Le 04/02/1996
Notes dépaysées, instant intemporel
ft. Laurel FlintAprès silence, ce qui vient le plus près à exprimer l'inexprimable est musique.
vancer dans le couloir qui menait à la salle de musique ce jour-là n'avait rien d'anodin pour l'adolescente. Nerveusement, elle passait sa main droite dans ses cheveux décolorés pour les repousser, mais les mèches, rebelles, revenaient à la charge, comme son angoisse qui ne la quittait pas.
Le nouveau professeur de métamorphose avait été une véritable aubaine pour la Gryffondor. Les BUSEs approchaient à grand-pas, la majorité des cinquièmes années s'enfermaient pour commencer leurs révisions et elle, dans tout ça, prenait enfin conscience du fossé qui la séparait de la majorité de son année. La pratique ne l'effrayait pas. Le bon geste, la bonne formule, une bonne dose de culot, une foie inébranlable en ses capacités et un peu de chance était le cocktail parfait pour que la lionne réussisse ses sorts. En pratique, ça fonctionnait. En pratique seulement.
Elle s'était rendue à l'évidence : pour décrocher la note adéquate pour transformer son rêve en projet, ce n'était pas suffisant. Pour être accepté dans la classe supérieure dans cette matière, c'était un effort exceptionnel qu'elle devait obtenir au minimum. La condition pour poursuivre son objectif était loin d'être atteinte, mais elle ne perdait pas espoir. Elle ne perdait plus espoir.
Jamais, sans le concourt de Franziska Weber, dont le prénom était aussi difficile à dire que ses compétences et sa patience étaient indéniables, la demoiselle n'aurait pu y croire. Sans elle, seule la pratique aurait pu sauver la rouge-et-or, mais la théorie aurait enterré sa note dans les tréfonds des abysses. Cette enseignante était devenue l'une de ses préférées en très peu de temps. Eileen avait besoin d'attention et son ressenti n'y était pas étranger, mais la tolérance et la compréhension dont l'Autrichienne avait fait preuve à son égard n'y était pas pour rien non plus.
Sa main passa une énième fois dans ses cheveux. La musicienne s'arrêta devant une fenêtre qui donnait sur le lac noir. Elle perdit sa concentration et le contempla pendant quelques minutes, toute à ses pensées.
C'était là le véritable défaut majeur d'Eileen pour réussir à intégrer la théorie. Elle n'arrivait à se concentrer que si le sujet la piquet au vif ou la passionnait. L'art de la fabrication des potions, la composition ou l'écriture pour ses musiques, les répétitions avec les Salazar, sans oublier l'illusionnisme ou la pratique de la magie en étaient des exemples. À l'inverse, il était facile de la perdre en cours de route, comme le Professeur McGonagall à chaque fois que ses explications devenaient longues et fastidieuses. Eileen l'adorait, mais la trouvait d'un ennui mortel.
Harry Potter était un professeur incroyable, à côté, parce qu'il était amusant dans ses explications pleines de confiance, où la théorie devenait une nécessité de survie entre ses lèvres, puis des jeux qu'ils mettaient en pratique entre membres de l'Armée de Dumbledore, comme les duels de désarmement ou la course au patronus.
Miss Weber avait d'ailleurs bien saisi comment fonctionnait la Gryffondor, car c'était dans une optique similaire que ses cours particuliers s'étaient passés. Eileen, dans l'espoir de pouvoir répondre à Laurel après avoir deviné que le présent venait d'elle, était allée trouver l'enseignante pour lui demander son aide.
Sa première réaction, face au refus du professeur de réaliser les sortilèges adéquats, avait été une déception franche. Néanmoins, et malgré la froideur de l'enseignante dans ses gestes et ses paroles, l'invitation suivante qui était de lui apprendre à les réaliser elle-même avait été accueillie comme une nouvelle aussi chaleureuse que merveilleuse.
Eileen n'avait pas eu idée de la torture qu'allait être les prochaines jours quand elle avait sauté sur l'occasion de combler, par la même occasion, son manque de savoir. Elle s'était retrouvée tous les soirs à ingurgiter connaissances après connaissances sur les lois de la magie, sans exception.
