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[Du 31/12/1995 au 01/01/1996] Sparkle. ft. Johann Kayser

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Mer 5 Jan 2022 - 17:31
TW : Présence d'automutilation, de dissociation et de crise d'angoisse.

Sparkle ft. Lévine et Johann

C

inq heures.

Les yeux rivés sur son radio réveil, Lévine ne dormait pas. Il avait vu défiler les chiffres dans un ballet électronique, emplissant sa rétine d'un chromatique carmin résiduel. Il ne voyait que le rouge et pas le reste du monde. Les cils en rat en cernes, il affrontait le reflet flou de son visage dans le verre plastifié de l'objet.

Son regard épuisé le dégoûta. À demi-nu, il bascula dans ses draps, la plante des pieds sur le parquet glacé. Le chauffage avait été éteint. Les membres engourdis de fatigue et de froid, il vagabonda dans son appartement l'esprit vide et le corps trop pleins. Il se sentait à l'étroit dans sa chair, trop comprimé et éreinté. Et il ne parvenait pas à en analyser la raison ni le commencement.

La respiration laconique, il s'arrêta devant la salle de bains. Dans le noir, il buta du genou contre le coin d'un tabouret et s'égratigna la cuisse d'une nouvelle ecchymose en heurtant la baignoire. L'eau coula et c'est à peine si le son reposant perça la bulle enveloppant sa tête.

Les bourdonnements dans ses tympans accompagnèrent sa baignade dans le liquide brûlant. La morsure sur sa peau le fit soupirer d'aise et il plongea. Ses cheveux dansèrent dans les remous de ses faibles mouvements et il les regarda grimper à la surface avec fascination. L'oxygène lui manqua vite. Mais il s'accrocha à la douleur le faisant convulser et lutter pour remonter. Les ongles glissant sur la céramique, il accueillit son inspiration dans une nuée de sensations vives et intenses. Les picotements dans la poitrine, il haleta une minute, le corps rouge dans la vapeur.

Les bras de chaque côté, il laissa aller l'arrière de son crâne contre le mur. La tignasse collant aux joues, il se sentit plus éveillé.

Il repensa au ministère, les souvenirs alertes et pressants. Il revit dans son plafond partiellement éclairé d'un rayon lunaire, l'ampoule à huile d'une cellule, se confondant en superposition avec un lustre doré. Il se rappela des heures à compter, des mensonges et de la crainte. Il se souvint de l'échec et d'un insigne luisant dans une paume qui n'était pas la sienne.

Défaillant, il cogna sa tempe tout contre son biceps, la mine défaite. La frustration se mêla à un sentiment injustifié d'abandon qui lui serra le cœur. Il avait été jeté dehors, perdant toute dignité en franchissant le seuil de son cocon aseptisé. Il n'avait pas pleuré. Mais tout avait tourné. La peur. L'angoisse. Et la solitude. Dans le silence, il s'était senti plus seul qu'il ne l'avait jamais été. Délaissé après avoir servi, comme un jouet que l'on jette à la poubelle. Une poupée à usage unique.

La raison et le pragmatisme n'avaient pas chassé la trahison qu'il ressentait avec hargne et férocité.

Ses paupières le piquèrent et il ramena ses jambes contre lui pour y cacher son front. Il inspira une odeur de chaud tiédissant doucement. Il tremblait encore.

Inutile. Incapable. Déchet. Les mots soufflés du bout des lèvres guidèrent sa main jusqu'à sa baguette. Le bois palpita dans sa main, souffrant et suppliant. Il ne vit que le rouge. Une peinture qui explosa sur le carrelage. Les gouttes dégringolèrent comme une pluie. L'entaille lécha son bras dans toute la longueur.

Inutile. Incapable. Déchet. Meurs. Meurs. Une larme coula sur sa pommette quand il cligna enfin après une, deux, trois, nouvelles jumelles sur le tableau de son corps, séparant cicatrices anciennes et rouvrant les dernières à peine résorbées. Son état misérable ne parvint pas à l'attendrir. Il eut besoin de plus. De se libérer. De sortir de lui et de tout ce qui résonnait en lui. Il frappa. Il griffa. À vif, il se perdit dans les secondes, les minutes de rage, de terreur et de culpabilité.

Poisseux et la langue pâteuse, il sortit de la baignoire, laissant dans son sillage flaques et éclaboussures. Les membres raides et flageolants, il traîna d'une pièce à une autre sans but précis. Il tâcha meubles et tissus sans s'émouvoir, ni le remarquer. Il plana dans un air métallique embaumant tout le reste, la vue en tunnel et l'esprit drogué.

