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[10/11/95] Tout effacer | Aria & Eileen

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Lun 22 Mar 2021 - 18:35
tout effacer
Quel deni, que de choisir d'oublier.
Quel egoisme, que de preferer ne plus s'en soucier.
Mais peut-on seulement tout effacer ?


Vendredi 10 Novembre 1995

Il y avait foule dans les couloirs. C'était bruyant, c'était vivant. Et, s'étonnant elle-même, Aria y avançait sereinement. Pas d'agacement ni d'angoisse à l'horizon, simplement une bonne humeur mêlée d'excitation qu'elle accueillait avec légèreté. La fête d'Halloween se trouvait au creux de chaque bouche et les idées de costumes fusaient de tous les côtés. Juste devant elle, c'était un groupe de Deuxièmes et Troisièmes années qui débattaient.

- Et si on se déguisait en Jedi et en Sith ? proposa un Gryffondor débordant d'enthousiasme.

- Han ! Mais carrément ! acquiesça la rouquine à sa gauche. Moi je veux faire Dark Vador !

- Dark quoi ? réagit la seconde fillette. C'est quoi ces trucs ?

- T'as jamais vu Star Wars ? protestèrent en cœur les deux Nés-Moldus.

Habituellement, Aria aurait levé les yeux au ciel. La culture moldue était d'un ridicule affligeant à ses yeux et il n'y avait pas de quoi s'en vanter. Pourtant, ce jour-ci, sa bonne humeur semblait avoir réveillé en elle un soupçon de curiosité. Elle tendit un peu plus l'oreille.

- Je suis ton père, scanda le garçon avec une voix déformée – peut-être avait-il voulu la rendre grave mais le fait qu'elle commençait tout juste à muer rendait le résultat plutôt burlesque.

- Je suis Dark Vador. Un extra-terrestre venu de la planète Vulcain ! renchérit la rousse.

- Mais n'importe quoi, il dit pas ça, contredit le garçon.

- T'as pas la réf' ? C'est Marty de Retour vers le futur qui dit ça, enfin !

Leurs trois amis les regardaient avec des sourcils arqués : ils ne comprenaient rien à la mise en scène. Aria non plus, et elle finit par s'en lasser. Elle tourna à un couloir et rejoignit les escaliers menant aux sous-sols. Direction le Laboratoire de Salazar.

Son secret l'y attendait, assise face à son chaudron, faisant dos à la porte. Les cachots étaient quant à eux vides, déserts et silencieux. Eileen n'entendit pas la blonde rentrer, trop absorbée par la préparation de sa potion. Portée par cet état d'esprit léger qui lui était si rare, Aria laissa la malice  imprégner ses idées et décida de manifester sa présence en clamant de la plus abyssale des voix qu'elle put trouver :

- Je suis Dark Vador. Un extra-terrestre venu de la planète Vulcain !

Au sursaut de la brune, un rire clair s'échappa de la gorge de la blonde. Un rire aussi doux et sincère que le premier qui avait éclos en sa présence, deux ans plus tôt. Un rire qui la ramena à leur rencontre, à leurs premiers échanges, à leurs premières confessions. Le décor changea pour les transporter dans une pièce bien plus petite et vétuste, une sorte de cagibi. L'atmosphère était différente, plus sérieuse, plus intime. Elles avaient treize ans, elles étaient encore des enfants, ou presque.

- Mon père m'a souvent dit : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. », déclara la voix fluette d'Aria.

Elle regardait Eileen d'un regard grave. Elle venait de lui dévoiler son don d'Empathe. C'était la première avec qui elle partageait ça, la seule. Si la Queen à la Carte voulait la comprendre, elle et sa si grande solitude, elle devait savoir.

- Je ne peux pas endosser les émotions de tout le monde, expliqua-t-elle. Je ne peux pas me mêler à la foule. Je ne peux pas m'ouvrir aux autres. Je ne veux pas prendre ces responsabilités. Ou peut-être juste avec toi. Mais tu es et resteras la seule.

Mais il n'y eut peut-être même pas besoin de ces mots car Eileen l'avait déjà compris et ce, dès le premier regard. Elle l'avait accepté telle qu'elle était sans rien vouloir y changer. Elle et son secret. Elle qui était devenue son secret.



Sa nuit avait été une torture pour son esprit. Les paroles qu'avait prononcées son père la veille s'étaient mues en un écho l'empêchant de s'abandonner au sommeil. Puis, quand la fatigue avait enfin pris le dessus, il y avait eu ce rêve. Ce foutu rêve. Ces foutus souvenirs.

Pourquoi venaient-ils l'importuner maintenant ? Alors qu'elle pensait enfin s'être convaincue de tout son être de tirer une croix sur tout ça ? Sur Eileen et cette amitié qui n'aurait jamais du démarrer. Sur le Laboratoire de Salazar et tous leurs secrets partagés. Sur cette complicité qui avait fait émerger des facettes enfouies de sa personnalité et qui l'avait tant de fois emplie d'une légèreté inespérée.

Non, il ne fallait plus y songer. Il n'y aurait pas de regrets. Ses maudits rêves seraient mis au bûcher. Aujourd'hui, elle tirerait un trait.

Et pour cela, il lui restait une dernière chose à faire.

À la fin des cours, Aria prit la direction du Laboratoire de Salazar - comme Eileen s'était plu à le renommer. Une dernière fois. La petite pièce l'accueillit dans son halo émeraude et des effluves sucrées vinrent chatouiller ses narines. Une potion mijotait à feu doux, mais Eileen n'était pas là. Aria n'eut pas de doutes : si la Lionne avait laissé le chaudron sur le feu, elle allait très probablement repasser dans la soirée pour s'en occuper. La Vipère n'aurait qu'à patienter.

Mais, pour la première fois alors qu'elle se trouvait dans cette salle, dans ce cocon, l'angoisse lui noua le ventre. Elle connaissait bien cette sensation, mais ce soir-là, elle semblait avoir redoublé d'intensité.

L'Empathe fit d'abord les cent pas en déroulant dans son esprit les différents scénarios possibles quant à ce qui allait suivre, puis, le temps continuant de s'écouler avec l'absence de la brune, elle décida d'essayer de se canaliser. D'un coup de baguette, elle déplaça l'un des fauteuils pour le placer devant le vitrail donnant sur les abysses du Lac Noire et s'y installa en ramenant ses genoux contre sa poitrine. Les ondulations de l'eau avaient toujours eu le don de l'apaiser, comme un envoûtement muet effaçant ses tourments. Mais il fallut un certain temps avant que son esprit accepte de s'y abandonner. Ses inquiétudes étaient toujours là, mais elles se mirent à voguer plus calmement. La violoniste avait détaché son collier pour le suspendre du bout de ses doigts au-devant du décor aqueux. Elle se laissa bercer par le léger mouvement de pendule des deux instruments miniaturisés qui y étaient appendus. Côte à côte, liés, presque entremêlés. Bientôt, ils seront séparés.

Ce geste la plongea inconsciemment dans un souvenir lointain. La pièce s'agrandit, les lumières se tamisèrent, l'assise du fauteuil prit la forme d'un matelas et son dossier la chaleur d'un corps contre lequel elle était lovée. La voix de sa grand-mère Diana l'effleura comme d'un murmure et l'enveloppa de la ritournelle qu'elle avait eu l'habitude de lui chanter juste avant qu'elle aille se coucher. Puis, parfois, elle terminait même par cette phrase :

- Trois consonnes, quatre voyelles et un seul sens : je t’aime, prononça la blonde à demie-voix sans vraiment s'en rendre compte.

Je t'aime.

Quelqu'un d'autre lui avait-il déjà murmuré ce verbe ?

Je t'aime.

Pourquoi cette phrase lui revenait-elle ici et maintenant, alors qu'Eileen continuait à hanter ses pensées ?

Je t'aime.

Aria sursauta et sa main retomba brutalement sur ses genoux. La porte venait de se fermer. Elle ne l'avait pas entendu s'ouvrir. Les battements de son cœur explosèrent dans sa poitrine et elle se retourna. Son regard s'accrocha à celui d'Eileen, debout à l'entrée de la pièce... Avait-elle entendu les mots que ses lèvres venaient tout juste de prononcer ? Ses joues rosirent d'un coup et elle détourna aussitôt ses yeux. Elle se leva.

- Salut, prononça-t-elle la tête baissée, son regard rivé sur ses mains où étaient entrelacé son collier.

C'était comme si l'air lui manquait. Elle savait qu'elle devait parler avant qu'Eileen ne puisse dire quoique ce soit mais ses cordes vocales restèrent figées. Ses lèvres bougeaient pourtant, mais elle ne fit que bredouiller un son inintelligible. Elle était ridicule. Où était passée la fierté froide qu'elle abordait au quotidien ? Elle expira un bon coup pour se ressaisir puis releva la tête. Il n'y avait alors plus d'hésitation dans ses iris, elles s'étaient soudainement parées de glace.

- « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », tu te souviens ?

Inflexible, il n'y avait plus aucun tremblement dans sa voix. Seulement une détermination froide. Ses doigts firent glisser la guitare électrique le long de la chaîne d'argent avant de lui redonner sa taille réelle d'un sortilège murmuré.

- Et, nous, notre secret...

Elle soupira. Ses idées s'emmêlaient, elle ne savait plus comment présenter la chose.

- Je ne souhaite plus avoir aucune responsabilités, déclara-t-elle d'une voix encore un peu plus rigide.

Leur secret en était une. Leur amitié l'avait empêtré dans des ennuis qu'elle mesurait à peine. Mais pas seulement elle, sa famille aussi. Et la voix de son père résonnait encore dans son esprit. Aria tendit l'instrument à sa propriétaire.

- C'était préférable lorsque je me faisais oublier, répéta-t-elle en écho à une nouvelle réplique s'étant encrée dans son esprit.

Mais ces mots-là étaient fait d'acier. C'étaient ces mots qui l'avaient privés de sommeil. C'étaient ces mots qui avaient brûlé le creux de ses paupières. Car c'étaient ces mots qui détenaient la vérité. C'étaient ces mots qu'elle devait écouter. Et il ne restait que trois autres mots à ajouter :

- Même par toi.

Défi:

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Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
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Lun 12 Avr 2021 - 12:16
Tout effacer
Aria Beurk
Il y a des moments où l'on ne peut tout bonnement pas croire à ce que l'on entend, à ce que l'on voit ou à ce que l'on ressent. Des moments où je ne pouvais pas y croire parce que c'était à mes yeux inconcevables.

Pourtant, il y a bien un moment où il faut se résigner, accepter et arrêter d'être dans le déni. J'en suis une spécialiste. Je pourrais vous en parler pendant des heures, parce que je m'enfonçais dedans régulièrement pour ne pas affronter la vérité.

J'ai toujours été comme ça. Je préfère me battre pour les autres, tomber, m'écharper pour autrui, par pur égoïsme, plutôt que voir et devoir affronter l'abîme sous mes pieds.
Pour la énième fois du mois, Eileen plaça la dose de sucre recommandée par ses propres calculs dans le chaudron. Elle la brassa ensuite dans le sens des aiguilles d'une montre pour trois tours, puis deux dans le sens inverse. Après quoi, elle se recula, croisa les doigts et attendit.

