AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
-20%
Le deal à ne pas rater :
Ecran PC GIGABYTE 28″ LED M28U 4K ( IPS, 1 ms, 144 Hz, FreeSync ...
399 € 499 €
Voir le deal

[19/01/1996] Clair de Lune - Eileen King.

 :: Poudlard :: Les Étages :: Les Salles des Clubs Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Mar 14 Juin 2022 - 17:46
Clair de lune

Très tôt, elle avait appris que ça ne servait à rien de pleurer. Elle avait aussi appris qu'à chaque occasion où elle avait cherché à alerter quelqu'un sur quelque chose dans sa vie, la situation n'avait fait qu'empirer. C'était donc à elle-même de résoudre ses problèmes avec les méthodes qu'elle jugeait nécessaires. • Stieg Larsson


La musique est un cri que l'on entend avec des notes.

Les doigts triturant nerveusement le côté de sa fourchette, Sessho hasarda un regard sur ses camarades plongés en pleine discussion. Peu attentif à ses prémices, il essaya de comprendre les propos en cours de route et hésita à en décrocher quand il intercepta les mentions de manifestation, œil doré et guerre. Callum défendait ses arguments avec une farouche détermination, avançant des comparatifs associant les débordements à Pré-au-Lard, au chaos des fidèles du seigneur des ténèbres, ou plus récemment, des néo-mangemorts. Hiverna, elle, affirmait se ranger du côté de la franchise et des faits. S'il n'en avait suivi que les débuts, il n'avait pas cherché à se forger une idée concrète de la situation, démotivé à la simple perspective d'élargir son opinion sur le sujet. Il avait subi ses pistes au devant même des propos de l'oratrice le jour j, et avait songé à ne plus y repenser depuis. Il avait trouvé cela intrusif et dégradant, tant pour la parole des victimes, que la gravité du climat ambiant ; le conflit était proche et si d'apparence, la société était confrontée à une accalmie relative, il ne fallait qu'un événement pour tout explose.

Il pressentait que l'intervention de ce nouveau regroupement, dont ils ne connaissaient ni les motivations profondes – si ce n'est celles qu'ils avaient volontairement affichées – ni la ligne directrice, était l'un de ces déclenchements. Incapable de se résoudre à s’immiscer dans le débat, il se rabattit sur son assiette qu'il avait garnie sans prêter attention à ses aliments. Résultat, faute de cohérence, il regarda le pèle-mêle de légumes sautés entrer en contradiction avec une tranche de lard et un pain perdu, qu'il se serait – de manière extraordinaire – permit de consommer au petit-déjeuner. En revanche, l'heure était avancée sur le coup des midi et il repoussa les éléments sucrés sans grande conviction, aussi peu attiré par ceux-ci que par les végétaux. À présent, son rejet se faisait plus systématique et il peinait à remplir son estomac totalement. Il avait perdu l'appétit, et par manque d'envie et d'énergie, il réduisait ses portions avalées un peu plus à chaque tentative. Raisonnablement, sans doute, il parvenait encore à se forcer – déclenchant parfois une nausée de protestation – pour ne pas ployer sous le poids de ses insomnies chroniques.

Pour parvenir à enchaîner ses activités – les entraînements de Quidditch et autres responsabilités de club qu'il essayait de maintenir à niveau égal – il avait compris l'importance de matière énergétique, dont certes les potions pouvaient faire un substitut temporaire. Il désirait réduire sa consommation d'élixirs au strict minimum, et n'en avait abusé que durant les vacances, où son libre accès à la réserve de sa mère avait encouragé ses pulsions. Ainsi, il avait goûté au bonheur de parvenir à s'endormir sereinement, comme frappé par un poids à l'arrière du crâne, et de s'éveiller au jour sans avoir été interrompu par un cauchemar. Ici, il ne pouvait décemment pas dérober un ou deux exemplaires de sommeil sans rêves, ou un complément pour parer à son manque d’entrain pour la nourriture.

Résolu, il serra plus fortement sa fourchette et planta ses piques dans une carotte qu'il se dépêcha de mâcher avant d'être tenté à changer d'avis. Il avala difficilement sa bouchée et c'est en tremblant un peu, qu'il fit de même avec les prochaines, vidant son contenant de moitié. Dégoûté, il finit par poser ses couverts et de l'index, éloigner le tout pour ne lui laisser que le passage jusqu'à son verre. Il avala son eau mécaniquement et pour remplir le reste de son abdomen, il réitéra l'opération deux fois cul-sec. Les odeurs parvenaient jusqu'à ses narines, se joignant à la valse grinçante des découpages de viande et autres protéines.

