10-10-1995 Groupie involontaire [PV Jules Murphy]

Mardi 10 octobre 1995

Haut dans les airs, loin dans le ciel ! La vitesse comme alliée, le sourire aux lèvres ! Les nuages étaient violets et le temps parfait. L'équipe était efficace et synchronisée. Jules avait le souaffle et accélérait. Encore et encore, puis elle tira. Droit vers le cercle du milieu. Le gardien s'interposa. Il avait des bouclettes violettes. Ariel ? D'un coup, il s’immobilisa dans une grimace figée. Le souaffle vint le faucher en plein ventre et fit basculer la statue de marbre de son balais. Ariel dégringola dans un gouffre infini. Jules cria en plongeant à sa suite. Un cognard frôla son épaule à toute allure et lui hurla : « C'EST DE TA FAUTE ». Le vif d'or vint lui chatouiller l'oreille et lui murmura : « Tu l'as trahi, tu n'es pas son amie ». Taisez-vous ! Taisez-vous ! Taisez-vous ! Le visage d'Ariel continuait à disparaître dans le néant tandis que les voix hurlaient de plus en plus fort. TAISEZ-VOUS !

Jules se réveilla en sueur dans son lit à baldaquin. Quelle heure était-il ? Tôt. Bien trop tôt. Elle tenta de refermer l’œil mais impossible, le visage stupéfixié d'Ariel revenait en boucle dans son esprit en lui crachant une vérité blessante. Celle qu'elle n'avait trop longtemps pas osé regarder.

Jules se défit rageusement de sa couette et sortit de son lit. Rien ne servait de s'obstiner, elle n'arriverait plus à se rendormir. Pourquoi fallait-il que son cerveau ressassât sa culpabilité maintenant ? Elle avait pourtant mis les choses au point avec son confident ce week-end, il était temps de passer à autre chose.

La Murphy s'habilla et prépara rapidement ses affaires. Sur sa table de chevet, son œil resta accroché à l'édition d'octobre de la Gazette du Sorcier. Elle n'avait pas encore eu le temps de la lire avec tous les entraînements de Quidditch qu'elle s'était imposé dernièrement pour réussir les sélections. Alors, maintenant qu'elle avait décroché le poste de Poursuiveuse, il était temps de souffler et de remettre un pied dans le monde extérieur en s'informant comme il se devait. Elle passa son sac à dos sur une épaule, attrapa le journal, puis quitta son dortoir en le dépliant.

Bien sûr, il y avait des priorités à tout. Avant les articles sérieux concernant les dernières nouvelles du monde sorcier, la jeune sorcière se focalisa sur sa rubrique favorite. Ainsi, c'est le nez fourré dans les prédictions de l'horoscope qu'elle franchit le portrait de la Grosse Dame.

Eh bien, en voilà de bonnes nouvelles ! Pourquoi donc son cerveau se tourmentait tant alors que le destin lui promettait de belles surprises pour ses explorations à venir ?

- Par les caleçons de Merlin, loués soient les Serpentard !

Ce cri de louange poussa Jules à lever le nez de son journal. À quelques mètres à peine devant elle, une silhouette verte et argent gisait au sol. Eh bien, cette Serpentard avait même coloré ses cheveux aux couleurs de sa maison ! La Gryffondor songea alors qu'elle venait peut-être de tomber sur une fanatique. L'idée ne l'effraya pas pour autant et elle s'approcha de la jeune élève pour lui tendre la main et l'aider à se relever.

- Eh bien, qu'est-ce que tu faisais par terre comme ça à crier à la gloire des Serpentards ? C'est un de vos rituels ? questionna la Deuxième année, perplexe. Ah non, je sais ! C'est un bizutage !