Il s'arrêta devant le mur faisant face à sa chambre. Il y avait accroché un calendrier, pour ne pas oublier des rendez-vous et se construire une vie en dehors d'un bureau. Il n'y avait jamais rien noté. Hormis une fois. Le trente-et-un Décembre, en feutre noir était noté : Nouvel An avec Mr K.

Il posa une main fébrile sur ses coupures, les pupilles vacillantes et les paupières chevrotantes. Il se coucha, bandages enroulés et le souffle plus calme. Il s'autorisa quelques heures. Le sommeil le gagna après quelques minutes à peine, et il s'écroula dans l’inconscience d'un rêve plongé dans la pénombre. Il avait assez payé pour aujourd'hui. Il s'était assez puni.

***

Lévine se réveilla dans l'heure de midi. En se redressant, il constata le chaos de son lit, assombri de tâches pourpres. Le soleil perçait avec timidité ses rideaux mal tirés. Il se leva, malhabile dans sa démarche et écarta le tout pour contempler la rue. La neige recouvrait les trottoirs et il vit le spectacle habituel des flocons dansant dans la brise. Il frissonna furieusement quand sa hanche toucha son radiateur inactif. Il prit conscience de la température à peine supérieure à celle de l'extérieur.

Attrapant ses vêtements déposés sur la chaise, il s'enveloppa dans une veste qui cacha rapidement ses avant-bras meurtris. La honte d'avoir explosé quelque temps plus tôt lui donna la nausée. Il se sentit faible. Et atrocement fautif.

Il nettoya le saccage qu'il avait laissé dans sa folie. Serpillière à la main, il astiqua, récura de ses mains pour effacer la crise de sa mémoire, à défaut de s'autoriser à le faire sur sa peau. Son appartement ressembla à ce qu'il était et c'est avec soulagement qu'il s'accorda un café. La boisson rafraîchit son air effacé et il put se nettoyer dans une eau plus tempérée. Il ne regarda ni ses bras, ni ses poings bleuis, ni les marques rosissantes sur ses flancs et cuisses. Son visage avait été miraculeusement épargné de sa plongée. Son reflet lui était insupportable, au point qu'il dût s'y reprendre à trois fois pour se coiffer.

Il opta pour un ensemble distingué, mais sobre en ouvrant sa penderie. Gilet, chemise, chaussures cirés et pantalon coupe droite. Esquivant son regard, il valida sa tenue d'un bref coup d’œil. Il devait cacher les stigmates de ce mal qui le rongeait. Personne ne devait savoir. C'était mauvais. Et encore moins cet homme qui lui avait déjà proposé son aide. C'est un peu plus déterminé qu'il ferma les boutons de ses manches.

Il ne savait pas à quoi s'attendre de leur soirée ni comment l'appréhender. Il en avait été suffisamment impatient pour la noter le soir-même de leur discussion sur le marché. Il se souvint des toits et de l'ultime clarté éphémère du jour sur les tuiles d'ardoises. Il avait chéri l'instant comme précieux, le sacralisant parce qu'il lui était inconnu et qu'il n'avait jamais mesuré l'impact de la beauté avant qu'elle ne disparaisse dans un amas de haine.

Il sortit dans le vent négatif du dernier jour de l'année. Le froid le prit aussitôt à la gorge, ravivant la fragilité de ses doigts. Tenir sa cigarette les fit trembler jusqu'à ce qu'elle soit consumée dans ses bronches. Il retrouva la ruelle après une dizaine de minutes de marche.

Il transplana.

Pré-au-Lard était faiblement animé même pour un début d'après-midi. Quelques passants en profiter pour flâner dans les boutiques et en ressortaient les bras chargés de paquet. Il les imita et se mêla à la foule, désirant n'être qu'une ombre dans la masse. Il acheta un livre, comme à chaque fois qu'il se perdait dans ses pensées et qu'il se sentait dans l'obligation de se justifier d'être entré par hasard.

L'ouvrage sous le bras, il y ajouta un sac contenant une bouteille de vin de bonne facture, qu'il envisagea de boire seul pour passer le temps, éclipsant qu'il la réservait pour son tête-à-tête avec le professeur.

