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[10/11/1995] Les affaires des autres

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Mar 20 Avr 2021 - 14:36


• 10 novembre 1995 •
⊕ LES AFFAIRES DES AUTRES ⊕


Une mèche rebelle apparaît dans l'encadrure de l'arche. Filtrant à travers les épais careaux de la salle, la lumière automnale de fin d'après-midi en fait ressortir la teinte orangée. A pas feutrés, Merula s'introduit dans le vestige que constituent les latrines de Mimi Geignarde. Les lieux sont aussi silencieux que l'on pourrait attendre d'une salle de bain hantée, à un tour de robinet près.

Aria a terminé son affaire et se lave les mains, visiblement perdue dans ses pensées. Elle ignore que sa congénère de Serpentard se tient derrière elle, mains sur les hanches, impatiente de la voir se retourner pour se livrer à une révélation théâtrale. Merula traque sa cible depuis la fin du cours d'Histoire de la magie, guettant l'occasion de surgir. Dommage que le cadre se prête si peu à la scène dramatique qu'elle avait en tête. Qu'importe ! La sorcière fait feu de tout bois.

- Ah-ha ! s'annonce-t-elle, brisant le silence. Voila pourquoi je ne t'ai pas croisée aux toilettes une seule fois en cinq ans. C'est courageux, remarques : je ne sais pas si j'arriverais à me détendre avec une morte qui me regarde à travers le battant.

Comique ou horrifique, cette scène lui inspire un peu des deux, mais Aria n'a pas besoin de le savoir. C'est pour un tout autre sujet que la Viperyn est là.

- Tu sais où je ne t'ai pas croisée non plus...? siffle-t-elle d'un ton évocateur. Au dortoir, le lendemain d'Halloween. Et aussi en cours, hier, le jour de la convocation des témoins. Coïncidence ?

Si les nuisibles comme Merula consacraient leur énergie à faire le bien pour une journée, le monde ferait un sacré bon en avant. Malheureusement pour la jeune Beurk, celle-ci a décidé de mettre son nez dans ce qui ne la regarde pas. Leurs ententes et mésententes passées ne pèseront pas dans l'équation : lorsqu'il s'agit de mettre le doigt sur une faiblesse de la concurrence, tout est permis. Cela vaut également pour ceux qui partagent sa maison.

La vipère se met à faire les cents pas dans la pièce. Ses bottes heurtent le carrelage avec un écho sourd. Le suspense est palpable, du moins dans son esprit. Elle jette quelques coups d'oeils malicieux à sa comparse, la gratifiant de ce sourire carnassier dont elle a le secret.

- Il faut mieux choisir ses mensonges quand on est une Serpentard, assène l'auburn sans ironie, omettant de mentionner le fait qu'elle soit une épouvantable menteuse elle-même. Je doute que les Aurors se soient inquiétés de tes maux de ventre lorsqu'ils t'ont interrogée. Inutile de nier, je ne suis pas la meilleure détective de l'école pour rien !

Un nouveau titre autoproclamé à ajouter à sa pile virtuelle. Détective ou pas, la menace d'une révélation plane sur Aria, et son assaillante ne se contentera pas de piètres excuses. Outre l'envie de dominer ses pairs, c'est certainement la curiosité qui anime Merula de la sorte. Si quelque chose de croustillant doit arriver, elle souhaite le savoir, quitte à prétendre s'en moquer ensuite !

- Alors, guette la sang-pur, cette soirée vallait-elle le risque d'une expulsion ?

Cette dernière réplique semble teintée d'une forme de jalousie. Sans doute aurait-elle voulu participer également si son âge le lui avait permis. La sorcière laisse enfin le temps à sa camarade de s'expliquer, loin des regards, avec un fantôme pleurnichard pour seul témoin.