Si tout se passait correctement, la potion devait prendre une jolie teinte rose. Si, à l'inverse, ses calculs s'avéraient faussés... Elle préférait ne pas savoir. Les réactions avaient toujours été assez variées. Fumée opaque, odeur de brûlé, explosion...

Pour le moment, toutefois, rien de tout cela. La couleur commençait doucement à changer et la jeune femme crut bien que, cette fois-ci, c'était la bonne. Elle n'avait pas mis trop de sucre. Il ne lui restait plus qu'à savoir si l'ajout n'allait pas altérer son efficacité tout en lui donnant un goût acceptable.

C'était sans compter sur la visiteuse du laboratoire qu'elle n'avait pas entendu entrer, tout à sa préparation. La couleur étant la bonne, la jeune femme était bien trop absorbée par son travail pour s'en rendre compte. Elle attrapa le dernier ingrédient pour le placer dans la cuve.

« Je suis Dark Vador. Un extra-terrestre venu de la planète Vulcain ! »

Son sursaut l'amena à verser l'intégralité du bocal et la King ne put qu'écarquiller les yeux, avant de partir dans un rire incontrôlable. Elle n'arrivait pas à savoir ce qui la choquait le plus. La réplique d'Aria ou la couleur marron que venait de prendre sa potion avant de se stabiliser, malgré l'odeur de pourriture qui commençait à s'en échapper. Ne désirant pas savoir ce que leur réservait le breuvage raté, la brune lança un evanesco sur son contenu.

Puis, elle se tourna vers sa camarade et, s'en approchant, elle vint la prendre dans ses bras sans la moindre retenue.

« Juste pour cette réplique magique, lui souffla-t-elle à l'oreille, et je me demande bien d'où tu la tires, je te pardonne de m'avoir fait rater ma préparation. »

Il n'y avait rien à pardonner et c'était facile à comprendre au ton complice emprunté par la magicienne. Il n'y avait, en réalité, jamais rien eu à pardonner entre elles. Les premiers échanges avaient été compliqués, entre méfiance et défiance, mais elles avaient su s'apprivoiser. Et après ce simple état de fait, elles n'avaient jamais plus eu aucun secret l'une pour l'autre. Dès qu'elles s'étaient réellement découvertes, tout avait été dit.

« Mon père m'a souvent dit : "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités." »

Eileen, treize ans, collée à la blonde dans ce qui ressemblait plus à un placard à balais qu'à une véritable salle, écoutait sa nouvelle amie parler sans désirer l'interrompre. La confession de la Serpentard était importante. Et Eileen eut la sensation d'être choisie comme une sorte d'élue.

« Je ne peux pas endosser les émotions de tout le monde, poursuivit la vipère. Je ne peux pas me mêler à la foule. Je ne peux pas m'ouvrir aux autres. Je ne veux pas prendre ces responsabilités. Ou peut-être juste avec toi. Mais tu es et resteras la seule.
Je sais, sourit la demoiselle. Je sais aussi que tu pourrais faire de très grandes choses pour le monde avec un pouvoir comme le tien, mais que tu es et tu dois rester la seule à décider comment tu veux ou veux pas l'utiliser. »

Peut-être que sa réponse avait été emprunt d'égoïsme, à l'époque. Elle voulait la garder pour elle, pour elle seule. Elle était son secret. Un secret qu'elle avait bafoué sans la moindre dignité. Elle avait cru que Tabata comprendrait. Et aujourd'hui, elle était partie.

Elle lui en voulait, à elle et sa lâcheté. Parce que c'était plus facile que de se sentir coupable pour ce qu'il s'était passée durant la soirée. Tellement plus simple que dès qu'une pointe de culpabilité vis-à-vis de sa camarade apparaissait, elle préférait fuir le monde pour s'enfermer dans une activité lui demandant toute sa concentration.

Les potions et leurs myriades de possibilités. Tout un monde à explorer qui n'attendait qu'elle. Elle n'avait qu'à ouvrir les bras et l'accueillir pour oublier. Oublier ses problèmes, oublier les mangemorts, oublier sa culpabilité vis-à-vis de Sessho qui avait été enlevé. Vis-à-vis de leur groupe parti à sa recherche et des blessures qui en étaient ressortis, physiques ou psychologiques. Oublier le fiasco qu'avait été cette nuit.

Le laboratoire de Salazar était devenu son repaire. Elle avait la sensation d'y passer plus de temps que dans son propre dortoir. Elle y mangeait parfois, y dormait certaines nuits.

Et les filles de son dortoir ne posaient pas de questions pour savoir où elle disparaissait. Peut-être parce qu'elles avaient compris, contrairement à certains de ses amis les plus proches, qu'elle désirait être seule. Peut-être parce qu'elles avaient saisi que, peu importe où elle se rendait, elle s'y sentait mieux que dans le cocon doux de la tour des Gryffondors. Le froid des cachots lui donnait la sensation d'être à sa place et avait tendance à réveiller ses sens.

Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce que la brune disparaisse après les cours. Elle n'avait fait qu'un passage éclair dans l'antre des lions. Une douche, des affaires pour le lendemain fourrés dans son sac et ses livres de cours pour faire ses devoirs. Elle avait bien hésité à dire à Elyana de venir avec elle, mais le renard aussi avait encore besoin de solitude pour accepter et elle ne voulait pas dévoiler l'existence du laboratoire.

Une pensée égoïste sans la moindre culpabilité. Elle connaissait le chemin par cœur à présent. Elle savait quel passage secret prendre pour s'y rendre au plus vite. Il ne lui fallut pas plus de dix minutes pour se retrouver devant la porte.

Comme d'habitude, elle vérifia que personne n'était dans les alentours avant d'y pénétrer. La flagrance sucrée de la potion qu'elle avait laissé le matin-même titilla ses narines et une légère esquisse vint se peindre sur son visage. Depuis peu, il n'y avait que cette activité qui la rendait joyeuse. Ce n'était pas vraiment du bonheur, mais ça lui permettait de faire une pause. Et elle en avait besoin.

« Trois consonnes, quatre voyelles et un seul sens : je t'aime. »

C'était sans compter sur la présence d'une personne qu'elle ne s'était pas attendue à voir. Pas ce soir. Pas encore. Parce qu'elle l'avait vu, remarqué. Plus aucune parole n'avait été échangée entre elles depuis l'incident. Toutefois, ce ne fut pas de la peur qu'elle ressentit à l'idée de devoir échanger, mais une forme étrange de soulagement. Peut-être dû au murmure. Lui était-il destiné ? Elle ne parvenait pas à trouver la réponse. Et elle préféra ne pas s'y attarder pour l'instant.

Cela lui offrit néanmoins un espoir : Aria étant là, elles allaient pouvoir s'expliquer. Eileen allait s'excuser et, peut-être, se faire pardonner. Un soulagement emprunt de peur, bien sûr, parce qu'elle avait trahi leur secret. Tabata n'étant toutefois plus-là pour être une menace, la lionne ne pouvait qu'espérer que la sang-pur allait passer l'éponge pour cette fois.

Et face au spectacle que la Serpentard offrait, la Gryffondor ne pouvait pas croire l'inverse. Elle n'était pas sur ses gardes, absorbée par sa contemplation des profondeurs du lac, les couleurs se reflétant sur sa peau diaphane. Cela lui donnait un air mystique. Eileen ne se lasserait jamais de l'observer dans cette position. Elle la trouvait magnifique. Et elle se promit de trouver de quoi immortaliser un moment comme celui-ci dans le futur.

Toutefois, pour l'heure, il était temps de s'annoncer. Elle aurait aimé l'observer pendant des heures, mais ce ne serait que retarder l'inévitable et elle préférait largement se décharger de ce poids, même si cela devait lui coûter le plaisir du spectacle offert.

Elle ferma la porte. Aria sursauta et se retourna.

La brune voulut lui faire un sourire d'excuse, mais la blonde détourna le regard la seconde d'après. Eileen ne la vit pas rougir.

« Salut. »

L'illusionniste s'apprêta à répliquer en se rapprochant, dans l'idée de faire se redresser le visage d'Aria face au sien. Elle n'en eut pas le temps. Le regard glacial de son amie dans le sien la figea à mi-chemin.

Pourquoi passait-elle d'un extrême à l'autre ?

Pourquoi la regardait-elle comme elle regardait tous les autres ?

Aucune de ses questions ne trouvaient sa réponse dans l'esprit déjà malmené de la demoiselle. Elle souhaita les oublier.  

« "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités", tu te souviens ? »

Eileen ne put qu'acquiescer. Elle ne risquait pas d'oublier. Il s'agissait des mots de son père, mais Aria n'en voulait pas, pas avec les autres. Seulement avec elle.

Elle n'arrivait pas à comprendre. Elle ne pouvait pas comprendre. Où peut-être que, si, elle comprenait, mais qu'elle refusait de l'admettre. Elle ne pouvait pas l'accepter.

Oui, elle se souvenait, parce que ça avait été l'une des clefs de leur histoire.

« Et nous, notre secret..., soupira sa camarade, avant de poursuivre, ne laissant pas à Eileen le temps de répliquer. Je ne souhaite plus avoir aucunes responsabilités. »

Pourquoi, à mesure qu'elle continuait, sa voix se faisait de plus en plus rigide ? Le soulagement étrange qu'elle avait ressenti plus tôt en la voyant n'était maintenant qu'un vague souvenir.

La musicienne se saisit de son instrument quand la violoniste lui tendit. Un geste machinal, lent, le bras tremblant.

« C'était préférable lorsque je me faisais oublier... »

La phrase n'était pas terminée et elle ne voulait pas entendre la suite.

« Même par toi. »

C'était comme un pilotage automatique. Elle fit quelques pas pour s'éloigner d'Aria et déposa la guitare contre un mur. Et comme pour ne pas s'en approchait, comme si cela risquait de la brûler, elle fit un arc-de-cercle pour pouvoir s'asseoir sur le fauteuil dont la vue donnait sur le fond du lac.

Pourquoi s'installer à cet endroit ? Elle n'en avait aucune idée.

Ses mains attrapèrent ses cheveux et elle força pour ne pas tirer dessus. Elle força pour que sa respiration ne s'emballe pas.

Peut-être parce qu'elle avait placé leur amitié, l'amour qu'elle lui portait, à un niveau qu'elle-même n'avait pas quantifié, elle ne savait plus quoi faire. Aria n'était pas encore partie. Elle ne pouvait pas la laisser partir.

« C'est une mauvaise blague, dis-moi que c'est une mauvaise blague... »

Aria n'était pas du genre à faire ce genre de farce puéril.

Son cœur s'accéléra ou ralentit, elle n'arrivait pas à savoir. C'était douloureux. Autant que ce jour-là. Parce qu'Aria était devenu bien plus qu'une amie ou qu'un secret. Parce qu'elle était devenu un pilier qui la maintenait debout. Parce qu'elle était son tout. Secret, caché au reste du monde, qu'elle voulait protéger à tout prix.

« Je suis désolée, pour ce que j'ai fait... »

C'était sincère. Elle s'en voulait encore de l'avoir dit et elle n'avait pas l'intention d'en parler à d'autres. Plus jamais. Et dès que cette pensée la traversa, elle se trouva ridicule. Comme une enfant prise en faute. Elle eut envie d'en rire.

