Contrit et apathique des points lumineux dansant sur ses cils sous haute tension.

Il l'avait invité. Elle l'avait suivi. D'un embranchement invisible d'un public non familier, il s'était rappelé les premières foulées dans le labyrinthe de ces couloirs peu fréquentés. Ils n'étaient plus beaucoup à venir près de la porte mauve, et tourner à droite à la première sortie. Il était encore jeune. Un peu fougueux. Un peu craintif. La démarche plus vive. Plus empressée. Moins nonchalante. Moins droite. Moins raide. Lui, avait été plus détendu. Les retours d'une sombre affaire sous le bras, décidant d'en remettre les détails à plus tard d'un sourire assuré. Quelque part, il l'avait envié, cet air goguenard et charmeur. Il lui avait jalousé le blanc d'un mug nacré sur la desserte au coin du buffet en acajou. Trop imposant. Il écrasait les meubles. Il était lumineux ce petit récipient. Il était lourd. Il était ce trop contradictoire courant sur son ongle, de l'anse jusqu'à la bordure. Sur la pulpe de son index, il sentait le contact brûlant du café se déversant en grandes gouttes, en un filé noir. Comme du goudron. Comme du poison. Le filtre de sa cigarette gagna ses lèvres entrouvertes sur un soupir chargé. Libérateur.

Ses épaules se détendirent dans une volute fantomatique. Dans une fumée longeant ses narines pour apprivoiser ses joues creusées de son inspiration douloureuse, à limite d'exploser ses fibres pulmonaires. Près de ses yeux, de ses paupières obscurcies d'un nouveau mouvement de poignet pour extraire la tasse de son socle, dansaient les chimères du trouble. Du doute. Plus courtois avec les femmes. Moins méfiant. Moins apeuré sans doute, il se perdait dans ces nuances masculines, androgynes dans la posture alanguie dans l'un des fauteuils. Un mélange d'une virilité mesurée se heurtant de pleins fouet à la cambrure féminine des magasines. Intrigué. Repoussé. Il jonglait sur le fil d'un presque relâchement, le maintenant en garde d'une balayette de soupçons, pour que sa vigilance amoindrie soit réactivé d'un bâillement soudain. D'elle, de lui, suintait l'odeur âcre de la dérive émotionnelle. De la douleur. Du crime. Sous clef, le gamin aux cheveux noirs s'y reconnaissait. Encore pantelant sous le lustre du grand hall.  

« Je vais vous prendre un thé, si vous avez. », lui demanda-t-elle absente, ne faisant qu'un avec les coussins de cuir de son appui. Il n'avait pas répondu. N'avait formulé aucune affirmation. Aucune négation. En automate, son bras s'était levé sur la machine enchantée, et il agrippa le noir brillant dans le placard. Le sien. Celui le reflétant comme un miroir. Il voyait ses cernes dans le flou des primes lumineux jaunies ricochant contre la porcelaine. C'était aveuglant. Le percolateur fit glisser une quantité d'eau au sein de l'abreuvoir, et il y plaça un sachet pour l'infuser. Du thé noir. Sans saveurs fruitées ou caramel réconfortant. Essors d'un Earl Grey britannique des plus authentiques. La fierté d'un patrimoine prônant le raffinement sur les casquettes et baguettes de pains de leurs concitoyens par delà la Manche.

Sa mère ne buvait jamais de café. Elle préférait quelques feuilles aromatiques. De la menthe glaciale à la douceur de la camomille le Dimanche soir pour mieux dormir. Dans l'ambré du liquide, il ressassa l'étreinte d'un plaid duveteux jusqu'à la cime de sa tête brune. Il était à carreaux. En laine rouge et noir. Couverture pour les soirées à flemmarder devant la cheminée, allongé sur le tapis. À cette période, le salon sentait le pain d'épice. Et la cannelle. À la radio tournait une musique de Noël, les chants un peu vieillot d'une chorale d'église. Dans son pull bien chaud, derrière une vitre embuée par la neige, il s'était senti bien. Un peu plus loin, s'il tendait la main, il pouvait encore toucher une locomotive miniature extraite de son paquet multicolore. Monsieur Serger fredonnait derrière son journal, et sa mère, entre deux caresses dans ses filins d'ébène, souriait des péripéties des amants transits d'un livre à l'eau de rose.

Il secoua la tête, et d'un revers de talons, il quitta les bribes mémorielles chaleureuses, ramenant le terne de couleurs embrassant le négatif. En quatre enjambées, il se plaça près de l'accoudoir de la blonde. Son profil était blafard. Pâle représentation identique de son pathétique état. Ses doigts arboraient une teinte violacée. Celle des os en miettes. Des tendons crispés. Dans ses phalanges tordues, on y voyait les stigmates des briques et coups à s'en déchirer la peau. Le petit garçon près du poêle toujours éteint lui souffla de l'écouter. Affamé, bleuie de ses pieds nus, il vit dans la tignasse floconneuse des éclats de verre brisé.

« Tenez. », fit-il en unique approche, orientant le point froid vers les extrémités valides. Pas de commentaires. Pas de jugement. Pas de raillerie. Les premières lueurs de ce quelque chose qui l'avait fait courir. Et qui aujourd'hui, le rendait plus immobile qu'hier.