Merula Viperyn
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Lun 3 Mai 2021 - 16:41
les affaires des autres
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Vendredi 10 Novembre 1995

Aria n'avait rien écouté au cours du professeur Binns. Si ce dernier avait le don de rendre absolument toute l'histoire du monde magique fade, la Serpentard réussissait généralement tout de même à s'accrocher et à prendre chaque information en note. Elle n'était pas l'une premières de la classe sans raison. Mais ce matin-là, ce fut peine perdue : à la fin des deux heures, son parchemin était seulement tacheté de notes évasives accompagnées de points d'interrogation là où aurait dû figurer les dates à retenir. À cette réalisation, elle soupira. Elle devrait rattraper ses quelques inattentions auprès de Pansy, Merula, Drago ou quelqu'un d'autre de sa classe. Du moins, si l'un d'eux s'était montré plus attentif qu'elle. En fait, elle irait plutôt à la bibliothèque pour chercher les informations qui lui manquaient : ce serait plus long, certes, mais plus fiable.

Elle aurait aussi pu aller voir le fantôme du professeur à la fin du cours pour lui demander de lui réexpliquer rapidement certains points. Elle l'aurait fait, dans d'autres circonstances. Mais pas ce matin. Elle avait attendu la pause avec trop d'impatience, elle avait besoin de sortir de cette salle, de s'isoler, de respirer. D'être seule avec ses pensées.

Ses pensées qui l'avaient parasitée toute la matinée et qui continuaient à nouer son ventre d'angoisse alors qu'elle prenait la direction des toilettes de Mimi Geignarde. Dans sa tête, en boucle, il y avait la réminiscence de certaines paroles, celles que son père lui avait adressée la veille, et l'appréhension des paroles qu'elle-même devrait bientôt prononcer. Ce soir, s'était-elle imposée. Elle ne pouvait plus laisser traîner la situation, elle devait s'expliquer avec Eileen. Non, pas d'explications, pas de discussions, elle n'aurait probablement pas la force. Elle lui rendrait sa guitare, lui ferait comprendre qu'elles ne se verraient plus, puis s'en irait.

Ce fut toujours absorbée par ses pensées qu'Aria se dirigea vers un lavabo après être sortie de l'un des cabinets. La pause de dix-heures était assez longue et elle savait qu'ici elle pourrait être tranquille. Du moins, elle l'eut cru, jusqu'à apercevoir un reflet cuivré dans le miroir.

- Ah-ha ! s'exclama Merula en entrant. Voilà pourquoi je ne t'ai pas croisée aux toilettes une seule fois en cinq ans. C'est courageux, remarques : je ne sais pas si j'arriverais à me détendre avec une morte qui me regarde à travers le battant.

Le bruit d'une chasse d'eau résonna brusquement et une flaque d'eau ne tarda pas à serpenter doucement depuis l'un des cabinets. La remarque venait probablement de vexer Mimi, et ça n'était pas plus mal : au moins, elle ne s'immiscerait pas dans leur discussion.

Dans un soupir lasse, la Beurk ferma le robinet, secoua ses mains pour se débarrasser des gouttes d'eau sur sa peau, puis se retourna vers sa camarade de dortoir. La Viperyn était probablement la dernière personne qu'elle avait envie de voir à l'heure actuelle. Si, parfois, leurs joutes verbales s'avéraient presque être un jeu délectable et si, d'autres fois, leurs moments d'accalmie laisser même entrevoir une sorte de complicité entre elles, ce matin-là, Aria n'avait envie de faire face à aucune des deux versions de Merula qu'elle connaissait. Ni les piques, ni la sympathie, elle voulait seulement la solitude, et pas le trop-plein de tout qu'était l'indomptable Viperyn. Surtout qu'à son regard fourbe, impatient et inquisiteur, ce n'était probablement pas pour une discussion de courtoisie qu'elle venait.

Aria ne réagit pas à l'humour noir de son interlocutrice, attendant la suite, même si, elle savait déjà très bien ce qui allait suivre.

- Tu sais où je ne t'ai pas croisée non plus...? enchaîna la brune, allant crescendo dans son inquisition. Au dortoir, le lendemain d'Halloween. Et aussi en cours, hier, le jour de la convocation des témoins. Coïncidence ?  

