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[16/09/95] Le chasseur traqué. ft. Johann A. Kayser. |Terminé

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Ven 1 Nov 2019 - 0:27
Le chasseur traqué.Lévine & Johann
I cheated myself. Like I knew I would. I told you I was trouble. You know that I'm no good,. ( You Know I'm No Good → Ash Riser ) •••Le noir. Le noir le plus complet. Il fait froid. Terriblement glacial. Il neige dehors. Il le sait. Il aime la neige. Même s'il est tétanisé sur le parquet, près de son tuyau. Il a froid pour quelque chose cette fois. On est en Décembre. Un mois qu'il n'aime pas vraiment. L'homme au cigare lui dit qu'il a un cadeau pour lui, pour ses cinq ans. Un joyeux anniversaire l'attend, qu'il lui a dit. Il attend. Être sage.

Ne pas écouter les bruits de la chambre d'à côté. Ne pas entendre maman qui pleure et demande au monsieur d'arrêter. Ne pas prêter attention à Lira qui a dit qu'elle ne viendrait pas ce soir, parce que le client a payé un supplément. Il se bouche les oreilles de ses paumes. Il n'entend plus. Ça fait du bien. Il sourit. La porte s'ouvre. Il sursaute. L'homme au cigare est là. Il a l'air content. Ce n'est jamais bon. Il le sait. Il a peur. Très peur. Les pas sont lourds. Il se recroqueville. Il va le frapper. Non. Il le détache. Il cligne des yeux. Il ne comprend pas. Il se fait traîner par les cheveux. Il se débat. Tu es grand. Tu vas devoir travailler. Non. Pitié. Quelqu'un. Personne ne vient. La porte est proche. Trop proche.


***

Lévine se redressa en sursaut, les mains fermement encrées dans son matelas et les yeux grands ouverts, fixés sur son mur blanc vierge de toutes marques personnelles. Ce cauchemar. Il le hait. Il le connaît sur le bout des doigts. Il le fait souvent, mais il ne peut s'empêcher d'espérer une autre issue. L'apparition d'un inconnu qui viendrait le tirer des griffes de son bourreau. Le souffle saccadé par les gestes qu'il a reproduit dans ses draps, il passa une main dans ses cheveux, les plaquant en arrière par la sueur glacée accumulée sur son front. Ses oreilles se mettent à bourdonner, comprimées dans une cuve sans fond imaginaire. Il suffoqua, les poumons compressés dans sa cage thoracique. De l'air. Il ouvrit la bouche, rejetant la tête en arrière pour aspirer en quelques sifflements une légère brise qui filtra de sa fenêtre entrouverte.

Les lèvres sèches, il eut du mal à les humecter, tant sa salive l'avait déserté. Les bras tremblants, il se laissa retomber contre ses oreillers trempés. Il allait devoir les changer. C'était la troisième fois cette semaine. Les mains sur son torse qui se soulève à un rythme anarchique, Lévine osa jeter un œil vers le bracelet posé sur sa table de nuit. La montre de Monsieur Serger. Surmontée d'une pellicule d'or, l'on lui avait confié lors d'un repas qu'il l'avait obtenu lors d'un pari avec l'un de ses amis. Sept heures. Les muscles encore endoloris par les spasmes l'ayant secoué, il agrippa l'un de ses coussins unis, pour le serrer contre lui, assez fort pour le déformer de son étreinte. Si froid. Comme ce jour-là.

Il renifla, fermant de nouveau les yeux pour chasser les quelques picotements lui arrachant la rétine. Sans succès. La porte revient. La douleur sur sa boîte crânienne. Il siffla entre ses dents, rejetant le tissu cotonné sèchement, l'envoyant buter contre sa chaise de bureau. Que ça s'arrête. Que tout s'arrête. Non. Il inspira, puis expira doucement, de sorte à dissiper totalement la vague de panique l'envoyant à nouveau, comme un tourbillon vertigineux et nauséeux, vers les tréfonds d'un abysse bien trop profond pour être affronté. Surtout aujourd'hui. En ce moment. La rage au ventre, il se redressa, se mettant debout si vite qu'il tangua, vu quelques étoiles, qui se dissipèrent rapidement. Avancer. Ne jamais reculer. Il toussa, mais attrapa tout de même son paquet de cigarettes, pour en allumer une, presque maladroitement, trop pressé.

Il tira sur le cône, se délectant de la sensation d'ivresse qui chassa les quelques brumes, les mains invisibles le saisissant de toutes parts. Un instant de répit. La fumée ressortie par ses narines, envolées poétiques dans la fraîcheur matinale qu'il ressent sur son torse-nu. L'anxiété se transforma progressivement en un sentiment plus diffus, moins prenant, moins effrayant. La colère. Il la connaît bien. C'est une amie désormais.

Fire vient se coller à ses jambes, frottant son pelage roux contre ses mollets. Il ronronna, émettant des gargouillis étranges venant du fond de sa gorge. Un sourire lui échappa, et c'est en bougeant légèrement sur le côté qu'il lui accorda un peu d’attention. Le félin s'en contenta. Après dix ans, il pouvait se targuer de le connaître. Un peu. Jamais trop de contacts, sauf avec lui. Parfois. Le matin après une nuit agitée, il ressentait toujours ce besoin d'étreinte, de chaleur humaine. Mais le dégoût de sa simple pensée suffisait à chasser cette idée. Un paradoxe qu'il n'avait jamais cherché à comprendre, ni à empêcher.

À quoi bon ? C'était une perte de temps. Il prenait les choses comme elles venaient, les émotions dans la gueule comme un coup de pelle au visage, comme un doloris de quelques secondes. Douloureux. Extrêmement, pas assez pour devenir fou. Suffisant pour se rappeler que la torpeur revient toujours. Elle est tenace. Il contempla le paysage. Il était au quatrième étage, et avait une vue plongeante sur la rue. Elle était vide. Comme tous les matins à cette heure-ci. Les enfants ne partaient que dans une heure. Il les avait déjà vu faire. Observer, imaginer à leurs places de nombreuses fois. Être normal. Serger renifla à nouveau, plus vivement, se grattant l'arrête du nez.

Son masque tenait. Il n'avait aucune raison de s'en faire. Il connaissait le schéma sur le bout des doigts. Et aujourd'hui serait égal aux autres fois. Une nouvelle croix à rajouter sur le calendrier.

***

Mains dans les poches de son trois quart, punaisé de son insigne quasiment flambant neuf, il arpenta le bitume avec son assurance habituelle. Le miroir avait gagné, cette fois-ci. Une petite victoire pour son reflet qui n'avait pas eu la décence de sourire. Lui l'aurait fait. Son bras ne le lançait plus. La douleur passait vite avec les années de pratique. Le bandage fermement serré sous sa manche de chemise impeccablement noire, il ne resterait pas immaculé en cas de frottement. Peu importe. La brûlure avait déjà disparu. Et le semblant d'apaisement avec elle. Bordel.

Il soupira, finissant d'écraser le mégot contre le mur de briques au coin de la rue, entre la poubelle métallique et la rue du Nord. La ruelle bordant son immeuble, qui avait eu la réputation dans les années soixante de n'être qu'un lieu de débauche pour les couples adultérins. Une nouvelle preuve que le destin savait faire preuve d'ironie. Il transplana, comme à son habitude. Mais pas de ministère surchargé. Le grand air. Celui de Pré-au-lard, déserté de sa population, qui n'avait jamais été aussi conséquente que Traverse. C'était mieux. La foule l’oppressait. Il y avait trop de contact. Trop de malaise. Le travail l'appelait. Encore. Les ordres étaient clairs. Et la pièce l'avait mené jusqu'ici.

Il avait fixé les règles au moment du lancé : Il devait le revoir. Trouver la preuve que Callaghan voulait, puis, il pourrait continuer son chemin sans se soucier de ses crises de nerfs, qui ne faisaient que provoquer les siennes. Souvent.

Mécaniquement, il s'éloigna du centre-ville. Ce n'est pas là qu'il le trouverait. Il était encore tôt. Neuf heures lui indiqua le cadran à son poignet. Pour se mêler aux sorciers de sorties, les quelque rares qui croisèrent son chemin, il se para d'une nouvelle cigarette, qu'il laissa se consumer aux coins de ses lèvres, le regard affûté. Où était-il ? Posté au coin d'une habitation encore endormie, il attendit. Longtemps peut-être. Il ne ressentit pas les effets de son stoïcisme. Être un chasseur était tout un art. Dont la patience était la principale arcane. Le visage détendu, pourtant caché par l'ombre du toit, détailla sans vergogne les téméraires s'aventurant dans ce frais moment de balade.

Quelle bande d'idiots, ne put-il s'empêcher de penser. Jugement acéré, qui s'appliquait à lui-même. Il frotta ses mains engourdies par le froid et l'inaction. Attendre. Encore. Ne pas se précipiter. Il aurait tué pour un whisky. Pour un peu de chaleur aux creux de ses entrailles refroidies. Septembre était dur, déjà brumeux. Qu'est-ce-que ce serait en Décembre ? Il y aurait sûrement de la neige. Bordel.

La vision d'un béret le fit se redresser, les cheveux sur sa nuque suivant le mouvement de son dos. La proie était en marche. Un sourire releva ses lèvres. La traque pouvait commencer. Une journée de plus. Mais ce serait la bonne. La promesse d'ennuis évités lui apporta un réconfort inattendu. Qu'il voulut arrêter en s'écrasant le bout rougeoyant sur la paume, si la perspective de traces n'aurait pas signé sa fin de carrière ne l'en avait pas dissuadé. Il y avait plus urgent. Freinant sa toux d'un raclement de gorge discret, il se mit en mouvement une fois sa cible suffisamment éloignée. Un pas. Deux. Une rue. Un embranchement.

Silencieux par habitude, se faufilant dans les recoins par nature, il ne ressentit aucune difficulté à le suivre. Par orgueil, assurance trop vite acquise, il ne vit pas le piège se refermer. Pauvre renard argenté. Pour faire bonne mesure et ne pas attirer l'attention sur lui, il pénétra dans la première boutique qui passa dans son champ de vision. Derviche et Bang. Vente et réparation d'objets magiques. Pourquoi pas. Il pouvait joindre l'utile à l'agréable.

Il entra, faisant retentir le carillon annonciateur d'un nouveau client. Il salua le caissier d'un sourire avenant. Façade savamment étudiée, parfaite depuis des années, fit son effet. Il reçut une esquisse en retour. Ce n'était pas bien grand. Mais assez pour trouver quelques recoins où se cacher si besoin. Il déambula dans les allées, jetant quelques œillades vers l'extérieur pour guetter l'arrivée de sa proie. Il sortit une nouvelle cigarette. Putain d'appréhension. Il fallait qu'il calme ses nerfs. Ce n'était pas sa première fois.

D'un pas plus vif qu'à son premier passage, il prit le chemin de la sortie. Main sur la poignée, et sûr dans son allure, il ne put freiner lorsqu'une silhouette se profila devant lui. Seconde fois en quelques jours. Aïe. Leurs fronts se rencontrèrent plus ou moins fortement, mais assez pour lui faire pousser un gémissement plaintif. Lévine se recula d'un pas, dévisageant l'homme faisant sa stature, et c'est en se frottant la marque rouge qui n'allait pas tarder à apparaître sur sa peau pâle, qu'il constata de la chance qu'il avait eu. Bingo. Un sourire fleurit sur sa bouche, et ses yeux sombres pétillèrent d'un amusement feint. Le masque.

« Décidément, vous ne pouvez pas vous passer de me rentrer dedans. Cette fois-ci.. C'est moi qui aurais la décence de faire ceci. », fit-il en approchant à nouveau, pour lui faire face, lui bloquant la route. Il se saisit du col de chemise de Kayser pour le remettre parfaitement, de la même manière qu'il l'avait lui-même fait durant leur brève rencontre. Satisfait de son œuvre, il épousseta ses épaules d'un revers de main et se recula, les mains dans les poches. « Voilà qui est mieux. »

1968 mots
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Lévine Serger
Admin rusé
Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Ven 1 Nov 2019 - 20:01
Le Chasseur TraquéIt's funny how the human being is predictable. Whatever the character of the individual, regardless of his or her role in society, if you ask two people to do exactly the same action, they will do it without thinking. The only difference is the subtlety with which they will respond to the given order. Are you subtle, Mister Auror? I want the answer to my question.« Apporte ça à Aaron, s'il te plaît, Fiery et attend sa réponse avant de me la rapporter ici. Si je ne suis pas revenu, tu n'auras qu'à faire un tour. Qui sait, peut-être que Fumseck acceptera enfin de te faire la cour ? »

Le phénix transperça ses yeux de son regard flamboyant. Johann n'était pas connu pour être l'homme le plus bavard, bien au contraire. Quand il parlait, c'était toujours parce qu'il avait quelque chose à dire d'important et il s'attendait à ce qu'on l'écoutât. C'était vrai avec les membres de sa propre espèce. Le phénix, qui était venu à sa rencontre durant ses trois années de voyage à travers le monde, et bien que possédant une intelligence rare, voir même supérieure, d'après le Magicozoologue, à celle de l'Humain au sens large, avait le privilège d'entendre son timbre de voix bien plus souvent que ses confrères et consœurs. Fiery était une femelle dont l'âge ne pouvait être calculé. Une amie loyale, qui, si elle ne possédait la parole, avait toujours de bons conseils. Elle savait comment se faire comprendre. Son chant, si elle l'offrait aux oreilles tourmentées de l'Allemand et qui avait le don de l'apaiser, était un signe qui ne trompait jamais. Si elle ne pipait mélodie, l'inverse était à saisir. D'autant plus que, ayant son petit caractère, il n'était jamais bon de l'ignorer. Pourquoi parler de cela, présentement ? Parce que le Professeur venait de piquer son orgueil. Depuis qu'elle était à Poudlard, donc deux semaines, elle passait son temps à faire la belle devant celui du Directeur, en vain. Fumseck restait insensible à son charme et Fiery, loin de se décourager, préférait continuer dans l'espoir de trouver, peut-être, une forme d'amour que les bipèdes doués de parole ne pouvait qu'effleurer. Curieusement, elle n'appréciait pas quand le sien en parlait et elle savait parfaitement lui faire comprendre quand il allait trop loin sur le sujet.

D'un battement d'ailes agiles, elle attrapa au vol la missive qu'il venait de jeter dans les airs après l'avoir scellé de son sceau familial avec la cire. La seconde d'après, la gerbe de flammes, qui était apparue, et l'animal légendaire s'évaporèrent. Kayser s'autorisa un soupir amusé, avant de se redresser de son fauteuil. Il attrapa son manteau et son béret, bien qu'il ne l'enfila pas immédiatement et sortit de son bureau. Enseigner le soin aux créatures magiques à Poudlard, son nouveau métier respectable, avait son avantage : ses pièces de vie, d'intimité, se trouvaient au rez-de-chaussée, ce qui lui évitait de devoir gravir et redescendre des milliers de marches chaque matin, tout en lui offrant la possibilité de traîner dans les cachots quand il en sentait l'envie, sans paraître suspect. Le bon vieux temps, que voulez-vous. De ce fait, dès qu'il referma la pièce à clef, non sans oublier d'y apposer un nombre incalculable d'enchantement visant à protéger toutes infractions potentielles, il put se diriger vers les Grandes Portes en quelques enjambées. Si un malheureux essayait de fouiner dans ses affaires, il plaignait d'avance le malheureux. Avec de la chance, ce serait cette garce d'Ombrage, qui l'insupportait autant que le pire malfaiteur qu'il avait pu rencontrer jusqu'à présent. Cette femme était mauvaise, il n'y avait pas de doute là-dessus, mais elle savait bien mieux cacher les preuves que n'importe quel individu qu'il eut eu la malchance de rencontrer jusqu'à présent.