Un rire qui n'atteignit pas sa gorge. Comme toujours, l'incompréhension, la peur et la tristesse se murent rapidement en autre chose. Une forme de colère. Non pas contre Aria, elle en était incapable. Contre elle-même. Parce que c'était de sa faute si elles en étaient-là, comme souvent.

Elle se releva et ravala les larmes qui menaçaient déjà de couler. Elle serra les dents et vrilla son regard dans celui de la blonde. Elle devait comprendre. Comprendre qu'elle plaçait sa perte bien plus haut que celle de Tabata ou de tous les autres. Qu'elle aurait l'impression de les perdre une seconde fois. Elle préférait être honnête. Autant envers elle-même qu'envers Aria.

Sa voix tremblait quand elle reprit la parole. L'émotion était trop forte pour la cacher.

« Tu peux partir. Je comprendrais, je suis pas un cadeau. »

Elle montra la porte.

« Tu peux partir et jamais revenir si c'est vraiment ce que tu veux. »

Elle tenta d'avaler sa salive et manqua de s'étouffer, tant sa gorge était nouée. C'était pathétique.

« Mais me demande pas de t'oublier. »

Elle pinça les lèvres. Une unique larme venait d'échouer au sol. Elle essuya son visage d'un geste rageur.

« Je te l'interdis. »

Elle avait la sensation que son cœur allait exploser dans sa poitrine.

« Je te l'interdis, parce que je le peux pas. »

Elle ne pouvait plus reculer.

« Je pourrais jamais t'oublier.
Jamais. »

Parce que je t'aime. Parce que, quand je te l'ai dit, je le pensais d'une étrange façon. Parce que tu es bien plus qu'une amie à mes yeux. Elle ne voulut pas lui dire, mais le laisser transparaître dans son regard. Pourtant, face au gel de la vipère, elle eut la sensation qu'Aria n'allait pas le comprendre.

(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

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Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
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Mer 5 Mai 2021 - 17:37
tout effacer
Quel deni, que de choisir d'oublier.
Quel egoisme, que de preferer ne plus s'en soucier.
Mais peut-on seulement tout effacer ?


Vendredi 10 Novembre 1995

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »

C'étaient en effet les mots de son père. Aria les avait entendu maintes et maintes fois, comme un hymne, comme un slogan. C'était en fait un avertissement, une mise en garde. Non pas vis-à-vis de son don, comme elle avait elle-même aimé réinterpréter l'expression, mais vis-à-vis de la pratique de la magie noire. Depuis son enfance, Aria avait pu observer, parfois même manipuler, des objets aux pouvoirs sombres qui nécessitaient de prendre les plus grandes précautions. La magie noire était puissante et fascinante, c'était un grand pouvoir. Mais, souvent, elle avait un coût. La magie noire, ce n'était pas qu'un spectacle, qu'une lubie cachée, c'était des responsabilités, de grandes responsabilités.

Aria l'avait vite compris. Puis, la phrase eut en elle une autre portée. Son écho faisait entrevoir une autre interprétation : et si son don, au lieu d'être une tare comme l'entrevoyait sûrement son père, était un grand pouvoir, comme le lui répétait sa grand-mère ? Devait-elle refouler son empathie si singulière ou l'accepter et se l'approprier ? La deuxième option lui avait toujours paru bien plus dure, frôlant l'impossible entre les murs austères de sa maison. Mais avec Eileen, l'espoir d'un changement lui été apparu. Un jour – ce premier jour -, au bord du lac, l’illusionniste avait vu ses larmes et, en quelques mots, en quelques sourires, avait réussi à les figer, comme la pluie. Aria avait cru si fort à l'illusion qu'elle eut subitement l'envie de croire en tout. Croire en Eileen, croire en l'acceptation de son don, croire en leur amitié prohibée. Croire en leur secret.

Elle s'était montré naïve.

À présent, elle le voyait. Et la désillusion qu'elle vivait était comme une piqûre de rappel : l'espoir n'avait sa place nul part, il n'était que source de déception et de souffrances inutiles. Eileen avait trahi leur secret en le dévoilant à sa meilleure amie, à présent partie, ce fantôme qu'Aria haïssait encore de toute son âme. Et, ce même soir, Aria avait tenu tête à une Mangemort, non pas pour se protéger elle, mais pour protéger Eileen, et avait ainsi mise sa famille en danger en se positionnant dans le camp adverse. Quelle avait été idiote. Leur amitié avait été vouée à l'échec dès le départ, comment avait-elle pu ne pas le voir ?

Il fallait que ça cesse.

- C'est une mauvaise blague, dis-moi que c'est une mauvaise blague...

Eileen l'avait contourné pour s'asseoir dans le fauteuil qu'elle venait de délaisser. Elle ne l'avait pas touché, pas même frôlé, et pourtant, Aria sentait un millier d'aiguilles piquer sa peau. Lorsqu'elle était passée à côté d'elle, Eileen avait été comme une brise, mais pas de celles qui sont agréables. Non, il avait s'agit d'une brise violente, lancinante, hurlante, bafouant son corps et son cœur de toutes parts. Eileen, à son tour, s'était écroulée sous le poids de la désillusion, emportant Aria avec elle dans sa chute. Ou plutôt, la rejoignant.

- Je suis désolée, pour ce que j'ai fait...

Le désespoir de la Gryffondor embua les yeux de la Serpentard. Non, elle ne devait pas céder, surtout pas aux larmes.

Aria restait figée, luttant contre des émotions qu'elle savait à la fois sienne et à Eileen. Dans cette profonde tristesse, leur symbiose était une évidence, mais seule Aria savait le voir et elle ne pouvait le montrer. Alors, elle resta à moitié de dos au fauteuil, espérant que son profil serait suffisamment caché au regard de la King pour lui dissimuler l'humidité nichée au creux de ses cils.

Peut-être que son immobilisme et son silence, au-delà de l'aider à contenir son trop-plein d'émotions, était aussi une façon pour elle de nier en bloc les excuses de la brune. « Désolée », c'était trop facile à dire et trop dur à entendre. Aria ne le pouvait pas. Elle ne pouvait pas accepter la sincérité de ces excuses, sous peine de perdre de vue qu'Eileen avait trahie sa confiance. Elle se devait de s'accrocher à cette rancœur pour aller au bout de sa décision. Pour ne pas flancher.

Mais Eileen se releva brusquement et Aria ne put retenir son regard de plonger dans le sien. La colère luisait à présent dans l'azur louisianais et l'Anglaise en eut un frisson.

- Tu peux partir. Je comprendrais, je suis pas un cadeau.

Le premier réflexe d'Aria fut de vouloir lui jurer le contraire, mais elle retint tout son de franchir la barrière de ses lèvres et celles-ci se serrèrent sous le joug de ses non-dits. La vérité resta prisonnière aussi bien de sa gorge que de son déni.

- Tu peux partir et jamais revenir si c'est vraiment ce que tu veux, continua la Née-Moldue, la voix tremblante, en désignant la porte. Mais me demande pas de t'oublier.

Cette fois, ce ne fut pas un frisson, mais bien plus. Comme un éclair qui transperça le cœur de la Sang-Pur. Elle qui s'était toujours senti si insignifiante, si invisible, si inexistante, elle qui avait aussi tout fait pour l'être, elle n'aurait jamais cru entendre un jour une phrase comme ça. Et ces mots vinrent la percuter avec la même intensité que ceux de son père la veille, sauf que ces mots-là disaient tout le contraire. Et ils lui furent encore plus douloureux. Car elle ne pouvait pas se permettre de les aimer ces mots, de les savourer, de les lover dans son esprit pour les entourer de chaleur. Non, ces mots n'auraient jamais dû être prononcés, pas plus que ceux qui suivirent.

- Je te l'interdis.

Une larme glissait sur la joue d'Eileen.

- Je te l'interdis, parce que je le peux pas.

Aria luttait pour retenir les siennes.

- Je pourrais jamais t'oublier. 

Elle ferma les yeux et baissa la tête.

- Jamais.

La larme s'échappa.

Aria se détourna vivement pour dérober son visage à la vue d'Eileen, même si elle savait pertinemment qu'elle avait eu le temps de la voir, cette larme. Cette faiblesse. Son empathie et son émotion. Sa déchirure.

Dos à la brune, elle essuya sa joue d'un geste rapide et avala avec difficulté sa salive avant de répondre de sa voix dure :

- Il le faut.

Mais sa voix tremblait. Et elle se haït pour ce manque de contrôle et de conviction. Elle se haïssait de tout son être, autant qu'elle se haïssait pour avoir laissé entrer Eileen dans sa vie et pour devoir à présent l'abandonner.

Ses deux mains vinrent s'enrouler autour de son pendentif comme si elles avaient le besoin oppressant de se raccrocher à quelque chose et son regard se mit à fixer la porte. Mais pas sa poignée, tout sauf sa poignée.

- C'était une erreur. On n'aurait jamais dû commencer à se... fréquenter. C'était une erreur, dès le départ. Et on aurait dû le voir.

Sa mâchoire était crispée. Elle se tourna à demi pour afficher son profil à la brune et sa voix se fit plus basse, plus grave.

- Nous ne sommes pas de la même maison. Nous ne vivons pas du tout dans le même univers.

Une pause. Ses doigts se crispèrent un peu plus autour de son violon nacré.

- Et nous ne sommes pas du même sang.

Sa voix résonna comme une sentence à ses propres oreilles.

- Nous n'avons rien en commun et je n'aurais jamais dû me laisser leurrer par ce semblant de confiance que j'avais en toi.

Ses sourcils se froncèrent alors que son cœur se tordait à ses mots et elle répéta une dernière fois, sa voix résonnant comme un murmure hanté :

- C'était une erreur.

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Dim 20 Juin 2021 - 12:30
Tout effacer
Aria Beurk
Est-ce que, à trop s'oublier pour les autres, la douleur ressentie en est plus puissante, quand on se rend compte de ses propres sentiments ? J'aimerais bien avoir la réponse à cette question.

Je n'aime pas laisser les autres souffrir. Ça ne veut pas dire que j'ai la bonne méthode. Ça ne veut pas dire que je sais mieux que les autres ce dont ils ont besoin. Ça ne veut pas dire que je suis plus à même de juger leurs choix ou leurs réactions.

Je m'oublie pour les autres. Et je fais souvent de la merde, pour être crue. Voilà ce que ça veut dire. Ça m'a foutu dans beaucoup d'emmerdes quand j'y repense. Et ça m'a fait mal. Parfois trop mal.
« Jamais. »

Non, elle ne pourrait jamais l'oublier. Elle le comprit à la seconde même où ses mots franchirent ses lèvres.

Mentir, c'était une seconde nature pour Eileen. C'était parfois drôle. C'était souvent nécessaire. C'était toujours plus facile. Se voiler la face avait quelque chose de rassurant.

Ce jour-là, face à Aria, elle était d'une honnêteté sans limite. Des moments rares venant de la musicienne. Des moments qui la mettaient mal à l'aise d'habitude et qui finissaient toujours par lui péter à la gueule comme un bombarda qu'elle se lançait directement sur la tempe.