Puis, elle remarqua que le visage de la fille qui lui faisait face lui était familier. Elle l'avait déjà croisé plusieurs fois, c'était sûr, et pourtant, la Murphy n'arrivait pas à remettre de nom sur ce visage. Sûrement à cause de sa nouvelle coloration. Puis, son regard constata un autre détail : celle qui louait les Serpentards portait l'écusson des Gryffondors. Si ça ce n'était pas un comble !

Et enfin, après un instant de réflexion, l'Irlandaise compris.

- Aaah, ok... Rectification : tu es victime d'une blague, c'est ça ?

En blague, elle s'y connaissait la Murphy. Si bien qu'elle fût presque déçue de ne pas être l'auteur de celle-ci.

☾ anesidora

Mardi 10 octobre 1995

Un mardi matin d'octobre qui aurait pu être banal. Sauf qu'encore une fois, l'horoscope disait juste. Madame Irma de la Gazette était sacrément douée dans la lecture des astres, se répéta une fois de plus l'insouciante Gryffondor. À peine avait-elle lu les prédictions de son profil astrologique qu'une première surprise se posa sur le chemin de sa destinée : un lézard gisant au sol. Un gros lézard, de type humain.

- Je ne suis pas une Serpentard ! protesta celui-ci une fois que Jules l'ait aidé à se relever. Loués soient les Serpentard ! Non ! Pas loués soient les Serpentard. Maudits soient les Serpentard ! Loués soient les Serpentard. 

La scène était si comique, comment se retenir de s'esclaffer ? Jules n'y parvint pas. Son sourire s’élargit sous les élans de sa voix hilare. La jeune élève qui lui faisait face semblait se débattre avec elle-même. Peut-être était-elle schizophrène ? La conscience de Jules ne l'affligea pas longtemps de cette sombre hypothèse qui lui aurait fait amèrement regretter sa moquerie car son regard s'accrocha à l'écusson pointé par la Première année. Le blason des Gryffondor éclaira aussitôt ses doutes.

- Aaah, ok... Rectification : tu es victime d'une blague, c'est ça ?

- T'as tout deviné ! Loués soient les Serpentard ! Je m'appelle Sam. et toi ? Loués soient les Serpentard ! 

Un nouveau gloussement s'échappa des cordes vocales de la rousse.

- Désolée, mais c'est vraiment comique d'un point de vue extérieure, se justifia-t-elle. Moi, c'est Jules.

L'Irlandaise tendit la main à sa nouvelle rencontre avant d'ajouter avec un regard empli de malice :

- Loués soient les Gryffondors !

Et elle rigola à nouveau. Son cauchemar matinal lui semblait bien lointain d'un coup. Son regard détailla ensuite ladite Sam.

- Je savais bien que ta tête me disait quelque chose, on a déjà dû se croiser dans la salle commune, fit l'aînée en pointant à son tour son écusson. Tu es en première année, non ?

Une fois les présentations faites, ce fut la nouvelle coiffure de sa cadette qui attira l'intérêt de Jules. Elle, en coloration, elle s'y connaissait depuis cette rentrée ! Même si, elle, c'était le violet qu'elle revendiquait. Le vert argenté des Serpentards, très peu pour elle.

- T'sais, j'ai rien contre les relooking mais pour être tout à fait franche, une Gryffondor avec les cheveux verts c'est à la limite de l'abomination. Alors, il va très vite falloir régler ce soucis, question d'honneur ! J'ai même un contact qui peut nous aider !

Eileen la solution à tous ses soucis ! Eileen, la potionniste en herbe ! Eileen... ah non. C'était donc vrai. La dernière intervention d'Eileen n'avait pas été glorieuse et ça avait là aussi concerné un problème de teinte capillaire. La mine enthousiaste de Jules se figea alors dans une grimace perplexe avant qu'elle ne se reprenne.

- Enfin, non, en fait. On va plutôt opter pour l'infirmerie cette fois...

Sage décision Colonel Murphy.

- Viens, je vais te montrer où c'est, vu que tu viens d'arriver au château, proposa la Née-Moldue en se tournant vers les escaliers.