De l'air, voilà ce qu'il espérait, en quittant le château. Être loin de cette salope habillée comme une catin, mais qui, par son physique, ne pourrait attirer que les aveugles et les masochistes. Plus il mettait de distance avec cette créature abjecte, mieux il se portait, d'autant qu'il était samedi. Que l'homme ayant inventé le principe de week-end fut béni par la magie ou les dieux, qu'importait, il s'agissait d'un génie. Car, qui disait week-end, disait deux journées, certes trop courte à son goût, loin de cette mégère. Pas seulement le soir. Mais toutes les secondes, toutes les minutes, toutes les heures. Bref, un semblant de paradis pour le truand. Un semblant, parce que, qui disait ne plus avoir Dolorès sur le dos, voulait dire se faire épier comme un serpent au zoo par l'un des chiens de son adorable ex-compagne. Il ne se faisait pas d'illusions, à peine aurait-il posé pied à Pré-au-lard que le chasseur de mage noir se mettrait à le traquer. Enfin, cette fois-ci, ayant noté ses habitudes, il était bien décidé à le prendre à revers. Autant mêler travail et plaisir, n'est-ce pas ? Ce fut donc avec une certaine bonne humeur qu'il se dirigea vers les gargouilles et le portail délimitant l'entrée et la zone d'interdiction au transplanage. D'un mouvement habile du poignet, après avoir attrapé sa plus fidèle compagne, il ouvrit le passage et put traverser l'entrée comme un esprit traversait les murs : sans aucune résistance. Le bruit caractéristique de la téléportation magique, gênant quelques oiseaux mécontents qui s'envolèrent, se fit entendre la seconde suivante.

Pré-au-lard, aussi vide qu'inintéressante à cette époque de l'année, l’accueillait froidement par l'absence de passager. Cela ne le gêna nullement et, replaçant sa baguette à sa place, il profita du mouvement pour placer son couvre-chef et une cigarette aux coins de ses lèvres. Il l'alluma d'un claquement de doigts, faisant apparaître une flamme à quelques centimètres de son pouce, sans difficulté aucune. Il ne s'agissait pas réellement d'un acte véritablement avancé, mais qui témoignait tout de même d'un contrôle assez constant sur ses capacités. Il tira une bouffée et recracha les volutes de fumée vers le ciel. Il fallait attirer le renard et quoi de mieux que se montrer visible comme appât ? D'autant que ce n'était pas compliqué pour le cobra ; il savait posséder la prestance du lion, marchant à travers sa savane de béton tel le juste empereur qu'il était. Arrogant ? Si peu.

Quand il fut certain d'être suivi, il commença à arpenter quelques passages sinueux qui lui permirent, l'oreille aux aguets, d'entendre quelques bruissements qui ne trompaient pas. Il ne restait plus qu'à fermer la cage avant que le prédateur comprît le guêpier. Il s'arrêta, tourna la tête sur la droite, feintant une légère réflexion, obligeant l'employé du ministère à pénétrer dans la première boutique à vue pour espérer ne pas se faire repérer. Quand il entendit le carillon, il esquissa un sourire en coin. Parfait. Il fit volte-face, l'air de rien et se rapprocha lentement de l'entrée, voulant épier l'observateur. Il s'installa à un angle lui permettant une forme d'invisibilité, tout en ayant une vue plongeante sur l'intérieur. Ses yeux se posèrent sur la silhouette de l'Asiatique. Sous la surprise, reconnaissant Gueule d'Ange de Traverse, il haussa un sourcil. Alors, c'était lui qu'Amanda envoyait au casse-pipe. Intéressant. Il attendit sereinement qu'il se détournât du vendeur, retournant vers l'extérieur, pour se placer rapidement sur son passage. Cependant, il n'avait pas calculé la rapidité de déplacement du canidé, qui lui fonça dessus avec l'allure d'un maléfice. Ne pouvant réagir assez vite, la collision le fit tanguer, l'obligeant à reculer un pas et lâcher la casquette ancienne qu'il avait eu l'intention d’ôter, tel le gentleman qu'il était, pour ne pas paraître suspect ; après tout, il voulait uniquement faire réparer quelques babioles à bon prix.

« Décidément, vous ne pouvez pas vous passer de me rentrer dedans. Cette fois-ci... C'est moi qui aurais la décence de faire ceci. »

C'était Mister Auror qui avait ouvert le bal, s'approchant de lui pour venir souplement remettre son col en place. Amusé bien malgré lui, Johann laissa faire, bien que rien sur son faciès ne trahissait l'émotion qui venait d'apparaître en son sein sans aucune explication véritablement logique. Il ne pipa mot sur le moment, se contentant d'observer l'homme lui faisant face comme un prédateur dévisagerait sa proie avant de la dévorer. Un bon paradoxe, face au sourire de son vis-à-vis. Bienvenue dans la nouvelle pièce de théâtre qui va faire fureur de Londres à Tokyo, non sans oublier Washington, pensa ironiquement Johann, en écoutant les derniers mots du sorcier lui faisant face.

« Voilà qui est mieux. »

De son point de vue, sans doute, pas celui du patron des Sons of Loki. Ce dernier, sans effectuer l'esquisse d'un geste permettant à son ennemi de s'extirper de l'embuscade, s'offrit un léger temps de réflexion en sortant une cigarette de son paquet. Il l'alluma comme la précédente, inhala une partie du poison, expira la fumée en direction du visage de son interlocuteur. Ensuite, seulement, il prit la parole, d'une voix grave, lente, entrecoupant ses phrases pour leur donner du poids. Savoir se faire entendre, convaincre, c'était tout un art.

« Ce qui serait mieux, dit-il avec une froide sérénité, Mister Auror... »

Une première pause. Il s'assurait qu'il avait toute son attention de cette façon, redressant son dos et levant légèrement le menton. Le givre de ses iris se déposa sur le faciès du citoyen. Savoir se montrer captivant.

« Ce serait que vous cessiez votre cortège... »

Pour ponctuer ses dires, il esquissa un fin sourire sarcastique. Coinçant le tube entre son index et son pouce, il pencha légèrement son buste pour avaler une nouvelle lampée toxique.

« Trois jours, en constatez-vous la longueur ? »

Il ne restait plus qu'à terminer. Nouvelle absorption de toxine, puis il reprit, toujours aussi naturellement.

« En lieu et place, je vous offre la boisson de votre choix... »

Ce n'était pas une question. Il n'avait pas l'intention de lui laisser véritablement le choix sur la possibilité, ou non, de partager quelque temps en sa compagnie, autour d'un verre ou d'une tasse chaude.

« Vous pourrez me questionner sur place... »

Il ne comptait pas se déplacer tant qu'il n'aurait pas la réplique. Seulement ensuite, et si celle-ci lui convenait, il consentirait à se décaler, puis à l'emmener vers les Trois Balais. Il préférait normalement la Tête de Sanglier, offrant une plus grande tranquillité et moins de risques d'être interrompu par un élève, mais il ne pouvait décemment s'y rendre en si bonne compagnie.

« Ainsi, espérez satisfaire la soif intarissable de cette chère Amanda. »

1808 mots.
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Johann A. Kayser
Admin acerbe
Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Sam 2 Nov 2019 - 12:12
Le chasseur traqué.Lévine & Johann
I cheated myself. Like I knew I would. I told you I was trouble. You know that I'm no good,. ( You Know I'm No Good → Ash Riser ) •••Vous êtes vous déjà senti prit au piège ? Si fort que vous ne pouviez faire le moindre geste sans avoir l'impression d'être aux prises avec un prédateur bien trop grand pour vous ? Tétanisé. Sans le souffle. Sans voix. Les lèvres figées en un sourire de circonstance, pour camoufler votre envie impérieuse de foutre le camp ? Peut-être l'avait-il trop ressentit. Souvent. Tout le temps. Un renard montrant les crocs pour s'offrir la dangerosité d'un lion, alors qu'un simple coup l'aurait envoyé au sol. La fuite des proies. La ruse des charognards. Se draper dans une étoffe d'orgueil et d'assurance, pour cacher aux yeux de tous sa terreur d'être la proie. La cible. D'être traqué. Sueurs froides. Bouche sèche. Anxiété au creux des entrailles et les jambes flageolantes. Lévine regarda ses doigts trembler sur la babiole qu'il tenait tout contre sa paume. Une lampe. Sans intérêt. Brisée. Effilée. Rayée. Vidée de toute sa substance. Prix cassé qu'il était écrit. Pourquoi elle ? Pourquoi pas une autre ? Putain de comparaison. Bordel.

Avec empressement, il la reposa à sa place, entre un collier poussiéreux et délavé, et une coupe d'un doré dépassé. Fuite. Toujours. Avec une esquisse fade, il affronta le regard que son reflet lui renvoya. Écaillé. Saccadé. Artificiel. Il fallait qu'il fasse mieux que ça. Les dents du piège à loup se refermaient. Douleur. Peur. Il se racla la gorge, jetant quelques œillades autour de lui, feignant la recherche d'un article. Personne. Il était seul. S'il exceptait le caissier, qui, bien trop occupé à compter ses galions sur son plan de travail ne l'avait qu'à peine saluer lorsqu'il était entré. Gorge serrée. Appréhension dans les veines. Il était le chasseur. Pas le cerf à abattre.

Alors pourquoi avait-il la sensation que les rôles étaient inversés ? Que son arme lui avait été retiré pour être finalement pointé sur sa tête ? Une croix rouge sur le front. Une lumière sur le torse. Il chassa une poussière de sa chemise, près de ses poumons pour se redonner une allure assurée. Ne rien montrer. Faire comme si. Les apparences devaient rester intactes. Il lui fallait un plan de retraite. Il était repéré. C'était sûr. Son instinct le lui hurlait. Sans cesse. Sans relâche. Décamper. Vite.

Il mima l'indifférence sur les quelques articles lui faisant face, pour chercher son paquet de cigarettes dans sa poche. Le dos tourné, la tête baissée pour faciliter sa recherche, il s'autorisa un retrait de masque temporaire. Les yeux mi-clos, le regard voilé, il crispa ses ongles sur l'objet convoité. Les lèvres pincées de dépit, il se rendit à l'évidence. Il n'avait plus le choix. Avancer. Bordel. Il ne devait pas oublier. Un plan de secours. Il était tout trouvé. Foncer dans la gueule du serpent pour l'étouffer. Le consumer de l'intérieur. L'abattre au creux de l'estomac. Être indigeste. Sans saveurs. Hors de question qu'il soit un festin délicat. Il serait l'amertume d'un fruit pourri, déguisé en pomme d'or. L'échec n'était pas une option. Il n'y avait que des contretemps.

C'était l'une des choses qu'il avait retenue de sa formation. De ses nombreuses enquêtes. De ses filatures contrées par un sens de l'observation poussée. Par la ruse d'un animal dangereux. Rebondir. Improviser. Le piège était refermé. Il le sentait. Désagréable. Frissonnant d'une certaine horreur, il mordit l'intérieur de ses joues. Comme avant. Tic d'un enfant se tapissant dans l'ombre. Si la dissimulation n'avait pas fonctionné, il y avait d'autres alternatives. Réfléchir. Vite. La morsure des piquants se fit sentir. Ses doigts se crispèrent sur le filtre du cône de tabac. L'affrontement. Jouer aux kamikazes. Marcher au culot. À l'audace. Se servir de son sourire comme appât. De son innocence feinte comme leurre.

Lévine porta la toxine à sa bouche, en coinçant un bout entre ses dents. Les pièces étaient en place. La tour face au roi. La reine en diagonale. Le pion à porter. Bouger. Agir. Il lui restait encore quelques coups à tenter, avant de finir acculé. Ne jamais se coucher. Ne pas accepter la défaite. Il était un bon joueur. Il l'avait toujours été. Alors, mon cher chasseur, une roulette russe, ça te tente ?

Une balle. Six trous. Une chance de passer de l'autre côté. Le hasard prenant à pied de nez la stratégie. Une chance pour tous. Debout sur sa case, droit, il regardait le roi lui faisant face de l'autre côté du plateau. Un pistolet à la main. Une cigarette dans l'autre. Un coup intéressant. Déstabilisant. Il allait devoir être subtil. Feinter la mort, la résolution, pour mieux l'amadouer. Le charmer. Avant de penser à se ronger une patte. Il tourna les talons, se dirigeant vers la sortie à une allure soutenue. Rapide. Il avait besoin d'air. D'un lieu plus dégagé. D'un plus propice, plus à son avantage pour répliquer. Alors qu'il s’apprêtait à sortir, il ne put empêcher leur collision. Un écho à leur première rencontre. Un signe. La partie pouvait continuer. Ruser. Sourire. Charmer.

Il ne devait pas oublier ses leçons. Il l'avait fait. Souvent. Sourire pour survivre. Contenter son interlocuteur. Il allait lui donner un os à ronger. Une façade ravissante. Un masque sur lequel il perdrait son énergie. Et après, il n'aurait plus qu'à le cueillir. Tous étaient pareils.

Il se recula d'un pas, sonné, à l'image du plus âgé. Ses dents laissèrent échapper un sifflement plaintif. Ça faisait mal. Le son résonnait. Un coup de fouet salvateur. Se concentrer. Ne pas perdre de vue son objectif. C'était exactement ce qu'il lui fallait. Il frotta son front meurtri par sa rencontre avec le béret de Kayser. Un coup après l'autre. Ne pas se précipiter. Il releva le nez pour affronter ses iris de givre, avec une esquisse d'excuse et un amusement faisant pétiller les siens. En miroir avec la silhouette qu'il avait observé quelques semaines plus tôt, imitant fidèlement ses gestes qui l'avaient surprit, il lui barra la route. Se faire présent. Mais pas envahissant. Subtilité.

« Décidément, vous ne pouvez pas vous passer de me rentrer dedans. Cette fois-ci.. C'est moi qui aurais la décence de faire ceci. », dit-il avec une voix presque timide, teintée d'une complicité feinte. Ses doigts empoignèrent avec douceur, et fermeté le col de chemise légèrement défait, pour le replacer parfaitement à sa place.

L'indifférence lui répondit. Masque sec, indéchiffrable. Il le briserait, révélerait les émotions tapis dans ses pupilles inexpressives. Une faille où s'engouffrer pour remplir sa mission, pour conclure leur jeu. Tirer tous les coups possibles, jusqu'au dénouement final. Il se recula d'un pas, yeux rivés sur l'objet de soudaine attention. Et satisfait, il s'autorisa à remettre les mains dans ses poches, ses doigts caressant le carton rugueux de son paquet de cigarettes. « Voilà qui est mieux. », finit-il par formuler pour conclure ce bref avancement de pions. Occuper sa tour. Se mettre à l'abri d'une contre-attaque. Anticiper.