La mâchoire d'Aria se contracta. La Viperyn l’insupportait déjà et si elle s'écoutait, elle se contenterait d'un maléfice comme réponse puis s'en irait. Mais elle se devait de garder le contrôle, de ne pas se donner des allures de coupable. Son mensonge devenait, certes, de plus en plus branlant, mais elle irait tout de même jusqu'au fond de celui-ci pour l'empêcher de s'effondrer. Quitte à se prendre le cyclone Viperyn dans la tronche pendant toute la durée de la pause.

Les hanches appuyées contre le lavabo et les doigts repliés fermement sur son rebord, la blonde tenta d'apaiser son énervement qui se muait progressivement en un battement cardiaque saccadé alors que l'autre vipère se mettait à faire les cent pas devant elle, tout en continuant ses accusations.

- Il faut mieux choisir ses mensonges quand on est une Serpentard. Je doute que les Aurors se soient inquiétés de tes maux de ventre lorsqu'ils t'ont interrogée.

- Les aurors se sont surtout fourvoyés sur mon cas, répondit Aria du tac au tac, se laissant à peine le temps de réfléchir.

La décision fut alors prise en quelques secondes : elle ne nierait pas le fait qu'elle se fût faite interroger. Sur tout le reste, par contre, si. Toujours et encore.

- Comme toi, essaya-t-elle d'ajouter, mais la fouine avait déjà repris la parole pour étouffer sa réponse.

- Inutile de nier, je ne suis pas la meilleure détective de l'école pour rien !

Aria ne se gêna pas de remettre en question cette affirmation d'un haussement de sourcil exagéré suivi d'un gloussement ironique. Certes, Merula avait rassemblé les bons éléments et sa conclusion concernant Aria ne pouvait s'avérer plus juste, mais hors de question de lui faire savoir. À l'heure actuelle, la Beurk ne voyait qu'un niffleur à la recherche d'une gourmette en or qu'il n'obtiendrait jamais. Pathétique. Et insupportable.

- Alors, acheva l'Irlandaise, cette soirée valait-elle le risque d'une expulsion ?

Aria la toisa un instant, rassemblant toute sa lassitude dans ses iris pâles. Puis, elle hocha la tête en détournant le regard vers le sol, l'air perplexe.

- Hum, je vois... J'ai dû sauter une partie du règlement lorsque je l'ai lu, car je n'étais pas du tout au courant que le fait de tomber malade était sanctionnable. Je serais plus prudente, à l'avenir, merci Merula, que ferais-je sans toi ?

Puis, la blonde platine abandonna sa comédie pour rouler des yeux. Elle se redressa ensuite et croisa les bras sur sa poitrine.

- Sache que s'il n'y avait pas de fouineuses comme toi qui s'amusent à inventer des absurdités sans nom pour alimenter les ragots de l'école, je n'aurais jamais dû me rendre à cet entretien, hier. Ce ne fut qu'une perte de temps pour ces aurors qui ne savent visiblement pas où chercher.

Elle hésita. Une demie-seconde. Mais elle se devait d'enfoncer le clou, de bafouer une terrible réalité, rien que pour protéger son mensonge. Alors, elle ajouta :

- Toute cette enquête pour une stupide farce d'Halloween, en plus. C'est ridicule.

Tu es ridicule, se retint-elle de dire.

- À quoi bon s'y attarder encore, hein ? Trouve-toi une occupation plus constructive, Merula, et fous-moi la paix, à présent.

Elle la défia du regard. Si tu n'as pas compris, ça veut dire, dégage.

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Mer 5 Mai 2021 - 23:58


• 10 novembre 1995 •
⊕ LES AFFAIRES DES AUTRES ⊕


Ce n'est pas la réponse qu'elle attendait. Les grands yeux de la sorcière scrutent ceux de sa congénère, à l'affut de quelques indices qui trahiraient ses justifications. Aria ironise et nie sur un ton passif-agressif qui lui appartient. Rien, sinon son attitude pressée, ne permet à Merula de mener plus loin son interrogatoire. La Beurk n'est pas Serpentard pour rien, elle est d'habitude assez dégourdie pour se défendre sans avoir besoin de fuir la confrontation. L'entendre évoquer la presse à scandale pour mieux expédier sa camarade a quelque chose de déconcertant.