Au moins, ça lui occuperait les heures trop matinales de sa journée où le sommeil l'avait abandonné avant même que son réveil ne s'occupe de le faire déguerpir. Puis, elle comptait bien comploter une vengeance lionesque contre les Serpentards durant ce trajet avec sa cadette !

☾ anesidora

Mardi 10 octobre 1995

Ce qui aurait pu être interprété comme une moquerie eut le mérite de rassembler deux alliées autour d’un rire. Le rire pour désamorcer les tensions. Le rire pour retourner une situation. Le rire pour révéler la face cachée des tragédies. Le rire comme baume à tous les maux ! Ou presque tous, du moins. Mais, en bonne militante, la Murphy connaissait d’autres armes pour se confronter à des situations d’une gravité supérieure.

Là, il s’agissait d’une farce des Serpentards. Fallait-il s’en offusquer ? Surtout pas ! Ce serait les faire gagner ! D’ailleurs, le petit malin qui était l’auteur de ce crime était-il aux alentours ? Observait-il sa fourberie en étant silencieusement tapi derrière une cachette improvisée ? À cette pensée, Jules se retourna pour jeter un regard en arrière. Le couloir semblait désert. Mais l’était-il vraiment ? Probablement, il était tôt. Comment le farceur aurait-il pu prédire que des Lionceaux soient aussi matinaux ?

Se confortant dans cette idée de couloir désert, Jules reprit sa marche vers les escaliers afin de se rendre au premier étage. En espérant qu’elles ne réveilleraient pas l’infirmière une fois arrivée à destination.

- Qui est cette fameuse personne ? s’enquit Sam avec curiosité. Loués soient les Serpentard !

Jules prit un instant pour réfléchir. Serait-ce la dénoncer que de donner le nom d’Eileen ? Elle conclut rapidement que non : sa réputation commençait doucement à se faire à travers le château. Au contraire, en parlant de ses créations à une autre élève, cela contribuerait à la publicité à son entreprise ! Les élèves, c’était OK. C’était aux adultes qu’il ne fallait surtout pas en parler.

- Une Cinquième Année de notre maison, finit par répondre Jules, Eileen King. Elle fait des potions et tout mais la dernière fois que j’en ai testé une, ça a été un gros raté. Donc vaut mieux aller à l’infirmerie. Sinon, y’a les jumeaux Weasley – Fred et George - qui créent aussi des trucs chouettes ! Du style farces et compagnie.

Le regard de la Murphy se remplit de malice. Les farces, elle adorait ça ! Etait-ce également le cas de sa nouvelle rencontre ? Si ce n’était pas le cas, elle avait au moins le goût de la vengeance de part la question qu’elle posa ensuite, et ça, ça collait parfaitement avec l’intention de Jules de retourner la pareille aux vicieuses Vipères du château.

- Tu as une idée pour leur faire payer ça ? avait donc demandé la victime des Verts-et-Argent. Loués soient des Serpentard !

- Huuum…

Les lèvres de l’Irlandaise se retroussèrent en un coin pour afficher un air pensif. Les idées, ce n’était jamais ce qui lui manquait. La gamine de douze ans débordait d’une imagination impressionnante quand il s’agissait de mettre au point un plan d’attaque. Il lui fallait seulement trouver LA bonne idée. Après tout, les Serpentards avaient tapé fort ce coup-ci ! Une potion capable de faire leur louange ? La Murphy doutait qu’Eileen ou les jumeaux  Weasley soient capables de réaliser une potion de la sorte. Peut-être les auteurs de la farce l’avaient-ils dégoter dans un magasin spécialisé ? Probablement. Seul soucis : ni Jules, ni Sam n’avait l’âge requis pour se rendre à Pré-au-Lard. Alors, adieu Zonko pour la concoction d’une vengeance. Toutefois, la King et les Weasley restaient de bons fournisseurs quand il s’agissait de farces originales et en plus, la marque de fabrique serait purement Gryffonesque ! Ainsi, le choix fut fait et automatiquement les pensées de Jules se tournèrent vers la seule création d’Eileen qu’elle avait testé : les oursons changeants.