Sans bouger d'un millimètre, il observa le prédateur faire de même. Chacun sur ses positions. Bien. Il le regarda porter un tube de tabac à sa bouche et l'allumer. La fumée voleta entre eux, barrière brumeuse séparant les deux joueurs. Le nuage s'épaissit, lui brouillant la vue l'espace d'un instant. Habitué aux vapeurs toxiques de sa propre addiction, il souffla sur celle-ci, qui n'était guère plus forte que la sienne. Un souffle lent, une expiration contrôlée qui chassa l'effet dramatique, impressionnant.

Il attendit, calmant les bouffées d'angoisse quasi excitante qui fit parcourir un frisson le long de sa colonne vertébrale, par un nouveau sourire. La comédie était un art où il était passé maître. Kayser ne montrait rien. Lui, montrait beaucoup. Caché ses intentions derrière une chaleur, une politesse le disculpant de toutes les mauvaises combines dans lesquelles il aurait pu tremper. Sous-estimer. Il n'était pas un cobra. Non. Juste un petit renard attendant le bon moment pour dérober les quelques œufs laissés sans surveillance. Inoffensif. Faible. Mais patient.

«  Ce qui serait mieux, Mister Auror.. », commença le nouveau professeur dans un calme glaçant, le faisant à peine tressaillir. Tenir son rôle. Il ne départit pas de son sourire fin, aimable, élevant son bouclier contre les assauts de l'épée du cavalier. « Ce serait que vous cessiez votre cortège... », le pion éclata, provoquant une crispation de mâchoire, mais également de ses doigts, qui serrèrent plus vivement l'emballage plastifié dans sa poche. Agressif. Une attaque de front. Sans artifices. Un poison sinueux coloré par la témérité.

Son trouble s'évapora, et il accepta la perte de sa pièce en baissant légèrement le nez pour observer la pointe de ses chaussures, inclinant le buste en miroir avec son interlocuteur. Patience. « Trois jours, en constatez-vous la longueur ? », la tour bougeait. Un premier coup à blanc. Aucune balle. Avec lenteur, il releva ses yeux sombres vers ce visage taillé au couteau. Sculpture de marbre grecque. Fascinante. Captivante. Il n'allait pas la briser. Il allait allumer le feu. Un nouveau brasier.

« Je crains.. », sa voix était calme, volante, aérienne. Grave, mais pas trop. Tout juste dosée. « De saisir l'ennui qu'un tel cortège vous a causé. », reculer d'une case. Attendre le moment opportun.

« En lieu et place, je vous offre la boisson de votre choix... ». Inattendu. Il avait vu venir les foudres pleuvoir sur lui pour son intrusion. Mais pas ça. Le tour avait suivi le mouvement de sa reine. La moitié du plateau était libre. Ses paupières clignèrent deux fois. Rapidement. Il ne chercha pas à arrêter l'élan de surprise qui les avait secouées. Ne montrer que l'essentiel. Le renard baissa le museau. « Vous pourrez me questionner sur place... » Relever les yeux. Feindre l'incompréhension. Ouvrir sa défense. Vas y, avances. Créer l'occasion de l'encercler. De le piéger. Même s'il devait y perdre quelques pièces. « Ainsi, espérez satisfaire la soif intarissable de cette chère Amanda. » Il haussa les sourcils, continuant sur le chemin de la surprise, de la stupeur. Il ouvrit la bouche. La referma, comme s'il cherchait ses mots. Réfléchir à l'avance. Voir son jeu, avant même qu'il ait le temps d'y penser. Il s'humecta les lèvres, et hocha lentement la tête. Il ne bougerait pas. Il le sentait. Tant mieux.

« J'accepte votre charmante invitation, Monsieur Kayser. Je m'en voudrai de refuser après vous avoir importuné. Je savais qu'il aurait fallu que je suce, comme me l'avait conseillé un collègue, pour ne pas ennuyer une personne sur de simples présomptions. », il sourit, ponctuant ses dires d'un haussement d'épaules nonchalant. Le pion avança, se dérobant à la vision de la reine.

« Et bien que j'apprécie le surnom dont vous venez de m'affubler, je pense tout de même avoir une préférence pour mon nom. Et avouons le, il serait malvenu que je vous appelle par le vôtre, alors que vous ignorez le mien. », nouveau haussement d'épaules. Nouvelle avancée.

« Je m'appelle Lévine. Lévine Serger, Monsieur Kayser. », il ne lui tendit pas la main, préférant incliner la tête en guise de salutation. Politesse. Belles paroles. « Je vous laisse le choix du lieu. Je vous en prie. », il désigna la sortie d'un geste de la main volatile, l'invitant à mener la marche, avec une esquisse presque charmeuse.

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Lévine Serger
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Comme de la neige sur le sable

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Dim 3 Nov 2019 - 18:31
Le Chasseur TraquéIt's funny how the human being is predictable. Whatever the character of the individual, regardless of his or her role in society, if you ask two people to do exactly the same action, they will do it without thinking. The only difference is the subtlety with which they will respond to the given order. Are you subtle, Mister Auror? I want the answer to my question.Depuis son entrée à Poudlard, à la maison Serpentard, Johann avait saisi l'importance du dialogue, des mots, de la manière de les utiliser, de la façon de formuler ses phrases. Tous les disciples de Salazar, ou une majorité, fonctionnaient de la même manière et, pour pouvoir survivre dans cette fosse aux serpents, il fallait savoir se montrer plus dangereux, plus venimeux, que la réalité des faits. Plus violent aussi, parfois. Il n'était pas rare de voir un membre de cette maison se faire lyncher par les siens. Un sang-impur, comme le sien, avait été synonyme d'emmerdes, mais il y avait un moyen de s'intégrer. Suivre, baisser la tête et accepter d'être le pion d'un autre. Il n'avait pas su l'accepter. Il n'avait pas pu s'y résoudre. Non, à la place, il avait opté pour la seconde option.

Il avait décidé de prouver sa valeur, de démontrer aux puristes qu'il était digne de son blason et, pour cela, il fallait savoir à la fois manier la plume, l'épée et le bouclier. Il fallait s'entourer des bonnes personnes, les convaincre du bien-fondé de ses idées et de la protection qu'ils lui offriraient. Aaron avait été le premier, mais c'était différent. C'était un ami, dont la loyauté était l'exemple même des qualités pures de son ancienne Maison. Les autres, par contre, avaient été des pions, les siens, pendant un temps et ils n'avaient rien remarqué ; son associé, passant son temps à le défendre à tort et à travers, l'avait grandement aidé sans même s'en rendre compte. C'était pratique d'avoir des Gryffondor au sang chaud dans son entourage, c'était pratique d'avoir des Serdaigle aux connaissances poussées dans son groupe d'ami. Il l'avait dû à son charisme. Un charisme qui avait germé par ses efforts. Un charisme qu'il avait entretenu. Il s'était ainsi exercé toute son adolescence, avait découvert le pouvoir des mots savamment employés et s'en était servi à son avantage. C'était tout un art de savoir utiliser les bonnes phrases au bon moment, savoir quel geste apprêter en même temps, mais surtout, savoir user des silences pour appuyer ses propos, de façon à imposer ses décisions à son interlocuteur. Ne pas laisser le choix.

«  Ce qui serait mieux, Mister Auror... »

Il avait commencé avec douceur et lenteur. Il fallait savoir prendre son temps. Comme un poison. L'arme des femmes, que certains disaient. Il n'était pas d'accord. C'était la lame des êtres intelligents, qui savaient qu'il était bien plus complexe de remonter jusqu'à l'assassin s'il utilisait les bons composants. Si les femmes étaient souvent associées à cette pratique, ce n'était dû qu'au fait qu'elle était souvent bien plus maligne et plus prudente que les mâles. Les hommes préféraient les démonstrations de violence, soi-disant viriles. Ils préféraient se donner en spectacle, jouer les gladiateurs. Une idiotie.

« Ce serait que vous cessiez votre cortège... »

La morsure du serpent avait déjà eu lieu. Il ne restait plus qu'à attendre. Savoir se montrer patient. Ne pas foncer tête baissée. Analyser, comprendre. C'était ainsi qu'il était parvenu où il en était aujourd'hui. C'était ainsi qu'il prévoyait de faire comprendre à Amanda que ces petits jeux commençaient à l'agacer. Cela faisait plus de dix ans, il était temps qu'elle tournât la page. Il restait un idéaliste, mais il préférait voir la froide réalité des faits, contrairement à elle. Ce n'était qu'en jouant leur jeu, et en gagnant partie après partie, qu'il pourrait débarrasser le monde de la magie de la vermine qui la rongeait.

« Trois jours, en constatez-vous la longueur ? »

Le coup de grâce. Normalement. Combien de chasseurs s'étaient succédés en face de lui pour essayer de lui soutirer des informations ? Le monde de la magie n'était pas tout blanc ou tout noir. Il y avait des enfoirés partout. Il se souvenait encore de la dernière entrevu qu'il avait eu avec l'un d'entre eux, qui n'avait pas peur d'employer certaines pratiques pour, soi-disant, le bien de tous. Il s'était fait passer à tabac et avait passé plusieurs jours alité, à se remettre de ses blessures. Il n'avait pas craqué, n'avait donné aucune information compromettante et s'était même amusé à les provoquer. Une mauvaise idée sur le moment, se l'accordait-il, mais qui avait eu le don de l'amuser sur le moment. Maintenant, c'était une gueule d'ange qui se retrouvait face à lui. Qu'espérait-elle en l'envoyant lui plus qu'un autre ? Cette question lui taraudait l'esprit depuis que son regard s'était posé sur son silhouette longiligne. La frustration. Il venait de comprendre.

Ce n'était qu'un sentiment diffus, qui l'avait à peine effleuré, mais qui était bien présent. Après de telles paroles, il aurait dû être surpris, mais plus encore, paniquer. Même s'il avait reçu une formation d'auror, qu'on lui avait enseigné à traquer, à obtenir des informations, il n'avait pas appris à perdre. L'échec n'était pas permis dans ce métier, car c'était synonyme de mort dans la majorité des affaires qu'on leur confiait. L'Asiatique aurait dû être surpris, mais plus encore, il aurait dû paniquer. Le piège s'était refermé sur lui sans qu'il n'eût aucune issu de secours, mais il paraissait aussi serein que s'il se trouvait précisément là où il le désirait. Johann savait que ce n'était pas vrai, que ce n'était pas possible.

« Je crains, répliqua son interlocuteur avec un flegme que Johann aurait apprécié dans d'autres circonstances, de saisir l'ennui qu'un tel cortège vous a causé. »

Deux possibilités. Soit cet individu était d'une stupidité si prononcé qu'il ne voyait pas le bourbier dans lequel il venait d'atterrir, soit il s'agissait d'un élément extrêmement prometteur, d'une intelligence discrète, d'une fine ruse, lui permettant une adaptabilité surprenante. S'il faisait partie de l'unité de Callaghan, la première idée pouvait d'ors et déjà être rayée. Autant le dire tout de suite : pour Kayser, c'était la seconde hypothèse qui était la bonne. Pourquoi fallait-il qu'il fût de l'autre côté de la barrière, par Salazar ? Une telle habilité aurait été parfaite pour régler certaines affaires, plus ou moins problématiques, des Sons of Loki. La question qui subsistait après une telle révélation, était la suivante : pourquoi diable envoyé pareil élément pour une enquête si futile ? Il devrait être employé pour des missions bien plus importantes pour le pays, en temps normal. Amanda avait définitivement perdu la tête, pour l'envoyer à, et elle le pensait sans doute, une mort certaine ?

« En lieu et place, je vous offre la boisson de votre choix... »

Il voulait le prendre par surprise, parvenir à briser ce masque si savamment placé sur son visage. Il n'y voyait aucune faille, ce qui avait le don de l'agaçait. Bien sûr, rien dans l'attitude nonchalante, flegmatique, de Johann ne le laissait présageait. Il avait toujours su cacher ses ressentis, ce n'était pas aujourd'hui que ça changerait. Toutefois, il devait l'avouer : il se sentait, étrangement, mal à l'aise en sa compagnie. Comme un étrange miroir inversé et les gestes de Levine, quand il témoigna sa confusion, ne lui donnèrent ni tort, ni raison. Il était illisible, comme un grimoire scellé dont les enchantements ne pouvaient être brisés que par une magie trop puissante pour lui, pour l'instant. Tout le monde avait une faille. Tout le monde possédait une faiblesse à exploiter. Il ne restait plus qu'à trouver la sienne.

« Vous pourrez me questionner sur place... »

Il lui offrait un verre, il lui offrait un interrogatoire. Le croyait-il ? Non, il n'était pas avec un malfrat de bas étage qui pensait pour l'argent. C'était un chasseur de mage noir, une personne qui avait l'habitude de se mettre à la place de ses cibles, de penser comme eux, pour pouvoir réagir vite et bien à leurs actions. Bien sûr, et c'était en ça que le Magicozoologue avait toujours eu un transplanage d'avance, lui-même avait eu droit au même apprentissage et il n'était pas un sombre sorcier aux mauvaises intentions. Juste quelqu'un qui était prêt à de nombreux sacrifices pour arriver à créer un monde que la majorité rêvait, mais n'osait pas espérer, car ayant bien trop à perdre pour s'y risquer. Johann avait déjà tout perdu une fois. Il saurait se relever si ça lui arrivait à nouveau, même s'il avait compris depuis longtemps que sans Aaron ou Chiyo, il deviendrait bien plus dangereux, autant pour lui que pour les autres. C'était Aaron qui était sans le moindre scrupule aujourd'hui, mais il savait où s'arrêter. C'était Chiyo qui savait imposer l'arrêt d'une entreprise quand ils allaient trop loin et qui savait se montrer convaincante sans remettre en doute son autorité pour autant. Est-ce que lui-même saurait où se situait la ligne rouge, avec les horreurs qu'il avait vu et vécu durant la première guerre, à ne pas dépasser ? Rien était moins sûr.

« Ainsi, espérez satisfaire la soif intarissable de cette chère Amanda. »

Toujours aussi inatteignable. Toujours aussi flou. Un miroir embué ne lui permettant pas d'y voir le reflet. Frustrant. Agaçant. Il ne devait pas le briser, mais trouvait le moyen de voir à travers, d'ouvrir la porte. Il devait être subtil. Trouver le moyen d'inverser l'interrogatoire quand ils y seraient. Le faire avouer sans qu'il le sût. Il avait forcément des squelettes dans un placard. Ne restait plus qu'à trouver le bon. Il pourrait ensuite le faire chanter, le menacer et il lui foutrait la paix.

Curieusement, il n'en avait pas envie, pas avec ce traqueur. Il voulait le connaître, le comprendre, voir la face cachée de la pièce. C'était idiot et irrationnel et Johann détestait l'inconnu, mais c'était plus fort que lui. De fait, il pouvait opter pour une autre option. Il ne restait plus qu'à espérer l'inévitable. Il ne lui laissait pas vraiment le choix, il ne lui laisserait définitivement pas le choix. Encore que, la manière dont il accepterait son offre qui n'en était pas une, serait très révélateur pour la suite.