Et malgré les gestes et l'expression de la blonde qui ne trompait pas, la née-moldue pressentait que ce moment n'allait pas faire exception. Elle aurait préféré se tromper.

Elle ne pourrait pas l'oublier parce qu'elle l'aimait. Elle pourrait peut-être passer à autre chose. Elle pourrait faire son deuil de leur relation, avec du temps et beaucoup de patience. Ou peut-être qu'elle ne s'en remettrait jamais. Elle n'en savait trop rien finalement.

Elle savait toutefois qu'elle ne pourrait pas l'oublier. Que les souvenirs qu'elle gardait avec la sang-pur resterait précieux. Peut-être parce qu'Aria avait quelque chose de plus que les autres à ses yeux. Peut-être parce qu'elle avait pu la connaître, vraiment, à la différence de la majorité des élèves de Poudlard. Peut-être même des membres de la famille Beurk elle-même.

Elle lui demandait de l'oublier ? Elle n'en était pas capable. Ce n'était pas possible. Et il fallait qu'Aria le comprenne. Ce n'était pas gagner. Et ça allait être douloureux.

Eileen aurait voulu se blinder. Paraître insensible et ne rien ressentir jusqu'au départ de l'empathe. Elle tenta bien de penser à quelque chose qui la faisait habituellement rire, malgré ses sombres pensées qui lui parvenaient parfois. Elle tenta de se souvenir des bons moments pour oublier le présent.

Rien n'y fit. La scène était figée et son cerveau refusait de fonctionner correctement.

L'idée même de la voir partir réellement après ces mots, la possibilité de ne plus pouvoir avoir de moment privilégier avec la personne qui lui était sans doute la plus chère, et elle s'en rendait enfin compte après autant d'années, c'était beaucoup trop éprouvant.

« Il le faut. »

Si Aria détourna le regard, la brune ne le vit pas. Les trois mots de sa camarade avait la même force que trois coups de poignard. Elle recula, jusqu'à que ce que sa jambe droite bute contre le canapé. Elle se laissa tomber sur l'accoudoir et étendit ses jambes autant qu'elle le put pour regarder ses bottes.

Un insecte que l'on écrase. Elle avait cette sensation.

« C'était une erreur. On n'aurait jamais dû commencer à se... fréquenter. C'était une erreur, dès le départ. Et on aurait dû le voir. »

C'était trop pour qu'elle accepte d'entendre la suite. Décidée à mettre un terme à la conversation avant qu'elle dégénère, décidée à convaincre Aria qu'il leur fallait du temps pour remettre leurs idées en place pour pouvoir discuter de manière civilisé, elle se redressa et s'apprêta à ouvrir la bouche.

De profil, les mains sur son pendentif, la Serpentard lui paraissait tout aussi belle que le premier jour sous cette pluie diluvienne. Eileen en resta coi et ce fut l'erreur à ne pas commettre qui permit à sang-pur de poursuivre.

« Nous ne sommes pas de la même maison. Nous ne vivons pas du tout dans le même univers. »

Pouvait-elle vraiment lui donner tort ? Ça aurait pu être le cas. Si elle avait fait un autre choix, ce jour-là, sous le Choixpeau, ça aurait pu être différent. Mais leur relation aurait-elle dépassé le stade de l'indifférence commune ? L'idée même lui paraissait inconcevable, et pourtant, elle se doutait que la Beurk restât loin des autres vipères à cause de son don.

« Et nous ne sommes pas du même sang. »

Jamais, jusqu'à ce jour, la demoiselle le lui avait fait remarquer. Ensemble, elle laissait les barrières d'argents, de sang et de maison pour la vue des autres. Pour le grand théâtre de leur relation qui se jouait sur différents tableaux. Haine réciproque, indifférence violente et amitié puissante quand le regard des spectateurs se faisaient loin.

Deux actrices qui avaient joué leur rôle à la perfection jusqu'à cette année. Alors pourquoi est-ce que cela changeait subitement ? Plus les mots de la blonde remplissait l'espace de leur salon, plus la brune avait du mal à croire que ce n'était qu'à cause de sa trahison ; d'autant plus que Tabata n'était plus un danger pour elles. C'était mesquin pour la Française qu'elle avait pensé être son amie, mais c'était une pure et simple vérité.

Dans la bouche d'un autre serpent, les mots de l'empathe aurait sonné comme une menace. Je sais ce que tu es. Je sais comment tu te protèges. Je pourrais tout faire voler en éclat. Mais l'illusionniste avait du mal à y croire, pas venant de son secret.

« Nous n'avons rien en commun et je n'aurais jamais dû me laisser leurrer par ce semblant de confiance que j'avais en toi. »

C'était irrationnel et absurde. Il était évident que la situation était tout aussi douloureuse pour l'une que pour l'autre, mais Eileen ne le vit pas. Plus les termes employés lui parvenaient, plus elle se sentait acculé. Un animal sauvage prêt à bondir sur sa proie pour se défendre comme elle le pouvait.

« C'était une erreur. »

La colère, la rancœur, la tristesse. L'idée même de la perdre. Ce fut un cocktail d'émotions explosif. Rien ne se laissa voir sur son faciès qui devint stoïque. Seul ses yeux, où une tempête pouvait être remarquée, indiquait sa douleur.

Le miroir de l'âme disaient certains.

Peut-être parce que l'on pouvait paraître aussi froid qu'une statue, la danse des pupilles et des iris nous trahissaient toujours. Le fait qu'Aria allait le ressentir ne lui vint même pas à l'esprit.

Elle avait mal.

Elle avait beaucoup trop mal.

« Alors quoi ? Je t'oublie et après ? »

Sa voix se fit sifflante, même à ses propres oreilles. Elle ne se reconnaissait pas. Comme avec le garçon qui, l'année dernière, avait chuté devant la Grande Salle par sa faute.

« Je retourne dans la case qui est la mienne, que je n'aurais jamais dû quitter, celle des sangs-de-bourbes insignifiantes ? »

Elle serra les dents un instant avant de reprendre. La différence majeure se joua dans son air. Elle le voulait dur, froid. Elle voulait paraître forte. Elle n'y parvint pas. Lentement, sans lui laisser le choix de les retenir, les larmes commencèrent à dévaler ses joues pour venir s'écraser au sol. Elle n'eut pas la force de les sécher.

Si elle paraissait pitoyable, elle s'en accommoderait. Elle n'avait pas terminé, aussi reprit-elle.

« Tu crois qu'on a rien en commun ? Tu as tort. »

Sa voix, son corps entier tremblait. Elle croisa les bras sur sa poitrine dans une tentative veine de le retenir.

« La musique. Tu en joues, tu aimes ça, c'est une délivrance. C'est la même chose pour la grande majorité des gens qui en joue ou même qui en écoute. C'est pareil pour moi. »

Presque théâtral, Eileen ouvrit les bras, accompagnant son geste d'un sourire ironique. La seconde d'après, elle revint à la posture qu'elle venait de quitter.

« Ça nous fait déjà un point commun. C'est con, mais j'en ai d'autres en stock. »

Ça ne rimait à rien. Au fond, elle savait très bien qu'elle ne faisait que reculer le moment qui s'ensuivrait. Aria allait partir pour ne plus revenir. Elle ne faisait que retarder l'inévitable.

« Nous ne sommes pas du même sang. Tu crois que notre sang est si différent ? Qu'il n'a pas la même couleur ou les mêmes foutues molécules ? Peut-être que si on faisait une analyse, on aurait un groupe sanguin différent et peut-être même des carences différentes, mais ça s'arrête-là. »

En deux enjambées, la née-moldue franchit les mètres qui la séparaient de son amie. Elle la força à lui faire face et plaqua son index au niveau de son cœur.

« Ton cœur bat et irrigue le reste de tes organes en oxygène grâce à lui. Comme pour tout le monde. Comme pour les elfes de maison ou les animaux. »

C'était étrange comme la demoiselle pouvait passer d'un extrême à l'autre avec la blonde. Elle n'en prenait conscience que maintenant, mais elle se calma aussi vite qu'elle s'était emportée. Ça reviendrait, c'était une évidence, mais elle pouvait souffler et apprécier le répit de courte durée. Pour l'heure, au moins.

« Les histoires de sang-pur, sang-mêlé ou sang-de-bourbe, c'est une connerie inventée par des puissants pour rabaisser d'autres personnes. Sauf que je sais que t'es pas comme ça. »

Non qu'Aria n'était pas capable de rabaisser d'autres personnes. Ou qu'elle ne pouvait pas se comporter comme la pire des pestes. Sauf que l'Américaine ne voyait là qu'un moyen de défense, parce qu'elle pouvait se comporter de la même façon dans la même optique.

Si elle pouvait l'éviter, c'était mieux, mais c'était parfois le plus simple. Elle n'était pas amène de la juger pour ça. Elle savait toutefois qu'au fond, bien cachée derrière des barrières dû à son conditionnement, la Beurk était quelqu'un prête à se mettre en danger pour ses proches.

Elle l'avait vu à l'œuvre.

« Alors, ouais, on est peut-être pas du même univers ou de la même maison, mais c'est pour moi, là aussi, une connerie de croire que c'est un mal. »

Elle retira son doigt et ses mains, dans l'optique de les occuper, trouvèrent une place dans les poches de son jean. Elle se sentait ridicule. Ridicule et timide, sans qu'elle n'en comprenne la raison.

D'autant plus maintenant alors que la violoniste lui imposait son choix.

« C'est en ayant des méthodes et des idées différentes, et en les cumulant, que l'on peut révolutionnait un monde. Pas en restant sagement dans des cases prédéfinies par notre naissance, elle-même définie par une société archaïque à la con. »

Est-ce que ses mots auraient un quelconque sens pour la demoiselle en face d'elle ? Est-ce qu'ils auraient un effet sur sa décision ? La réponse, Eileen craignait de la connaître déjà.

Elle se détourna et, plus lentement qu'avant, partie se placer derrière le fauteuil sur lequel les deux filles s'étaient succéder en peu de temps. Son regard se perdit un instant sur les tréfonds du lac noir. Les abysses avaient quelque chose d'effrayant et de reposant à la fois.

« Tu penses, tu réfléchis, t'es libre de faire tes propres choix. Qu'importe ce que tu te dises les autres, c'est ton droit et si ça leur plait pas, ils peuvent aller se faire... Bref. »

Un dernier soupire. Eileen serra autant qu'elle le put le dossier. Le silence était peut-être plus appréciable à ce qu'elle allait dire, mais elle le devait. Sa voix se fit plus douce par instinct.

« Je te les dis, tu as le droit de partir et plus revenir. J'ai pas à t'imposer le fait de me supporter. Comme tu peux pas m'imposer le fait de t'oublier. Les souvenirs resteront, qu'importe ce que tu fais pour que ça change. »

Elle n'avait plus rien à dire. Plus rien en stock. Alors elle ferma les yeux, quitta sa contemplation qui avait le don de l'apaiser et attendit. L'explosion ne risquait pas de tarder, d'une manière ou d'une autre.

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Lun 12 Juil 2021 - 15:04
tout effacer
Quel deni, que de choisir d'oublier.
Quel egoisme, que de preferer ne plus s'en soucier.
Mais peut-on seulement tout effacer ?