- C'est ce que dit la Gazette, c'est ça ? abonde Merula d'un air songeur. Je l'ai pas lue, mais je trouve marrant que tout le monde soit brusquement devenu expert en journalisme. Certains racontent que ce serait un coup des Mangemorts. Moi, je trouve que les deux théories sont débiles.

L'Irlandaise n'élabore pas, préférant se recentrer sur le sujet qui les réunit. Après quelques instants, son attitude inquisitrice change sans prévenir, comme un masque qui tomberait pour révéler le visage d'une petite fille qui n'obtient pas ce qu'elle veut. L'auburn à la mèche colorée souffle des naseaux, décidée à marquer son point.

- Il n'y a pas que ça, Beurk, geint la sorcière en écartant les bras. Tu n'es plus la même depuis quelques temps. Tu n'as jamais exactement été extravertie, mais pas de là à porter cette mine préoccupée sans arrêt. Tu rêvasses même en cours ! Ca ne ressemble pas à la petite fayotte que je connais. Les autres sont peut-être dupes, mais pas moi !

Consciente du message un peu trop positif que cela pourrait renvoyer, la jeune femme ne lésine pas sur les termes péjoratifs. Il ne faudrait pas que l'on pense qu'elle s'inquiète ! Elle veut simplement remettre de l'ordre dans son quotidien, et Aria en fait partie depuis le début de leur scolarité.

Abandonnant définitivement l'approche antagoniste, Merula rejoint la blonde auprès des lavabos, s'adossant contre la vasque. Sa mine renfrognée l'inspecte vainement, lui donnant des allures de hamster en colère.

- Il y a un certain rythme à ces choses, enchaine-t-elle en croisant les bras. Je viens t'embêter, tu répliques, on s'engueule, on boude, puis on se reparle et le cycle recommence...! Si tu m'envoies promener dès le départ, ça ne marche plus.

Ses vas-et-viens reprennent, motivés par la frustration. Il semble que, à défaut de savoir entretenir une amitié, Merula trouve en l'adversité une forme de routine confortable. Aria faisait jusqu'ici une partenaire de chamaillerie idéale : assez intelligente pour répliquer et assez fière pour ne pas aller pleurnicher auprès des adultes. Ces dernières semaines, en revanche, la sang-pur s'est montrée songeuse et absente, rendant caduques ses meilleures tentatives de piques. S'il est une chose que la Viperyn déteste, c'est être ignorée.

- Je finirai par trouver de toute façon, assène-t-elle orgueilleusement. Autant que ce soit de ta bouche.

Les yeux perçants de l'étudiante braquent Aria avec l'intensité propre à ses humeurs massacrantes. Merula n'a jamais été une fille très socialement évoluée, il est nécessaire de prendre ses tentatives de rapprochement avec une pointe de sel. A moins bien sûr que les priorités de la Beurk ne soient ailleurs, auquel cas rien ne la retient.
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Mar 11 Mai 2021 - 17:55
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Vendredi 10 Novembre 1995

Ça faisait mal. Ses mots. Pas ceux de Merula. Non. Les siens.
Ceux que ses mensonges lui avaient arrachés du fin fond de ses trippes.

« Une stupide farce d'Halloween. »

Elle s'en voulut à la seconde où ils s'échappèrent de sa bouche. Elle s'en voulut pour Sessho qu'elle entaillait un peu plus par ces paroles. Elle s'en voulut pour cette blessure sanglante qui dansait encore dans le coin de sa vision. Elle s'en voulut pour l'horreur d'une soirée qu'elle reléguait au rang d'absurdité. Mais elle ne s'arrêta pas. Elle ignora la boule brûlante qui se formait dans sa gorge et alla au bout de sa lancée. Seulement, répéter les inepties inventées par les journaux ne suffit pas à duper la Sang-Pur irlandaise.

- C'est ce que dit la Gazette, c'est ça ? devina Merula. Je l'ai pas lue, mais je trouve marrant que tout le monde soit brusquement devenu expert en journalisme. Certains racontent que ce serait un coup des Mangemorts. Moi, je trouve que les deux théories sont débiles.