À ses côtés, les élèves finissaient leur repas à tour de rôle, et il surfa sur les premiers départs pour s'éclipser à son tour, feignant auprès de ses deux amis l'urgence d'un devoir encore inachevé. Puis, il quitta la grande salle. Mût par le besoin d'air pur, il passa les portes pour rejoindre le parc. Il flâna un temps entre les arbres, et il longea le sentier pour arpenter les berges du lac noir. Marcher lui accorda une activité requérant toutes ses forces, si bien qu'il échappa à l'inévitable passage par les questions incessantes et la suractivité de son cortex réflexif. Il s'autorisa un temps plus passif, et regarda les paysages sans s'y attarder réellement.

Il ne pensa à rien d'autre que le vent et l'embrun des vagues.

Quand il retourna à l'intérieur, il profita de son temps libre pour grimper dans les étages. Là, il s'arrêta à la bibliothèque où encourager par son envie de demeurer dans le peloton de têtes de sa classe, il entama une série de travaux qu'il commençait la nuit, et gardait en suspens des jours durant, jusqu'à ce que par manque d'attractions, il ressorte ses notes, les complétant par des ouvrages et des recherches plus approfondies. Ce fut le cas pour son passe-temps de la nuit dernière : Contre-sorts runiques. Attablé dans un coin isolé, il étala ses parchemins devant lui, et d'un rapide coup d’œil, sélectionna le bon. De l'index, il le fit coulisser pour le parcourir. Extirpant son carnet de son sac, il le déverrouilla d'un sortilège, relisant ses idées en vrac.

L'ouvrage avait été découvert sur son lit, soigneusement emmailloté. Un cadeau qu'il avait associé aux initiales signées sur le paquet : Joris. S'ils avaient entretenu une relation cordiale, tout cela avait pris un tournant en réponse à son agression. Depuis lors, il fuyait ses regards compatissants, ne s'y reconnaissant qu'à moitié. Il ne parvenait à associer la pitié à ce drame dont il avait souvent la sensation d'être un acteur et non une victime. S'y pencher ne lui apportait aucune forme de réconfort. Alors, un peu empressé, il se saisit de sa plume, pour mettre en évidence ses pistes réflexives d'une ligne puis d'un cercle. Il occupa ses mains, sa tête, et ses jambes en vadrouillant entre les gigantesques armoires de culture, surchargeant son cerveau d'informations. Jusqu'à ce qu'il soit forcé de s'arrêter, la main courbaturée et la migraine faisant battre ses tempes.

Dehors, le jour avait commencé à décliner, marquant l'avancée de son après-midi de liberté. Il feuilleta ses notes, satisfait de leur rendu. S'il s'agissait encore d'un brouillon décousu, il parvenait à affiner ses explications et attentes sur le sujet. Ce qui lui donna aussitôt l'impression d'avoir été productif. Soigneux, il replaça l'enchantement sur la couverture, scellant les pages, puis, s'appliqua à ranger la pile de livres qui s'étaient entassés sur sa table. Les bouquins volèrent jusqu'à leur place, comme des papillons de papier dont il suivit la course. La sangle sur l'épaule, il quitta ce repère de silence pour errer dans les couloirs.

S'il sentait la fatigue poindre dans ses muscles, Sessho n'en tenu aucunement compte. Dans une volonté de prolonger l'extinction de ses pensées, il poursuivit son chemin dans les différents clubs auquel il s'était inscrit. Lui qui n'y avait plus été présent des mois durant, en avait conclu que son renouvellement d'assiduité serait un point positif ; ou tout au moins, le témoignage d'une volonté de s'en sortir. Dans cette optique, il combattait son désir de solitude et renouait avec sa sociabilité d'antan. Pour cela, il se pencha sur les difficultés d'un cadet, l'aiguillant dans ses recherches sur son devoir de botanique. Se décidant à y prendre du temps, il prit place face à lui, et se sachant à jour de son côté – donc peu pressé, il le conseilla dans ses formulations, puis s'attarda sur ses difficultés. En une heure, les centimètres demandés étaient atteints et le sourire du jeune garçon de deuxième année suffit à lui faire comprendre qu'il avait eu raison de lutter. Aider son prochain était toujours source d'un grand réconfort et en cela, il se ressentit presque comme avant.

