Camilius est un homme âgé d'une trentaine d'années, aux yeux verts, de taille moyenne, et à la musculature inexistante. Ses lunettes lui sont indispensables, et il se coiffe uniquement lorsqu'il doit paraître en public. Il porte des vêtements classieux au possible : chaussures de ville de cuir, vestons, montre à gousset, chemise, lui permettent de compenser le manque de confiance en lui qu'il traine depuis ses jeunes années.
S'il est aujourd'hui professeur à Poudlard, ce n'est pas par la force de sa conviction, ni par sa détermination à être le meilleur. Son père, attristé de voir que son fils ne s'épanouissait pas au Ministère de la Magie, dans le Département des Accidents et Catastrophes Magiques, contacta Albus Dumbledore pour le prier de laisser une chance à Camilius, qu'il savait talentueux.
D'un tempérament rêveur et créatif, Camilius n'en reste pas moins un érudit, et un logicien confirmé. Il ne supporte pas de ne pas avoir la réponse à un problème, et il lui arrive de rester des heures devant des ouvrages, oubliant parfois de s'alimenter. Il excelle dans les sortilèges, car il possède une rigueur de travail cartésienne, scientifique, et n'envisage pas l'échec.
C'est là tout le paradoxe de Camilius : lorsque le sujet ou la conversation l'intéresse, lorsqu'il sent qu'il peut briller, être reconnu, lorsqu'il est stimulé intellectuellement ou créativement, il déploie des trésors de concentration, de sérieux, et de confiance en lui, qui le mènent sans trop d'efforts à la réussite. Cependant, il reste assez timide et porte en permanence un masque social bien épais, et n'est pas toujours à l'aise avec les gens. Même lorsqu'il s'agit de dialoguer, d'interroger des élèves, ou même de parler à des proches, il évite le regard frontal, feint d'être concentré en regardant de côté ou ailleurs, tout en hochant la tête d'un air concerné.
Lorsqu'en plus, il n'est pas intéressé, ou qu'il est absorbé par un problème, il est difficile pour l'interlocuteur d'être certain que Camilius aura retenu quoique ce soit de la conversation.
Grand timide avec les dames, éternel romantique, lecteur passionné d'ouvrages aux histoires d'amour si dantesque que l'irréalité de celles-ci lui échappe malgré son intellect, Camilius ne cherche plus à plaire aux femmes. Toute sa vie n'a été qu'une suite d'illusions perdues, de déceptions amères, voire d'humiliations cuisantes.
Pour autant, malgré ses défauts sociaux, dont il est conscient, Camilius ne peut s'empêcher de se considérer avec hauteur. C'est par lui-même qu'il a tout réussi, même si parfois on l'a placé au bon endroit au bon moment. Il déteste la stupidité, conspue l'ignorance, qu'il considère comme un "crime" contre l'Humanité. L'Homo Sapiens étant parvenu à ce stade d'évolution, Sorcier comme Moldu, peut importe, ne pas Savoir est quasiment contre nature.
Son entrée comme Professeur à Poudlard est pour lui l'occasion de s'affirmer, car il est fort prestigieux d'y enseigner. Quelquefois cela le gonfle d'orgueil. D'autre fois, il fixe le plafond de sa chambre pendant des heures en se disant qu'il est un imposteur, et qu'il ne mérite pas sa chance. Ces moments restent assez passagers, car il est également très occupé par ses divers projets de création de sorts.
Cette sensation de subir l'existence lui pèse régulièrement, mais il trouve néanmoins de la force, de la reconnaissance, et de l'espoir, parfois, dans le regard de certains élèves.
Il était une fois...
Enfance
Camilius Serotinus est né d'un père sorcier, Argentus Serotinus, et d'une mère Moldue, Elise Schalenbacher, d'origine germanique. Les deux tourtereaux s'enamourachent rapidement lors d'un mariage. Elise est subjuguée par Argentus lorsqu'il finit par lui avouer qu'il est un sorcier, et ils s'installent à Londres, dans un beau quartier résidentiel. Argentus est aux anges lorsque son fils nait. Il sera un Serotinus, un homme fort, dont les ancêtres ont accompli des exploits quasi-légendaires, paraît-il.
Elise cependant, ne lui a pas donné un guerrier, mais un rêveur. Pas un homme fort, mais un bébé doux et calme, qui joue avec des cubes et les empile méthodiquement. Un enfant sage, qui se raconte des histoires avec ses jouets, seul dans sa chambre.
D'aussi loin qu'il s'en souvient, Camilius veut que son père le prenne dans ses bras, et que sa mère le félicite. Si c'est un peu le cas pour cette dernière, son père est bien plus laconique et lapidaire dans ses démonstrations affectives. Camilius se rappelle d'un sentiment de solitude. Puisqu'il est sage, ses parents peuvent le laisser tranquille et n'ont pas besoin de le surveiller constamment. D'ailleurs il n'ose pas n'être pas sage. Que pourrait-il advenir ? Ses parents ne l'aimeraient sûrement plus. Il parait que les enfants turbulents n'ont pas de cadeaux et sont punis. Lui ne veut pas être puni. Certainement pas. C'est surement la pire chose qui puisse arriver à un enfant.