« J'accepte votre charmante invitation, Monsieur Kayser. Je m'en voudrai de refuser après vous avoir importuné. Je savais qu'il aurait fallu que je suce, comme me l'avait conseillé un collègue, pour ne pas ennuyer une personne sur de simples présomptions. »

Très révélateur, c'était le bon mot. Johann avait l'impression que le piège qu'il avait lui-même m'y en place venait de se refermer, non pas sur Lévine, mais sur les deux. Une étrange angoisse s'empara de lui et il la chassa avec flegme d'une inspiration mêlée au poison du tube qui se consumait lentement, coincé entre son pouce et son index. Il hocha la tête, le visage toujours de marbre, son regard glacé posé sur le sourire de son vis-à-vis. Feindre la satisfaction. Il savait faire. Il devait simplement imaginer qu'il se retrouvait face à un criminel de haut rang et qu'il allait parler affaires. Interposer la réalité à un cauchemar, drôle d'idée, mais il en était capable.

« Et bien que j'apprécie le surnom dont vous venez de m'affubler, je pense tout de même avoir une préférence pour mon nom. Et avouons le, il serait malvenu que je vous appelle par le vôtre, alors que vous ignorez le mien. »

Bien. Il n'aurait pas à jouer pour lui soutirer une première information. Une bonne nouvelle. Le jeu du chat et de la souris allait pouvoir véritablement commencer. Il ne restait plus qu'à définir qui était véritablement le félin et qui était le rongeur. Qui était le prédateur et qui était la proie.

« Je m'appelle Lévine. Lévine Serger, Monsieur Kayser.
Enchanté, Mister Serger. », riposta-t-il lentement.

Le jeune adulte ne lui tendit pas la main et se contenta d'un geste poli de la tête pour accompagner sa présentation. Et ça lui sauta à la gorge comme un animal enragé voulant lui arracher la carotide. Il n'y avait qu'à Serpentard que l'on apprenait à ne pas se montrer envahissant, sauf en des cas bien particuliers. Il ne pouvait pas en être certain présentement, mais il garda cette information dans un coin de son esprit. Il aurait des recherches à faire dans les archives de Poudlard dans la soirée. Visiblement, Serger venait de signer véritablement le moyen de l'arrêter : si Ombrage venait l'importunait durant ses recherches, il risquait fortement de faire un meurtre et à Poudlard, tout finissait par se savoir. L'idée, en privé, en compagnie de Fiery, lui aurait arraché un rire ironique. Ici, il se contenta d'une bouffée de fumée toxique.

« Je vous laisse le choix du lieu. Je vous en prie. »

En d'autres termes, il lui laissait le choix de la salle d'interrogatoire. Johann l'aurait volontiers amené à la Tête de Sanglier, s'y sentant bien plus à son aise, mais il ne devait pas lui offrit d'autres présomptions. Il optait donc pour les Trois Balais. Il se retourna, avec la ferme assurance que le sorcier derrière lui ne chercherait pas à s'échapper. Si c'était le cas, alors il se trompait et son intérêt soudain pour lui n'avait pas lieu d'être. S'il restait, s'il le suivait, alors ça voulait dire qu'effectivement, il se sentait suffisamment à son aise pour ne serait-ce que penser oser louper cette chance. Johann allait devoir se montrer très prudent, son adversaire du jour n'était pas un amateur en matière de partie d'échec. Il voulait jouer ? Il allait être servi. Le plateau était en place, les pièces se déplaçaient, mais personne ne le verrait. Il ne noterait que la présence de deux connaissances discuter sereinement autour d'une tasse chaude ou d'un verre, comme des citoyens modèle.

Il ne leur fallut pas longtemps pour arriver devant le pub tenu par Madame Rosmerta. En bon gentleman, Johann sortit sa baguette et, d'un mouvement habile du poignet, sans prononcer la moindre formule, il fit disparaître le mégot qu'il venait d'écraser au sol. Arrêté devant l'entrée, bloquant le passage sans gêne, il la replaça à sa place, puis il ouvrit la porte. Il se décala légèrement sur le côté pour permettre à son accompagnant de pénétrer à l'intérieur du bâtiment. L'ambiance était toujours la même. Un brouhaha ambiant régnait et la femme d'un âge inconnu faisait le service et envoyé balader les clients trop pressants avec une assurance admirable. Il s'engouffra dans l'établissement à la suite de l'Asiatique, profitant d'être dans son dos pour analyser son accoutrement. Tout était parfaitement à sa taille, mais plus encore, il ne portait pas l'uniforme. Il préférait donc la discrétion d'un insigne à peine perceptible et qu'il était facile de dissimuler. Sa coiffure était impeccable. Sa baguette ne dépassait pas d'une poche. Il était soigné, tout comme lui-même. L'image du miroir inversé lui revint en mémoire et il la chassa d'un pincement de lèvre, se l'autorisant uniquement car il ne pouvait être observé. Il retira son béret, le gardant à la main et, redressant le regard, avisa une table éloignée où il pourrait discuter sans être entendu.

« La table du fond, vous convient-elle, Mister Serger ? »

Il n'attendit pas véritablement la réponse pour se mettre en route. Il passa habilement entre les différents clients pour s'avancer vers sa destination et, y arrivant après avoir dû jouer des coudes à quelques reprises, il s'y installa avec cette nonchalance qui le caractérisait. Il ne passait pas inaperçu, bien sûr, mais ça lui convenait. Il n'y avait rien de mieux pour ne pas être véritablement remarqué. Madame Rosmerta arriva la seconde d'après, comme si elle se téléportait d'un côté et de l'autre de son lieu de vie pour permettre un service irréprochable. À bien y réfléchir, ce ne serait pas si idiot. Il savait qu'il arrivait à Chiyo de transplaner à l'Edelweiss quand il y avait trop de monde.

« Bonjour, dit-elle et Johann lui rendit son salut d'un hochement de tête élégant. Qu'est-ce que ces messieurs veulent boire ? »

Kayser laissa le soin à Levine de choisir pour lui, restant silencieux quelques minutes à l'observer. Il ne le lâchait pas des yeux et, même quand il ne le regardait pas directement, il le gardait dans son champ de vision. Quand son compagnon eut passé commande, la barmaid tourna son visage vers lui, plume et parchemin à la main, dans l'idée évidente d'entendre quelle était la consommation qu'il désirait. Avant de lui ordonner quoi que ce fut, il tira de son veston sa montre à gousset et se renseigna sur l'heure. La demi pile entre neuf et dix heure. C'était un peu tôt, mais s'il devait jouer à pile ou face son destin, autant que ce fût plaisant.

« Un whisky pur-feu... », souffla-t-il de sa voix grave.

La seconde suivante, il replaça son apparat à sa place initiale. De cette manière, il s'offrait le silence dont il avait besoin, avant de poursuivre, pour peser chaque parole et s'assurer d'être entendu et écouté. Il captivait, s'assurait toujours posséder ce don si particulier qui le caractérisait.

« Et un cendrier, ordonna-t-il d'un ton plus impérieux, l’exigence ne souffrant d'aucune protestation possible. S'il vous plaît. »

Et si cela ne vous plaît pas, vous n'avez pas le choix, pensa-t-il en la sondant. Elle acquiesça et se racla la gorge pour dissiper son malaise.

« Tout de suite. »

Elle se détourna de leur duo hétéroclite et disparut à travers la foule. Le professeur, lui, détourna ses iris du corps de la femme, pour les déposer sur le visage de l'employé ministériel. Il garda le silence et patienta. Il n'ouvrirait pas le bal, ne l'inviterait pas à danser. Il l'y avait déjà invité, cela ne suffisait-il pas ? S'il voulait arriver à ses fins, il devait lui laisser le premier mouvement, calquer son rythme au sien. La macabre pièce de théâtre qu'était la leur pouvait commencer. Que le rideau tombe.

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Johann A. Kayser
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Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Mar 5 Nov 2019 - 15:13
Le chasseur traqué.Lévine & Johann
I cheated myself. Like I knew I would. I told you I was trouble. You know that I'm no good,. ( You Know I'm No Good → Ash Riser ) •••Depuis sa venue au monde, il semblait à Lévine qu'il s'était retrouvé pris au beau milieu d'une partie d'échecs. Un plateau grand. Interminable. Debout sur la case la plus foncée, il attendait. Sagement. Pion sacrifiable. À sa droite, il voyait ses semblables. Lyra, la jolie brune de la chambre rouge, et son air exotique venant tout droit d'une contrée inconnue. À sa gauche, les récits cristallins dans le regard de Farid. Il était jeune. Moins que lui. Mais déjà suffisamment. Il voyait l'océan dans ses yeux. Des étendues bleutées à perte de vue. Il y retournerait. Il le lui avait dit. Promit. Il s'en irait loin du piège tendu par le luxe de la salle dorée. Bijoux et vases en cristal comme appâts. Menottes et cordes en abattoir. Sur leur ligne, des visages livides, lavés par la souffrance. Acide les dissolvant. Frêles. Courbées. Têtes baissées. Aucun ne voulait regarder devant.

Pour y voir quoi ? Ni derrière. Surtout pas. Rester immobile. Attendre les ordres. Il pouvait encore sentir la fumée de cigare contre sa nuque. Surchargeant ses poumons de vapeurs toxiques le faisant toussé. Pas de bruits. Sinon, il serait en colère. Un schéma identique. Des parties sans fins. Un roi tyrannique à la barre. Un navire fonçant sur la corvette ennemie, jetant à l'eau quelques poids inutiles. Des soldats, des matelots sans attaches. Certains se noyaient. Tomber sous les assauts d'un cavalier, ou d'un fou, catapultés face à un canon chargé. Délivrance. Soulagement. Il fallait perdre. Pour ne plus à supporter l'esclavage, il fallait faire partie des brebis. Ne pas être un loup. Faire preuve d'innocence. Sourire. Pleurer seulement si c'était la faille. La chose à faire. Puis, fuir. Laisser s'abattre l'épée de Damoclès. Mettre fin au jeu.

De pion, il était passé à cavalier. Petite silhouette se faufilant au-dessus des autres. Discret. Furtif. Subtil. Sourire. Suivre les ordres. Rien n'était différent. Il n'était pas plus important qu'avant. Mais il devait être plus prudent. Écouter l'homme au cigare. Prêter attention aux conversations. Être une ombre. Attendre. Et retenir les informations. Espionner, pour mieux gagner. Jouer la proie. Feindre la faiblesse. Ouvrir une faille. Et la refermer. Piéger la cible. Contenter le client, pour l'inciter à parler. Ils parlaient toujours. Beaucoup. Ivres, ils ne s'arrêtaient pas.

Et lui, il écoutait. C'était comme s'ils ne le voyaient pas. Mais il était là. Et il n'avait qu'à attendre. Patient. Attentif. Ils ne pensaient pas à le regarder. Pourquoi ? Il n'était rien. Juste un meuble. Un objet. Un matelot invisible, duquel il était inutile de connaître le nom. Il n'était personne. Juste une pièce parmi tant d'autres. Un visage oubliable une fois l'heure terminée. Un prix fixe. Une donnée dans la machine bien ficelée d'un commerce morbide. Une vente trop souvent concrétisée. Un article bradé, dont on aurait oublié la qualité. Trop souvent. Sous-estimé. Ignoré. Il avait été un atout. Un peu. Savamment exploité. Autant que nécessaire.

Debout face à un énième roi, d'apparence aussi froid que l'avait été son bourreau, il se nourrit de la peur, de la terreur que ce regard d'acier trempé lui insufflé. De cette glace pure qu'il lut sur ces courbes figées, dans la ligne droite de son sourire introuvable. Crevasse insondable. Mais dans sa gestuelle flegmatique, en miroir avec celle qu'il s'acharnait à renvoyer, tenant son rôle, il ne lut aucunement les mêmes intentions que celles qui les avaient tous animés à son égard. Il le sentait. Il était bon pour ça. Pour voir derrière des façades. Pour discerner la cruauté cachée derrière de belles paroles. Le sadisme enfermé dans de bonnes manières. Il voyait le serpent. Long et à l’affût du moindre mouvement. Lui, la patte immobilisée, il ne pouvait se soustraire à sa macabre attention. Il n'attendait qu'un signe. Un faux pas, pour venir refermer ses crocs acérés sur sa chair tendre. Il le réduirait en miettes. Jetterait au fond des abysses les constructions fragiles de son numéro de scène qu'il venait, comme un artiste incompris, vendre à quiconque y serait réceptif.

Ils l'étaient tous. Sourire paré d'assurance. Bonheur brillant dans les yeux. Espoir au cœur. Les démons enfermés dans le miroir. Hors de portée des curieux. De sa propre curiosité. Il leur montrait ce qu'ils voulaient tant contempler. Il était leur acteur. L'œuvre qu'il payait pour admirer. Enfermé derrière une vitrine polie et parfaitement nettoyée, tel une pièce réparée, embellie par les années, il s'offrait la lumière de la bienveillance. Le rôle d'un figurant. D'un personnage secondaire que l'on ne retenait pas pour la tragédie coulant de ses lèvres. Mais uniquement pour soutenir émotionnellement le spectateur. Donner le change. Un peu de gaieté dans une pièce affligeante de chagrin.

Kayser était un roi. Dépourvu d'une couronne dorée. Mais le souverain incontesté de son propre royaume. Plus qu'un public décérébré par la propagande de la société, leur faisant croire qu'il suffisait de voir un sourire pour échapper à ses propres tourments, lui, avait accepté le faux se trouvant en chacun d'eux. Il s'était renseigné. S'était documenté. Il n'était pas une cible ordinaire. Pas une pièce commune. Il était plus. Un joueur hors pair. Il n'était pas sur le plateau. Il en était maître. Il était omniscient. Placé au-dessus du jeu pour en appréhender les subtilités. Un chef d'orchestre prêt a donné le tempo de la partie. Calquer une mesure tantôt lente, tantôt accélérée, pour le déconcerter. Le déstabiliser. Quelle position devait-il adopter pour lui faire face ?

Celle d'un pion, qui oserait prendre tous les risques pour pourfendre sa défense. Un kamikaze n'ayant aucune intention de survie. Celle du leurre, dans le but de le distraire. Celle du fou, pour à distance lui donner l'impression qu'il pourrait contrôler l’entièreté de ses mouvements, pour finalement, au dernier moment, lui placer une lance sous la gorge. Le cavalier, pièce maîtresse, pour empiéter sur son terrain de ses sabots. Bras armés plus maniable que la reine. Plus subtil. Ou la tour. Protection blindée. La dernière n'était pas envisageable. Il ne pourrait éternellement trouver refuge derrière un bouclier linéaire. Trop prévisible. Le fou pour commencer. Puis le cavalier. S'immiscer doucement dans son jeu. Il avait tout le temps.

Lévine avait encaissé les premières paroles. Doux poisons coulant dans ses veines. Délicate provocation. Il sourit. Toujours. Impertinent peut-être. Compréhensif, certainement. Il lui avait causé du tort ? Lui avait fait perdre du temps ? Sans aucun doute. Alors, il montra au grand jour l'embarras que ça lui causait intérieurement. Le fou était en place. Distant. Expressif. Bras ouverts. Sourire aux lèvres. Les premiers coups furent portés, et il lui sembla voir quelques pions tomber sous ses assauts. Il avait répliqué. Doucement. Un timbre calme. Dosé à la perfection. Pas une note de trop. Il avait avancé d'une case. Pas trop vite, la lance cachée dans son dos. Il devait rester la proie, assez longtemps pour pouvoir comprendre. Le comprendre. Pas seulement son jeu. Mais sa façon de penser. De procéder. D'être. Le joueur était plus fascinant que les quelques attaques qu'il cherchait à faire. Briser cet iceberg pour voir les profondeurs de ses ressentis. Apprendre.