La suite le conduisit au club de duel, où s'il ne brilla pas par sa participation, il officia aux enregistrements, en remplacement à Merlin, qui absente depuis la rentrée, ne pouvait plus assurer cette tâche. Il donna renseignements et répondit aux questions avec toute la patience dont il se savait capable.

N'ayant aucun entraînement de Quidditch de prévu pour la semaine – le prochain, s'il en croyait son emploi du temps se déroulerait dans quinze jours -, il continua sa tournée dans les étages, où se retrouva devant une porte close. La salle de musique. Il n'y avait plus mis les pieds depuis Novembre, si sa mémoire était bonne. Le piano avait provoqué chez lui une crainte déraisonné, qu'il avait depuis lors comprise et analysée ; elle était liée à la symbolique qu'il lui avait associé par le passé : Celle de lui permettre de réfléchir. Chose qu'il n'était aucunement prêt à expérimenter dans les détails. En revanche, son expérience sur le chemin de traverse avait réveillé son intérêt profond et passionné pour la musique. Il avait prit conscience qu'elle avait été une partie intime et puissante de sa vie. Elle lui manquait, c'est pourquoi, il s'était convaincu d'affronter cette peur pour s'il ne pouvait la surpasser, la combattre était en son pouvoir. La main sur la poignée, il inspira un coup sec, puis, sans expirer, ouvrit le bois sur une salle où la mélodie frappait jusqu'au plafond. De l'extérieur, trop bien insonorisé, il avait été toujours impossible de discerner les bruits provenant de l'intérieur de la pièce.

La guitare, la batterie et la basse s'étaient accordés sur un tempo plus dansant et pop. Chose qu'il n'avait jamais entendu de la part du groupe se produisant en répétition : Les Salazar. Au centre, Eileen chantait, la tête balancée au même rythme que l'émotion de sa voix. L'amour, la tendresse, la fougue, la joie, le tout dans une interprétation aux accents mélancoliques et transcendants.

Le dos appuyé contre le chambranle, il se décala prestement, aussi discrètement que possible. La porte coulissa sur ses gonds silencieusement et il se plaça contre le mur, spectateur et admiratif. Il surprit même son pied à battre la mesure.

Les paupières abaissées, il se concentra davantage sur les paroles et leur sens, plutôt que sur le spectacle visuel, dont il était un piètre juge esthétique. Il fut ainsi transporté dans une histoire émouvante, où la puissance affective dégagée dans son ton était indicatrice de vécu. L'image d'un violon pendant au cœur de deux clavicules saillantes lui serra le ventre. Sa rancœur avait disparu, ne laissant qu'une trace de douleur résiduelle associée à l'objet et non à sa propriétaire. La situation lui était pesante, mais elle n'avait plus aucun rapport avec la personne à laquelle il l'avait assorti. Elle le renvoyait à son propre désir d'appartenance, où il n'avait jamais pu se complaire en marginal. Une part de lui souhaitait compter et être importante. Tandis que la majorité était réticente à l'idée même de s'imposer. Cette confusion l'avait amené à nourrir une colère puérile sur une étrangère à son malheur, qui, il le savait, peinait à affronter ses émotions sans son concours. S'il avait tut ce passage, il en gardait une honte et une culpabilité qu'il ne pouvait verbaliser.

La musique s'acheva et revenant au présent, il applaudit doucement, faisant voir ainsi son apparition. Se décalant d'un coup de talon, il approcha presque timidement.

« C'était saisissant. Mes compliments aux artistes. », leur dit-il dans un sourire sincère. « Cette nouvelle direction artistique vous convient bien. », il engloba la totalité de l'exhibition d'un mouvement de poignet.

Suivant les formalités d'usages, il s'évertua à entretenir un bout de conversation avec politesse et une implication mesurée. Si bien qu'il leur proposa son aide pour ranger les instruments avant leur départ. L'ongle tapotant une cymbale pensivement, il attendit d'être seul avec Eileen pour se tourner vers elle. Il y voyait l'instant propice pour répondre à son invitation ; celle de discuter. Le temps et l'énergie lui avaient manqué après la découverte du mot dans sa poche, et les doutes quant à cette entrevue avaient occupé le reste. Lors de leur dernier face à face, s'il omettait leur rencontre au concours, avait eu des allures de confessions difficiles. S'il était parvenu à faire abstraction au profit d'Ariel, il voulut en faire autant pour la jeune fille.