Alors il joue sagement, invente des histoires, fait des dessins, et écoute à l'école.
Ah l'école... Camilius n'aime pas trop ça. Et en même temps, il adore. Sa maitresse de primaire sera une femme déterminante pour l'adulte qu'il deviendra. Un jour à la bibliothèque, elle lui propose d'emprunter un livre sur les étoiles. Il est conquis. Puis en sortant, des méchants garçons dont il a oublié le nom depuis, le tapent, lui volent son livre. Il pleure. C'est une catastrophe ! Comment pourrait-il espérer se faire croire par la maitresse, lui l'enfant seul et calme, qui ne parle que pour donner les bonnes réponses ?
Il pleure sur le trottoir de l'école quand son père vient le chercher. Il n'ose pas lui raconter non plus. Mais son père, plus sagace qu'il ne le laisse paraître semble deviner ce qu'il se passe. Il se rappellera probablement toute sa vie de ce moment.
"Je ne veux pas d'un fils pleurnichard. Va parler immédiatement à ta maitresse !"
Camilius se revoit, le poing crispé, dents serrées, sous la pluie de novembre, revenir vers le portail de l'école. Ce n'est pas normal. Les enfants normaux ne reviennent pas à l'école quand elle est terminée. Il est si nul, si anormal, et la maitresse va le détester pour ça...
Elle ne l'a pas détesté. Elle l'a cru, elle l'a compris. Elle a mené sa petite enquête, et les malandrins ont été punis. Camilius s'est senti vivant, aimé et compris. Il a compris que l'école apportait des règles, un cadre sécurisant. Il a récupéré le livre malgré la dégradation qu'il avait subi, et l'a dévoré, encore et encore, et encore...
Peu de temps après son père lui parla de son ascendance magique, et le fit sortir ses premières manifestations magiques. Un nouveau monde s'ouvrait à Camilius, et il y plongea avec une passion qui l'enferma encore plus dans sa chambre, encore plus sage, encore plus calme, à lire et relire les manuels de son père, ses carnets de notes de cours et à imaginer que bientôt il entrerait à Poudlard, lui aussi.
Adolescence
Après le dernier jour de l'école primaire, l'été fut très long pour Camilius, qui reçut sa lettre pour Poudlard, et compta chaque jour, s'enthousiasmant de l'arrivée de septembre et la redoutant également. Il avait peur de ne pas être à la hauteur. Cependant, son père, qui lui avait montré la magie, fut également son premier professeur. Après avoir attendu toutes ces années pour ne pas brusquer ce fils un peu fragile, il avait tant de choses à lui montrer ! Un été de doute, de stress, d'impatience, mais aussi de partage, d'amour, et de liens père-fils s'approfondissant. Camilius ne devait jamais oublier ces après-midis à observer son père mouliner du poignet en articulant des formules en Latin, qui produisaient des choses incroyables dignes des histoires qu'on lui lisait tout petit, à tenir la baguette et à faire des mouvements qui jetaient des affaires au sol, avant d'être remises magiquement en place, à voler de quelques mètres sur le balai de son père, dans le salon. Il comprit aussi que toutes ces fois où il s'était passé des choses étranges, il avait inconsciemment utilisé la magie.
Le passage au Chemin de Traverse fut une bouffée d'air frais pour Camilius, qui ne savait plus où poser le regard. Chaque oeillade le mettait face à une nouvelle merveille. Lorsqu'il revint avec ses fournitures, il passa le reste de l'été à les contempler, essayer ses tenues, tenter des sorts avec sa baguette, lire les manuels et rêver aux merveilles de Poudlard.
Ses 7 années furent extrêmement formatrices, comme il se doit.
Avec le recul, ses premières réelles mélancolies et déconvenues se mêlent à des passions dévorantes, des heures de travail et des connaissances toujours exaltantes s'accumulant. Les cours sont un moment de plaisir, malgré le travail. Il apprend, pose des questions, donne les bonnes réponses, fait gagner des points à sa maison, qu'il tâche de représenter du mieux qu'il peut dans ses valeurs.
D'un autre côté, il a du mal à trouver sa place, possède quelques amis, mais ne les garde pas indéfiniment, et se fait parfois malmener par des élèves stupides. Il sait qu'ils manquent de confiance en eux, alors ils s'en prennent à quelqu'un d'encore moins bien loti de ce côté. Il tente de sortir avec des filles, mais principalement parce que "ça fait bien", et moins pour l'amour qu'il croit ressentir.
Le vrai amour, c'est finalement pour la Magie, qu'il le ressent. Celle-ci permet d'altérer le monde, de le transformer à sa guise. Lui qui rêvait d'espace, d'absolu, voilà qu'il peut voler sur un balai, transformer des objets, créer des potions pour de vrai et elles marchent ! Tout est possible, et ce qui ne l'est pas doit l'être quand même. Il repense fréquemment à ses parents, et se dit qu'il ne doit pas les décevoir. Il repense parfois à sa maitresse, qui lui a fait découvrir sa première passion. Il s'imagine qu'elle serait fière de lui en le voyant s'investir autant dans une 2e.