« Ainsi, espérez satisfaire la soif intarissable de cette chère Amanda. »

Il haussa les sourcils, à la fois légèrement décontenancer et surprit. Il ne chercha pas à le camoufler. Ça servait ses intérêts. Il n'en était plus que faussement vulnérable. Il lui donnait de la matière. De quoi parfaire son rôle. Celui d'un simple Auror, un peu idiot. Un renard sous son joug. Totalement captif. Néanmoins, l'espace de quelques secondes, qu'il s'employa à laisser un temps de suspens entre eux, pour ensuite répondre comme il se doit à son invitation, des questions fusèrent dans son esprit.

Pourquoi ? Pourquoi lui ? Pourquoi pas un autre ? Pourquoi pas elle ? Ils se connaissaient. C'était une hypothèse qu'il avait envisagé. Et c'était confirmé. Elle était émotionnellement compromise. Depuis le début. Il leur imagina une idylle. Histoire romanesque à la finalité tragique. Faisait-elle ça par vengeance ? Peu probable. Callaghan était une idiote, incapable de faire preuve de la moindre subtilité. Mais elle restait compétente. Peu influençable sur ses choix. Revancharde. Rancunière. Il était sa faiblesse. Et ça, il le nota. Très soigneusement même. Cette information venait de lui être servie sur un plateau. Qu'il retournerait pour que sa supérieure y contemple le reflet de sa propre bêtise. Une perspective alléchante, qui lui arracha un énième sourire. Délicat. Fin. Où l'on ne pouvait lire sa satisfaction.

« J'accepte votre charmante invitation, Monsieur Kayser. Je m'en voudrai de refuser après vous avoir importuné. Je savais qu'il aurait fallu que je suce, comme me l'avait conseillé un collègue, pour ne pas ennuyer une personne sur de simples présomptions. », fit-il avec une sincérité troublante, s'inscrivant dans la ligne qu'il se devait de tenir : La nonchalance.

Montrer. Beaucoup. Exagérer parfois. Mais savoir où s'arrêter pour ne pas tomber dans la caricature. Il était Mister Auror, présentement. Rien de plus. Rien de moins. Il avait vu en cet échange l'opportunité d'abattre un pion. Juste un. Pour lui faire comprendre que s'il semblait soumit à son rythme, il pouvait répliquer. À sa façon. L'avait-il seulement surpris ? Rien ne le montra.

Et il douta. Ses doigts se crispèrent un peu plus sur son paquet de cigarettes, pour canaliser le léger tremblement qui les secoua. Appréhension. Angoisse. Il était impénétrable. Une défense d'acier. Gelée. Il eut froid juste en croisant ses iris, un long frisson remontant dans son dos, jusqu'à l'esquisse de sa nuque découverte par son col. Il était comme une montagne. Couverte de poudreuse, sur laquelle il risquait de glisser s'il n'était pas prudent. Reculer d'une case. Garder ses distances, jusqu'à ce que son adversaire soit plus en confiance pour se relâcher. Tôt ou tard, tous les hommes laissaient tomber le masque. Il allait simplement se montrer plus endurant. Et pour ça, il devait s'économiser.

« Et bien que j'apprécie le surnom dont vous venez de m'affubler, je pense tout de même avoir une préférence pour mon nom. Et avouons le, il serait malvenu que je vous appelle par le vôtre, alors que vous ignorez le mien. », continua-t-il sur sa lancée, toujours parfaitement détendu, comme si, à l'instar de la pensée de son vis-à-vis, il se trouvait parfaitement à l'endroit où il le souhaitait. Ce n'était pas vrai. Ni faux. C'était un contretemps. Léger. Superflu. Être découvert ne remettait rien en cause. En tout cas, pas le fond de son plan. Il le modifiait. Mais rien ne l'empêchait de s'adapter. De faire comme si, finalement, il avait eu ce qu'il voulait. Il avait compris ce que Kayser souhaitait. Le piéger. L'acculer pour ne lui offrir aucun repli. Qu'à cela ne tienne. Ça n'avait pas la moindre importance. Il n'avait pas l'intention de fuir. C'était contre productif.

« Je m'appelle Lévine. Lévine Serger, Monsieur Kayser. »

Une information. Une seule. Il ouvrait sa garde, lui donnait l'illusion d'avoir un avantage. Le satisfaisait. Il avait toujours su le faire. Ce n'était pas compliqué. Enfin, avec les autres. Les lisibles. Les prévisibles. Lui ne l'était pas. Il était un défi. Dont il se serait passé, sans doute. Mais qui se trouvait être incroyablement stimulant. Paradoxal. Incompréhensible. Il en voulait plus. Mais ne voulait pas s'éterniser. C'était dangereux. Mais c'était la première fois qu'il voyait son reflet. Pas celui déprimant dans le miroir. Mais au contraire, quelqu'un qui comme lui, soignait les apparences. Les mettait en avant.

« Enchanté, Mister Serger. », lui répondit Kayser avec une lenteur qui lui arracha une énième esquisse. Amicale. Un peu. Cordiale. Bien plus. Presque joueuse. Il se mettait en place. Les jeux étaient remis à zéro. Plus aucun n'avait réellement l'avantage. Une information de part et d'autre. Comme deux sportifs sur la même place du podium. Une égalité parfaite. Pour l'instant. Ça allait pouvoir réellement commencer. Autre lieu, autre jeu. Il le lui tendit pas la main.

Provocation volontaire, continuant d'entretenir cette distance entre eux, cette barrière infranchissable pour le moment. Ce n'était pas l'exact instant où il devrait la briser. En toute réponse, ne lui rétorquant pas un banal : Moi de même, comme ça aurait pu être le cas pour bon nombre de ses collègues, il prit un tout autre embranchement. Plus spécifique. Distinctif. Rentrer dans le moule, au départ. Pour mieux se distinguer par la suite.

Il montra la porte entrouverte depuis le début de leur conversation, donnant sur la grande rue les menant au centre-ville, d'un simple geste de la main. Il faisait frais. Il le sentait. Et il se retenait à grand-peine de frotter ses doigts les uns contre les autres pour les réchauffer. La perspective d'une tasse de café pour arriver à ses fins n'était pas de refus. Sa proposition tombait à point nommée. Comme un coup du destin.

« Je vous laisse le choix du lieu. Je vous en prie. »

Une invitation. Il lui laissait les blancs. Le noir avait toujours été une couleur plus appréciable pour lui. Moins pure. Moins salissante. Tout était blanc. Finissait par devenir gris. Pour finalement arriver à une teinte si sombre que plus rien ne pourrait l’entacher. Le voyant faire volte face, il s'autorisa un soupir silencieux, ses épaules se courbant l'espace d'une seconde, la tension accumulée s'en enlevant à tire d'aile. Bordel. C'était épuisant. Son sourire se fana, s’aplatissant en une courbe droite. La prudence. Il ne devait laisser filtrer aucune faille trop exploitable. Le masque devait tenir. Il n'avait pas le choix. Et si.. Et si celui de Kayser était plus solide ? Moins à l'épreuve de ses attaques ? Alors, comme il l'avait toujours fait, il aviserait.

Vingt-cinq ans de comédie. Peu de personnes pouvaient en dire autant. Pouvaient se targuer d'avoir autant d'expérience dans l'art du faux-semblant. Il claqua des doigts, le tube de tabac entre les lèvres. La fumée voleta devant ses yeux, qu'il gardait fixé sur son adversaire. Ils faisaient effectivement la même taille. Mais il était plus fin. Moins endurcit aux épaules. Plus longiligne. Leurs styles étaient aux antipodes, et à la fois complémentaires. Simple. Lévine l'était. Il se voulait banal. Standard. Dans la norme. Là où Johann, dégageait cette classe naturelle que l'on donnait aux nobles. Aux hommes de la haute, avec des responsabilité. L'Homme au cigare en avait aussi. Un charisme terrifiant. Il secoua la tête. Il ne devait pas y penser. Rester concentrer.

Le silence. Il le savoura. Au même titre qu'il apprécia d'autant plus cette trêve qui lui était accordé pour le trajet. Plus d'oreilles bourdonnantes. Plus d'estomac retourné. C'était agréable. Un peu. Ce n'était pas ce qu'il recherchait pour garder les pieds sur terre. Au contraire. Il se sentait partir. Glisser vers une mélancolie bien trop sincère. Il ne devait pas dériver. Sinon, il n'était pas certains de pouvoir remonter sur son navire. Pas tout de suite. Le plongeon devait attendre. Il serra les poings pour tendre ses muscles de nouveau.

Sa main passa sur l'une de ses manches, caressant le bandage qu'il pouvait deviner malgré les couches successives de tissus. En dessous, une coupure. Fraîche. Plus vraiment lancinante. Une douleur habituelle. Qui faisait son effet le temps que la brûlure le transperçait. Il frotta, assez pour arracher la coagulation de sa plaie. Elle le piqua. Et les coins de ses lèvres se crispèrent d'une grimace. Puis, il se détendit. C'était mieux. Il était derechef maître de son bateau. Prêt pour un nouvel acte.

Ils arrivèrent aux Trois Balais. Il n'en était pas un friand client. Même durant ses études, l'on l'y voyait peu. Il n'aimait pas les rassemblements. Il s'y était conformé. Très souvent. Pour donner le change. Avec une bande d'amis. De connaissances qui se fichaient de ses véritables ressentis. D'un claquement de doigts, il réduisit son mégot en cendre, en parallèle avec Kayser qui fit disparaître le sien d'un coup de baguette.

Il en profita pour la regarder. Elle était grande. Plus que la sienne. De pas-grand-chose. Plus clair aussi. Blanche. Là où la sienne était noire. Il s'arrêta, les mains dans les poches, le masque à nouveau vissé sur le visage. Sourire aux lèvres, assurance aux corps. Il inclina la tête pour le remercier, puis pénétra dans l'établissement. Rien n'avait changé. Le bois était présent. Beaucoup trop. C'était chaleureux. Et ça sentait la bière. Comme dans tous les Pub. Ou presque.

« La table du fond, vous convient-elle, Mister Serger ? », lui demanda Kayser, certainement plus par politesse que réel intérêt. Il ouvrit la bouche pour lui répondre, achevant son observation des lieux, mais n'eut pas le temps de prononcer le moindre mot qu'il se dirigea déjà vers l'endroit. Bien. Avec un soupir amusé, il secoua la tête, pour lui emboîter le pas.

Il l'observa filer entre les différentes tables et clients bruyants. Il crevait l'auberge de sa présence. Il était comme un empereur en terrain conquit. Cette partie allait décidément tendue. Difficile à remporter. Mais il ne s'avouait pas vaincu. Il était un pion. Un cavalier et un fou à la fois. Il saurait donner de sa personne pour faire s'effriter cette façade si intrigante. Lévine prit place face à lui. Il ne prit pas la peine d'ôter sa veste, et dans un geste emprunt de nonchalance, il s'adossa confortablement, les jambes croisées, dans une attitude parfaitement à son aise. Il lui sourit. Glace contre feu.

« Bonjour. Qu'est-ce que ces messieurs veulent boire ? », leur demanda Madame Rosemerta qui lui sembla sortie de nul part. Il sursauta. Exagérant sa surprise, la grandissant. Un premier pion avancé.

« Bonjour. », lui répondit-il avec un énième sourire à son intention cette fois-ci. Charmeur. Amical. Tu dois savoir user de ta gueule d'ange, que lui avait l'Homme au cigare. Tout le temps. Un conseil qu'il n'avait jamais oublié. Et qu'il ne pourrait certainement jamais occulter. Pas totalement. « Un café, s'il vous plaît. », continua-t-il la voyant tourner son visage dans sa direction, passablement plus détendue en sa présence. Sous-estimé. Il était moins impressionnant que l'enseignant. Certainement. Sa commande passée, il tourna son attention vers celui-ci. Calme. Patient. Souriant. Il devait montrer autant qu'il le pouvait ce qu'il semblait ressentir. Tranquillité. Amusement lorsqu'il entendit ses réclamations. Il souffla un rire. Discret. Justement dosé. Un whisky et un cendrier. Pourquoi pas.

« J'aurai dû venir vous parler en personne dès le début, Monsieur Kayser. Ça nous aurait épargné à tous deux, trois jours gâchés. », commença l'auror en croisant ses mains sur ses cuisses, d'un ton toujours aussi aimable, presque compréhensif. « J'ai appris que vous étiez devenu professeur. La rentrée s'est bien passée ? J'espère que la sous-secrétaire ne vous mène pas trop la vie dure. Elle possédait sa réputation au sein du ministère. »

Un deuxième coup. Un pion. Que la partie commence.

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Dim 17 Nov 2019 - 15:55
Le Chasseur TraquéIt's funny how the human being is predictable. Whatever the character of the individual, regardless of his or her role in society, if you ask two people to do exactly the same action, they will do it without thinking. The only difference is the subtlety with which they will respond to the given order. Are you subtle, Mister Auror? I want the answer to my question.Johann avait bien compris que face à un auror de sa trempe, l'intimidation, la violence verbale et la peur ne suffirait pas. Il l'avait deviné dès les premières minutes, suite à leur rencontre. Les réactions de Serger ne laissaient aucun doute ; ce n'était pas un chasseur comme il en avait souvent vu enquêter sur lui, qui ne risquait pas de se laisser avoir par ses apparences. En bon Serpentard, il savait qu'il y avait tout de même une corde sensible sur laquelle appuyer, il ne lui restait qu'à découvrir laquelle. Il avait saisi qu'il n'aurait pas le choix : Levine était le nouvel envoyé d'Amanda et s'il ne comprenait pas pourquoi dépêcher un aussi bon élément pour lui, il devait avouer apprécier l'idée. Il avait toujours été joueur et à présent, sa chère ex-compagne lui offrait un défi qu'il ne pouvait pas refuser.

Bien sûr, en bon Auror à la retraite, il pouvait déjà comprendre que ça ne prendrait pas une simple mâtiné. Le piège qu'il avait placé s'était refermé sur les deux, et non seulement sur l'autre homme, ce qui offrait une réalisation très importante. La partie commençait aujourd'hui, mais elle ne se terminerait pas avant plusieurs rencontres. La vraie problématique était qu'il ne pouvait pas réfléchir en Auror ou en malfrat avec son compagnon du jour. Il allait devoir se montrer plus subtile, parvenir à créer un mélange des deux facettes pour créer l'arme parfaite et permettre de retourner les attaques adversaires à son avantage. La capacité d'adaptation de cet antagoniste pouvait être très dangereuse, lui fournissant une imprévisibilité qu'il n'avait que rarement pu remarquer chez autrui. En d'autres termes, en dehors d'un défi, il en devenait également intéressant. Une expérience qui, s'il réussissait, lui donnerait une meilleure adaptabilité et lui permettrait de nouvelles perspectives pour ses actions futures. C'était peut-être le professeur sur le papier, mais il avait conscience, paradoxalement sans vraiment mettre le doigt dessus pour l'instant, qu'il pouvait apprendre à ses côtés, le temps que ça durerait.