La première l'était. La seconde non. Aria avait vu leur masque et respiré l'arrière-goût de leur noirceur. Qui d'autres aurait-ce pu être que des Mangemorts ? La brève discussion qu'elle avait eue avec l'une d'eux ne laissait pas de doute. Mais, encore une fois, l'Empathe se retint de partager son témoignage et laissa la Viperyn poursuivre son analyse. Elle ne s'attendit toutefois pas au changement de ton de cette dernière.

- Il n'y a pas que ça, Beurk, se plaignit-elle. Tu n'es plus la même depuis quelques temps. Tu n'as jamais exactement été extravertie, mais pas de là à porter cette mine préoccupée sans arrêt. Tu rêvasses même en cours ! Ca ne ressemble pas à la petite fayotte que je connais. Les autres sont peut-être dupes, mais pas moi !

S'il n'avait pas s'agit de Merula, Aria aurait presque pu croire que l'on s'inquiétait pour elle. Elle aurait même pu s'en retrouver touchée. Mais là, seul l'agacement pulsait dans ses veines. Que n'avait pas compris l'auburn dans  « fous-moi la paix » ? Question idiote, il était évident que cette expression n'entrait pas dans le champ lexical de l'autre Serpentard.

Aria ne répondit pas, se contentant de fixer le carrelage en silence, comme lorsque l'on attendait la fin d'un sermon. Qu'y avait-il à répondre, de toutes façons ? Aussi déplaisant que ç'aurait été de l'admettre, Merula avait raison. Aria s'était plus que jamais enfermée dans ses pensées en ce début de mois et elle-même ne savait plus si elle cloisonnait ainsi son esprit pour mieux fuir ses tourments ou pour mieux les subir.

L'Irlandaise la rejoignit, s'adossant à la vasque voisine, et se mit à détailler son profil avec une expression que l'Anglaise imaginait courroucée. Merula détestait ne pas obtenir ce qu'elle voulait. Celle-ci croisa les bras et les deux adolescentes se retrouvèrent alors en symétrie parfaite.

- Il y a un certain rythme à ces choses, reprit la vipère. Je viens t'embêter, tu répliques, on s'engueule, on boude, puis on se reparle et le cycle recommence...! Si tu m'envoies promener dès le départ, ça ne marche plus.

Parce qu'aujourd'hui n'est pas le jour. Parce que le sujet n'est pas le bon.

Aria se contenta de soupirer alors que l'intenable Viperyn se remit à faire les cent pas devant les lavabos. Pourquoi donc ce détail concernant Aria la préoccupait tant ?

Parce que c'est une fouine, tout simplement, répondit la voix acide dans la tête de la blonde platine.

- Je finirai par trouver de toute façon. Autant que ce soit de ta bouche.

Ça y était ? Elle avait enfin épuisé sa salive ? La Beurk releva ses iris glacés.

- Il n'y a rien à trouver, trancha-t-elle froidement.

Son regard défia celui de son vis-à-vis. L'Empathe ne céderait pas.

- Et si c'est simplement un sujet pour te quereller avec moi qu'il te faut, cherches-en un autre. Celui-là ne mène à rien. Puis, honnêtement, je me passerais bien de ce - elle décroisa ses bras pour dessiner des guillemets de ses doigts - « cycle », pour une fois.

Sa tête s'inclina sur le côté tandis que ses yeux gris se perdirent au plafond et que son index se releva.

- Voir même, pour l'année, confessa-t-elle, son regard se refaisant ensuite dur. J'ai des BUSE à préparer et toi aussi, il me semble, non ? Autant éviter de disperser notre énergie, surtout qu'apparemment, je ne serais pas suffisamment concentrée en cours dernièrement.

Plus énergivore que Merula comme être humain, ça n'existait pas. Aria maudissait régulièrement le Choixpeau Magique de les avoir fait atterrir dans le même dortoir. Toutefois, aucune autre maison n'aurait aussi bien correspondu aux deux filles et cette discussion en était la preuve même. Et, même si la Beurk pouvait peiner à le croire en cet instant, les deux vipères parvenaient quand même à bien s'entendre, de temps à autre.