À reculons, il ne s'était arrêté qu'une fois stoppé par le meuble en haut de ses cuisses. Il fut tenté de s'y asseoir, de se hisser sur les planches de ses paumes, mais il se contenta d'une assise sommaire. Pour cette fois. Plus tard, décida-t-il, peut-être pourrait-il squatter le rembourrage de l'un des sofas pour une heure ou deux. Sa nuque se reversa, et le plafond décoré à outrance lui donna le vertige. C'était comme regarder le ciel et voir en ces nuages des masses de plombs prêts à vous écraser le nez. Les arabesques massives d'une fresque retraçant les rebondissements d'une guerre antique, le firent avaler sa salive dans une déglutition silencieuse. Le tabac chatouilla ses cils, et il consentit à les abaisser un moment. Celui de la réflexion, des mots choisis avec soin. Il ne voulait pas se fendre de la veste de l'interrogateur.  

« Si vous y étiez ça évite de devoir tout vous raconter. », commença la jeune femme, ou le jeune homme ?, avec prudence.

« Je sors d’interrogatoire, si jamais il manque des détails l’inspecteur Penley a tout noté. », même avec une baguette contre la gorge, il ne perdrait pas la face à s'abaisser devant les déductions bas de trottoir de ce vieux con. Pour un détail. Pour deux informations. Un avis tranché. Arrêté. Sans équivoque.

« Je sais pas où vous étiez, ni ce que vous avez fait, ni vu, ni… Enfin… même moi à force je suis plus sûre. », lui non plus. Répété. Une version tournant en boucle. L'objectivité se confondait en mirages hypothétiques. Les masques. Les capes. Un tourbillon d'étincelles perçant les étoiles. Le rayon de lumière déchirant le voile d'une ruelle. Les cris. Les nez brisés des fenêtres condamnées, et les canailles s'enfuyant à toutes jambes. L'explosion. Et la silhouette dans le noir. Peut-être avait-il tout inventé ? Il ne savait plus. Elle non plus.

En écho, les tasses furent vidées d'une gorgée. La caféine martela ses synapses cuvant déjà dans le caniveau. Ses tempes battaient. Et sous son regard hagard, il perçut le châle de la fragilité de cette femme déroutante. Les notes ensommeillées tournant autour de son crâne. Les mouvements d'humeur dans ses jambes, dans son dos. Son bras se rabattu sur son ventre, et de ses ongles, il tira sur les sangles de son uniforme. Il devait s'occuper. Il ne devait pas l'écouter. Lui qui se lovait contre sa hanche loin de sa prison. Au bout du couloir. Derrière le rideau écarlate d'une impasse.

« Vous connaissez l’histoire dans les grandes lignes. La disparition, l’alerte, l’attaque, la course poursuite avec quelques personnes dans les rues contre d’autres fuyant. J’ai pas besoin de m’attarder là-dessus. », c'était comme lire la gazette. Retraçait le déroulement de la soirée par la censure de journalistes dépassés par les événements. Il l'avait relu. Encore. Et encore. Jusqu'à en mémoriser chaque mot. Chaque tournure. Chaque omission. Chaque mensonge. Chaque trahison.

Il connaissait. Et intérieurement, il la remercia de ne pas s'attarder dessus. De ne pas perdre de la salive en résumé inutile. Destructeur. Qui lui aurait donné l'envie de lui jeter la boisson infâme qu'il continuait d'avaler toutes les vingt secondes. Pour ne pas fermer les yeux. Pour ne pas perdre cette posture transpirant l'assurance. Divine comédie.

« Ce qui importe c’est la fin. Juste avant que tout se termine. », elle, elle n'eut pas son réflexe. Pas vraiment habituée peut-être. Et au fond, il ne sût pas s'il s'en fichait autant que du reste, ou s'il voulut dans un éclair d'empathie démesurée, claquer des doigts pour faire disparaître la crispation fronçant les sourcils de son aînée. C'était comme bondir dans un cauchemar. Dans une réalité plus pressante que le présent. Plus vivace. Plus réelle. Il savait. Il connaissait. Lui aussi le vivait constamment. À mi-chemin entre l'ombre d'un cigare et l'écusson sur sa poitrine.

Les secondes s'enfilant, il roula des yeux en coinçant le tube presque consumé entre ses dents, quelque part par ses canines, et en enfouissant sa main dans sa poche, il intercepta l'anneau glacé de sa résilience faussée. Belle chevalière ajustée à son tour de doigt, comme si elle avait toujours dû s'y trouver. C'était risible. Constant rappel. Cuisant souvenir. C'était un fardeau. Une enclume lâche dans sa paume. Chacun possédait la sienne. Il l'enferma dans son poing, et se racla d'une toux grasse. Celle des fumeurs de charbon. Maigre soutien dans ces flashs la faisant sursauter dans son siège. Attentif, presque patient, il s'appuya de nouveau comme précédemment, remettant à sa place discrètement le bijou découpant sa chair, et en même temps que la suite parvenait à ses oreilles, il écrasa sa cigarette dans le cendrier à sa portée. La sculpture d'une nymphe soufflant sur des pétales de jasmin.

« Avant que le dernier Man… » elle s'interrompit abruptement, attirant un haussement de sourcil à son encontre.  « … dernière personne ne transplane elle a fait péter un mur.»  

Un mur. Dans le lointain, il entendait encore la détonation. Il sentait encore le temps s'arrêter. Une seconde. Deux. Et son dos contre les dalles de pierre. Pas le plus touché. Pas le plus blessé. Un putain de miraculé. Sa mâchoire se contracta convulsivement. Son paquet était presque vide. Une plume volant sur le buffet d'un revers. Le bout s'enflamma et il se força à gonfler sa poitrine d'une toxine apaisant un peu ses nerfs. L'échec. Celui de ne pas avoir fait sauter leurs costumes d'un incendio. Celui de ne pas avoir réussi à l'arrêter. De ne pas avoir attrapé ce col qui lui avait paru si proche. Et si loin. Inatteignable.