Pour le moment, les deux se contentaient d'une comédie bien huilée. Le chat et la souris. Pour un élément extérieur, il était évident que Johann était le prédateur et l'autre sorcier la proie. La réalité était tout autre : ils étaient tous deux l'un et l'autre, à part plus ou moins égal. L'apparence presque fragile de Serger l'avantageait face à un ennemi qui ne parvenait pas à voir le rideau. Ce n'était pas le cas de Johann, même s'il devait avouer sa frustration : s'il déceler sa position, il lui était impossible de l'attraper et de tirer un coup sec dessus pour voir ce qui se cachait derrière. Pour le moment. N'était-ce pas le but de la manœuvre, après tout ? Était-ce le cas également pour le traqueur de mage noir ? Sans doute.

« La table du fond, vous convient-elle, Mister Serger ? »

Sans attendre la moindre réponse, imposant ainsi sa décision comme il en avait l'habitude, il se dirigea vers l'endroit indiqué et s'y installa. Ils se retrouvaient à nouveau face à face. Ainsi, ni l'un, ni l'autre n'avaient plus droit à la moindre faiblesse. Les masques étaient en place, le rideau était levé, la scène pouvait commencer. L'acteur ne lâchait plus son confrère des yeux, et si son regard devait se perdre ailleurs, il faisait bien attention à ce qu'il restât dans son champ de vision. La moindre seconde d'inattention pouvait être fatale ; une leçon qu'il avait bien intégrée, qui était parfaitement valable dans les deux mondes opposés où il avait évolué depuis sa sortie de l'école de magie.

Apparaissant de nul part, Madame Rosemerta vint à leur rencontre pour prendre leur commande. Levine eut l'air surpris de sa question, comme s'ils ne s'attendaient pas à sa venue ou, en tout cas, à son moyen de transport. Kayser ne parvint pas à définir si la surprise qu'il put lire fut exagérée, feintée, ou si elle était réelle. C'était à la fois frustrant et exaltant. Dans l'optique de continuer à l'observer en silence et pour imposer sa présence, il décida de ne pas répondre le premier. Il devait patienter, savoir quand attaquer, trouver la faille ; même dans les échanges les plus anodins, il était possible d'offrir de nombreuses informations, alors autant faire très attention.

« Bonjour, dit-elle. Qu'est-ce que ces messieurs veulent boire ?
Bonjour, répliqua Serger avec un sourire amical à l'intention de la femme. Un café, s'il vous plaît. »

Il se montrait poli, courtois, voir amical. Personne était amical dès la première rencontre. Mamade Rosmerta se montra immédiatement plus à l'aise avec lui. Ils se connaissaient sans doute déjà, pensa Johann au départ, avant de se gifler mentalement ; le tout, sans que son expression faciale changeât. Il ne devait pas supposer, pas avec lui. Il devait se concentrer sur les informations véritables, uniquement. Le reste, il devrait le vérifier. Bien sûr, il ne pouvait pas le faire immédiatement. Demander à la barmaid et Levine s'ils se connaissaient maintenant aurait la subtilité d'un coup-de-poing dans l'abdomen. Tout l'inverse de ce qu'il fallait avec lui.

« Un whisky pur-feu... »

Il commençait lentement, d'une voix se voulant grave, après avoir regardé l'heure, puis, après avoir rangé sa montre à gousset à son emplacement initiale, s'offrant ainsi la pause dont il avait besoin avec une certaine subtilité, il reprit d'une voix plus impérieuse, de manière à ne laisser la possibilité d'un refus. La conversation qu'ils s'apprêtaient à avoir pouvait être longue, une supposition qu'il pouvait s'accorder sans risque, alors autant profiter.

« Et un cendrier. S'il vous plaît. »
Tout de suite. »

La serveuse se détourna et disparut à travers la foule, permettant à Kayser de recentrer entièrement son attention sur Serger. Ce dernier souffla un léger rire après ses exigences, démontrant un certain amusement vis-à-vis de ses demandes. Il était bien le seul à se permettre ce genre de mouvement d'humeur en sa présence, ce qui, il devait l'avouer, le rendait perplexe, ne parvenant toujours pas à définir la véracité ou non de ses émotions, des sentiments qu'il parvenait à distinguer. Heureusement, ça ne dura pas et l'homme reprit la parole. Il sautait de l'hippogriffe au dragon avec une rapidité assez folle, mais le plus étonnant, c'était qu'il n'avait pas l'air de le remarquer. Ou il le faisait exprès. Là encore, il n'avait aucun moyen de le savoir, ne pouvant que se contenter du rideau ondulant qu'il percevait, trop éloigné, trop bien protégé, pour pouvoir l'arracher et observer ce qui se cachait derrière.

« J'aurai dû venir vous parler en personne dès le début, Monsieur Kayser. Ça nous aurait épargné à tous deux trois jours gâchés. »

Il paraissait sincère, compatissant, se voulant désolé, mais ne s'excusant pas vraiment. Des mots finement choisis. Kayser esquissa un fin rictus, presque moqueur, mais suffisamment subtile pour laisser planer le doute. Il tapota la table avec un doigt, deux fois, avant de prendre la parole à son tour pour lui répondre, toujours avec cette adresse qui le caractérisait, parvenait à jouer de sa voix comme il jouerait d'un instrument, parvenait à savoir quand offrir les notes et quand gérer les silences.

« Ça vous aurait épargné trois jours gâchés. »

Une pause, il attrapa son étui à cigarettes et le posa sur la table, avant de relever les yeux vers son interlocuteur. Il reprit.

« Ça ne m'a pas empêché de vivre. »

Il ne dit plus rien ensuite, attendant les répliques de l'autre homme. Il aurait pu en dire plus, en avait presque envie, mais il ne pouvait pas se le permettre. Serger paraissait trop amical, trop avenant pour qu'il ne pût se méfier de lui. C'était étrange, dit ainsi, quand on y réfléchissait, mais Johann était dans un monde sans pitié, sans aucun scrupule permis, depuis trop longtemps. Baisser sa garde, c'était se retrouver acculé. Se retrouver acculé, c'était une mort lente et douloureuse assurée. Autant dire que ça ne l'enchantait pas. Alors, certes, Levine n'était pas un malfrat de l'Allée des Embrumes, mais il était un chasseur de mage noir qui enquêtait sur lui. En d'autres termes, s'il éviterait la mort, il finirait sans doute à Azkaban, parce que même si ses actions avaient un but bénéfique, il n'était pas le dernier à enfreindre la lois et, tous ses fraudes mises bout à bout lui offrait un séjour prolongé dans la prison aux détraqueurs, pour ne pas dire qu'il y passerait le reste de sa vie. Joyeuse perspective, donc.

« J'ai appris que vous étiez devenu professeur. La rentrée s'est bien passée ? J'espère que la sous-secrétaire ne vous mène pas trop la vie dure. Elle possédait sa réputation au sein du ministère. »

Le professeur ne pouvait pas savoir si ces mots avaient atteint l'autre homme, mais ce dernier décidait d'attaquer sur un autre terrain. Et Johann devait avouer qu'il avait visé juste. Il ne supportait pas Ombrage, cette pie en rose était pire que toutes les créatures, clairement mauvaises, qu'il avait pu rencontrer jusque-là, les humains compris. Parce que, non, il ne pouvait pas la considérer comme telle. Elle en avait l'apparence – et encore que ça se discutait –, elle en avait le langage, elle en avait le comportement, mais ça s'arrêtait-là. Il ne pouvait pas accepter qu'il fît partie de la même espèce que cette femme. C'était hors de question. Il esquissa un fin sourire, se voulant amusé, cette fois-ci, loin du rictus moqueur.

« Une compagnie charmante, c'est un fait. »

Le sarcasme dégoulinant de sa phrase était clairement perceptible, mais c'était voulu. Dire qu'il appréciait Ombrage relevait du mensonge tellement évident que ça ne servait à rien d'essayer. Non, il devait se montrer honnête, mais parvenir à surprendre, à créer une brèche où s'infiltrer. Il attaquait sur le sujet Dolorès, autant continuer dessus.

« Vous ne l'avez jamais rencontré ? »

Il haussa un sourcil, son regard sondant le sorcier face à lui. La question était anodine. Rien ne pouvait présager qu'il s'agissait d'une attaque. Leur conversation entière, depuis qu'ils étaient installés, ne laissait nullement présager ce qu'ils essayaient de faire tous deux. Deux hommes tranquillement assis l'un en face de l'autre, papotant comme deux vielles connaissances, voilà à quoi ils ressemblaient et c'était ce qu'ils voulaient.

« Elle est pourtant visible et d'après ce que j'en sais. »

Il laissa planer quelques secondes avant de reprendre. Un temps précieux, savourant le silence qu'il imposait à son interlocuteur. Il l'avait toujours fait et ne se gênait pas avec lui, d'autant que l'inverse finirait par rendre bien plus suspicieux son compagnon de boisson du moment. Si ce n'était pas déjà le cas. Rien était moins sûr. Enfin, si, c'était sans doute déjà le cas, mais autant minimiser au maximum, si c'était possible. C'était déjà plus exact.

« Le Ministre se mêle beaucoup de vos affaires en ce moment. »

Il parlait des affaires des Aurors, ce que Levine devinerait facilement. C'était à son tour de jouer. Une parade, un déplacement, un sort lancé. Le premier à attaquer était souvent le perdant, parce que l'adversaire avait l'attitude ensuite à imposer son propre rythme suite à sa défense. L'attaquant se retrouvait alors pris au piège dans son impatience. La vraie problématique ici, c'était qu'il était complexe de définir qui avait véritablement assailli l'autre. En somme, si les deux étaient d'excellents duellistes, aucun d'eux ne pouvait prétendre imposer son rythme à l'autre. Même s'ils essayaient déjà et continueraient sans doute inlassablement.

« Sachant qu'elle est sa sous-secrétaire d'état... »

Il ne termina pas sa phrase et la laissa volontairement en suspens. Ce fut à ce moment que Rosmerta arriva pour les servir, ne permettant pas à Serger de répliquer. Elle déposa le cendrier, le whisky et le café devant eux et Kayser s'autorisa un fin sourire pour la dame. Il inclina également la tête dans sa direction pour la remercier. Il employa également le mot d'usage pour cela, puis la laissa filer, se contentant ensuite d'observer les réactions de son voisin pour savoir comment il se comportait en société, avec les autres. C'était toujours enrichissant pour déceler de nouvelles pistes pour attaquer. Il sortit une cigarette de son étui dès qu'elle fut à quelques mètres, à discuter avec d'autres clients et l'alluma d'un claquement de doigt, embrasant ainsi le mélange de tabac, de papier et de poison, pour en inhaler la fumée la seconde d'après. Il ne restait plus qu'à savoir comment l'antagoniste essaierait de reprendre la main. Le jeu n'était pas terminé, il ne faisait que commencer.

2220 mots.
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Johann A. Kayser
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Johann A. Kayser

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Heart Made Of Glass, My Mind Of Stone
Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être. by Wiise
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Lun 6 Avr 2020 - 23:11
Le chasseur traqué.Lévine & Johann
I cheated myself. Like I knew I would. I told you I was trouble. You know that I'm no good,. ( You Know I'm No Good → Ash Riser ) ••• Le bluff. Il ne lui restait que ça. Les échecs, leur partie était tendue. Ardue. Lévine avançait, à tâtons, comme piégé des griffes d'un animal assoiffé. Un loup. Un serpent. Une bête gigantesque réfléchie et invulnérable. Mensonge. Tout le monde a une faiblesse. Elle peut être cachée. Dissimulée. Mais elle est là. Debout sur le damier crème et abyssal, il attendait. Il fixait son adversaire, le roi, l'empereur de la partie.

Que chercher ? Que voir ? Que dire ? Quelle attitude adopter ? Il s'était fait pion, proie à sa merci pour mieux l'attirer. Les veines ouvertes, écorchées pour que son sang l’appâte, le comble. Comme une caresse. Il le brossait dans le sens du poil. Aller dans son sens, suivait son courant. Comme un poisson, il roulait des écailles, usait de la brillance de l'eau et des vagues. Il se faisait petit. Fragile. Poli. Petit idiot sans instincts, sans réparties, sans arrières-pensées.

Mister Auror était ainsi. Un homme sans histoire. Bateau. Banal. Un bon ami. Un bon fils. Un bon citoyen. Un bon sorcier. Une bonne oreille. Un bon gars. Il avait été parfait. Amélioré avec les années. Une pratique compliquée. Un passe-temps peu commun. Un rôle sur-mesure. Un reflet surfait, enjolivé, pétillant. Un sourire aimable, jovial et amusé. Des expressions discernables, beaucoup. Un regard vif et brillant. D'intelligence et d'idiotie mêlées, entrelacées. Le tableau d'une victime. D'une proie. D'un renard au pelage immaculé, perdu au milieu d'une forêt ou d'un désert cuisant. Jamais au bon endroit. Toujours décalé. En marge de la société. Et pourtant intégré. Un paradoxe stylisé. Apprécié. Aimé. Confident des uns. Aide des autres. Un bon collègue. Un bon équipier. Un bon élément. Une étiquette lui collant à la poitrine, au front. Être lui. Ne jamais cessé de l'être.

Comme un comédien, il montait sur la scène. Tous les jours un nouvel acte. Une nouvelle représentation. De nouveaux spectateurs. Des habitués. Des têtes blondes innocentes. Des vieillards aveugles. Des femmes naïves. Des hommes instables. Il pouvait être tout et rien à la fois. Quelle personne voulez-vous voir ? Un ami ? Un amant ? Un curieux ? Un parent ? Un frère ? Un égal ? Un rival ? Que voulez-vous que je sois ? Jaloux ? Amoureux ? Haineux ? Surprit ? Attendri ? Triste ? Dîtes-moi, quels sont vos désirs ? Un rendez-vous ? Un café ? Des fleurs ? Un compliment ? Un sourire ? Une confidence ? Je peux changer, être ce que vous voulez.

Assit, la posture droite, mais avachie, il attendait. Il observait. Masque sur le nez, mains sur les cuisses,. Il le regardait. Lui. Son unique visiteur. Sur les planches, il tournait. Se faisait beau. Séduisant. Éros sur des patins. La silhouette longiligne. Androgyne. Une danse attractive. Les rideaux étaient levés. Il pouvait recommencer. Continuer à jouer son jeu. Une pièce après l'autre. Un pas. Puis deux. Tourner une fois. Un saut. Le souffle contrôlé. Lent. Comme endormi. Calme. Serein. À sa place. Il patientait. Il savait l'être. L'homme au cigare le lui avait appris. Une leçon imprimée. Comprise. Appliquée.

C'était comme une partition. Ou un script. Il avait déjà les paroles. Les gestes. Les didascalies. Il n'avait qu'à suivre. Tout était déjà écrit. Pourtant, il devrait improviser. Tout était déjà bousculé. Chamboulé. Sur un terrain peu connu, souvent fantasmé, imaginé, mais jamais à son avantage. Que faire ? Que dire ? Quoi penser ? Ne rien montrer. Rien de plus que lui.

« J'aurai dû venir vous parler en personne dès le début, Monsieur Kayser. Ça nous aurait épargné à tous deux trois jours gâchés. », une voix dosée, une goutte de compassion, une de politesse, et une de regret. Comme un potioniste, un alchimiste, il se retrouvait à concocter un élixir. Armé d'une pipette, il distillait, lentement, en professionnel, les émotions dans son ton. Jamais trop. Jamais peu. Le juste-milieu.