À la place, il laissa ses pas le guider jusqu'à la colline surplombant la cabane hurlante. La bâtisse raviva une conversation lointaine et du coin de l’œil, il fut certain de distinguer l'ombre pâle d'une jeune femme, un appareil photo dans les mains. Elle lui parut si lointaine. Il enjamba la barrière après quelques hésitations et s'y assit. Le panorama effrayant le rendit nostalgique de ses propres confessions. Moi aussi, j'ai souffert, lui avait-il confié, avec l'absolue certitude qu'elle comprendrait ce qu'il sous-entendait. Moi aussi, je souffre encore.

Il balança ses jambes, cognant ses talons à chaque va-et-vient. Le visage détendu dans une expression éteinte, il papillonna des cils devant son absence de rêverie. Rien ne lui venait. Il profita seulement d'être présent, a mi-chemin entre le réel et le passé. Il se lova dans la mélancolie que lui inspirait le paysage.

Il ne bougea qu'en voyant les rayons décliner derrière les tours pointues du bâtiment. Ses pieds atterrir dans la neige dans un bruit étouffé. Le pas lent et lourd, il se dirigea en périphérie du village, suivant le sentier délimité pour contourner l'affluence qui s'était soudainement faîte dans les rues.

Il descendit la côte menant à une petite maison éloignée des quartiers. Inhabitée, elle était parfois choisie pour des fêtes clandestines ou un point de rendez-vous pour des amoureux. Il sortit sa montre de sa poche. Dix-neuf heures. Le dos contre la paroi de bois humides, il guetta l'arrivée de Kayser avec nervosité. Il ajusta sa coiffure dans un souci de perfection, mais abandonna quand la brise bâcla son travail. Que pouvait-il bien lui dire ? Les lèvres mâchées de ses incisives, il entama les cents-pas, la tête surchargée de mille questions et hypothèses.

La silhouette qu'il distingua au loin les firent toutes taire simultanément. Ses jambes fléchirent et il s'en alla à sa rencontre. Les traits familiers taillés dans le marbre de son visage neutre firent naître dans son ventre un confort serein. Il avait aussi eu cet effet le vingt-quatre. Comme un baume sur ses plaies avec le naturel du chant de la pluie et l'évidence d'un soleil se couchant.

« Monsieur Kayser. », le salua-t-il la voix enrouée. Il se racla la gorge et maladroit, détourna les yeux sur les sapins alentours. Un hibou ouvrit ses yeux jaunes entre les branches.

« Je vous laisse nous guider. », formula-t-il après les formalités usuelles qui ponctuaient leur début d'échange.

Il se plaça à ses côtés, le sac branlant dans les doigts, tintant dans sa marche. Un sourire étira lentement sa bouche. Il s'orienta vers l'éclat de sa présence, les poignets enserrés des chaînes de la peur.

Lévine Serger
Admin rusé
Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Dim 24 Avr 2022 - 13:47
♛ Sparkle ♚


Pour tenir bon la barre, suivre le cap et ne pas se perdre dans les tourbillons les plus violents, il faut, parfois, savoir lâcher-prise.

▼▲▼
Dimanche 31 Décembre 1995,

Johann, devant son miroir, réajusta ses boutons de manchettes. Le regard inquisiteur du phénix le suivit aussi quand il récupéra son manteau. Ce dernier ne le quittait plus depuis plus d'une semaine, comme si elle savait que quelque chose le travaillait. Sans doute mécontente de ne pas avoir été, comme à l'accoutumé, sa confidente, l'oiseau ne chantait plus et se contentait de le fixer et d'ébouriffer ses plumes.

Johann, connaissant le caractère de cet être à l'intelligence bien supérieure à beaucoup d'autres créatures, n'était pas dupe. Il lui faudrait lui expliquer, à un moment ou à un autre, ce qui n'allait pas. Il ne savait pas, toutefois, comment s'y prendre. Expliquer certaines réalités et certains faits étaient simples. Préciser ses émotions et sentiments concernant ces mêmes réactions étaient bien plus complexes.

Personne ne lui avait appris à s'ouvrir aux autres. Johann était connu pour être dur comme un roc, infaillible, certes froid, mais toujours constant. La soirée d'anniversaire de sa protégée avait pourtant eu le mérite de briser certaines barrières qu'il avait consolidées pendant des années, loin du Royaume-Uni, après avoir fui le pays, ses responsabilités, les drogues, sa souffrance.