Vendredi 10 Novembre 1995

Ses mots étaient durs, trop durs. Trop acérés, si bien affûtés, finement tranchants. Elle ne savait les retenir. C'était toujours ainsi. Elle les observait s'échapper de sa gorge sans fond, les écoutait vibrer entre ses cordes vocales étrangères, comme l'on assistait à l'entrée en scène d'immondes inconnus. Ses mots allaient toujours trop loin. Leur violence se parait de subtilité pour voiler avec finesse ses remords, mais il suffisait d'un seul écho émotionnel chez son vis-à-vis pour qu'elle comprenne leur puissance. Les mots étaient sa meilleure arme et sa plus fidèle défense. Les mots étaient peut-être même le plus grand pouvoir de tout un chacun. Le plus merveilleux comme le plus destructeur. Elle, elle ne savait pas s'en servir.

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »

C'était ce que son père lui avait toujours dit. Aujourd'hui, ces responsabilités se muaient en un poids émotionnel insoutenable. Un désespoir brut et torrentiel. Un désenchantement encore ahuri. Le miroir d'un cœur meurtri. Deux myocardes hurlant en chœur.

- Alors quoi ? Je t'oublie et après ?

Eileen avait toujours représenté cette flamme vive que la Sang-Pur admirait. Un feu de révolte brûlait constamment en elle et se réveillait lorsqu'elle arpentait les terres de l'injustice, pour les dévaster. Aujourd'hui, ce feu était dirigé pour la première contre elle. Contre sa décision. Contre l'égoïsme de l'Empathe.

- Je retourne dans la case qui est la mienne, que je n'aurais jamais dû quitter, celle des sangs-de-bourbes insignifiantes ?

Aria préférait la colère à la tristesse. C'était une détresse qui se manifestait de manière plus agressive mais qui lui permettait de s'ériger un mur. De répondre par les crocs et d'oublier sa compassion. Si Eileen explosait, Aria préférait la voir crier. Seulement, la voix de la brune se brisa la seconde d'après et, dans son dos, la blonde sentit se déferlait ce qu'elle avait le plus redouté : des larmes. C'était presque comme si son ouïe parvenait à percevoir le son de leur chute sur le sol froid des cachots. Plic, ploc. Ce n'était pas de la pluie, mais de la grêle. Car ses larmes étaient gelées. Aria en frissonna.

- Tu crois qu'on a rien en commun ? Tu as tort.

La blonde devina la suite et ne voulut pas l'entendre. Pourquoi Eileen devait-elle tout le temps se montrer si têtue ? Ne pouvait-elle pas lâcher les armes, pour une fois ? Pourquoi fallait-il qu'elle s'accroche à un espoir vain ? Qu'elle prolonge cet instant de peine et de douleur alors qu'il ne servait plus à rien de se débattre ?

C'était justement cette détermination teintée d'espérances qui avait séduit Aria dès le premier jour. Un rayon d'optimisme et de force. Son Eileen. Son secret. Mais cela devait retourner au passé. L'Empathe se barricada du mieux qu'elle put pour affronter l'argumentaire qui allait suivre.

- La musique, débuta la Gryffondor. Tu en joues, tu aimes ça, c'est une délivrance. C'est la même chose pour la grande majorité des gens qui en joue ou même qui en écoute. C'est pareil pour moi.

Ainsi que pour Sessho. Ainsi que pour Joris. Ainsi que pour tant d'autres. Qui n'aimait pas la musique ? Qui pouvait rester insensible à la fluctuation des notes sur le silence ? Aux dérives des Mi et aux vibratos des Do ? Cela semblait inconcevable aux yeux de la musicienne, si bien qu'elle décida de juger cet argument stérile : tout le monde aimait la musique et ce château était peuplé de musiciens. Eileen n'en était qu'une parmi tant d'autres, chercha-t-elle silencieusement à se convaincre. C'était plus facile de voir les choses ainsi.

- Ça nous fait déjà un point commun, conclut cependant la brune. C'est con, mais j'en ai d'autres en stock.

- Arrête, souffla faiblement la blonde.

Un murmure qui s'étrangla dans sa gorge et s'évapora dans le mouvement de négation de sa tête. Ses doigts avaient lâché instinctivement son pendentif à l'évocation de leur passion commune pour la musique et ses ongles s'enfonçaient à présent dans ses côtes, les bras croisés en travers de sa poitrine. Elle aurait souhaité que ses oreilles soient elles aussi pourvues de paupières, afin de pouvoir rester aveugle aux mots qui lui étaient destinés. Elle aurait également souhaité que le bon-sens s'invite en son corps pour mobiliser ses jambes et étendre sa main vers la poignée de la porte. Il suffisait d'un pas. Elle ne sut pas l'effectuer.

- Nous ne sommes pas du même sang. Tu crois que notre sang est si différent ? Qu'il n'a pas la même couleur ou les mêmes foutues molécules ? Peut-être que si on faisait une analyse, on aurait un groupe sanguin différent et peut-être même des carences différentes, mais ça s'arrête-là.

Si certains termes échappaient à la Sang-Pur, le sens du discours lui était limpide. Mais ce n'était pas ce qu'on lui avait enseigné. Le sang importait. La pureté n'avait pas de couleur, mais elle coulait bel et bien dans ses veines. C'était une nuance invisible mais bien présente. Pourquoi, sinon, l'entretenir de génération en génération ? Il y avait forcément un sens à tout cela, même si celui-ci n'était pas perceptible pour la Née-Moldue. Aria s’accrochait à présent et plus que jamais à cette réalité faussée. La noblesse du sang importait.

L'esprit profondément enfoui dans son déni, elle sursauta au contact soudain d'Eileen. Cette dernière la prit par les épaules pour la tourner face à elle, puis apposa le bout de son index au centre de sa cage thoracique.

- Ton cœur bat et irrigue le reste de tes organes en oxygène grâce à lui, avança-t-elle les yeux encore embués d'émotions. Comme pour tout le monde. Comme pour les elfes de maison ou les animaux.

Oui son cœur battait. Beaucoup trop vite. Beaucoup trop fort. La proximité soudaine avec celle dont elle s'était juré de mettre le plus de distance possible la bouleversa. Les yeux dans les siens, elle revit passer tout un tas de souvenir qui lui rappela leur complicité si singulière. Leur relation unique et inégalable. Mais la douleur miroitait pour la première fois dans l'abysse céruléenne qu'était l'union de leur regard. Alors, elle brisa le contact visuel pour laisser ses pupilles s'échouer au sol sous un froncement de sourcils.

- Les histoires de sang-pur, sang-mêlé ou sang-de-bourbe, continua la Lionne, c'est une connerie inventée par des puissants pour rabaisser d'autres personnes. Sauf que je sais que t'es pas comme ça.

- Tu n'en sais rien, bredouilla Aria d'une voix tout aussi peu audible que précédemment.

Elle voulait s'en convaincre. Se prouver qu'elle était digne de sa famille, de ses valeurs. Qu'elle n'était pas cette exception glorieuse qu'elle avait toujours eu l'impression d'être aux côtés d'Eileen. Il n'y avait rien de glorieux à être une exception.  C'était mieux lorsqu'elle se faisait oublier. Plus d'écart ni d'espoir. Il lui fallait à nouveau rentrer dans le cadre.

Eileen épousseta son balbutiement d'un souffle qui ne fut rien de moins que la suite de sa tirade. À ses mots, elle y croyait dur comme fer.

- Alors, ouais, on est peut-être pas du même univers ou de la même maison, mais c'est pour moi, là aussi, une connerie de croire que c'est un mal.

Son index se délogea enfin de sa poitrine. Le contact physique fut alors rompu et Aria eut l'impression d'enfin pouvoir reprendre son souffle.

- C'est en ayant des méthodes et des idées différentes, et en les cumulant, que l'on peut révolutionnait un monde. Pas en restant sagement dans des cases prédéfinies par notre naissance, elle-même définie par une société archaïque à la con.

« Révolutionner le monde », c'était du Eileen tout craché. Pour Aria, il n'y avait là rien d'autre qu'un idéalisme inatteignable. La Sang-Pur avait depuis bien longtemps abandonné tout espoir pour cette « société archaïque à la con », comme l'avait si bien nommée la Née-Moldue. Peut-être même qu'au final, de l'espoir, elle n'en avait jamais eu. Depuis toujours, le monde semblait se dessiner à ses yeux en nuances de gris. Et dans le gris, nul espoir ne fleurit.

Ou peut-être juste le bleu. Celui de l'eau, celui des abysses. Celui du mystère, celui de la transparence. Celui du lac, celui des étangs. Un bleu-vert vaseux, trouble et pourtant si limpide. Oui, peut-être qu'au milieu de son monde achromatique, elle percevait le bleu. Seulement le bleu. Comme celui des iris en face d'elle qui se détournaient à leur tour pour se perdre dans un autre bleu. Chaque mur de cette pièce en dessinait les reflets, comme un prolongement infini de son regard mouillé.

- Tu penses, tu réfléchis, t'es libre de faire tes propres choix, reprit la Louisianaise d'une voix qui retrouvait une pente plus calme. Qu'importe ce que tu te dises les autres, c'est ton droit et si ça leur plaît pas, ils peuvent aller se faire... Bref.

Aria aurait voulu continuer à y croire, à cette liberté que lui offrait la King. Mais elle n'était faite que de brume et à présent elle le voyait. Comment être libre de ses choix lorsque son destin avait toujours été tout tracé ? Lorsque le moindre écart menaçait de détruire toutes les fondations sur lesquelles elle s'était toujours appuyée ? Impossible.

- Je te les dis, tu as le droit de partir et plus revenir. J'ai pas à t'imposer le fait de me supporter. Comme tu peux pas m'imposer le fait de t'oublier. Les souvenirs resteront, qu'importe ce que tu fais pour que ça change.

Eileen se trouvant de dos à elle, l'Empathe s'autorisa à l'observer. À laisser ses pupilles retracer les contours de sa silhouette qui se détachait sur le fond turquoise du lac. Et elle se mit à admirer ce tableau de la même façon que l'on contemplait une relique du passé. Le corps de la brune semblait être constitué de la même brume que ses promesses. Un fantôme impalpable. Irréel. Elle était sur le point de s'évaporer. Aria devait l'accepter. Elle lui rendait cette liberté qu'elle-même ne pouvait s'autoriser. Eileen, elle, était destinée à voler, non pas à se noyer.

Aria ferma ses yeux. Le noir la ramena à leur impasse. Elle prit une profonde inspiration avant de reprendre la parole, tachant de redonner de la force à sa voix :

- C'est une utopie que tu m'as décrite là, Eileen.

Et si les utopies existaient dans les espoirs de l'orpheline, elles n'avaient jamais eu leur place dans le pessimisme noire de la Sang-Pur. Enfant, elle avait connu les rues sombres, les sourires malveillants et les baguettes qui tordent les ailes d'un oiseau. Dans son bayou à elle, il n'y avait eu aucune luciole, seulement des alligators.

- Il y a certaines choses que tu ne sais pas, qui te dépassent. Qui nous dépassent.