Mais, pour l'heure, elles s'étaient engagées dans une discussion de sourdes. Alors, Aria dégaina son arme habituelle, dans l'espoir – sûrement vain – de clore le débat :

- Et si c'est en réalité pour toi qu'il est impossible de se concentrer avant d'être certaine que je ne me perde pas dans des angoisses dues à une escapade illusoire à la fête d'Halloween - elle reprit son souffle -, demande à Ez'. Lui, il sait que je n'y suis pas allée et que j'ai été convoquée pour rien. Il te le dira.

Éternel réflexe d'Aria : référer à son grand-frère lorsque des élèves de leur maison lui faisaient des soucis. Lui, au moins, se faisait respecter. Et il savait encore mieux mentir qu'elle.

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Lun 24 Mai 2021 - 12:39


• 10 novembre 1995 •
⊕ LES AFFAIRES DES AUTRES ⊕


Merula réprime un grognement. Aria est intelligente, probablement plus qu'elle en bien des aspects. Elle sait comment toucher juste et jouer sur les boutons de son orgueil. Pire, elle reste mesurée, tournant ses phrases de manière suffisamment ambiguë pour se dédouaner de tout antagonisme. Si la Viperyn perdait son sang froid, Aria serait incontestablement l'adulte de la conversation. Une humiliation trop difficile à supporter pour être envisagée. Que faire alors, changer d'approche ? Abandonner ?

Alors que cette question la pousse au silence, sa congénère brise le fil de sa pensée en mentionnant son grand frère comme argument d'autorité. Les yeux de la sorcière se fendent d'un regard perçant. Voila qu'Aria emploie précisément cet atout interdit que Merula méprise et jalouse, celui d'appeler à l'aide quelqu'un de proche. La Serpentard fulmine, envieuse malgré elle de cette protection qui l'éloigne de sa partenaire-victime favorite.

Ajoutez à cela une insinuation quant à ses préoccupations réelles, et le cocktail instable ne peut que déborder.

- N'importe quoi ! se braque la jeune femme. Je m'en fiche de ce que tu traverses, j'ai bien assez à faire pour me soucier des problèmes des Beurk !

L'Irlandaise ronge visiblement son frein, adroitement manipulée par sa comparse. Admettre une sympathie envers qui que ce soit ? Merula ne le permettrait jamais. Ce n'est pas ainsi qu'ont brillé les meilleurs sorciers de leur maison, elle laisse volontiers ces âneries aux Poufsouffles.

- Tu me déconcentres, c'est tout, peste l'auburn en s'éloignant des lavabos. J'aime quand les choses sont à leur place, et toi, tu ne sais de toute évidence plus où est la tienne ! Dis-toi que ton cher frère ne pourra pas toujours s'embarasser d'une épine dans le pied.

La sorcière aux Doc Martens va se planter devant la sortie des toilettes, mains sur les hanches, prête à asséner une dernière salve envers sa partenaire habituelle de chamaillerie.

- Laisses-moi me soucier de mes BUSE, siffle-t-elle sur un ton incisif. Si tu décides un jour de revenir parmi nous, je daignerai peut-être te laisser mes notes...!

Une porte ouverte qui, d'ordinaire, n'en est pas vraiment une. Cette fois-ci, pourtant, ce n'est pas la cruauté qui l'étouffe. Il se peut Merula soit honnête dans sa proposition. Certes, elle exigerait maints compliments envers sa personne et ne manquerait pas d'humilier sa collègue, mais elle lui offrirait néanmoins son aide. Nouvelle preuve d'attachement inavoué ? Foutaises, une preuve est concrète ou n'est rien du tout.

- ... Et en plus, je serai mieux notée que toi ! vocifère la vipère en quittant la pièce, laissant derrière elle Aria avec l'echo de ses bottes pour seule compagnie.