Les effluves, la musique trop forte, l'odeur de l'alcool et de la transpiration mélangés avaient ramené des souvenirs que l'homme avait souhaités oublier. Des soirées trop mouvementées en compagnie de son ex-compagne, où ils se perdaient et s'oubliaient, en décalage complet, abondant de travers, à une réalité trop dure où les blessures et la mort étaient leur quotidien.

Johann, depuis ces quelques jours, et même s'il en avait fait totalement abstraction jusque-là, ne dormait plus. Les potions énergisantes risquaient de devenir une habitude, lui qui souhaitait combattre ce genre d'addiction pour en avoir déjà fait les frais, uniquement pour arriver à tenir et paraître en forme. Mais malgré ce semblant d'énergie, ses masques se brisaient les uns après les autres, au point qu'il reconnaissait à peine le reflet que lui renvoyé l'entrée de sa seconde demeure.

Il soupira, enfila son manteau et sortit. L'air gelé de la nuit lui fit du bien. Le vent qui giflait son visage lui donnait la sensation d'être un peu plus réveillé, bien que ce n'était qu'une illusion, il en avait parfaitement conscience.

Une conscience qu'il allait soulager un petit peu. Avec le temps et les années d'expérience, le trentenaire savait que discuter avec des inconnus étaient toujours plus facile. Transplaner jusqu'à Londres fut légèrement plus compliqué qu'à son habitude, mais l'homme s'en formalisa à peine.

Au milieu du monde des moldus, il traversa différentes rues, passa devant des boutiques fermées depuis plusieurs heures déjà, jusqu'à arriver devant un parc. Johann y jeta son dévolu et, pénétrant à l'intérieur, trouva un homme grelotant, allongé sur un carton, sous l'air de jeu pour les enfants. Des bouteilles de bières jonchaient le sol autour de lui, ne laissant aucun doute sur son état.

Johann s'installa non loin et l'observa un temps, avant de le réveiller d'un léger coup de pied. Le sans-abri sursauta et se recroquevilla en le voyant.

« N'ayez crainte, souffla le chef de gang, je ne suis pas là pour m'en prendre à vous. »

Le sorcier observa le ciel un instant, oubliant jusqu'à la présence de l'autre. Il ne revint à la réalité que quand ce dernier toussa.

« Le monde va bientôt s'enflammer, grinça le Kayser dans un soupir las. Encore. »

Le magicozoologue savait qu'il ne pouvait rien lui révéler de précis, mais il avait besoin d'extérioriser. Alors, il reprit.

« Et encore une fois, il va y avoir trop de morts. »

Quand Johann se réveilla le matin, il se trouvait dans une chambre de l'Edelweiss. Encore une fois, les cauchemars avaient remplacé les rêves, mais l'expérience avait été plus supportable pour le professeur. Le moldu avait eu le mérite de l'écouter parler sans jamais l'interrompre et, même s'il ne se souviendrait pas de cette rencontre, Johann s'était senti un peu plus serein.

Rien de vraiment probant, il y avait des faits qu'il ne pouvait pas avouer à un tel individu. C'était néanmoins suffisant pour lui permettre d'avoir eu un sommeil réellement réparateur, malgré la sueur qu'il sentait sur son front et son corps à son réveil. Une bonne douche finirait par effacer cette réalité.

Il pouvait repartir une bonne semaine avant de devoir recommencer. Au moins, il pouvait se rassurer, les billets laissaient dans les poches du sans-abri étaient suffisant pour lui offrir un nouveau départ, s'il le désirait, même s'il ne saurait pas d'où ils venaient.

Après une douche et son petit-déjeuner habituel, non sans avoir salué la propriétaire de surface et ses employés, l'enseignant quitta le pub. C'était le début de l'après-midi et Johann savait qu'il avait encore beaucoup à faire.

Ce soir, c'était le nouvel an et, contre toute attente, il avait un rendez-vous. Un rendez-vous qu'il n'arrivait lui-même pas à qualifier, d'ailleurs, et c'était une excuse parfaite pour détourner ses propres pensées de la réalité qu'il voulait oublier.

Pourquoi était-il retourné auprès de Dumbledore ? Pourquoi avait-il accepté de faire partie de l'Ordre du Phénix ? Quelle idée lui était passée par la tête pour croire qu'il pouvait faire la différence ? Durant la première guerre, mis à part survivre, il n'avait rien accompli de notable. Il avait vu des collègues mourir, des amis assassinés, d'autres étaient devenu des légumes, à l'instar des Londubat.