« Cette musique était magnifique, Eileen. », il s'en retourna à son occupation, puis, arrêta le son en coinçant le métal entre ses doigts. « Votre secret est magnifique. », souffla-t-il finalement.

Il pivota et non sans prendre un bol d'air, alla poser sa hanche contre le rebord de fenêtre. Mains jointes sur une cuisse, il reprit, moins hésitant.

« Tu souhaitais me parler. Je t'écoute. »

CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR PINTEREST
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Sam 27 Aoû 2022 - 14:46

Le 19/01/96

Clair de Lune

ft. Sessho Shinmen

L'amitié, c'est le souhait qu'ils trouvent le bonheur ; c'est être le porteur du fardeau de leurs peines ; c'est être l'énergie pour les faire avancer même dans la douleur.

K

arma ? Eileen ne pouvait croire que c'était aussi simple. Ses humeurs, ses envies, ses actions, celles des autres, les causes et les conséquences ne pouvaient être seulement dû à un seul mot.

S'il lui arrivait de croire, de se laisser porter par le doux songe d'un équilibre, d'une balance cosmique qui régissait les lois de l'univers, d'une raison extérieure à ses malheurs, elle ne se pensait pas superstitieuse pour autant. Elle était la clef de son propre équilibre, autant dans le monde tangible que dans sa spiritualité. Il lui avait fallu des semaines après le départ de Tabata, la transformation d'Elyana et le semi-abandon d'Aria pour en prendre la pleine mesure.

Le mot de son secret précieusement sur elle, le micro dans une main et l'autre qui tapait en rythme sur sa cuisse, elle laissait les mots couler le long de sa gorge. Elle vibrait des cordes de son instrument personnel en des notes plus qu'intimes. Les paroles dans l'esprit, l'histoire de celle-ci au bout des lèvres, son corps se déhanchait sur la mesure dictait par les baguettes d'Alistair.

Chaïm, de son côté, tâtonnait encore dans sa prise en main de la guitare, mais il ne se décourageait pas et poursuivait son ascension. Roxane restait fidèle à elle-même, rythmique sur les doigts, audace dans le balancier de son bassin.

Eileen n'avait jamais autant aimé une idée qu'elle eût eue. La transition de Salazar se passait à merveille, sa transformation acceptée par tous les membres sans la moindre remise en cause.

Peut-être que Chaïm voyait là un moyen de moins se mettre en avant, lui qui était habituellement si discret. Pour Roxane et Alistair, rien ne changeait vraiment, si ce n'était la nécessité de composer dans un nouveau registre. Un registre qui leur parlait plus à tous deux, cependant, et ça se ressentait jusqu'à l'énergie qu'ils déployaient.

Après Why So Serious ? et No Roots, soit presque une heure de répétition à recommencer, encore, encore et encore les mêmes notes, les mêmes paroles, les mêmes mouvements, le groupe décida de faire une pause.

Eileen s'installa un peu plus loin des trois autres pour prendre appui sur le piano. Elle corrigea certaines paroles sur son carnet, fit quelques tests, puis retourna auprès d'eux. Elle se sentait vivante. Elle se sentait déborder d'une énergie qui lui avait manqué jusqu'à Noël. Si certaines de ses décisions la laissaient perplexe, ou encore certains évènements où elle n'était pas maîtresse de la partie, elle ne se laissait plus influencer par les mauvaises ondes qui pouvaient en ressortir.

Pour beaucoup, c'était le soleil qui retrouvait sa place. Pour Eileen, c'était une nouvelle version d'elle-même qui prenait place. Comme une fleur qui s'était trop longtemps repliée sur elle-même, elle prenait enfin le temps d'éclore et de s'ouvrir, pour de bon et sans faille cette fois-ci, au monde qui l'entourait ; aux émotions qu'elle partageait, aux sentiments qu'elle éprouvait, à l'amitié, à l'inimitié, mais aussi à l'amour. Un amour parfois acide, souvent amer et parfois en douceur sucrée.