« J’étais la plus proche. Mais je suis sûre d’avoir entendu quelqu’un me crier de faire attention. Et je l’ai fait. » , une petite pause pour inspirer. Pour le regarder. Il n'était pas sûr de comprendre, de tout saisir. « Et si je suis là pour le dire aujourd’hui c’est grâce à lui. »

Elle était une femme.

Ce simple constat fit taire toutes protestations violentes et colériques. Elle n'était pas une idiote devant un cadavre. Elle n'était pas une gifle sur sa joue. Elle n'était pas la certitude d'avoir pied et poings liés. C'était grâce à lui. Une course dans les rues. Les pas pressés. La lueur d'un lampadaire. Les capes qui tournent, qui s'envolent. Et elle. Le spectre sous la lumière de la Lune. Pourquoi avait-il tant voulu l'attraper et la placer derrière lui pour l'abriter, la protéger ? Pourquoi alors qu'il avait laissé sans état d'âme le tibia brisé de celle qui lui avait déjà tendu la main ? Le devoir. Irrésistible envie de faire quelque chose de bien. Nerveusement, il se comprima dans sa rire. Un ricanement qu'il étouffa de sa manche, compensant l'absurde de la situation en toussant.

« C'était toi ? », lui demanda-t-il en la pointant du doigt, incrédule, toujours sous les foudres de son hilarité incompréhensible. « C'était vraiment toi ? », répéta Lévine en se détachant du meuble pour faucher le parquet de quelques pas, des chassés de droite à gauche. Statiques. « J'ai cru que tu étais morte quand j'ai été propulsé par l'explosion. », un aveu qui fixa son attention sur le mur. Les pierres étaient vieilles et sentaient le moisi. Même les parfums des fleurs et arômes de cafés ne parvenaient à totalement les camoufler. Sa bouche pincée d'une moue indéchiffrable, il amena sa tasse jusqu'à son menton pour fuir derrière la barrière de la céramique.

C'était grâce à lui. Et étrangement, il espérait que c'était réellement le cas.  

« Tu ... Mh. », il passa son pouce sur sa lèvre inférieure, se perdant en confusion. En paroles diffuses. Il ne savait pas vraiment quoi dire. Quoi faire. « Lévine. », choisit-il finalement de dire après quelques secondes de silence. Son prénom. La politesse. De quoi combler un peu le blanc qui menaçait de s'installer.

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Jeu 18 Fév 2021 - 17:47
I hear your voice
feat Lévine Serger | vendredi 17 novembre 1995
Il était auror. Il était la force tranquille. Il était le héros qui hantait ses nuits sans qu’elle ne connut son identité. Comparé à l’inspecteur qu’elle avait enduré avant, son attitude à lui était tout autre. Il avait quelque chose en plus, ou en moins : sa brutalité. Il n’y avait pas de trace de jugement dans ses gestes, pas de brutalité dans ses propos – bien qu’il n’eut rien dit jusque là. Il y avait une douceur dans sa manière de lui tendre sa tasse de façon à ne pas brûler ses doigts endommagés. Alex n’avait rien dit mais silencieusement son regard l’avait remercié. La chaleur apaisait ses paumes glacées de douleur et détendait légèrement la crispation de ses membres. À défaut de réchauffer le froid qu’elle ressentait profondément, ancré en elle depuis plusieurs jours, elle adoucissait la surface.

Elle ne s’attendait pas à ce que parler soit si dur. Profondément marquée par son interrogatoire passé, la force tranquille de l’homme et la délicatesse de son silence lui rendait les choses plus aisées. Tout le long qu’elle parla, il se tut. Elle ne savait quoi en déduire. L’écoutait-il réellement ? En avait-il quelque chose à faire de ses propos ? Les prenaient-ils en considération ? Ou, comme l’inspecteur, la jugeait-il intérieurement ? Elle n’arrivait pas à le percer à jour, à comprendre ce qui se cachait derrière ses paupières fendues, derrière son regard perdu dans ce décor dans lequel il devait déambuler pendant des heures. Elle le voyait sans vraiment le voir, d’ailleurs. Elle lutait pour ne pas se replonger trop profondément dans les souvenirs, dans les douleurs, dans le fracas des os et des horreurs.

Elle ne comprit pas. Elle ne comprit pas son soudain étonnement et son rire camouflé. Ce dernier ne lui était pas passé inaperçu. Elle se crispa soudainement et posa son regard sur lui, les sourcils froncés d’incompréhension. Qu’avait-elle dit de si drôle ? Riait-il de sa situation grotesque ? Riait-il de sa faiblesse apparente ? Elle avait honte. Plus que honte même. Elle n’aimait pas se montrer comme cela, blessée, les yeux embués de larmes qu’elle haïssait du plus profond de son être. Dans une grimace elle secoua la tête pour les chasser discrètement. Bon sang qu’elle était faible et lâche.

« C’était toi ? » Elle fixa son doigt pointé vers elle, doigt qu’elle trouvait accusateur. Ou peut-être était-ce simplement son état global qui lui faisait interpréter son geste comme tel. « C’était vraiment toi ? » Il lui avait fallu cette seconde interrogation pour comprendre que son sauveur avait enfin un visage. Que l’ombre dans son dos avait le teint pâle, l’allure élégante et le regard perçant. Qu’il avait ce ton calme et posé. Que le cri qui avait déchiré la nuit pour lui éviter une mort certaine était sorti du fond de ses entrailles. Qu’il les avaient sortis pour elle et elle seule.