Et plus le temps passait, plus le Seigneur des Ténèbres restaient dans l'ombre tout en affichant son retour par des manières plus ou moins détournés, plus l'ancien auror se trouvait idiot de ne pas avoir fui à la seconde où il avait compris.

Une partie de lui, bien sûr, tentait de lui rappeler ce qu'il avait fait et ce qu'il espérait. Il s'était jeté lui-même à pied-joints dans le combat, dès son retour en Angleterre, avec les Suns of Loki. Il espérait, en devenant enseignant, pouvoir rappeler aux étudiants qu'ils avaient le choix.

Pour l'heure, cependant, il se contentait de faire taire toutes ses propres voix, toutes ses pensées, pour ne se concentrer que sur une seule réalité. Il devait préparer la soirée. Un restaurant pour commencer lui paraissait être une bonne idée. Il avait des lieux qu'il appréciait plus que d'autres, où il avait ses entrées. Ce serait sans doute suivi d'une balade pour rejoindre le point de rendez-vous où les couples et les familles allaient admirer le feu d'artifice annonçant la nouvelle année.

Une nouvelle année qui ne s'annonçait pas bonne, mais durant cette journée, le professeur avait décidé de l'oublier. Autant pour lui que pour Lévine Serger, que le trentenaire allait retrouver dans quelques heures.

Quand l'heure fatidique arriva, en miroir parfait à la veille, Johann réajusta ses boutons de manchettes devant son miroir. Il récupéra ensuite son manteau, s'en habilla et ne se gêna pas pour placer un enchantement dessus pour éviter d'avoir trop froid. Fiery le regardait toujours, inquisitrice, mais l'homme préféra l'ignorer. Il ne se le permettrait plus à l'avenir, mais discuter avec le volatile risquait de le mettre en retard et il détestait quand cela arrivait.

Il quitta sa seconde demeure, ferma derrière lui, plaça les enchantements et maléfices habituels pour empêcher toute intrusion, puis il transplana. Les rues de pré-au-lard n'étaient pas tant fournies par les passants, mais l'heure jouaient sans doute beaucoup.

Sans s'en formaliser, sachant parfaitement où il devait se rendre, le sorcier traversa les rues et les ruelles de grandes enjambées. Par réflexe, il lui arrivait de s'assurer qu'il n'était pas suivi, la période n'aidant pas, malgré ses résolutions d'oublier la guerre et les blessures qui y étaient liées.

L'ombre qui faisait les cent pas, témoin d'une gêne et d'une incompréhension vis-à-vis de cette soirée qu'ils partageaient, ne laissa que peu de doute à l'enseignant quand il le remarqua. L'auror dut remarquer sa silhouette se détacher des quelques maisons qui les entouraient, car il arrêta sa marche intensive pour se rapprocher de lui.

« Monsieur Kayser, le salua l'homme d'une voix enrouée. Je vous laisse nous guider.
Monsieur Serger, répliqua le chef de gang en soulevant son béret dans un geste habituel. Je vous laisse me suivre dans ce cas. »

C'était étrange comme la présence de l'auror, malgré la gêne qui cherchait à se frayer un chemin, était reposante. Peut-être était-ce dû aux capacités martiales indéniables dont le sorcier avait fait preuve durant Halloween ? Peut-être était-ce dû à certaines vérités qui s'étaient dévoilées au fil de leurs rencontres ? Johann ne savait pas, mais les faits, ce repos étrange et cette sérénité inhabituelle, étaient là.

Suivi par son comparse, le professeur retourna vers le centre du village et se dirigea vers la rue où se trouvait le salon de thé de Madame Pieddodu. Il passa devant sans y jeter un regard et s'arrêta quelques mètres plus loin, devant une façade plus discrète.

La plupart des voyageurs et des étudiants s'arrêtaient aux Trois-Balais ou, pour ceux désirant être discrets, à la Tête de Sanglier. Peu de monde connaissait l'Écuelle de Léonidas. Il s'agissait d'un petit restaurant tenu par un homme, Léonidas. L'endroit, néanmoins, affichait complet une grande partie de l'année, tant les plats servis étaient délicieux. Johann pouvait se remercier d'avoir aidé l'homme avec un problème juridique presque un an en arrière. C'était ce fait qui lui permettait d'avoir sa réservation ce jour-ci, alors que c'était le genre de soirée où il fallait réserver six mois à l'avance pour espérer avoir une table.

Il poussa la porte et invita Lévine à entrée.

Directement, un serveur s'approcha d'eux, les saluant d'un sourire chaleureux.