Le jeu en valait cependant la chandelle et les heures étaient souvent découpés en plusieurs parties. La King apprenait certains gestes ou certaines formules durant la seconde, puis elle pouvait travailler sur le tableau avant la fin de la séance. L'adulte restait présente tout le long et supervisait ses actions pour s'assurer qu'elle ne se mette pas en danger. De cette manière, l'étudiante parvenait à appliquer correctement ce qu'elle venait d'apprendre, mais surtout comprenait ce qu'elle faisait. Cela lui permettait d'aller plus loin dans ses réflexions ou dans la pratique, car les barrières dans lesquelles elle s'était elle-même enfermées sans le savoir commençait à disparaître.
Il avait été certes difficile d'admettre que sans cette précieuse aide, elle n'avait aucune chance de réussir, mais elle devait rendre à Merlin ce qui appartenait à Merlin. Elle s'était d'ailleurs jurée de remercier l'enseignante, d'une manière ou d'une autre. Peut-être en lui offrant son aide pour la chorale ? Ses connaissances en musique pouvaient sûrement lui être utile ?
Elle secoua la tête, ses mèches fouettèrent ses joues et elle reprit ses esprits. Quelques élèves qui passaient par là la dévisageait et ce ne fut qu'ainsi qu'elle remarqua que tout à sa panique et son empressement, elle était restée dans sa robe de chambre. Elle remercia mentalement les jumeaux de lui avoir appris l'existence de presque tous les passages secrets, car cela lui permit de retourner à sa salle commune, où elle salua Chaïm en coup de vent, pour s'habiller. Jean et veste en cuir sur les épaules, docks aux pieds et t-shirt à l'effigie des Bizarr' Sisters enfilés plus tard, elle se retrouvait à nouveau à se diriger vers la salle de musique.
Elle espérait que Laurel n'était pas arrivée avant elle. Non que le présent n'était pas déjà prêt, mais elle espérait pouvoir préparer la suite… Et voir sa tête. Elle voulait aussi avoir une conversation avec elle. Elle voulait pouvoir la remercier de vive-voix.
Eileen avait dû soudoyer Lavinia, sa camarade de dortoir, pour être certaine que son présent allait lui plaire. Le prix avait été suffisant pour que la frustration de la Gryffondor se transforme en joie à l'idée du visage que ferait la Flint, avec l'assurance de la toucher en plein cœur.
Eileen avait toujours eu besoin d'être entourée. Elle aimait être regardée, être le centre de l'attention et surprendre par son inventivité. Avec le départ de Tabata, puis l'hospitalisation d'Elyana, et le souhait d'Aria de mettre fin à leur relation, elle s'était sentie particulièrement seule, alors même qu'elle n'était pas la plus à plaindre. Elle s'était repliée sur elle-même, avait rejeté les autres, tout en ayant le besoin inconscient d'être enveloppée par la présence silencieuse de ses amis.
Les Salazar était une famille un peu dysfonctionnelle. Un groupe de quatre orphelins qui s'étaient accrochés les uns aux autres comme quatre frères et sœurs qui avaient été séparés à la naissance. Ils s'étaient trouvés trop tard pour vraiment se protéger et empêcher les pires vices, mais s'étaient jurés fidélités malgré tout pour la suite. Ils jouaient et chantaient leur malheur à travers de joyeuses notes dansantes. Ils se cachaient pour pleurer, préféraient rire et danser ensemble, mais s'entraidaient si l'un d'eux craquait.
Eileen était un peu la grande sœur. Celle qui devait être forte, celle qui portait le poids du monde sur ses épaules, qui devait les porter à bout de bras quand ils n'arrivaient plus à avancer. Elle pouvait toujours compter sur Chaïm pour la cadrer dans d'autres circonstances où ils n'étaient pas tous présents, comme pour faire ses devoirs, mais c'était elle la meneuse. Elle avait apprécié ça, au début, jusqu'à comprendre que prendre les décisions pour les autres amenaient à des conséquences parfois désastreuses.