Elle avait alors souri, doucement. Elle n’avait pas l’habitude d’être reconnaissante, d’être redevable d’un sauvetage. C’était sa vie qu’il avait sauvée. « J’ai cru que tu étais morte quand j’ai été propulsé par l’explosion. » Elle aussi avait cru mourir. Lorsque les pierres avaient fait ployer son dos sous leur poids, elle s’était imaginée partir. Lorsqu’elle avait senti résonner la déchirure des ses mains, elle avait cru les perdre. Et pourtant elle était là, assise sur un fauteuil confortable et ce, grâce à la voix d’un homme. À sa voix à lui.

Elle prit une gorgée, puis une seconde, la brûlure de son œsophage lui paraissant désormais secondaire. Qu’importait une sensation désagréable, passagère, face à celle, étrange, qui montait dans ses entrailles. Elle avait envie de se lever, de pleurer, de l’étreindre. De lui dire merci. Mais comment le lui dire ? Comment le faire ressentir sans passer pour une cruche écervelée ?

« Tu… Mh. » C’était à lui de parler maintenant. A lui de s’exprimer. Elle en avait assez dit. À son tour. Lorsqu’elle ferma les yeux, plus apaisée, elle l’entendit à nouveau. « Lévine. » La blonde appréciait cette consonance. Il lui allait bien. Elle posa sa tasse sur son genou, la maintenant dans sa main recourbée et lui tendit l’autre. « Alex. » Un petit rictus s’installa sur ses lèvres, synonyme d’un sourire qu’elle ne savait réellement exprimer. « Hm… je suppose que je dois te remercier. » Il avait ouvert le tutoiement, elle l’avait suivi.

Ils avaient l’air d’avoir le même âge, ou presque. Il lui semblait jeune, moins de la trentaine. Ils avaient les mêmes traits fatigués. Dormait-il aussi peu qu’elle ? Était-il aussi tourmenté par cette nuit ? Il devait en avoir vu des pires avec son métier. Mais ce n’était pas pour discuter des autres affaires qu’elle était là. C’était bel et bien pour cette nuit là, aussi désagréable soit-elle. La Londonienne termina sa tasse d’une traite, avant de relever son regard vers lui. « Est-ce que… ça va, toi ? T’as pas… été trop blessé ? » À première vue il avait l’air d’aller relativement bien. Mais peut-être savait-il simplement le camoufler. Les Aurors n’étaient-ils pas connus pour être passés maîtres en métamorphose ? Une seule question lui trottait dans la tête, lui importait réellement, aussi insensé qu’importante pour elle. « Mais pourquoi ? Pourquoi avoir crié comme ça alors que t’étais loin ? » Elle ne lui en voulait pas, bien au contraire. Mais selon elle, quelque chose hurlait le non-sens. « Pourquoi avoir pris le risque de te faire repérer ? » Elle secoua la tête, les sourcils légèrement froncés. « Ils étaient plusieurs, t’aurais pu te prendre je ne sais quel sort en pleine tête juste en me sauvant…. » C’était un fait, son geste aurait pu lui coûter cher.
Alex Brekke
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Alex Brekke

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The good one or the real one ?
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Jeu 13 Mai 2021 - 18:38
I hear your voice.Lévine & Alex
I should've known. I'd leave alone. Just goes to show. That the blood you bleed is just the blood you owe. ( No time to die → Billie Eilish ) ••• Elle était étrange. Et plus Lévine la regardait, plus cette impression se renforçait. De seconde en seconde. De minute en minute. Au point où après son monologue, il en fut certains : Elle était étrange. Elle le voyait en sauveur. Elle le voyait en protecteur. Là où lui, dans son délire nihiliste, se préférait comète sur un monde lui donnant la gerbe par sa simple existence. Le paradoxe le fit d'abord sourire. Le nez dans son café, les lèvres tordues d'un rire qu'il contrôlait à peine, il se questionna. Un millier de fourmis dansant sur ses neurones en un gigantesque point d'interrogation. Pourquoi ? Pourquoi le dévisageait-elle avec cet air horripilant ? Cette reconnaissance lui hérissant les poils de dégoût, tout en lui léchant un ego à ras du sol.

Il aurait souhaité lui dire de se taire. De baisser les yeux. De prendre la tasse brûlante à laquelle elle se raccrochait désespéramment, et d'en ingurgiter le contenu jusqu'à s'en étouffer. Mais à la place, le fiel de sa mauvaise humeur constante se mut en phrases polies, d'une gentillesse lui ébouillantant les doigts. Lâchement, il se racla la gorge après ses premières syllabes. Tout juste intelligibles dans son hilarité hystérique.

Elle était étrange. Et elle restait là. Ce qui ne l'arrangeait pas.

Son air de chien battu lui donnait des hauts le cœur. Tout en lui renvoyant l'allure chevaleresque qu'il devait bien entretenir pour les apparences. Tout dans sa posture fléchie, ses tressautements, ses hésitations le lui rappelaient : Il avait un rôle. Une étiquette sous la forme d'un insigne. Une vulgaire plaque piquetée sur sa veste. Qu'elle l'admire comme un héros était encore pire.

À choisir, il préférait l'inverse. Par habitude peut-être.

Protéger et servir. Une devise qu'il avait détestée. Et admiré dans sa globalité, entretenant un point de vue vêtu de gris et de nuances plus foncés. Les flics avaient été presque blancs par instants. Stanislas, aussi agaçant, pouvait-il être, s'enfonçait rarement bas dans son échelle de tolérance. Plus il l'observait, avachie dans un fauteuil aux bras de géants sur son squelette, et plus le pathétique de la situation devenait insoutenable. Autant que ce tiraillement dans ses entrailles le poussant à pieds joints dans la conversation, comme si s'y foncer d'abord du gauche allait lui porter bonheur.