- T’sais, la Eileen dont je te parlais, elle a créé un truc pas mal en foirant l’une de ses potions. C’est des petits bonbons qui colorent tout le corps de la personne qui en mange. Un peu comme toi là qui est recouverte des horribles couleurs des Serpentards. Et si on leur distribuait ces bonbons pour se venger ? Des rouges, bien évidemment. Bon, ça ne les fera pas chanter à la gloire des Gryffondors malheureusement, mais si on arrive à en distribuer beaucoup, notre farce aura une ampleur beaucoup plus grande que la leur ! Une Gryffondor touchée contre des dizaines de Serpentards ! Tu en dis quoi ?

Le regard de la Née-Moldue se plongea dans celui de sa partenaire de vendetta. Peut-être qu’une autre idée lui était aussi venue ?

☾ anesidora

Mardi 10 octobre 1995

- J’aimerais bien rencontrer cette Eileen. Loués soient les Serpentards !

Eileen M. King, elle ne manquait pas en popularité. Sous ses dizaines de casquettes, c’était probablement son authenticité qui plaisait le plus. Eileen, c’était une Gryffondor prête à faire les quatre cents coups avec n’importe quel autre lion. Eileen, c’était une magicienne qui arrivait à émerveiller la foule et couper le souffle aux plus dubitatifs. Eileen, c’était une musicienne aussi rock que jazzy, animant les couloirs du château de ses divers instruments, en solo ou avec son groupe Salazar. Eileen, c’était aussi l’inventrice folle montant son commerce dans l’ombre du règlement de Poudlard. Eileen, tout le monde la connaissait, d’une façon ou d’une autre. Et Jules, elle, elle voulait suivre son chemin. Pour la reconnaissance ? Non. Ou peut-être un peu, mais c’était surtout une lubie de Serpentard, ça. Jules, c’était pour les mille facettes, les mille compétences, les mille univers, qu’elle voulait lui ressembler. Jules, elle aspirait à toucher du bout de ses doigts tous les mondes qui gravitaient autour d’elle pour en tirer les meilleures découvertes, pour en apprendre toujours plus, pour partager des idées, continuer à forger les siennes et puis les partager. Toucher le plus grand nombre avec ses idéaux. Que sa pancarte pour la justice soit brandi bien haut et que la foule la suive comme elle suivait Eileen quand elle brandissait ses cartes ou ses instruments.

Eileen M. King, tout le monde devait la connaître dans ce château. Hormis, visiblement, cette Sam qui se tenait face à la Murphy.

- Tu veux dire qu’il faut que tu la rencontres ! Je m’occuperais des présentations dès que possible, t’en fais pas.

Son index vint se lier à son majeur pour rebondir solennellement contre sa tempe d’un air complice.

- Je sais qui sont les jumeaux, enchaîna Sam. Loués soient les Serpentards ! Figure-toi que je les ai suivis et que j’ai découvert un moyen d’aller à Pré-au-Lard ! Loués soient les Serpentards ! J’ai l’intention d’aller y faire un petit tour un de ces quatre ! Loués soient les Serpentards ! Si tu veux, je te raconterai ! Loués soient les Serpentards !

La confidence que venait de lui faire sa cadette fit presque oublier à Jules la maudite louange qui ne cessait d’entrecouper le dialogue. Une première année qui découvrait un moyen d’aller à Pré-au-Lard après deux mois de cours seulement ? Ce serait mentir que de nier que cette idée ne provoqua aucune jalousie en Jules. Elle, en un an et deux mois d’explorations et de transgressions de règlement sans jamais n’avoir eut froid aux yeux, elle n’avait toujours pas trouvé de passage secret dans le château. Aucun. La jalousie dilua son poison dans les veines de la rouquine qui pompèrent son sang un peu plus rapidement. La Gryffondor ne voulut pas écouter les battements rageurs de son cœur, pourtant, elle fut incapable de donner une intonation enthousiaste à ses paroles. Sa voix devint subitement distante. À mi-chemin entre la stupéfaction et l’indifférence, aussi paradoxale que ce fût.