Le retour du Seigneur des Ténèbres. La menace sur sa famille. La baguette volée dans sa valise. La Marque des Ténèbres qui ornait probablement le bras de son père. Le danger pour les Nés-Moldus. Les dangers qu'étaient les Nés-Moldus. La sélection pour la prévention. La soumission pour la protection.

Ses bras se déplièrent et l'une de ses mains fit des allers-retours nerveux sur son avant-bras. Si elle ne se l'avouait pas encore consciemment, c'était là plus qu'une histoire de sang. C'était une histoire de peurs.

- On n'est rien, affirma-t-elle ensuite avec certitude. Ou juste des pantins, et on le sera toujours. Tu m'as peut-être fait rêver un temps avec tes promesses de liberté, mais tu as juste fait l'une des choses que tu sais le mieux faire : m'illusionner.

Comme avec la pluie figée, comme avec les tours de cartes. Comme avec les rires et la joie. Comme avec leur duo sur scène puis leur valse soûle. Puis, vient le jour où la bulle éclate. Ce jour-là.

- Maintenant, je me dois d'affronter à nouveau la réalité.

Désillusion. Désenchantement. La chute.

- Et la réalité, c'est qu'il y a un fossé entre nous et, quoique tu en dises, il est là.

Elle avala sa salive pour se préparer à ériger le mur.

- Ne le franchissons plus. Garde-moi en mémoire si tu souhaites continuer à souffrir, mais ne me retiens plus. Car moi, je n'en peux plus, de ces souffrances inutiles.

Un sanglot lui barra la gorge. Elle le retint prisonnier de ses cordes vocales et fit un pas en arrière, vers la porte. Sa main se leva pour en saisir la poignée. Mais son regard, lui, refusa de se détacher de la silhouette de son secret. Celui qui s'était déteint, épongé par ses paroles. Il était doucement en train de s'effacer et elle voulait s'approprier cette ultime seconde pour, de ses yeux, le caresser une dernière fois.

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Ven 16 Juil 2021 - 12:06
Tout effacer
Aria Beurk
Avez-vous déjà eu la sensation d'être maudit ? Que tout ce que vous entreprenez est voué à l'échec, et que même si vous y mettez toutes vos tripes, rien ne fonctionne ? Que vos relations s'effilent les unes après les autres et que malgré toutes vos actions et décisions pour tenter d'arranger les choses, tout empire, encore et encore ? Avoir la sensation d'être seule, non pas parce que vous l'êtes vraiment, mais parce que vous ne parvenez plus à prendre la pleine mesure de la réalité ? C'est comme être dans son propre corps, mais voir trouble, comme derrière une vitre embuée. Vous pouvez tout essayé sur l'instant, rien n'y fait.
Les paupières closes, les ombres dansant devant son esprit, la née-moldu se permit un instant de répit. Un instant seulement.

Après ses mots, après ses espoirs illusoires d’une paix retrouvée, elle ne pouvait que retourner à la réalité. Dure, froide, implacable depuis Halloween, elle ne lui faisait aucun cadeau. Peut-être l’avait-elle mérité ? La Louisianaise n’avait pas la réponse à cette question. Dans le fond, ce n’était là qu’une suite logique.

Après le départ de Tabata, Aria l’abandonnait. Qui serait le ou la suivante à partir ? Maylone ? Sessho ? Les Salazar ? Elyana ? Sans même prendre la pleine mesure de son sentiment à demi-prophétique concernant la Sleepy, la demoiselle, sans que rien ne puisse l’y préparer, se sentit fatiguée.

Elle était exténuée de se battre pour les autres. Elle était éreintée de tendre les mains sans jamais parvenir à saisir celles visées. Elle était dégoûtée, désabusée par ses échecs répétés.

« C’est une utopie que tu m’as décrite là, Eileen. »

Elle était écœurée de voir ses idéaux et ses ressentis bafoués. Elle était lasse de vouloir y croire, alors que ça ne servait à rien.

Elle se sentait vide et elle n’avait plus envie de se battre. Elle accueillit les paroles d’Aria avec une neutralité qu’elle-même, dans le fond, trouva étrange. Une protection face à ce qui allait arriver.

Depuis le début de leur conversation, un fossé prenait place entre les deux adolescentes. Eileen l’avait ressenti, mais avait voulu l’ignorer. À présent qu’elle ne le pouvait plus, il lui paraissait trop grand pour espérer pouvoir le franchir une dernière fois.

« Il y a certaines choses que tu ne sais pas, qui te dépassent. Qui nous dépassent. »

La jeune femme ne répliqua pas. Elle n’en avait pas la force ou, pour être plus précis, elle n’en avait plus l’envie. Qu’est-ce que ça pourrait lui apporter, en dehors de perdre encore plus d’énergie ? Une vitalité qui commençait déjà à lui faire défaut.

Elle se sentait couler. Plus elle découvrait l’immensité du gouffre qui la séparait de la Beurk, plus elle se sentait aspirer par les ténèbres. C’était comme subir un changement température, mais d’une brutalité sans pareille.

Des années durant, elle avait vu en Aria un soleil moqueur qui se jouait des ombres dans leur intime cocon. Aujourd’hui, elle ne discernait plus une once de lumière. Seule une nuit, froide et terrifiante, sans lune ni étoiles subsistait. Il n’y avait plus de lucioles pour éclairer son chemin.

« On n’est rien, poursuivait la sang-pur avec la certitude de ceux qui avait subi un lavage de cerveau. Ou juste des pantins, et on le sera toujours. Tu m’as peut-être fait rêver un temps avec tes promesses de liberté, mais tu as juste fait l’une des choses que tu sais le mieux faire : m’illusionner. »

Des mots vains, voilà ce qu’avait été son discours, ses mots, ses échanges répétés et leurs secrets avoués. Des années à espérer, à créer un univers, à ériger des barrières, à mentir à ses plus proches amies. Des années de répit qui venait de voler en éclat.

Comment tout ceci avait commencé ? Parce qu’elle était incapable de se mêler de ses propres affaires ? Parce que c’était plus facile de sécher les larmes d’autrui que d’accepter les siennes ?

Pour la toute première fois en trois ans, l’illusionniste regretta d’avoir rencontré la blonde.

« Maintenant, je me dois d’affronter à nouveau la réalité. »

La désillusion était aussi abrupte que cruelle. Elle avait retardé l’inévitable. Elle avait bataillé, s’était débattue, mais elle devait maintenant se rendre à l’évidence : il n’y avait plus aucun espoir de revenir en arrière.

« Et la réalité, c’est qu’il y a un fossé entre nous et, quoique tu en dises, il est là. »

Le comprendre faisait mal. Une douleur si prononcée qu’elle sentit son cœur manquer un battement. C’en en devenait physique : elle avait mal à la poitrine. Après l’absence de réaction, c’était un trop-plein émotionnel qui la happait.

Les paupières toujours résolument closes, sa respiration se fit plus sifflante.

Elle avait besoin de prendre l’air. L’oxygène lui manquait.

« Ne le franchissons plus. Garde-moi en mémoire si tu souhaites continuer à souffrir, mais ne me retiens plus. Car moi, je n’en peux plus, de ces souffrances inutiles. »

Eileen ne sut, elle-même, pas comment elle parvint à rester stoïque. Les poils hérissaient par la sensation de gel et l’impression qu’un étau se resserraient sur l’intégralité de son corps, elle serra aussi fort qu’elle le put le dossier du fauteuil pour ne pas défaillir.

Elle avait envie d’éclater en sanglots. Elle avait envie de hurler à s’en déchirer les cordes vocales. Elle avait envie de s’arracher les ongles à se griffer les bras. Elle avait envie d’abandonner et de se briser en sautant d’une falaise.

Elle avait l’impression de couler. C’était comme si elle avait essayé des mois durant à se raccrocher à un iceberg en pleine tempête, son corps malmenée par un ouragan et des vagues meurtrières. Là, elle prenait pleine conscience de sa fin.

En dehors de son expression crispée et de son appuie forcé, rien ne laissait voir ses troubles. La King, cependant, connaissait le don de sa consœur. Le cataclysme mental qu’elle subissait risquait de se répandre et de ricocher sur toutes les surfaces jusqu’à atteindre l’âme de sa camarade.

Mais la Gryffondor avait une trop grande fierté et détestait que ses faiblesses soient visibles. Elle s’était déjà trop ouverte ce jour-ci pour n’avoir en réponse qu’un rejet.

Pendant une seconde, une toute petite partie de la lionne eut envie de laisser une dernière chance à la vipère, mais elle la fit taire. La Serpentard venait de le dire elle-même : elle était lasse de souffrir par sa faute.

Et si elle ne l’acceptait qu’à contrecœur, elle lui avait déjà expliqué qu’elle n’avait pas son mot à dire sur sa décision. Dans le fond, l’Américaine savait d’expérience que ce n’était pas en fuyant que les problèmes pouvaient être résolus. Néanmoins, partisane de l’abandon, elle ne pouvait que comprendre l’idée derrière la démarche.

Elle n’allait pas la retenir et elle ne chercherait plus à l’atteindre.

De la désillusion à la rancœur, elle passa par de nombreux stades avant que ses ressentis ne s’apaisent en un sentiment de profonde solitude. Le désespoir qu’elle ressentit manqua de la faire flancher, mais elle refusa de se laisser sombrer.

Pas encore. Pas maintenant.

Elle força sur ses bras pour donner un élan suffisant à son corps pour se redresser et réouvrit les yeux après un temps qu’elle ne sut définir. Elle refusa de regarder dans la direction de
son secret. Elle était déjà trop pleine de ses souffrances inutiles pour s’en infliger de nouvelles.

« Je ne te retiendrais pas. »

Elle détesta tout chez elle, de sa posture jusqu’au tremblement de sa voix, quand elle prononça cette phrase.

Tout dans l’attitude de la blonde hurlait qu’elle avait besoin de l’inverse. Tout, du timbre de sa voix, aux mots choisis, à son regard encore fixé sur elle, laissait comprendre qu’Eileen devait l’empêcher de franchir cette porte.

Elle ne le ferait pas.

C’était une sensation très étrange que de se sentir cruelle. C’était comme se retrouver à nouveau dans cette bulle, mais ne rien faire pour s'en échapper. La taule pliée, les sirènes stridentes, l’odeur de la gomme brûlée, les corps brisés. C’était comme être la spectatrice d’une chute, mais alors que notre instinct nous hurle de courir pour rattraper la victime, quitte à se mettre en danger, elle détournerait les yeux, dans une attente anormale.

Elle se sentit aussi monstrueuse que ce jour-là. Aussi horrible que tous les autres jours où elle laissait ses pensées trop vagabonder, la culpabilité la rongeant parce que sa magie n’avait protégé que sa petite personne insignifiante.

« Le vrai problème, et c’est pour ça que je ne te retiendrais plus, reprit-elle d’une voix atone, c’est que nous sommes toutes les deux aussi lâches l’une que l’autre. »

Elle de la laisser partir sans combattre, lassée par l’impression de trop en donner, et ce, pour ne récolter que des miettes. Aria, parce qu’elle n’avait jamais souhaité prendre les armes, se délectant des ténèbres et préférant s’y laisser corrompre à petit feu.