Voir sa mine moribonde le tira brutalement du silence, l'embourbant dans un agglomérat d'émotions qu'il n'était pas sûr de vouloir interpréter en profondeur. Pas maintenant en tout cas.

Il était heureux. Heureux d'avoir eu l'occasion de faire quelque chose de bien, de respectable, de juste. Il en était heureux. Et c'était intolérable. Comme sa maladresse gestuelle, qui finit de le contraindre à relâcher l’anse de sa boisson pour la poser à l'écart. Le café ne l'attirait plus de toute manière. Incertain, il s'était présenté. Un prénom vague allant à la tête de Monsieur tout le Monde. Ce qui n'était pas plus mal.

« Alex. », lui répondit-elle dans un rictus. Douloureux ou aimable, il ne sût le dire. C'était troublant.

Quittant son perchoir près du buffet, il s'avança pour enserrer sa main malingre dans la sienne. Elle lui sembla d'un coup facile à briser. Comme de l'argile ayant trop longtemps séchée au soleil. Il ne la serra pas trop. Presque mollement. Juste au cas où.

Alex. C'était aussi énigmatique que son physique. Toujours dans un entre-deux dérangeant. Les Hommes le débectaient de leurs manières brutes, de leurs conversations empestant les élans virils rattachés à trop de souvenirs sombres et terrifiants. Les Femmes l'angoissaient de leur clairvoyance, de leur bienveillance ou de leur froideur mystérieuse. Il avait toujours raisonné par spectre de genre. Un peu par facilité sans doute. Le féminin le rendait faible. Le masculin agressif. Il était sur ses gardes devant sa coupe courte et ses traits francs. Et démunit sous la chaleur de pupilles plus subtiles. S'y concentrer ne l'aidait pas. Alors, il abandonna.

« Hm… je suppose que je dois te remercier. »

Il secoua la tête, fourrant ses poings au fond de ses poches, appuyant ses cuisses contre l'accoudoir du divan. Il était confortable, mais rester debout l'aidait à ne pas perdre le fil. Et il ne le devait pas.

« Ce n'est pas utile. », bredouilla-t-il vaguement avec un haussement d'épaules.

Les remerciements le mettaient mal à l'aise. Ça lui donnait la sensation d'avoir mal agit. Et d'être étranger à des effusions de gratitude qu'il ne méritait souvent qu'à moitié. Il ne s'en sentait ni légitime ni satisfait. Son cri n'avait rien arrêté miraculeusement. Ni le sort. Ni l'explosion. Ni son échec. Y repenser l'irritait. Ce n'était pas la pire soirée de sa vie. Il manquait dans l'air un semblant de luxure pour le faire frissonner. Mais l'issue le rendait amer.

« Est-ce que… ça va, toi ? T’as pas… été trop blessé ? « , elle s'attira un lever de sourcils surprit, tandis qu'il ne se retenait pas de lui désigner ses propres injures du menton.

Ses phalanges étaient violacées, s'étalant dans un dégradé d'ecchymoses jusqu'au poignet. C'était artistique. Des nuages bleutés sur une étendue blanche, embrassant les pétales jaunis de la souffrance. Une démonstration poétique d'inconscience. De masochisme aussi. Elle souffrait, mais n'agissait pas contre. Comme une flagellation. Aujourd'hui, heureusement, ses mains étaient impeccables. Les briques de son appartement n'avaient pas mangé ses coups, ni encaissés sa rage. Alors, il se redressa en fléchissant les genoux, entourant d'un revers le triste état de ses extrémités.

« Sans vouloir t'offenser, je ne risquais pas de faire pire que toi. », fit-il avec légèreté en commençant les cents pas sur le tapis. Un vieux tissu bordeaux délavé par le temps. Dans l'austérité des murs de pierres, c'était bien le seul élément chaleureux.

« Tu devrais penser à consulter pour ça. », de l'index, il insista un quart de seconde, avant de lui offrir son profil, le bras pendant et la voix traînante. Il ne prit pas la peine de veiller à l'écoute de son bref conseil. Ce n'était pas ses affaires.

Sous ses talons, il sentait le tissu plier. Presque grincer. Comme un amas de pailles sèches craquant entre les crans de ses bottes. Ça brûlerait bien. Autant qu'un toit de chaume moyenâgeux. Il s'attarda sur les motifs. Un quadrillage doré sur un fond foncé. Des lignes entrelacées sur dix enjambées, tranchant avec l'authenticité du cuir. Tirant sur le retour un cendrier en cristal de la plaque sous la table basse – un beau pavé en chêne aux bouts arrondis -, il figea sa marche pour le placer entre eux. Un bel ouvrage transparent mimant la danse de nymphes aux mains ouvertes sur les quatre coins. Il n'était pas amateur d'art. Alors la pièce lui parut grotesque. De son oreille, il extirpa le tube de tabac, qu'il coinça entre ses canines. Protégeant le bout de son autre main, il claqua son majeur et son pouce, faisant jaillir un jet d'étincelles. La fumée inonda ses poumons. C'était appréciable.

Avec désintérêt, il fit glisser le récipient vers elle en tendant le bras, après y avoir déposé un peu de cendre, si elle voulait s'en servir à son tour. Elle n'aurait pas à lui demander la permission. Ce qui leur ferait gagner du temps. Et de l'énergie.