Dès sa 2e année, et jusqu'à la fin de sa carrière d'élève, il se persuade qu'il peut y arriver. Et il y arrive. Charbonnant, travaillant dur lorsque des choses lui sont difficiles. C'est un nouveau Camilius qui rentre à chaque vacances. Il gagne en assurance. Le meilleur, c'est lui. Point. Il réussira ses BUSES et ses ASPICS sans problème. Il se classe 1er fréquemment, mais refuse que ce ne soit pas toujours le cas. Alors il travaille encore, expérimente, pose des questions, s'investit des heures à lire à la bibliothèque qu'il finit par connaître comme sa poche.
Il terminera sa scolarité avec les honneurs et une place toute choisie pour devenir Auror, ou tout autre poste prestigieux, réservé à ceux qui réussissent.
Âge Adulte
Cependant, sorti de la sécurité du système scolaire, qui encadre, et pose des règles, dicte une manière d'agir et réagir, il se sent très vite perdu, et perd quelque peu pied. Il refuse le poste d'Auror qu'on lui propose, par peur principalement. Son père le place dans son département.
Camilius découvre les responsabilités, la liberté toute relative d'être à 100% maitre de ses choix. Cette liberté quasi totale l'effraie, et il reste bien dans les clous, ne franchit jamais la ligne, ne sort jamais du rang. Jamais en retard, dernier parti, toujours présent, toujours fiable. Il fait ce qu'on attend de lui. Il reçoit des compliments. C'est le plus important au final. Peu importe qu'il n'ait jamais fait le premier pas avec une femme, qu'il n'ait jamais osé invité à sortir, qu'il ait perdu le contact avec ses amis de Poudlard.
Fatalement, les années se suivent et se ressemblent. Une dizaine d'année plus tard, Camilius s'est perdu dans les fiches administratives, les sortilèges d'oubliette, le café, les vêtements d'adultes, les réunions, les conseils, les journées réglées comme du papier à musique.
Son père le voit s'assombrir de jour en jour. Le jeune enfant au regard modérément passionné (il ne faudrait pas faire une remarque gênante, ou trop montrer qu'on a envie de quelque chose), est un adulte terne, morose, et froid. Sa mère essaie de lui parler mais d'après ses propres dires, il va très bien. Pourtant, quand Poudlard est évoqué, une étincelle de nostalgie, ténue, certes, mais bien présente, se fait jour dans sa pupille. Cela n'échappe pas à ses parents, et rapidement son père contacte Albus Dumbledore.
Ce dernier reçoit un jour Camilius, prétextant un après-midi thé avec quelques anciens élèves brillants.
Ce moment est particulièrement stressant pour le jeune fonctionnaire, qui pense décevoir. Il a bien conscience que ses capacités ne le destinaient pas à faire de la paperasse. Il se prépare mentalement des tas d'excuses et de justifications, s'imagine des conversations mentales où il convainc que tout va pour le mieux.
Mais quand, seul au final dans le bureau du Directeur, Dumbledore le perce de son regard inquisiteur, derrière ses lunettes en demi-lune, le jeune adulte craque et s'effondre. Les digues lâchent, le masque se fracasse. Il avoue :
"Je m'ennuie profondément professeur ! Mais je suis trop couard pour faire autre chose ! L'existence est une souffrance ! Un vide sans fond, ou rien n'a de sens ! Je croyais être spécial, mais je ne suis qu'un ancien élève un peu doué ! La belle affaire, il y en a des centaines comme moi au Ministère. Je ne sais pas qui je suis ! J'étais passionné par l'espace, mais comme des millions de gosses de 7 ans ! J'étais passionné par la magie, mais comme n'importe quel sorcier découvrant tardivement notre monde ! Maintenant, je n'ai plus rien à faire, j'ai l'impression d'être une coquille vide !"
Une étincelle dans le regard du Directeur de Poudlard, le rassura. Dumbledore parla de la place que chacun occupe. De la valeur que chacun possède. Il parla à Camilius de sa singularité. L'acharnement à comprendre, la volonté de percer les mystères de ce qui échappe à son contrôle, son besoin de savoir, viscéral. Autant de qualités à faire naitre chez des élèves en devenant Professeur à Poudlard.
"Vous êtes peut-être une coquille mais elle n'est pas vide. Il me semble que l'oeuf n'a besoin que d'un peu de chaleur pour éclore et libérer un magnifique dragon. Et il se trouve que nous avons un poste vacant..."
Camilius accepta alors, et devint Professeur de Sortilèges et Enchantements, une matière qui lui seyait à merveille.
Voilà quelques années qu'il enseigne désormais, qu'il fait de son mieux pour être performant. Être un bon professeur est devenu un challenge, un défi infini pour lequel Camilius a toujours à faire, et a toujours de quoi se surpasser.
S'il porte toujours un masque et que de nombreux aspects de sa vie restent à parfaire, Camilius a désormais trouvé une voie, un sens.