« La vue est belle ici, continua-t-elle de ce même timbre manquant de vigueur. Je sais que tu l’apprécies. »

Comme pour imprimer le souvenir des tréfonds du lac noir dans sa rétine, la brune l’observa une dernière fois. Elle ne s’en détourna qu'après avoir imprimé chaque détail dans sa mémoire, laissant le bois de charme lui glisser contre la paume.

Le réconfort qu’elle ressentait habituellement au contact de sa baguette fut absent. et Eileen en eut un vertige. Elle le camoufla au mieux, venant tirer sur les manches de sa veste en jean, puis se mit en branle. Elle se rapprocha du chaudron.

L'envie de l'envoyer valser dans les airs, de tout détruire, de laisser éclater sa rage s'imposa et piqua sa pensée. Elle n'en fit rien, s'évertuant à une approche plus douce. Dans ses mouvements, lui donnant un air de marionnette désabusée, elle prenait un grand soin à ne pas laisser ses yeux vagabonder vers Aria.

« Evanesco. », dit-elle en pointant le récipient, une fois à sa portée, et son contenu s’évapora dans les limbes.

Elle fit ensuite un tour d’horizon très rapide, vérifiant ainsi qu’elle n’oubliait rien. Une fois sa besogne accomplie, elle se rapprocha enfin de la porte.

Garder la face devenait de plus en plus complexe, chaque pas lui donnant l’impression de marcher sur une ligne de plus en plus fine. Une équilibriste qui ne devait surtout pas chuter. Si elle se ratait, tout ce qu’elle ressentait n’en serait que décuplé et ce n’était pas une option.

La seule barrière qui l’empêchait maintenant de partir était précisément celle qu’elle s’était obstinée à ne plus regarder. Quand ses iris se perdirent sur les courbes de son visage, elle se mit à douter de sa résolution. Elle ne craqua pas pour autant. Elle se le refusait.

Dans l’optique de s’en convaincre, elle se plaça à côté de l’empathe. Là, tout en réfléchissant à la manière de mettre un terme à la conversation, elle se permit à de la détailler.

Il y avait un monde entre la dernière fois qu’elle avait pu s’y complaire et cette fois-là. L’observer à la dérive, à retracer les contours de ses pommettes, à se perdre dans le clair de ses iris, à rêver de ses lèvres, avait été une aventure euphorique. Même s’il s’agissait du même visage, l’expression différente, emprunt d’amertume, n’avait pas la même saveur.

Comme un automate, elle fit un pas en avant, puis elle se figea. L’envie qu’elle venait de ressentir, qui l’avait amené à se rapprocher, fut aussi passagère qu’imposante.

Là, elle prit la pleine mesure de ses sentiments.

Le gouffre lui parut d’autant plus sombre, d’autant plus abyssal.

Si elle le devait, elle n'avait aucune envie de la voir disparaître.

« Je te laisse le laboratoire, affirma la brune, comme pour s'en convaincre. Tu pourras en faire ce que tu veux. »

Elle n’avait toujours pas le droit de flancher. Elle s’y refusait encore, malgré l’envie de plus en plus présente. Elle avait besoin d’air frais et de mettre de la distance entre elle et cet endroit, entre elle et ses souvenirs qui se teintaient de gris.

Elle en avait besoin, mais elle ne le fit pas. Elle n’avait qu’un pas à faire pour pousser la porte et disparaître dans les couloirs des cachots. Mettre un terme définitif à la relation et tirer une croix sur des années de complicités était, néanmoins, inconcevable pour la jeune femme. Son corps, dans la même ligne, refusa de lui obéir.

Sa vision se brouilla et si ses yeux ne lâchèrent pas l’Anglaise, ce fut comme l’observer derrière une vitre embuée. Sa perception l’amena à la voir comme un spectre à peine discernable.

D’un geste de la main, n’ayant pas confiance en sa propre voix pour prononcer quoi que ce soit, elle pointa la porte. Elle invitait la blonde à l’ouvrir pour lui permettre de la fuir. Elle la suppliait silencieusement de la laisser s’échapper.

Eileen détourna le regard, qui s’immobilisa sur la poignée, honteuse de se retrouver dans un tel état. Elle se mordit la lèvre inférieure et, se sentant ridicule, ravala sanglots et larmes. Elle déposait les armes.


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Ven 16 Juil 2021 - 16:48
tout effacer
Quel deni, que de choisir d'oublier.
Quel egoisme, que de preferer ne plus s'en soucier.
Mais peut-on seulement tout effacer ?




Vendredi 10 Novembre 1995

Pourquoi restait-elle figée ?

Pourquoi ses doigts ne sentaient-ils toujours pas le contact du bois froid de la poignée ?

Pourquoi ses paupières ne parvenaient-elles pas à chasser la buée qui recouvrait ses cornées ?

Pourquoi sa gorge lui brûlait-elle ? Pourquoi sa lèvre inférieure tremblait-elle ?

Pour tout ça, pour ce contrôle qui lui manquait, pour ces sentiments laids qui la retenaient et pour ces foutues émotions qui l’asphyxiaient, elle se détestait. Elle détestait la joie, les souvenirs, l'amour et l'espoir. Ces faux-amis qui lui avaient menti. Qui lui avait fait croire tout un tas de conneries.

Elle haïssait chacune des cellules de son corps pour leur immobilité passive. N'entendaient-elles donc pas son cerveau qui leur hurlait de déguerpir ?

Mais Eileen était là. Son ombre ravissait les yeux de la blonde mais déchirait son cœur. Elle non plus ne bougeait pas. Et l'eau, derrière la vitre, n'avait-elle pas elle aussi stoppé ses aléas ? Était-ce le temps, dans ce cas, qui s'était éteint ?

Au creux de ce cocon déchu, il ne restait plus que la mouvance de leurs émotions. Le silence les rendait d'autant plus éloquentes. Piquantes dans leurs non-dits. Arrogantes dans leur éclat. Éblouissantes dans leur désespérance.

Puis, les mots revinrent bousculer le temps.

- Je ne te retiendrais pas.

Il n'y avait aucune stabilité, tout vacillait. Les meubles tremblaient autant que la voix de la Lionne. Toute once d'équilibre avait foutu le camp.

Si ces mots auraient dû être libérateurs pour Aria, ils la heurtèrent sans son accord. Et l'ironie de cette constatation s'empressa de lui tordre le bide : pourquoi donc Eileen la reteindrait-elle ? Personne ne l'avait jamais fait. Personne ne s'était jamais assez attaché à elle pour l'empêcher de s'évaporer. Aria se fondait dans le vent et se diluait dans l'eau avec l'aisance des insignifiants. Si la peine immense d'Eileen lui criait pourtant l'inverse, Aria se refusait à l'écouter. Un jour, la Louisanaise l'oublierait.

- Le vrai problème, et c’est pour ça que je ne te retiendrais plus, reprit cette dernière, c’est que nous sommes toutes les deux aussi lâches l’une que l’autre.

Si la précédente affirmation avait touché Aria, celle-ci, toutefois, ne l'effleura pas. La Vipère n'avait jamais aspiré à un quelconque courage. Elle connaissait sa lâcheté, son goût pour la facilité, et s'y complaisait. Mais Eileen avait tort sur ce point : la facilité aurait été de rester. De ne pas affronter ses responsabilités et de rejeter les expectatives familiales qui pesaient lourdement sur ses épaules. Agir avec déshonneur et mettre en danger ceux qui l'avaient éduqué pour les caprices d'une simple amitié passagère, ça, ç'aurait été de la lâcheté. N'est-ce pas ?

Elle qui n'avait jamais eu le courage d'affronter le regard de ceux qui l'estimaient et mieux encore, de ceux qui l'aimaient, ne pouvait pas entrevoir ce versant-là de la lâcheté.

- La vue est belle ici. Je sais que tu l’apprécies.

Le décor se peignit de la fadeur de sa voix. Non, comme cela, Aria ne l’appréciait plus, cette vue. L'eau hurlait au désespoir et les vitraux absorbaient leurs larmes retenues. Peut-être même que le verre allait se briser sous la pression si dense de leurs émotions. Ou bien, ce serait ses poumons. Là-dedans, au creux de sa poitrine, la douleur était insupportable.

Un frisson parcouru la Sang-Pur quand l'autre sorcière amorça enfin un mouvement. Comme si cette sortie de leur immobilisme prolongée était une nouvelle chute. Et les os de la blonde se brisèrent sur un rappel à l'ordre : elle devait partir. Pour de bon. Quitter cette pièce.

Mais l'Evanesco prononcé par la brune accentua étrangement sa tétanie. Le liquide contenu dans le chaudron disparu dans le non-être. Bientôt, ce serait le tour de leurs souvenirs, ne put-elle s'empêcher de songer, la boule enflant dans sa gorge.

Puis, Eileen se dirigea vers elle. Non, vers la porte. Vers la sortie, vers l'adieu, vers le non-retour. Aria ne remarqua pas qu'elle en gênait le passage et continua à la regarder sans bouger, comme si elle n'était faite que de poussière. Comme si elle n'était déjà plus qu'un fantôme pour son secret. L'espace d'un instant, elle en oublia sa propre existence et ce fut pour elle une brève bouffée d'air.

L'oxygène lui fut à nouveau dérobé dès lors qu'Eileen redressa son regard pour le poser sur son visage. La souffrance lui revint alors en une vague sulfurante, déferlant de tout, et surtout, de ces yeux. Ces iris couleur d'eau qui s'étaient arrêtés sur elle. Tout comme la première fois. Ou presque. Le ciel de ses opales n'avait plus rien de leur sérénité habituelle. C'était la tempête.

Combien de temps resta-t-elle confrontée à ce regard de désespoir, trop interdite pour bouger ou prononcer le moindre mot ?

Combien de pensées prohibées traversèrent son esprit en ce laps de temps ?

Combien d'émotions firent donc rage en elle - et entre elles - , en cet instant ?

Trop. Trop. Et trop. Ce fut peut-être pour cela que, déstabilisée, Eileen se rapprocha d'un pas. Pourquoi ? La question se fit recouvrir par les battements de cœur affolés d'Aria.

Mais il ne se passa rien.

Ni coup, ni étreinte. Le fossé resta intact. Il en aspira même ce nouveau silence.

- Je te laisse le laboratoire, déclara la Rouge-et-Or. Tu pourras en faire ce que tu veux.

Mais Aria n'en voulait pas. Sans son secret, ce ne serait rien d'autre qu'une nouvelle prison. Un abîme de souffrance, gardien de souvenirs maudits. Cependant, son absence de réponse suffit à signer les accords du contrat. Le Laboratoire de Salazar était à présent sien. Uniquement sien. Elle détesta aussitôt ce cadeau.

Tout comme elle détesta le voile humide qui vint un peu plus inonder les pupilles d'Eileen. Cette vision l’insupporta tant qu'elle eut enfin le courage de s'en détacher. Peut-être, aussi, pour cacher la rougeur de ses propres yeux.

L'Américaine lui désigna la porte derrière elle, d'un faible mouvement de la main. Aria réalisa alors qu'il n'y avait plus qu'elle qui faisait obstacle à leur séparation. Elle se décida donc à enfin poser sa main sur la poignée et, à contre-cœur malgré elle, ouvrit la porte. Mais, juste avant qu'Eileen ne fût aspirée par le couloir, elle s'empressa d'articuler:

- Attends !  