« Mais pourquoi ? », lui demanda-t-elle brutalement. « Pourquoi avoir crié comme ça alors que t’étais loin ? »

Pourquoi ? La question suspendit sa clope à quelques centimètres de sa bouche. Pourquoi ? La question lui coupa le souffle. Il n'avait pas voulu s'y attarder. Il n'avait pas désiré y réfléchir. Il avait ses raisons. C'était tout ce qu'il savait. Il avait ses raisons, comme si ça pouvait tout justifier.

« Pourquoi avoir pris le risque de te faire repérer ? »

Elle enchaîna directement. Lui aurait voulu qu'elle se taise.

« Ils étaient plusieurs, t’aurais pu te prendre je ne sais quel sort en pleine tête juste en me sauvant…. »

Il est mort avec les honneurs. C'était ce que lui avait dit Dorian, les mains encore couvertes de rouges et l'expression défaite. Sa mère avait pleuré. Beaucoup. Dans son dos, elle s'était effondrée sur un banc froid, hurlant son désespoir dans ses mains. Le couloir sentait le médicament. Comme si ce détail était important. Il est mort en faisant son devoir, avaient ajouté ses collègues au cimetière. Sa mère pleurait toujours et ses larmes se confondaient avec la pluie. Il ne souvenait plus des discours, des hommages, ni de qui les avaient prononcés. Les fleurs étaient jaunes. Et son père n'aimait pas ça. De cette journée, c'était le plus insignifiant qui lui revenait. Il était un bon flic, si on en croyait la rubrique nécrologique. Tué en service, des caractères d'imprimerie en gras en tout petit. Jusqu'à cette nuit, il n'avait pas comprit. Il avait refusé de saisir. Parce que ça revenait à accepter qu'il lui avait légué plus qu'une montre ou un insigne. C'était reconnaître que le bon ne lui était pas entièrement refusé.

C'était comprendre qu'il était un flic lui aussi.

« Parce que je suis un Auror. », ça lui semblait être une évidence. « C'est mon boulot. », l'exprimer lui enlevait un poids, qu'il n'était pas conscient de posséder avant qu'il ne disparaisse.

« Si je ne le fais pas, qui le fera ? », il voulait croire qu'il tenait au moins ça de lui. Juste un peu. « Surtout vu... », il s'humecta les lèvres, hésitant sur la suite de sa phrase. « Enfin, tu sais. », il dégagea la brume devant son nez en éventant de sa manche.

« Ceux contre qui on s'est battu. », il releva les yeux vers elle à cet instant, entendu.

Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Il le savait.
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Lévine Serger
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Comme de la neige sur le sable

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Dim 11 Juil 2021 - 16:22
I hear your voice
feat Lévine Serger | vendredi 17 novembre 1995
Sa main pâle dans la sienne lui sembla encore plus fragile. La manière dont il la serra délicatement, comme veillant à ne pas malmener davantage ses doigts troublés le lui rappela encore plus. Elle était faible et fragile. Il était fort et héroïque là où elle n’avait fait qu’échouer et empirer les choses. Que ce serait-il passé si elle n’avait pas foncé tête baissée sans réfléchir ? Est-ce qu’elle aurait pu éviter de les faire repérer tous ? Lévine aurait-il réussi à mettre la main sur les fugitifs ? Auraient-ils pu éviter des blessés ? Trop de questions et pas assez de réponses.

Elle tenait à le remercier et à s’excuser en même temps. Pour le mal que son manque de réflexion avait pu causer. Pour avoir pesé sur son esprit sans le vouloir. Pour l’avoir fait risquer sa vie dans des circonstances complexes. Comment faisait-il pour conserver le juste milieu entre courage et prudence, entre devoir et folie ? Elle l’imaginait funambule, à osciller entre les extrêmes, devoir contrebalancer chaque situation pour ne pas sombrer dans un abîme trop profond. Les Aurors étaient ces funambules à la maîtrise de chaque détail, de chaque sort. Les gardiens de leur sécurité et de leurs vies paisibles. Leurs vies étaient-elles seulement paisibles avec les récents événements ? Rien n’en était moins sûr.

Contrairement à elle il semblait serein, malgré ses traits fatigués. Encore robuste et tenace là où sa folie avait laissé ses marbrures sur sa peau. Mais peut-être que des fêlures étaient présentes, là, sous ce costume impeccable et cet écusson rutilant. Aussi s’inquiéta-t-elle pour sa santé. Physique principalement, même si elle avait conscience qu’on pouvait être blessé sans pour autant conserver de traces sur sa peau. Sa question parut étonner l’homme qui lui faisait face. Était-ce déplacé de le lui demander ? Était-elle la seule qui l’avait questionné à ce sujet ? Il devait bien avoir une famille ou ses collègues pour s’inquiéter. La nuit avait été rude. Même Jayce, pourtant toujours calme et paisible l’avait assaillie de questions lorsqu’elle avait passé la porte de l’appartement cette nuit là.

« Sans vouloir t’offenser, je ne risquais pas de faire pire que toi. » Sa remarque lui tira un sourire léger. C’était effectivement difficile de faire pire qu’elle. Mais sans son arrivée la situation aurait largement pu dégénérer encore plus. Elle lui devait bien ça.

« Ç’aurait pu être mieux, on va pas se le cacher. Mais sans toi ç’aurait pu être largement pire. » Elle pencha la tête un instant, la secouant pour replacer l’une de ses mèches blondes qui la dérangeait devant son visage.