« Bonsoir, c'est à quel nom ?, demanda le garçon.
Kayser. », répliqua Johann.

Un carnet, sur le comptoir, sauta dans les airs et le serveur passa immédiatement dans leurs dos, signe que ce devait être une approbation pour une éventuelle réservation.

« Puis-je ? »

Il ne leur laissa pas vraiment le temps de répondre et les débarrassa de leurs pardessus, ainsi que du sac que Lévine tenait. Il les lança vers des porte-manteaux enchantés qui vinrent eux-mêmes récupérer les vêtements et le contenant avant de se ranger.

« Table pour deux, coin fumeur, si je ne m'abuse. Je vous invite à me suivre, c'est à l'étage. L'une de nos meilleures tables, à côté de la fenêtre qui donne sur une magnifique vue sur les pleines au sud. Enneigées, elles reflètent la lueur des étoiles et de la lune. »

Le serveur les guida jusqu'à l'emplacement de la table en question. Il tira ensuite les chaises d'un moulinet de poignet quand ils furent suffisamment proches, pour leur permettre de s'asseoir confortablement.

« Entre nous, souffla le serveur quand ils furent installés d'une voix complice, pour être aussi beau, vous vous doutez que c'est enchanté… Mais un enchantement de haut vol, alors profitez du spectacle ! Je reviens dans cinq minutes, le temps de vous laisser faire votre choix. »

D'un autre mouvement de baguette, la carte du restaurant apparut sur la table. Johann attrapa la sienne, assez surpris par l'accueil. C'était la première fois qu'il venait ici et se demanda fugacement si c'était aussi le cas de l'auror face à lui.

« Voyons ce qu'ils proposent, souffla le trentenaire vers son acolyte, tout en retirant son étui à cigarettes de la poche de son veston. J'ai entendu dire que c'était excellent. »

Et l'excellence se payait, un fait qui pouvait se vérifier simplement : il n'y avait aucun prix sur la carte. Johann ne s'en formalisa pas et coinça son poison entre ses lèvres.

CODAGE PAR AMATIS

Johann A. Kayser
Admin acerbe
Johann A. Kayser

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Un amour brisé après un charme

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Mar 28 Juin 2022 - 20:14

Sparkle ft. Lévine et Johann

L

e froid dans les doigts et les pas gravés dans la neige, ils quittèrent le confort intime de la cabane abandonnée. Le silence suivit un échange bancal et banal, si bien, que Lévine tenta de trouver un piètre réconfort dans le poids sur ses phalanges meurtries. Le sac se balançant à son rythme de marche, il y calqua sa respiration, gêné et réconforté. Le regard bifurquant furtivement sur la silhouette de Kayser, il s'essaya à deviner ses pensées à son expression neutre et fermée. S'il était heureux de sa présence, il n'en montrait rien. S'il était enchanté par la perspective de leur tête-à-tête, il ne parvint à en déchiffrer aucun indice. Il était une énigme et fasciné de l'inconnu, passionné du danger et de l'interdit, il délaissa sa frustration contre une émotion plus chaude et délicate. Johann Kayser était comme une boîte sans serrure et dont aucune clef n'avait été construite depuis des années. Ce qu'elle renfermait était plus important à ses yeux que l’apparence même du contenant.

Un faible sourire releva sa bouche, et pudiquement, il baissa le menton sur la pointe de ses chaussures. À présent qu'il était devant le fait accompli de leur rendez-vous, ne pouvant décemment trouver une échappatoire sans éveiller sa méfiance, il prit conscience qu'il s'en était montré impatient à certains moments ; bien que tout cela fasse suite à sa mise à pied. Désireux de faire bonne figure en dépit de sa mine creusée de fatigue et blafarde d'insomnie, il redressa ses épaules et soutient l'allure franche et soutenue de son interlocuteur.

Bien qu'il l'ait oublié au travers diverses rencontres, dont un songe nordique et une lionne éprise de sensations fortes en étaient les exemples les plus marquants, l'art du mensonge et du paraître étaient une discipline dont il était passé maître depuis des années. Maintenir une expression cordiale lui avait été d'un grand secours dans ses interactions sociales, qui se seraient avéré désastreuses si son naturel pessimiste et hargneux avaient transparu de ses intentions. Pour autant, il était certain que beaucoup, la majorité sans doute, s'y étaient laissé trompé et avaient interprété son allure amicale ou distante comme de la modestie, et non, une farouche envie de les réduire au silence d'un coup de poings. Stanislas y avait cru, mais depuis leurs quelques entrevues en duo, il n'était plus certain que la supercherie était toujours d'actualité dans leur relation. Il avait reconnu, aidé d'un peu d'alcool, qu'il appréciait leur dynamique, autant qu'elle avait une prise dans sa vie. Au-delà de son travail qui s'était placé en priorité numéro une dans son quotidien, s'était son amitié avec son binôme qui l'avait enrichie et l'avait rendu moins monotone.