- Ah ouais ? Bah, tu me raconteras, oui...

Puis, si l’autre Lionne lui avait proposé de l’accompagner plutôt que de seulement lui raconter son excursion, elle aurait bien évidemment montrer plus d’enthousiasme, se dit Jules. Cela avait quelque chose de blessant pour elle de ne pas se retrouver protagoniste de toutes les aventures possibles. Elle avait tant l’habitude de prendre les devant, d’être la leader des grandes expéditions de son groupe aux quatre coins du château que le goût amer qui se colla à son palais en voyant qu’une autre avait pris la casquette d’exploratrice lui parut désagréablement singulier dans sa nouveauté.

Mais Jules n’aimait pas les conflits qui découlaient de futilité. Et elle avait conscience que se renfrogner pour si peu pourrait en causer un. Puis, cette Sam avait l’air sympa et intrépide, alors, si ce n’était pas pour aller à Pré-au-Lard, elles pourraient très bien partager d’autres aventures tout aussi réjouissantes ensemble ! Alors, Jules décida de reprendre possession de son enthousiasme naturel lorsque son interlocutrice proposa une vengeance contre les Serpentards. Après une certaine réflexion, le nom d’Eileen revint s’immiscer dans la discussion, menaçant de révéler sous peu toute l’admiration que Jules avait à son égard.

L’idée ? Des Serpentards ingurgitant des Oursons Changeant aux couleurs des Gryffondors. Combien ? Le plus possible. Comment ? Encore à déterminer.

- Je suis totalement partante ! s’exclama la O’Neill. Loués soient les Serpentards ! Et je suis sûre qu’on pourra trouver un sortilège pour rajouter un peu d’ampleur à notre farce. Loués soient les Serpentards ! Y’a trop moyen ! Loués soient les Serpentards !

Jules hocha vivement la tête. Autant faire un combo. Fallait-il seulement réussir à trouver le maléfice approprié à la situation et, même si Jules en connaissait quelques-uns, leurs années d’étude respectives risquaient de rapidement les mener à une impasse niveau idées et accessibilité.

-  Faudrait que je demande son avis à Léo. Loués soient les Serpentards !

Léo ? La Murphy tourna la tête vers sa camarade vengeresse. Auraient-elles un nouvel allié dans leur plan machiavélique ? Serait-ce quelqu’un de plus âgé capable de trouver et de lancer un maléfice des plus originaux à leur place ?

- Léo ? Quel Léo ? Il pourrait nous aider ? Il est en quelle année ? interrogea Jules avec le plus grand intérêt.

Les deux fillettes atteignirent le premier étage et Jules emprunta le couloir à sa droite. L’infirmerie n’était plus très loin mais hors de question d’y pénétrer tant que leur plan n’était pas entièrement fomenté.

☾ anesidora

Mardi 10 octobre 1995

Réaliser qu’elle n’était pas la seule à pouvoir se faufiler dans les failles du château était frustrant. Constater qu’une nouvelle élève allait réussir un exploit qu’elle n’avait pas seulement encore frôlé du doigt était vexant. Comprendre qu’une autre personne  allait devenir la future protagoniste d’une fraude à laquelle elle ne participerait pas était énervant.

Oui, Jules Murphy était jalouse.

Et pourtant, Jules Murphy détestait ce genre de sentiment. Dans son fort intérieur, elle était convaincue qu’il n’y avait que l’injustice qui méritait vraiment qu’elle se fâche. E pourtant, la réalité était là, cachée derrière sa propre honte : elle était jalouse. Elle voulut le nier, s’en cacher, ne pas l’assumer, mais le revers morne de sa voix la trahit. Son enthousiasme était parti.