« Tu devrais penser à consulter pour ça. » Conseil qu’elle avait déjà entendu si souvent. Des dizaines de fois, si ce n’était plus, depuis la vingtaine de jours qui s’étaient écoulés. Conseil qu’elle ne parvenait pas à suivre. Elle le savait les médicomages n’en avaient absolument rien à faire des circonstances, de savoir si c’était de la folie ou non. Elle savait qu’ils ne la jugerait pas. Mais elle préférait l’idée arrogante qu’elle saurait s’en sortir seule. Que son corps saurait déployer les armes pour lutter. Force était de constater qu’elle était plutôt perdante à ce jeu.

Alors qu’il sortait nonchalamment un cendrier pour le poser sur la table qui les séparait elle ne sut se résoudre à se taire plus longtemps. Qu’est-ce qui l’avait poussé à agir ? « Parce que je suis un Auror. C’est mon boulot. Si je ne le fais pas, qui le fera ? » Alors c’était ça le devoir ? Faire fi de sa vie pour sauver autrui. La jeune femme secoua la tête un instant aussi incrédule qu’impressionnée. C’était pure folie. Les Aurors étaient des fous. Mais des fous héroïques. Lévine était son héro, depuis cette nuit là. De combien d’autres personnes étaient-ils le sauveur ? Combien d’autres vies avaient-ils réussi à épargner en mettant la sienne en danger ? Elle en serait purement incapable. Elle avait déjà tiré quelques amis de mauvais pas. Mais c’était sa bande de copains, ce n’étaient de purs inconnus. Il fallait faire preuve d’un dévouement sans fin pour se mettre autant de côtés pour les autres.

« Surtout vu… Enfin tu sais. Ceux contre qui on s’est battu. » En pensant à ses amis, les mots de Lévine firent comme un déclic au fond de son crâne, en déchaînant les rouages à une vitesse ahurissante. Comment les sorciers pouvaient-ils rester les bras croisés, à regarder les âneries débités dans les articulets de la Gazette. Comment était-il possible de ne pas voir les roueries du Ministère qui scandait haut et fort que la situation était sous contrôle ? Rien n’était sous contrôle. Ni les rues, ni la situation, ni les cinglés qui couraient les pavés.

Quelques instants elle resta silencieuse, figée, les yeux rivés sur l’Auror. Son regard devint plus froid, plus déterminé. A demi-mots il avait reconnu qu’elle ne mentait pas, que ses propres certitudes n’étaient pas sans fondements. Il reconnaissait que ce n’était pas n’importe quels sorciers qui les avaient attaqués. A l’idée que ces cinglés puissent attaquer d’autres personnes, moldus comme sorciers, elle était révolté.

Elle jeta un œil autour d’elle pour s’assurer que personne ne les écoutait. Le calme avait l’air de s’être fait dans la salle de repos. Tant mieux pour eux. « On ne peut pas rester comme ça sans rien faire. » Elle avançait peut-être sur un terrain glissant mais il le fallait. « Je sais que c’est pas mon boulot. Que je suis juste une bibliothécaire que l’inspecteur Penley était à deux doigts de remettre à sa place pour diffamation ou sur la liste des suspects. » Qu’elle rêvait de retourner le voir et lui crever un œil ou deux. Elle risquait gros si le gros Penley entendait ses reproches. Mais plus ou moins dans la merde qu’actuellement, elle n’était plus à ça près.

« Mais si jamais je peux faire quoique ce soit pour vous aider à protéger tout le monde… », insista-t-elle pour lui faire comprendre qu’elle incluait à la fois les sorciers et les moldus dans le lot, « n’hésitez pas à me le dire et je vous aiderait sans soucis. Je sais pas comment, ni en quoi je pourrai être utile mais si jamais. » Elle lui offrit un petit sourire en coin, espérant qu’elle puisse se rendre utile à l’avenir. C’était Jayce qui allait encore râler.
Alex Brekke
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The good one or the real one ?
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Jeu 6 Jan 2022 - 16:14
I hear your voice.Lévine & Alex
I should've known. I'd leave alone. Just goes to show. That the blood you bleed is just the blood you owe. ( No time to die → Billie Eilish ) ••• Ils étaient tous deux blessés, bien que d'une manière différente. Les doigts tordus et les hématomes de l’androgyne réveillèrent dans son subconscient l'entaille lancinante de l'impuissance. Il s'en voulut de ne pouvoir faire plus, ni d'en cultiver une envie farouche pour correspondre à l'image qu'il discerna dans ses yeux ; il désira ressembler au héros qu'elle voyait en lui, mais ne s'en sentit ni capable, ni légitime. Tourner en rond, user le tapis, lui donna l'occasion de remettre en perspective ses actions, les analyser dans leur ensemble. Pour la première fois depuis des mois, des années, il osa regarder la vérité en face. Elle lui donna la force de creuser et de déterrer le joyau précieux d'un rêve de gosse. Elle lui offrit l'opportunité de s'envelopper dans le tissu de la rédemption et d'accepter qu'autrefois, il avait choisi sa place sans concessions ni négociations.

Elle lui accorda d'être un altruiste de façade et de circonstance.

Être un Auror était son héritage et l'illusion d'un enfant courant après l'ombre rassurante d'un père. C'était l'atroce normalité qu'il avait ressemblé à tous ces mômes prenant pour repère un adulte plus fort et vaillant. L'insigne brillant au fond de sa poche, résidu d'une cape, accueillit ses doigts, un peu tremblants et hésitants. Il croisa les yeux humides et vacillants de la jeune blonde. L'agacement fut transcendé par une tendresse qui lui prit la gorge. Il la comprenait, puisqu'un jour lointain, il avait admiré le dos d'un policier, d'un sauveur, avec ce même éclat. Il railla pour cacher sa gêne naissante, tira sur sa faiblesse pour contrer la sienne, répondit avec un sarcasme sous-entendu, mais ne put se résoudre à taper aussi fort qu'il l'aurait fait sur un inconnu.