L’Ukrainien avait pris une place importante, et il s'était senti prêt à le reconnaître. Tout comme ses échanges récents avaient ouvert une brèche dans sa réserve et son ressentiment. S'ils étaient peu à pouvoir profiter de sa sympathie, ils se faisaient plus nombreux que jamais. Il s'était livré et avait redécouvert des aspects de sa personnalité, comme une étincelle précieuse qui s'était ravivée à leur contact, tandis qu'il l'avait cru éteinte. Au détour de confidences, il avait vu sa carapace se fissurer, laissant à nu des atomes crochus traumatiques qu'ils partageaient, lui et ce fantôme sur la grève. S'il aurait fui l'attachement profond qui était ressorti de leur entretien, il s'était confronté à son besoin de lui tendre la main, de la comprendre. Si elle pouvait être sauvée, peut-être pouvait-il l'être à son tour. Ce n'était plus illusoire de prétendre à un peu de joie, de nourrir l'espoir perdu d'être aimé et de ne plus être seul. Cette sensation s'était accentuée dans les montagnes russes, où l’inconscience douce de l'adolescente l'avait peu à peu contaminée. Ça lui avait fait l'effet d'une douche froide après une canicule trop longue. Il s'était retrouvé soulagé et libre. Unique et important.

Johann, lui, ayant quitté sa position d'adversaire, était devenu un repère. Quelque chose de stable et de constant, comme la pluie et le beau temps. Leurs discussions étaient faciles, s'il omettait leurs premières joutes dont il gardait un souvenir amer. Il ne sut s'il devait leur proximité à leurs talents martiaux réciproques, ou si, naturellement, ils s'étaient attirés la confiance de l'autre, se découvrant des points communs silencieux. Il ignorait les secrets de l'enseignant, mais de la même manière qu'il était parvenu à deviner les aspects sombres chez les autres, il choisit de suivre son instinct.

Si l'angoisse le tenaillait encore férocement, résidus de peur, d'abandon et de rejet, l'homme fit son affaire de ne pas la laisser empiéter sur leur soirée. S'il ne savait quoi en attendre, une part de lui désira tranquillité et calme.

Le vent souffla dans ses cheveux, et il releva la tête pour contempler les nuages gris tournant au noir de la nuit. Le crépuscule avait perdu de ses couleurs, et au-travers des branches, il était difficile de différencier le rose de l'orangé. Les épines des conifères laissèrent apparaître un ciel pastel quand ils quittèrent le sentier reculé pour rejoindre une rue plus dessinée. Ils longèrent l'artère commerciale, pour finalement bifurquer dans les ruelles adjacentes dans un jeu d'orientation.

Docile, Lévine cessa ses observations distraites pour ne pas perdre son guide. S'il était familier de Pré-au-Lard, l'ayant parcouru tantôt adolescent, puis adulte sur les toits dans ses heures de service, en découvrir les recoins dans cette ambiance légère de fin d'année, en une compagnie appréciable, lui donna un goût de nouveauté. Si les rires et les allées bondées de bonne-humeur lui inspirèrent l'enthousiasme du chemin de Traverse au vingt-quatre, il s'en sentit moins atteint et mal à l'aise. Sortant du labyrinthe, ils débouchèrent devant une enseigne inconnue, enfin, de fréquentation. De réputation, tous prêtaient à l'établissement une renommée qui valait le prestige de réservations difficiles d'accès et peu abordables à un salaire moyen. Se jugeant au-dessus du revenu du travailleur standard, il douta posséder une fortune suffisante à payer sa consommation en vin, pour un seul verre.

Interloqué de la destination, il interrogea le trentenaire du regard, qui poussait déjà la porte pour les faire entrer. Voyant cela comme une invitation muette à ne pas être dans l'analyse perpétuelle, il rangea son ego dans un coin et consentit à pénétrer à l'intérieur du restaurant.