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Mer 2 Juin 2021 - 14:21
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Vendredi 10 Novembre 1995

Aria n'avait jamais totalement accepté l'idée de n'exister que par son nom de famille. De n'avoir de valeur que par son sang. Elle voulait croire qu'elle était plus qu'un nom, qu'elle était plus que la descendante d'une lignée pure, qu'elle était plus qu'une Beurk. Et, pourtant, parmi ses premiers réflexes de défense, il y avait encore celui de se cacher derrière la réputation des membres de sa famille. Comme à cet instant précis, face à Merula, où elle faisait appel à la notoriété et au respect qu'inspirait son grand-frère.

Ou comme ce fameux soir.
Celui-là même qui était au centre du débat. Ce soir-là, elle avait cru pouvoir utiliser son nom de famille comme bouclier. Idiotie. Son action avait, à l'inverse, dessiné une croix rouge sur son front et celui de ses parents.

Toutefois, ce vendredi matin, elle ne faisait pas face à une Mangemort, mais à une autre élève. Alors, son argument d'autorité allait-il encore une fois se retourner contre elle ? Visiblement, la première réaction de Merula ne fut pas provoquée par l'évocation d'Ezechiel mais bien par la pique qui avait précédé.  

- N'importe quoi ! se vexa-t-elle. Je m'en fiche de ce que tu traverses, j'ai bien assez à faire pour me soucier des problèmes des Beurk !

Exactement. Elle avait bien mieux à faire.

Aria retint un sourire victorieux : elle avait touché l'orgueil de la Viperyn juste là où il fallait pour espérer un repli de sa part. La frustration qu'elle sentit émaner de cette dernière en devint même presque agréable.

- Tu me déconcentres, c'est tout, se justifia ensuite l'auburn. J'aime quand les choses sont à leur place, et toi, tu ne sais de toute évidence plus où est la tienne !

Ouch. Merula aussi, savait viser juste.

Là encore, Aria garda son masque d'impassibilité, tachant de ne pas afficher l'angoisse soudaine que venait de déclencher ce commentaire. Tout le monde autour d'elle - que ce soit son père, son frère, son cousin, ou encore Merula - semblaient savoir précisément quelle était sa place. Mais quelle était-elle ? Elle aurait voulu hurler cette question à chacun d'entre eux. Elle aurait voulu la crier à cet instant-même, dans ces toilettes délaissées où ses mots auraient résonné avec désespoir sur chacune des dalles du carrelage du sol et des murs. Mais la Sang-Pur réprima la question au fond de sa gorge et déglutit, juste avant de recevoir la prochaine salve.

- Dis-toi que ton cher frère ne pourra pas toujours s'embarasser d'une épine dans le pied.

Cette fois, la Beurk ne put retenir la tension qui vint crisper ses traits. La voix de Merula fut, en cet instant, plus détestable que jamais tant elle fut criarde de vérité.

Pire que de n'exister que par son sang : être l'épine dans le pied de toute sa famille. Et peut-être n'existait-il en fait nul autre place pour l'adolescente ?

L'Irlandaise avait rejoint la porte et, droite et fière, s'était retourné à l'orée de la sortie pour tirer son ultime réplique :

- Laisses-moi me soucier de mes BUSE. Si tu décides un jour de revenir parmi nous, je daignerai peut-être te laisser mes notes...! Et en plus, je serai mieux notée que toi !

Alors que le rythme de ses Doc Martens s'éloignait déjà dans le couloir, la voix d'Aria grinça sourdement entre ses dents.

- N'y penses même pas...

À nouveau seule, la blonde lâcha un soupir rageur et se retourna pour prendre appui de part et d'autre du lavabo. Elle voulait s'éteindre. Ou que le monde entier se fige. Pour ne plus penser à rien. Ni à ses craintes, ni à ses doutes, ni à ses mensonges, ni à ces tensions.

L'Empathe ouvrit un robinet et barbouilla son visage d'eau froide. Lorsqu'elle releva ses prunelles vers son reflet, une nouvelle tourmente semblait s'être accrochée à ses traits, lui susurrant :

Quelle est donc ta place, Aria ?

FIN

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