« Ça vous aurait épargné trois jours gâchés. », lui répondit le criminel. Une phrase. Un coup. Un applaudissement. Une réclamation. Touché.

L’interprète baissa le nez, en proie à un remord feint, à une culpabilité exagérée. Le renard courbait l'échine, assommé par l'accusation, la pique écrasante du chasseur. Fusil aligné. En joug. Il la sentait à nouveau. Cette peur. Cette sueur coulant sur sa nuque, débordant de la cime de ses mèches sombres, jusqu'au col noir de sa chemise cintrée. L'appréhension d'être un gibier. Un cerf. Un lapin. Ne plus être pourvu de crocs, de défense. Ses doigts se crispèrent sur son pantalon. Ongles parfaitement taillés. Jamais rongés. Il y aurait eu une faille. Son sourire reste figé. Fixe. Armure inébranlable. Les yeux de Kayser le transpercent. Deux lames de rasoir qui l'entaillent. Le brûlent.

Il est son Batman, là où est il est le Joker. Une coupure. D'une joue à l'autre. Continuer à sourire. Faire semblant. Le haut de son corps ne bouge pas. Ne faiblis pas, conscient qu'il n'en a pas finit. Les phrases de l'homme vont par deux. Par trois. Jamais seules. L'art des pauses, de l'attente. Lévine ne la maîtrise pas. Une corde qu'il ne possède pas. Il la veut. Il la convoite déjà. Montres-moi en plus.

« Ça ne m'a pas empêché de vivre. »

Parfait. Un mot qui aurait pu lui arracher un sourire satisfait, de contentement. La peur fut balayée. Reléguée au second plan. La douleur revenait. Amie docile. Complice de crime, d'infortune. Sa main migra sur son avant-bras. Miroir au mouvement de son interlocuteur. De son reflet et spectateur. Il n'attrapa pas de cigarettes. Il se contenta de frotter le bandage qu'il ressent. Inconsciemment. La déchirure le fit s'agiter un peu. Il le ressent clairement. Le liquide qui s'échappe de sa plaie. Qui vient tâcher un peu plus l'ouvrage de soin qu'il s'était apporté. Un rituel. Une envie pressante. Son mouvement est teinté de gêne, d'embarras, d'inconfort. Il doit apprendre. Comprendre cette nouvelle arme, ce nouveau masque que l'homme au costume lui dévoile.

Mais pour ça, il joue son tour. Un cavalier. Un L vers l'avant. Une invitation à l'attaque, à l'assaut. Le renard se fait lapin. Apeuré. Sur la défensive. Vulnérable. Tout dans son rôle, il remonte sa paume sur sa nuque, pour d'une pensée, d'un embarras passé, laisser le rouge le gagner aux joues. Stressé. Timidité. Faiblesse. Ses lèvres tressaillent, pour qu'un rire s'en échappe. Un ricanement désolé. Sincère, n'est-ce-pas ? Regardes-bien.

« Oh.. Hum.. Je vois. Je suis navré, encore une fois. », commença-t-il en préambule. Ses épaules se courbèrent légèrement, suivant la ligne de son dos qui vient s'incliner. Son regard se déroba, quittant celui de Kayser pour dériver plus loin, quelque part sur le reste de la salle. Il n'y a pas grand monde à cette heure. Pas encore. Il voyait une. Non, deux personnes, un peu à l'écart. Comme eux. Une fille et un garçon. Un couple. Ils chuchotent. Puis s'éloignent. Quel âge ont-ils ? Quinze ? Peut-être seize ans ? Elle rougit. Comme lui. Elle rit, se recule, pour mieux revenir au creux de ses bras, qu'il lui ouvre.

Pathétique. Dans une année, ou deux, ils verront, ils comprendront. Cet amour qu'ils voient, qu'ils désirent, il n'existe pas. Ses pupilles stagnent. Sans doute une seconde de trop. Elles s'arrêtent sur ce malheur qu'il leur imagine déjà. Peut-être qu'il le leur souhaite. Sûrement. Il veut qu'ils souffrent. Tous. Autant que lui. Égoïste. Auto-centré. Il secoua la tête, rejetant l'éclat miroitant d'une flamme dévorante dont il a rêvé.

« Et je m'en serai d'autant plus voulu.. Votre vie m'a l'air des plus intéressante, Monsieur Kayser. », il pencha la tête à droite. Puis à gauche. Ses yeux foncés revinrent sur lui. Sur sa stature imposante. Sur ce bloc de marbre parfaitement sculpté. C'était frustrant. Moins amusant. Il voulait le briser. L'entailler si profondément qu'il en garderait une marque. Une cicatrice. Comme lui. Son sourire persista. Constante dans son cinéma. Dans son Art. Chacun le siens.

« Chacun possède ses habitudes. », avec lenteur, il posa sa main sur la table, le bout de son doigt traçant quelques cercles invisibles sur la table. Un tic inventé. Une manie superficielle improvisée. Juste pour lui. Il pourrait en être flatté. « Et les vôtres sont assez.. Hum.. », il mima l'hésitation, roulant des yeux jusqu'au plafond éclairé de chandelles. Les flammes dansèrent dans ses iris. L'odeur des cendres. Ça ne l'avait jamais quitté. Pas un instant. C'était toujours là. Tout le temps. Comme un fantôme. Un ami imaginaire. Un moment de silence. Quelques secondes, qu'il lui avait emprunté. Une technique volée. Recopiée.

« Révélatrices, je dirais. », finit-il en revenant à lui. Il n'était qu'un imitateur. Il savait feindre. Jouer. Reproduire. Apprendre de leurs façons d'être, de leurs réflexes inconscients. Il les détester. Autant qu'il était fasciné. Un pincement de lèvres. Un soupir. Un rire nerveux. Ils étaient irritants. Mais il apprenait d'eux. Pour mieux se fondre dans la masse.

Sa paume glissa, pour mieux rejoindre sa jumelle, sur ses cuisses. Jointes. Liées. À l'aise. Ne pas flancher. Il avait repris la main. Un coup simple. Montrer les dents. Mais pas trop. Juste un rappel. Comme une petite tape sur les doigts. De renard, il était passé chasseur. La carabine dans la main, il pointait le visage inexpressif de l'homme. L'index sur la gâchette, il se refusait à tirer. C'était trop simple. Lui tendait-il un nouveau piège ? Le doute s’immisça soudainement. À nouveau. Un froid des pieds à la tête. Un frisson incontrôlable. Il croisa les bras, les jambes également. Posture décontractée. Son emprise sur la crosse se desserra. Méfiance. Prudence. Un pas après l'autre. Il ne devait pas se précipiter. Il ne voulait pas perdre. Pas contre un gars comme lui. Bordel

« J'ai appris que vous étiez devenu professeur. La rentrée s'est bien passée ? J'espère que la sous-secrétaire ne vous mène pas trop la vie dure. Elle possédait sa réputation au sein du ministère. », un coup de semonce. Compréhension dégoulinante. Sourire désolé. Draper son agression dans un voile théâtral. Sa tour venait d'éclater l'un de ses fous. Une petite victoire.

Kayser n'en montra rien. Simplement un rictus. De l'amusement. C'était rageant. L'invitant à répliquer, il haussa une épaule, marquant la fin de son temps de parole. Sa main droite s'en alla fouiller dans la poche intérieure de son manteau. Un paquet s'en fit extirper. Doux poison. Délicat ancrage. Son pouce fit sauter le sommet cartonné, pour que son index et son pouce puissent se saisir de l'un des tubes.

« Une compagnie charmante, c'est un fait. »

Un claquement de doigt. Le bout s'alluma, dissipant une fumée prenant à la gorge devant son visage. L'air était brumeux autour d'eux. C'était une atmosphère étrange. Déroutante. Surprenante. Il voulait le frapper. Ôter cet air hautain, sûr de lui. Mais aussi l'écouter. L'entendre. Des heures durant. Putain de professeur.

« Vous ne l'avez jamais rencontré ? »

Silence. La cigarette coincée entre son majeur et son index repartie à ses lèvres. Une bouffée. La toxine longea sa gorge pour d'une caresse, gonfler ses poumons. C'était frustrant. Agaçant. Johann Kayser l'était. Tout en lui, lui inspirait ce sentiment diffus. De son petit sourire, à son costume parfaitement taillé, à sa coupe de cheveux. Mais il restait là. Assit. Sans bouger. A prêter attention à ses paroles. Fascinant. Plus que d'autres. Il voulait assimiler ça

Il l'observa. Plus encore. Un Roi. Il l'était. Couronne omnisciente perchée sur les hauteurs d'un royaume. Caché derrière des tranchées. À l'abri dans le dos de ses soldats. Il les envoyait à l’abattoir. Pion après pion. De la colère, il passa à l'amusement. À nouveau. Il voulait en voir plus. Qu'il se mette en danger. Ouvre sa garde. Et d'un coup, d'un tir, il l'enverrait au sol. Comme eux tous. Un empereur déchu. Marqué à vie par un simple roturier.

« Elle est pourtant visible et d'après ce que j'en sais. »

La vapeur s'éleva, emplissant l'espace. Il était des montagnes russes. Comme l'homme au cigare. Il le faisait passer d'une émotion à l'autre. D'un cauchemar à une haine viscérale. Puis à une irrépressible hystérie. À une volonté animale. Violente. Des bas instincts primaires. Destructeurs. Il appelait au sang. Au feu. Mais aussi au jeu. Aux échecs. Au poker. Que faire ? Que dire ? Quoi penser ? Bordel.

« Le Ministre se mêle beaucoup de vos affaires en ce moment. »

Lévine souffla sur la cendre, l'envoyant dans les airs. Ils n'avaient pas encore de cendrier. Elles s'échouèrent devant lui. D'un geste, toujours attentif, il la chassa d'un revers de main. Air intéressé. Captivé. Un masque qu'il connaissait. Qu'il avait construit. Peint. C'était le plus simple de tous. Garder le regard vague. Pencher la tête. Pincer les lèvres. Sourire. Encore. Et encore. Être à découvert. Trop. Pour mieux l'induire en erreur.

« Sachant qu'elle est sa sous-secrétaire d'état... »

Il n'était pas une proie. À aucun moment. Kayser répliquait. Faisait valser sa main sur le plateau. Un connaisseur. Il n'était pas le premier. Ni le dernier. Combien y en avait-il eu avant lui ? Un ? Deux ? Dix ? Sans doute plus. Et il comprenait pourquoi. Il était de sa trempe. C'était un beau coup. Touché. Un pion avait volé en éclats à ses côtés. Il savait viser. Ses lèvres s'entrouvrirent de surprise. De stupeur. Sa langue passa derrière ses dents. Chercher ses mots. Hésiter. Inspirer doucement. Il laissa planer un silence. Le temps de lui offrir un nouveau numéro. Il se recula dans son siège, s'y tassa. Ses épaules se voûtèrent un peu, et il esquissa un sourire de circonstance. Gêné. Peu à l'aise. Lui donner l'illusion d'une victoire. D'un avantage.

Ombrage était agaçante. Pire que d'autres. Moins que certains. Fouineuse. Stanislas l'avait en horreur. Lui, il s'en fichait. Il faisait son travail. Ce qu'on lui demandait. Il l'écoutait lui en parler. Souvent. Un immonde spécimen, qu'il disait. Vrai. Un crapaud dégoulinant de fausse sympathie, de belles paroles. Elle ne savait pas faire semblant. Tout le monde voyait. Peu lui importait. Elle n'était qu'une tête de plus. Qu'une raison supplémentaire de les détester. Tous.

Rosemerta revient. Et il en profita pour se redresser. Une nouvelle excuse. Une énième exagération. Il planta sa cigarette dans le cendrier, faisant glisser son chapeau enfumé sur les rebords. Puis, avec un empressement maladroit parfaitement répété, joué, il tritura la hanse de sa tasse fumante. Un café noir. Il faisait frais. Et il avait peu dormi. C'était son sésame pour une journée supportable. À défaut d'agréable. D'un sourire, il la remercia. Être charmeur. Poli. Elle s'en alla, ne manquant pas de les saluer, les pommettes rosies. Pathétique. Avec facilité, Lévine changea de visage, de masque, pour, à la manière d'un lunatique, d'un imbécile, passer de l'embarras à la bienveillance. Mister Auror reprenait ses droits.

« Vous êtes fort. », une réplique qui sembla lui échapper. Le surprendre lui-même. Tant et si bien qu'il pouffa de rire, camouflant sa bouche étirée de ses doigts. « Très fort, même. », concéda-t-il en enlevant sa main, pour dévoiler sa moue impressionnée. Sourcils redressés. Sourire contenu. Yeux légèrement baissés.

Il prit sa boisson, la décrochant de sa soucoupe en porcelaine, pour la porter à ses lèvres, marquant une pause. Il souffla. Il n'allait pas prendre le risque de se brûler. Pas maintenant. Il voyait sa cigarette se consumer, se rétracter sur elle-même. Prévisible. Ça le résumer bien. Après quelques secondes, il reposa sa tasse, doucement, pour se saisir d'une pierre blanche dans le sucrier. Il en ajouta une. Puis deux. Une gueule sucrée inventée. De fausses informations. Aussi futiles soient-elles.

« Écossais ou Irlandais ? », il désigna le verre de whisky d'un mouvement de menton. Son index glissa sur le cendrier pour d'une pression sur le bord jaunie du tube, l'écraser définitivement. À l'inverse de son homologue, il se réserva cette récompense pour la fin de leur entretient, de leur échange. En connaisseur, il se pencha un peu par-dessus la table, pour s'approcher de l'homme. « Permettez ? », lui demanda-t-il sans lui laisser un temps de récompense, pointant le cristal de son nez.

Avec son autorisation, il entoura le verre de ses doigts pour en humer le contenu. Il avait un odorat convenable. Et une connaissance en alcool raisonnable. Pas vraiment un grand buveur. Mais il écoutait. Observait. Son équipier aimait ça. Autant que les femmes. Il préférait le scotch. Mais une bouteille pouvait être inversée. Et Stan savait les différencier. Flemmard. Idiot. Mais avec une bonne mémoire gustative.

« Écossais. Dix ans d'âge. », conclut l'Auror après une trentaine de secondes. Il reposa la boisson à sa place, sur sa serviette en tissu, pour nonchalamment se replacer, les jambes croisées. « 1985 est une bonne année. C'est un excellent choix. »

Il prit sa propre tasse, pour en prendre une gorgée. Ne pas grimacer. Ne rien laisser paraître. Il ne prenait jamais de sucre. Jamais de lait. C'est dégueulasse.

« Amanda possède une bouteille de cette année dans son bureau, pour les grandes occasions. », il haussa les épaules, l'air à son aise. Ce n'était que des banalités, n'est-ce-pas ? Une simple conversation. « Aimait-elle déjà cela lorsque vous étiez ensemble, ou bien est-ce vous qui lui aviez fait apprécier ? »

Un coup. Un tir. Plus précis. Bien plus. Une pointe de satisfaction fit bondir son estomac à la vue de la fissure sur ce masque de glace. C'était délectable. Il était coriace. Mais tout le monde a une faiblesse, n'est-ce-pas ? Et il venait de toucher juste.  

« J'ai vu juste, hum ? Je suis navré, je ne voulais pas vous gêner, Monsieur Kayser. », il leva une main, avec un sourire. Toujours sourire. Une esquisse compréhensive. Compatissante. Alors, maintenant, c'est qui le chasseur ?