La chaleur cueillit ses joues, parsemant sa peau de frissons qui remontèrent le long de sa nuque. Saisit par le contraste thermique, il accepta volontiers d'être débarrassé de ses effets, non sans ôter de ses poches le nécessaire, puis, les mains libérées du sac, il les frotta l'une contre l'autre pour faire taire les fourmillements piquants faisant rougir son épiderme. Son paquet de cigarette finit dans son pantalon, et moins préoccupé par ses ressentis tactiles, il accrocha le dos de Johann, qui, visiblement, avait ses entrées, y comprit dans les sphères bourgeoises culinaires, car il douta qu'il s'y soit prit six mois à l'avance pour planifier un rendez-vous en sa compagnie. Compagnie qu'il avait découvert en Septembre par ailleurs. Cela le rendit plus mystérieux et intriguant.

« Table pour deux, coin fumeur, si je ne m'abuse. Je vous invite à me suivre, c'est à l'étage. L'une de nos meilleures tables, à côté de la fenêtre qui donne sur une magnifique vue sur les pleines au sud. Enneigées, elles reflètent la lueur des étoiles et de la lune. »

La description idyllique que fit le serveur ne fut rien face à sa stupeur lorsqu'ils arrivèrent à destination. Bien qu'il en devina les enchantements, il releva leur complexité d'un œil expert et impressionné. Les sourcils relevés de stupeur, il détailla le panorama longuement, prenant place sur l'une des deux assises, qui, magiquement, le rapprocha de la table à peine eut-il posé son dos contre le dossier. Il se sentit aussitôt étranger dans tout ce luxe et incapable de s'en cacher, il s'agita faiblement dans son siège.

« Entre nous, pour être aussi beau, vous vous doutez que c'est enchanté…, leur murmura le garçon de salle, Mais un enchantement de haut vol, alors profitez du spectacle ! Je reviens dans cinq minutes, le temps de vous laisser faire votre choix. »

Ce n'est que lorsqu'il les laissa seul, les cartes posées devant eux, que Lévine analysa la situation dans son ensemble. Ils étaient en tête-à-tête dans un palace, isolés des autres clients, en ayant vu sur la plus belle étendue proposée. Le rose lui monta aux joues quand il en conclut que ce spectacle devait être réservé aux couples ou à des jeunes gens épris l'un de l'autre. Il camoufla sa gêne en se saisissant prestement de la carte, qu'il éleva devant son visage, sans pour autant en regarder le contenu.

« Voyons ce qu'ils proposent. », souffla l'autre homme, le faisant s'attarder sur les intitulés.

L'absence de prix lui sauta aux yeux et oubliant son malaise, il abaissa le carton pour en poser la tranche sur le bout de la table. Il passa sur la liste des vins, dont les noms de mélusines lui donnèrent la migraine.

« J'ai entendu dire que c'était excellent. »

« J'espère pour la clientèle. », répliqua-t-il à voix basse, en faisant une moue expressive. « S'ils servent du bas de gamme, j'ose à peine imaginer la désillusion d'avoir déboursé une fortune. Vous pensez que certains s'endettent pour uniquement goûter à... », il piocha un plat au hasard, qu'il marqua de son index. « Bouchée odorante de légumes hivernaux cuits et crus aux herbes dans une tartelette de potimarron ? »

Suivant l'exemple de son vis-à-vis, il bougea pour atteindre sa poche arrière dont il sortit le paquet cartonné estampillé d'une marque de tabac blond. Il amena le tube à ses lèvres et alluma le bout d'un claquement de doigt. Il fit de même avec son condisciple, qui n'eut pas le loisir de s'en charger lui-même. Il pouffa doucement de rire, puis, cracha une ligne de fumée entre leurs visages.

« C'est extravagant. Tout en démesure. », avoua-t-il. « Et j'ai la sensation d'être une écuelle rouillée dans un buffet victorien remplit d'argenterie réservée aux invités de marques, vous voyez ? »

Faisant suite à sa confession, il haussa les épaules avec nonchalance, puis, amena une jambe sur sa jumelle dans une posture plus décontractée, moins guindée. Le coude sur la nappe, il amena les pages à se glisser en dessous pour en supporter le poids.

« Et j'ai l'impression que vous êtes aussi peu à l'aise que moi. », il lui jeta un regard complice. « J'ai une idée. Et si on choisissait l'intitulé qui nous semble le plus... », il dodelina de la tête, pensif. « Pompeux. À mon avis, en cinq minutes, je présume que l'on peut dénicher des perles de tournures littéraires arrogantes. » 

Lévine Serger
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Lévine Serger

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