Lorsque la brune se retourna, Aria leva son index vers le mur à proximité.

- Ta guitare.

Si cette conversation avait eu lieu, c'était pour cet instrument. Pour le lui rendre. Cette guitare électrique signait à présent leurs adieux.

Et, lorsque la porte du laboratoire se referma enfin sur le départ de la Louisianaise, Aria s'écroula.

Son dos glissa avec brusquerie contre la porte et, incapable de les retenir plus longtemps, elle se noya dans ses sanglots. La tête enfouie dans ses deux paumes et les genoux recroquevillés contre sa poitrine, elle vida tout son soûl dans les soubresauts de sa poitrine et les gémissements de sa voix. Mais la douleur ne partait pas, au contraire, elle s'intensifiait à mesure que les minutes défilaient, comme si la pièce avait cruellement capturé toutes les émotions qui s'y étaient déferlées l'instant d'avant pour les lui recracher à présent au visage. Elle eut l'envie de hurler, mais sa rage ne s'échappa qu'en une unique formule :

- Ventus !

Son bois de noisetier vibra comme jamais il ne l'avait fait auparavant et une brise violente s'éleva dans l'étroite pièce, renversant d'abord les fioles et les livres, puis retournant le chaudron, la table basse et les étagères. Les mèches platines de la sorcières furent elles aussi emportée dans cette frénésie, voletant et fouettant ses joues, son front, ses lèvres, comme mille filins tranchants.

Et ses larmes s'écrasèrent contre son épiderme. Asséchées. Puis, remplacées par de nouvelles.

Ce soir-là, le Laboratoire de Salazar ne fut plus que débris, poussière et éclats de verre. Vestige d'un temps révolu. Épave hanté de souvenirs maudits. Relique d'un passé rejeté.

Aria n'y remettrait pas les pieds avant janvier.

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Aria Beurk
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Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
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Sam 17 Juil 2021 - 11:37
Tout effacer
Aria Beurk
Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre. Je déteste cette expression. Comme s’il suffisait d’un claquement de doigt pour passer à autre chose. C’est comme cette expression à la con : une de perdue, dix de retrouvées. Comme si un amour ou une amitié n’avait en vérité aucune valeur. Je trouve ces mots d’une affreuse ironie par rapport à la réalité. Ceux qui le pensent, n’ont-ils jamais rien ressenti de véritablement profond ?
Eileen, dans son attente, voulait croire que son salut se trouvait derrière la porte du laboratoire. C’était une erreur.

Si elle se forçait pour y croire, si elle le pensait aussi fort qu’elle le pouvait, son besoin sur le moment était bien différent.

Elle aurait voulu qu’Aria en prenne la pleine mesure. Qu’elle constate sa douleur. Qu’elle remarque son désespoir. Qu’elle aperçoive que le gouffre, au lieu de s’installer entre elles, commençait à l’aspirer.

Du plus profond de son être, la King aurait souhaité voir son amie la prendre dans ses bras et la rassurer. Elle aurait aimé qu’Aria lui dise que tout ceci n’était déjà qu’un mauvais songe. Elle aurait eu besoin d’une simple affirmation pour faire demi-tour et reléguer leur conversation à un passé nébuleux qui n’avait pas eu lieu d’être.

Aria ouvrit la porte.

Tous les espoirs vains de la brune volèrent en éclats.

Comme les vitres qui s’étaient brisées pour terminer en une fine poudreuse voletant autour d’elle.

Sans prévenir, tout se mit à tourner autour d’elle beaucoup trop vite.

Comme la taule dans laquelle elle s’était retrouvée enfermée malgré elle.

Toutes ses aspirations pour son futur se dissipèrent.

Comme la vie au fond de leurs prunelles.

Moins d’une seconde, la Louisianaise ferma les yeux. Elle n’arrivait plus à penser. Elle n’arrivait plus à comprendre le monde qui l’entourait.

Quand ses paupières se détachèrent, elle amorça un mouvement. Vif, impulsif, il lui fallait partir le plus loin possible de cet endroit et des souvenirs qui la narguaient.

« Attends ! »

Présumer, c’est se mettre en danger, mais l’Américaine avait l’impression de ne plus rien posséder d’autre que ses désirs moqués.

Le temps que ça dura, moins d’une minute tout au plus, elle s’accrocha au visage de sa camarade. Elle laissa son esprit la convaincre de tout et de son contraire.

Elle souhaitait toujours que la Beurk se rétracte. Les excuses pouvaient être oubliées. Les mots pouvaient s’effacer au profit d’un seul geste. Il suffisait que la blonde amorce un mouvement et la née-moldu la suivrait dans la danse.

Mais la réalité était toujours plus dure et plus froide que ses rêveries. C’était peut-être pour cela qu’au fond, fuyant ses émotions et ses peurs comme si celles-ci pouvaient l’engloutir pour la déchiqueter, la Gryffondor faisaient naître ce sentiment chez les autres.

Elle l’avait illusionnée, c'était vrai, comme tous les autres. Cependant, contrairement à ce que la sang-pur supposait, ça n’avait pas été en lui offrant une amitié et des moments privilégiés en sa compagnie. C’était en lui faisant croire au soleil. C’était en lui faisant miroiter son énergie et sa positivité.

Un artifice que la jeune femme s’était évertuée à consolider avec les années, allant jusqu’à se mentir à elle-même.

« Ta guitare. »

Le retour de bâton finissait toujours par arriver. Plus brutal, plus direct, plus chaotique que ce à quoi elle aurait pu s’attendre.

La détresse qu’elle ressentit quand, une fois de plus, sa crainte se réalisa se muat en une colère aussi soudaine que froide. La lionne pinça les lèvres et ravala les larmes qui menaçaient de se déchainer.

Incapable de détourner les yeux de la Serpentard, toutefois, elle souhaita lui faire passer toute sa détresse, la sensation de trahison qui s’installait, mais aussi toute la culpabilité qu’elle éprouvait.

Ses iris n’eurent aucun besoin de rechercher l’instrument, restant fixe sur la personne qu’elle aimait le plus. La désertion de cette dernière n’en était que plus douloureuse.

Plus jeune, la jeune femme s’était jurée de ne plus s’attacher à personne.

C’était idiot comme promesse. Elle ne pouvait pas le contrôler, mais elle l’avait souhaité du plus profond de son être. Parce que la perte faisait trop mal. Parce qu’elle ne voulait plus ressentir cette souffrance qui la rongeait encore à ce jour.

Une souffrance qui venait de doubler de volume.

« Accio guitare. »

Elle ne reconnut pas sa propre voix tant elle lui parut austère.

L’instrument vint se loger, docile, dans sa paume ouverte. À son contact, l’envie de lui faire comprendre sa douleur la cloua une seconde sur place.

Ça ne servirait à rien. Comme toujours. Comme tout ce qu’elle entreprenait, ce serait voué à l’échec.

« Au revoir, Beurk. »

Les seules fois où la magicienne utilisait ce nom, c’était pour se jouer des autres. La grande illusion venait de prendre un tournant. Le théâtre de leur relation, visible pour autrui, se muait en une réalité qu’Eileen ne supporta pas.

Elle détesta chaque fibre de son être en prononçant ces mots.

Autant qu’elle se mit à haïr Aria de lui avoir permis d’espérer. Elle y avait cru, si fort, si longtemps, pour à la fin se rendre compte qu’avec elle aussi, elle souffrait.

Comme avec tous les autres.

Toutes ces personnes qu’elle haïssait.

Tous ceux qui, au travers de leur bien-pensance, lui rappelait sans cesse qu’elle n’avait plus rien.

Que ses anniversaires se résumaient au souvenir d’un vœu qui lui avait arraché son innocence.

Que les Noëls la ramenaient constamment à la disparition d’un avenir joyeux.

La jeune femme fit volteface et, dans un dernier élan de conscience, pointa sa guitare.

« Reducio. », souffla-t-elle de cette même voix apathique.

Elle plaça l’instrument dans sa poche, l’enfouissant de façon à le protéger. Puis, elle partit.

Au début en marchant vite, son déplacement se mua rapidement en une course folle au travers des cachots, jusqu’à sprinter.

Elle ne s’arrêta que quand son souffle ne lui permit plus d'avancer, manquant de s’étouffer en avalant de travers sa salive à plusieurs reprises.

En nage, seule dans l’obscurité et le froid, la jeune femme se remit en mouvement quand son corps obtempéra de nouveau. Plus lentement, elle passa de portes en portes, cherchant une salle oubliée et encore ouverte.

Elle trouva son semblant de bonheur dans les tréfonds les plus obscurs des oubliettes.

À peine entrée, sa baguette toujours en mains, la musicienne se laissa aller contre la porte. Elle avait besoin d’expulser ses ressentis. Elle avait l’impression, si elle ne s’y attelait pas, qu’elle allait exploser.

Exploser, c’était le juste terme.

« Confringo ! »

La table la plus proche de sa position explosa en une multitude de morceaux. Elle ne sentit aucun soulagement.
 
« Bombarda ! »

Le tableau eclata en une pluie d’ardoise dans la salle. Là encore, son état ne s’améliora pas.

« Bombarda maxima ! »

Toute la rangée en fond, où des chaudrons abandonnés depuis des décennies prenaient jusqu’alors la poussière, se répandit dans l’intégralité de la pièce. Rien, toujours rien.

Elle se sentait toujours trop pleine de cette souffrance moqueuse.

« Expulso ! »

L’armoire visée décolla du sol et fusa jusqu’à sa jumelle, les deux se brisant dans un ballet de verres et de bois brisés.

Pendant de nombreuses minutes, toujours dans cette recherche d’une paix intérieure qui se refusait à elle, la jeune femme continua à détruire le mobilier.

C’était pour cette raison qu’elle n’avait pas voulu rester dans le laboratoire, sans savoir que celui-ci terminerait sa journée dans un état similaire à cette salle de classe délaissée.

Elle ne voulait pas le détruire. Il était trop précieux à ses yeux pour se le permettre. L’abimer, ce serait accepter.

À bout, en manque d’énergie pour continuer son entreprise, la demoiselle laissa sa main retomber mollement sur le sol. Sa baguette lui échappa et alla se perdre contre l’un des débris. Ses yeux s’embuèrent de toutes les larmes qu’elle avait retenues et elle observa, impuissante, la poussière retombée doucement, presque statique.

Comme la pluie le premier jour. Comme son sourire quand elles se retrouvaient. Comme leurs silences, parce qu’elles n’avaient pas besoin de parler pour se comprendre. Comme leur complicité avant ce jour. Comme leur sérénité dans cette pièce qui n’appartenait qu’à elles.

Eileen, enfin, se mit à pleurer.

Elle maudit Aria et leur amitié.

Elle hurla à s’en briser la voix.

Elle frappa le sol à s’en briser les doigts.

Et elle éclata en sanglots.

Les mains abîmées sur son visage défait, les épaules secoués par des soubresauts incontrôlés, elle se jura une nouvelle fois de ne plus jamais aimer.

Une promesse impossible à réaliser, mais qui sur l’instant, lui parut très censé.


FIN.
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