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Lévine Serger
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Lévine Serger

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Comme de la neige sur le sable

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Jeu 9 Avr 2020 - 14:48
Le Chasseur TraquéIt's funny how the human being is predictable. Whatever the character of the individual, regardless of his or her role in society, if you ask two people to do exactly the same action, they will do it without thinking. The only difference is the subtlety with which they will respond to the given order. Are you subtle, Mister Auror? I want the answer to my question.Les échecs. Johann avait eu de nombreux adversaires durant sa vie. Ça avait réellement commencé à Poudlard. Durant sa scolarité, allié et ami de Lancelot, l'instigateur d'une véritable guerre dans la maison Serpentard entre les puristes et les progressistes, il avait pris le parti du sang-pur, s'était rallié à lui et à sa cause. Il n'avait pas été aussi virulent que le Shafiq, se montrant souvent bien plus subtil. Les premières parties. Certaines qu'il avait perdues, d'autres qu'il avait gagnées. Un apprentissage qui, des années plus tard, allait lui servir.

À sa sortie de Poudlard, il avait fait ses études pour devenir Auror, s'était assagi aux côtés d'une femme qu'il avait profondément aimée. Une idéaliste, forte tête, ancienne Gryffondor qui avait su soigner certaines des plaies qui lui restait de son adolescente tourmentée dans les murs du château. Malheureusement, tout devait avoir une fin et Kayser, loin d'être utopiste, avait décidé de s'envoler avec d'autres idées en tête. Des études de Magicozoologue plus tard, il installait sa boutique à la jonction entre le chemin de traverse et l'allée des embrumes. Trop proche pour ne pas être soupçonné, trop éloigné pour donner de réelles raisons pour enquêter.

C'était sans compter l'adversaire qu'il avait préféré avoir durant sa vie. Celle qui aurait pu devenir sa femme, comme il l'avait cru suite à ses études à Poudlard. Amanda n'avait pas apprécié son départ, ni sa lettre. Au fond, il savait qu'il aurait dû lui dire en face, mais sa décision avait été mûrement réfléchie. Il ne pouvait pas se le permettre. Il ne pouvait pas accepter qu'elle parvînt à le convaincre de renoncer. Elle avait été très douée pour le persuader, plus jeune.

Depuis qu'elle était devenue chef de brigade au ministère de la magie, Johann avait eu droit à tout un défilé d'aurors. Une partie était d'une prévisibilité accablante. D'autres, plus subtiles, plus doués, étaient passés à deux doigts de l'arrêter, de trouver des preuves de ce qu'il fabriquait. Un plaisir qu'il ne pouvait laisser à sa chère blonde. Un jour, sans doute. Quand l'Angleterre serait débarrassée de la vermine qui la rongeât. Alors, ce serait lui qui se présenterait à son bureau et l'inviterait à l'envoyer croupir à Azkaban, sa besogne achevée. Il n'était pas un rêveur. Il savait que certaines de ses actions pouvaient lui valoir des années enfermées avec les détraqueurs. Un destin qu'il avait, petit à petit, appris à accepter. Mais pas maintenant. Pas encore.

C'était en ça que le challenger qu'il avait face à lui, dans cette auberge, le dérangeait. Non qu'il ne s'y était pas attendu, mais plus les coups s'enchaînaient, plus son instinct lui dictait la prudence. Les coups de l'autre homme, alors qu'il l'avait filé durant trois jours sans faiblir une seconde, était trop hasardeux par moments et trop précis à d'autres. Une tactique qui devait payer la majeur partie du temps, mais le professeur n'était ni idiot, ni aveugle. Et si son opposant maîtrisait les faux-semblants avec une finesse remarquable, à la manière d'un acteur de théâtre, le criminel ne se laissait pas duper. Ce n'était pas la première fois qu'il en voyait. Les sang-purs. Le monde criminel. Il devait toutefois avouer que Lévine devrait leur offrir des cours. C'était si fin qu'il parvenait à lui mettre le doute à chacun de ses gestes.

« Oh.. Hum.. Je vois. Je suis navré, encore une fois. »

Il l'avait dit avec un rire se voulant désolé. Il aurait pu y croire, s'il ne cherchait pas à reprendre sa propre technique. L'art de la pause ne s'apprenait pas en quelques minutes. Le regard de son vis-à-vis se perdit dans la pièce. Trop longtemps. Des adolescents qui batifolent vous gêne, Mister Serger ? Il est évident que ce n'est pas un public à la hauteur de votre talent.

L'acteur revint à lui, reprenant son rôle, repoussant sa rêverie en secouant la tête. Il se concentra à nouveau sur lui, reprenant, cherchant à l’imiter. Johann laissa un rictus, un brin moqueur, s'échapper.

« Et je m'en serai d'autant plus voulu.. Votre vie m'a l'air des plus intéressante, Monsieur Kayser. »

Immobile, son rictus toujours en place, Johann l'invitait à poursuivre. Ce genre de banalité ne l'intéressait pas. Il ne fallait pas être devin pour comprendre que son vis-à-vis n'en pensait pas un mot. Et ce n'était pas un sourire, aussi sincère qu'il pouvait paraître, qui allait convaincre l'enseignant du contraire.

« Chacun possède ses habitudes. »

L'hésitation, même minime, dans les gestes de l'Asiatique ne passa pas inaperçu aux yeux de Johann. Il aurait pu lui dire qu'il finissait par comprendre que ce n'était qu'un masque, que ce qu'il montrait n'était en rien la réalité. Il ne le fit pas. La curiosité, mêlée à la prudence, l'en empêchait. Puis, voir un adversaire utilisait sa propre technique dans l'espoir de le captiver était quelque chose d'assez drôle. Un peu comme voir l'enfant de quelqu'un d'autre faire ses premiers pas. Amusant, plaisant, mais au fond ? Inutile. Ce fût la conclusion qu'il aurait pu avoir à une autre époque, face à une autre personne. Toutefois, il pressentait que cette manie pouvait devenir une faiblesse. Une idée, le sentiment de devoir creuser dans cette direction, même si pour l'instant, il n'avait aucune idée de ce qu'il finirait par trouver derrière le mur. Un jour, quand il s'y attendrait le moins, ça lui sauterait au visage. Une future révélation en perspective, bien qu'il ne pouvait s'avoir quand elle aurait lieu, ni vraiment pourquoi.

« Et les vôtres sont assez.. Hum.. »

Johann redressa un sourcil. La patience était une force constante et nécessaire dans le monde où il évoluait. La moindre précipitation, la moindre erreur, ça pouvait être fatale. Il l'avait appris avec le temps, parfois à la dure.

« Révélatrices, je dirais. »

Révélatrices ? Il prétendait le connaître par cette simple phrase. Il prétendait savoir ce qui se tapissait au fond de son esprit. Ça ne pouvait être vrai, et pourtant, le doute subsistait. Non que ce fut réellement gênant. Il n'avait jamais caché ses faits et gestes, du moins la majorité. Il avait, bien sûr, certains secrets qu'il gardait, qu'il n'avouerait jamais. Ceux-là même, l'autre homme ne pouvait les connaître. Sauf si lui-même les lui offrait. Un jour, peut-être, qui sait, si l'auror se montrait suffisamment subtile ? L'association d'idées lui revint en mémoire, avant de la chasser de ses pensées. Ce n'était pas le moment. Le chasseur reprit. La partie continuait.

Le sujet Dolorès fut expédié assez rapidement. Attaquer sur ce terrain ne servait à rien, autant pour l'un que pour l'autre, au final, car ce n'était pas assez personnel. Même au niveau professionnel, ça n'apportait pas grand intérêt à la conversation. Le métier de Kayser, avant d'être professeur, ne se situait pas à Poudlard, ni au ministère. Ses répliques fusèrent donc, sans la moindre hésitation, sarcasme à l'appui. Il eut l'air de faire mouche.

L'air, oui, mais il lui manquait la chanson. Rosmerta revint, leur offrant leurs boissons et le cendrier quémandé. Johann la remercia d'un geste élégant de la tête, puis attrapa son étui à cigarettes, sortant l'un des tubes empoisonnés pour le coincer entre ses lèvres. Il avait attendu d'avoir le récipient pour y laisser les cendres, à l'inverse de son homologue qui, sans gêne, l'avait déjà allumé, répandant les cendres sur la table, avant de les chasser d'un revers de main vers le sol. Le poison terminé, il en écrasa le mégot, avant même qu'elle partît, puis la salua avec un sourire charmeur. Poli, mais avec un manque de respect évident envers la propriétaire des lieux. Pour un homme, un auror qui se voulait si banal, ça créait un décalage particulier. Fascinant.

« Vous êtes fort, lâcha-t-il après que la femme fut partie. Très fort, même. »

Et ce fut à ce moment précis qu'une alarme retentit dans le crâne de Johann. Il le comprendrait, clairement trop tard, mais cette réplique n'était pas anodine. Habitué à se retrouver acculé, il ne montra rien de la gêne que cette simple réplique venait d'occasionner. C'était un compliment agréable et ça avait l'air trop sincère pour que le professeur ne se méfiât pas. Aussi, ce fut avec une attention redoublée qu'il observa l'homme amener sa tasse à ses lèvres pour la figer à quelques centimètres de ses lèvres, souffler dessus, pour ensuite y ajouter un sucre. Le zoologiste attrapa son verre de whisky pur-feu et en but une gorgée, appréciant la brûlure qui se rependit dans son œsophage. Une constante qui avait le don de l'aider à maîtriser ses émotions.

« Écossais ou Irlandais ? »

Johann arqua un sourcil. Donc, c'était un connaisseur. Cette information était déjà plus alléchante.

« Permettez ? »

Il n'eut le temps que d'acquiescer, que l'auror se penchait par-dessus la table pour humer le parfum que dégageait sa liqueur. Johann arqua un sourcil. S'il y avait des informations totalement futiles dans leur échange, il y en avait d'autres qui lui seraient plus utiles. La façon dont l'homme se comportait pour prendre la main, pour forcer son ennemi à se rétracter, était très révélateur. Il avait un besoin évident de tout contrôler. Un mauvais perdant, sans doute, qui refuserait d'échouer.

« Écossais. Dix ans d'âge. »

Le criminel acquiesça. Il ne venait pas s'abreuvait ici pour rien. S'il était préférable d'aller à la tête de sanglier pour certaines affaires, les boissons y étaient de bien piètre qualité. La gérante des Trois Balais, elle, était compétente. Et elle connaissait ses goûts en matière d'alcool. Ce n'était ni la première, ni la dernière fois qu'il venait dans son établissement.

« 1985 est une bonne année. C'est un excellent choix. »

L'alarme dans son esprit retentit de nouveau. Pourtant, prudent, il préféra ne pas répliquer, le laisser poursuivre. Il lui laissait la main. Il lui offrait sans doute la victoire. Une victoire qui serait amère, Johann n'était pas un mauvais perdant. Savoir échouer était essentiel pour progresser, pour s'améliorer.

« Amanda possède une bouteille de cette année dans son bureau, pour les grandes occasions, dit-il et Kayser comprit à cet instant où il voulait en venir. Ainsi donc, il savait. Aimait-elle déjà cela lorsque vous étiez ensemble, ou bien est-ce vous qui lui aviez fait apprécier ? »

Pour un non-initié, le pincement de lèvres du plus âgé serait passé inaperçu. Mais Lévine n'était pas n'importe qui et il l'affirmait lui-même. S'en rendait-il compte ? Non, il était évident, pour l'Allemand, que l'Asiatique ne le remarquait pas.

« J'ai vu juste, hum ? Je suis navré, je ne voulais pas vous gêner, Monsieur Kayser. »

Cette phrase était la plus importante de toute. Bien sûr qu'il l'avait gêné. Bien sûr qu'il n'appréciait pas qu'il frappât aussi juste. Bien sûr qu'il venait de gagner cette première manche, même si la partie était loin d'être terminée. Ça, Johann s'en assurerait. La défaite était toujours peu agréable, mais l'échec était le meilleur des professeurs. Avec le recul, il permettait de comprendre certains détails, de remarquer où l'on avait fauté. En ça, Johann ne pouvait que le remercier. Pas sur le moment. La frustration était encore trop présente, mais ça viendrait.

« Vous avez vu juste, oui, mais voyez-vous... »

Johann se redressa, piqué au vif, et récupéra son verre. Il laissa une nouvelle gorgée glisser le long de sa gorge. Puis, dans l'idée de lui offrir une petite pique, juste pour le faire redescendre sur terre, il lui offrit un rictus amusé.

« La gêne est une constante dans notre monde, Mister Serger. »

D'un geste calculé, il plaça le tube entre ses lèvres pour en inspirer le poison, avant de le laisser s'échapper par ses narines. Son rictus ? Il n'avait pas bougé.

« Si vous voulez la réponse à votre question, demandez à Amanda. »

Un nouvel arrêt. Quelques secondes étudiaient avec soin. Il voulait apprendre l'art de l'attente ? Savoir captiver ? Observe-moi.

« Elle se fera un plaisir de vous répondre. »

Il était évident que si l'homme s'y risquait, Amanda le lui ferait payer au centuple. Elle n'appréciait pas que l'on s'immisçât dans sa vie personnelle. Qui appréciait, de toute façon ? Et même si ce n'était pas un secret d'état qu'ils avaient partagés une idylle, Johann se doutait qu'il restât un sujet sensible pour son ancienne amante.

Tournant son regard vers la salle qui commençait à se remplir, il remarqua une élève de Serpentard qui s'approchait, lui faisant un signe, pour se rendre évidente à son regard polaire. Elle jouait pour le moment des coudes pour s'approchait, mais elle lui offrait l'excuse parfaite pour partir. Avec panache, parce que c'était toujours plus enivrant.

Avec des gestes tranquilles, reléguant la frustration de son échec du jour en fond, il se releva et remit son manteau, sa cigarette plantée entre ses dents pour la maintenir en place. Puis, tournant ses iris bleutés dans ceux, métalliques, de son vis-à-vis, il se pencha sur la  table pour attraper son verre par les rebords. Il resta dans cette posture dominatrice pour reprendre la parole.

« Oh, et, avant que je rejoigne l'élève qui me fait signe... »

Il était en échec. Le mat n'était pas pour tout de suite. Lévine allait le saisir. Johann y voyait une certaine... poésie. Après tout, le théâtre, qu'importe le lieu, restait un art, non ?

« Vous devriez prendre garde, Mister Serger. »

Il écrasa son mégot dans le récipient et se redressa, apportant son verre à ses lèvres pour le boire cul-sec. Il avait une excellente descente, à force de pratique à travers les années. Il fit claquer le cristal sur la table. Les derniers mots, le dernier coup joué.

« Votre sourire était plus convainquant au début. »

À la manière d'un certain Maître des Potions se drapant dans ses robes, Johann fit claquer son manteau dans l'air en se retournant. Il mettait fin à la conversation ainsi, bien que restant dans l'établissement. C'était une promesse qu'il lui faisait, bien qu'insidieuse. Il se reverrait. Pour l'heure, il lui laissait l'occasion d'apprécier son petit succès. Alors, Mister Auror, préférez-vous une défaite avec panache ou une victoire sans saveur ?

FIN

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Johann A. Kayser
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