Il sentit un lien entre eux, effrayant et rassurant. Il vit dans leurs fêlures communes un point commun à exploiter et saisir. Ils étaient meurtris, mais différemment. Détruits, mais gardant la tête haute. Parce que mis-à-part le devoir, que pouvait-il leur rester ?

Lévine justifia son arrêt soudain en fouillant dans ses poches. Il en tira son paquet de cigarette. Le tube brilla à sa bouche d'un claquement de doigt et rependit un halo autour de sa tête, doux serpentin qu'il huma à pleins poumons. Le café fit sur la table basse, en même temps que le cendrier qu'il avait orienté au centre. De l'index, il fit glisser la cendre dans l'écrin de cristal, et il la contempla notant l'analogie de leur propre condition de laissé pour compte.

Il l'observa plus franchement, moins sur la défensive et réserve. Les femmes étaient plus compréhensives et moins indésirables. Peut-être en dessous de la terreur que lui inspirait naturellement la gent masculine, plus violente, plus forte, plus dominatrice. L'agressivité grimpait vite devant leur élan machiste et s'essoufflait dans le velours d'une voix maternelle. Elle ne lui inspirait plus le dégoût de l'entre-deux, mais le relâchement de boucles platines sur ses cils.

Il croisa les jambes, répondant au pourquoi de son intervention dans ce qu'il espérait de l'indifférence, mais faisant rouler les syllabes dans sa bouche pour s'en consoler. Le rôle de l'insurmontable et du martyr se fit supplanter et remplacer par une légèreté qui l'enserra dans la poitrine, comme un coup de poignard. L'évidence de son aveu le submergea d'une brillance dans l'iris, qu'il détourna par timidité et pudeur. Tenir leur contact visuel lui fut insurmontable et trop vif.

Mais il y revint, comme attiré par cette silhouette courbée et tremblante. La langue lourde, il combla son silence d'un allé-retour jusqu'à sa bouche par le tabac et la caféine. Il parla à demi-mot des mangemorts et de l'attaque. Il lui confia dans une unique phrase qu'il savait et qu'il la croyait.

Sa sincérité trouva son intérêt dans son recrutement, dans la propagation des idées de la tête pensant qu'il servait. Elle était une bibliothécaire, une membre du personnel d'une école qui leur était barrée et interdite d'accès à grande échelle. Les élèves qu'ils tenaient par naïveté et idéalisme ne pouvaient appréhender les gargantuesques enjeux. Les informations qu'elle pourrait acquérir par sa position et sa proximité intime avec les étudiants et autres professeurs serviraient à la bonne mise en place de leur plan et son application.

Il capta le changement d'humeur dans sa stature. Ils se penchèrent l'un vers l'autre comme pour chuchoter et conspirer.

Il entendit ce qu'il attendait. Je veux me battre. Je veux aider. Quel qu'en soit le prix.

Une esquisse releva les coins de ses lèvres qui s'affaissèrent de sérieux. Prenait-elle conscience des dangers et des conséquences ? Il en doutait. La détermination qu'il lut en elle, dans cette étincelle dure et sans appel, il n'essaya pas de l'en dissuader. Il reconnut en elle la bravoure téméraire et le courage des lionnes.

Le jeune homme se laissa aller en arrière, butant son dos dans les coussins, l'allure pensive, les gestes rêveurs et suspendus dans l'air. La cigarette resta un instant à quelques centimètres de sa destination et énigmatique, il vagabonda des pupilles sur le lustre aux incalculables chandelles. Il se projeta dans leurs batailles futures dans lesquelles il se sentit moins seul, presque épaulé avant qu'elle ne découvre le monstre serpentant vicieusement dans ses noirs desseins. Il craignit l'instant où elle verrait la vengeance et la colère avant le sens du sacrifice. Il guetta préventivement sa déception et sa rancune, car rien n'attendre ou espérer, permettait de se préserver de la douleur de l'abandon. Il condamna cette amitié naissante dans l’œuf, avant même qu'elle n'ait le temps d'éclore et de prendre trop de place.

Il soupira, les tempes pulsantes et les yeux fatigués. Il se redressa dans son assise, joignant les mains pour se parer d'assurance. Il se refléta dans le bleu lagon de l'étendu de son regard et déglutit.

« Rends-toi au bazar doré, dans l'allée des embrûmes. », finit-il par formuler en forçant sur ses genoux pour se remettre debout de toute sa hauteur. « Demande à t'adresser à Cole et dit lui que tu viens de ma part. Il t'indiquera ce que tu dois faire. »

Il amena la tasse dans sa paume. Elle pesa lourd. Il se détourna d'un glissement de talon et amena la vaisselle sur le comptoir, où elle lévita dans le lavabo pour y être lavée. Les lèvres soudainement sèches, il fit volte face pour se diriger vers la sortie. La main sur la poignée, et sans attendre de remerciements ou d'interrogations, il soupira d'une ultime lueur complice et sensible.

« Tu es courageuse, Alex. », le compliment sonna comme un avertissement. « Un jour, c'est ce qui te coûtera la vie si tu n'y prends pas garde. »

Il retrouva le couloir désert et son silence. Puis les dossiers assommants et les murmures. Pour une nouvelle journée où la voix d'Alex s’immisça quelques fois en écho de regrets.
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Lévine Serger
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