Elle n'avait pas été seule. Elle n'était pas seule et elle l'avait saisie, lui permettant, malgré une pointe de tristesse pouvant occasionnellement se lire dans le fond de ses iris, de retrouver le sourire. Elle voulait offrir ce même sourire à ceux qu'elle appréciait. Aria, Sessho, les Salazar, Maylone bien sûr, ou enfin Laurel. Elle ne la connaissait pas assez, mais la jeune femme avait su la toucher plus profondément qu'elle ne l'aurait cru possible. Elle s'était depuis laissée surprendre par son propre regard, un peu absent, qui passait d'Aria à Laurel, scrutant les faits et gestes de l'une puis de l'autre. L'une parce qu'elle se languissait déjà de pouvoir la retrouver en privé, l'autre parce qu'elle voulait apprendre à la connaître.
C'était un peu stressant, car elle avait la sensation d'avancer à l'aveugle, tout en ayant un quelqu'un qui lui soufflait où allait et d'avoir confiance. Elle ne pouvait plus reculer, de toute façon. Il était trop tard pour ça. L'invitation avait été lancée.
Il n'y avait personne dans la salle de musique quand elle y pénétra, comme elle l'avait espérée. Son soupire de soulagement dût s'entendre jusque dans la plus profonde geôle du château quand elle le laissa s'échapper, tant elle ne contrôla pas son souffle bienheureux. Elle ne se permit pas de souffler plus longtemps, car elle avait encore d'autres préparations à achever, en dehors du grand paquet qui attendait patiemment à sa place.
Emballer le fameux cadeau n'avait pas été bien compliqué, mais le déplacer jusque-là sans être vue, par contre, avait été une autre paire de manches. Il lui avait fallu l'aide de plusieurs personnes pour l'emmener, puis l'aide de l'amie de la sang-pure, miss potins comme aimait bien l'appeler la lionne, pour s'assurer que la susnommée se déplace jusqu'au bon endroit au bon moment. Elle ignorait comment allait s'y prendre l'autre Serpentard, mais une heure après son arrivée, à dix heures donc, personne n'était encore en vue.
Le tableau était tout en longueur, aussi grand qu'Eileen, déposée contre un mur. Il était empaqueté dans du papier kraft tout ce qu'il y avait de plus basique, si ce n'était une banderole de couleur arc-en-ciel où clignotaient des lettres d'or. Joyeux Anniversaire était entièrement écrit en majuscule et ne pouvait pas se louper.
Tout était presque en ordre. Il ne restait plus qu'à attendre la reine de la journée pour lui offrir son présent, et par pur amusement de la part de la lionne, une petite chanson de son cru. Elle s'installa derrière le piano, son stress s'étant évanoui quand elle préparait son tour, un sourire de chat sur les lèvres.
Rapidement, cependant, son esprit se perdit à vagabonder sur des tas de possibilités plus ou moins irréalistes, jusqu'à ce qu'un hibou - elle ignorait s'il s'agissait d'un de l'école ou celui de Lavinia - vint lui piquer la main devant l'absence de réaction qu'elle avait devant sa patte levée. Accrochée à celle-ci se trouvait un mot attaché à la va-vite. Elle le décrocha et apprit ainsi que Laurel allait arriver d'une minute à l'autre.
Le hibou s'envola et quitta la pièce par la porte qui s'ouvrit à cet instant. Eileen en sursauta presque, un peu prise de court, et improvisa ce qu'elle put. Assise au piano, le clavier se retrouva rapidement à nu pour laisser ses doigts glissaient et dansaient dessus à un rythme relativement effréné.
Ce ne fut que quand ses doigts glissèrent sur les touches pour mettre un terme à sa petite surprise secondaire que la brune se permit de relever la tête vers l'invitée pour lui sourire.
« Surprise !, souffla Eileen vers l'arrivante avec un peu plus de gêne qu'elle ne l'aurait cru dans la voix, avant de se racler la gorge pour reprendre. Joyeux anniversaire ! »
Elle se redressa pour contourner le piano et se rapprocher du mur où se trouvait l'immense paquet, comme une invitation pour Laurel de venir l'ouvrir. Bien sûr, la quatrième année ignorait que sa journée spéciale Queen à la carte ne faisait que commencer. Une pointe d'impatience face à ce qui attendait la jeune femme se glissa dans un coin de la tête de la rouge-et-or, lui offrant un sourire malicieux.