Bien sûr que l’autre élève le perçut immédiatement. Mais Sam ne cherchant pas les ennuis – pas plus que Jules, dans le fond -, elle tenta aussitôt de rabibocher l’humeur changeante de sa nouvelle rencontre. Et elle visa dans le mille.

- En fait, débuta-t-elle, si ça t'intéresse, j'ai pensé à quelque chose, Loués soient les Serpentard ! Une fois que j’y serais allée, si ça se passe bien, on pourrait refaire une virée toutes les deux là-bas, t'en dis quoi ? Loués soient les Serpentard ! Faut en profiter ! Quand on aura le droit d'y aller, ça sera tout de suite moins amusant ! Loués soient les Serpentard !

D’un coup, Jules se sentit bête. Elle réalisa la puérilité de sa réaction et se sentit presque mal à l’aise de la proposition : Sam avait-elle vraiment envie de l’y emmener ou lui proposait-elle seulement pour ne pas qu’elle se froisse ? La fierté de la Murphy prit la fuite.

- Ce serait vraiment trop cool, répondit-elle avec un sourire timide. J’adorerais … c’est vraiment sympa de proposer, merci, mais t’es pas non plus obligé si t’as pas envie, hein !

Se rendant compte de l’aspect lunatique de ses réactions, elle décida de réenclencher le bouton de l’enthousiasme.

- M’enfin, on a déjà un grand projet à préparer d’abord ! Il faut qu’on mette au point notre action vengeresse ! Notre plan lionesque !

Entraînée par le panache de sa maison, la Deuxième année énonça une première idée : pigmenter les rangs de Verts-et-Argents d’un rouge flamboyant. Sam approuva et mentionna ensuite le nom d’un potentiel allié pouvant les aider à agrémenter leur attaque.

- Léo, c'est mon grand frère ! Loués soient les Serpentard ! Il est en sixième année. Loués soient les Serpentard ! Il est super cool et il est super doué pour les sortilèges ! Loués soient les Serpentard ! Il aime pas tellement que je me mêle de ses affaires, mais il ne supporte pas qu’on m’embête. Loués soient les Serpentard ! Du coup, je pense qu'il nous aiderait. Loués soient les Serpentard !

Un Sixième année doué en sortilège et prêt à défendre sa petite sœur ? C’était exactement ce qu’il leur fallait !

- Mais c’est parfait ça ! On a deux alliés tout trouvés pour chaque étape de notre plan : Eileen pour les bonbons et Léo pour les maléfices ! Faudra qu’on les contacte au plus vite !

Jules s’y croyait. Dans son imaginaire, Sam et elle étaient les agents spéciaux de la situation, faisant jouer de leurs contacts avant d’aller sur le terrain. Seulement, l’un des deux agents était encore encombré d’un handicap : ces satanées louanges que Sam était contrainte de répéter commençaient à donner la migraine à Jules.

- Mais bon, faut d’abord qu’on inverse cette fichue malédiction dont tu as été victime, parce que les louanges, là, ça devient insupportable. Voici l’infirmerie, très chère, déclara l’aînée en pointant la grande porte devant laquelle elles s’étaient arrêtées.

Malgré sa nuit agitée et son réveil matinal, la journée avait plutôt bien commencé pour la Murphy : elle avait rencontré une nouvelle Rouge-et-Or aussi déterminée qu’elle à saupoudrer le château de sa malice. Et les Serpentards, dans leur volonté d’humilier leurs rivaux, avaient finalement rassemblé deux complices prêtes à leur faire ravaler leur venin.

L’horoscope de la Gazette d’octobre avait donc visé juste : un destin grandiose attendait la native du Bélier ce mois-ci !

☾ anesidora