D'un commun accord, ils décidèrent de se réunir à nouveau dix minutes après le début de leur arrêt. Ils s'installèrent, chauffèrent leurs arts, puis reprirent où ils s'étaient arrêtés. Les premiers enchantements furent prononcés et avec eux les premières notes de Loveback.

« ♪ Don't wake me up, 'cause I'm still dreaming, of a place that I know, a place I believe in... »

Elle avait saisi l'importance de ne plus s'aveugler. Amoureuse de la vie, amoureuse des secrets, elle ne désirait plus se le cacher à elle-même pour aucune raison, qu'elle fût bonne ou mauvaise. Dès lors, elle souhaitait le faire découvrir, une infime partie tout au moins. L'éclat émerveillé d'un admirateur devant une illusion pouvait-il y faire songer ? Permettre d'entendre le colorer du jazz improvisé, si doux, dans les artères et les rues de la Nouvelle-Orléans serait-il plus sincère et plus sensé ?

Elle n'avait aucune des réponses à toutes les questions qui pouvaient traverser son esprit quand les paroles s'évertuaient à danser et elle ne les scrutait pas. C'était des éphémères, des passants qui observaient mais ne s'arrêtaient que pour une courte durée. Des pensées improvisées, jetées en passions poétiques à qui passait par là.

La porte s'ouvrit après le premier couplet, mais la fausse blonde ne le remarqua pas. Plongée dans ses affres euphoriques, le monde qui l'entourait tournait, changeait, explosait en mille nuances de couleurs, en feux d'artifice s'envolant au-dessus de la Cathédrale Saint Louis.

« ♪ But now I'm running, to get my love back... »

Pendant les prochaines vacances, elle proposerait à Chaïm, Roxane et Alistair de se rejoindre sur le Chemin de Traverse pour jouer dans la rue. Elle voulait ressentir la même excitation que les musiciens des rues de sa ville natale. Elle se le jura quand la dernière note s'extirpa d'entre ses lèvres pour clore la mélodie.

Ce fut à ce moment qu'Eileen revint intégralement au présent, au monde réel, en entendant les applaudissements du nouveau venu. Surprise, mais non courroucée, elle l'observa s'approcher avec une allure presque timide qui ne lui ressemblait pas.

« C'était saisissant, dit-il et elle accepta le compliment d'un sourire accompagné d'un signe de tête humble. Mes compliments aux artistes. »

Comprenant qu'il n'avait pas tout à fait terminé, elle ne répliqua pas et le laissa poursuivre.

« Cette nouvelle direction artistique vous convient bien.
Merci. », répliqua la meneuse du groupe, une main posée sur sa poitrine, touchée.

Suivant quelques phrases échangées avec les autres membres du groupe, des politesses d'usages pour prendre des nouvelles sans grande conviction, ils acceptèrent l'aide du pianiste pour ranger la salle après leur passage.

Eileen ne croyait pas entièrement au destin, mais pas tellement au hasard non plus. C'était un mélange un peu étrange où elle-même se retrouvait indécise. Et c'était dans ces moments-là, où elle avait l'impression qu'un évènement n'arrivait pas pour rien, qu'elle se posait la question. Elle avait proposé à Sessho une discussion qu'ils n'avaient pas encore eu et elle comptait en profiter, s'il l'acceptait ; une acceptation qui avait l'air de venir naturellement, car le Serdaigle n'avait pas fui sa présence comme il aurait eu dix occasions de le faire.

« Je vous rejoins plus tard, indiqua la lionne à ses musiciens avec un sourire.
Je vais à la salle commune. », se contenta d'acquiescer Chaïm.

Après le départ de ses trois amis, l'Américaine se retourna vers Sessho, qui jouait pensivement avec une cymbale du bout de l'ongle.

« Cette musique était magnifique, Eileen, souffla l'Asiatique avant de retourner à son geste machinal un temps, avant de se stopper net. Votre secret est magnifique. »

Eileen n'arriva pas à être surprise. S'il y avait bien une personne suffisamment lucide et observatrice dans ce château, c'était bien le Japonais. La Louisianaise ne répliqua pas, cependant, évitant ainsi d'approuver ou d'éprouver les dires de son camarade.

L'expression, qui ne dit mot consent, pouvait néanmoins trouver tout son sens à cet instant.

Son ainée se détourna d'elle ensuite pour s'installer proche de la fenêtre. Eileen, mains dans les poches de son jean, s'approcha également et laissa ses genoux buter contre la pierre dans un mouvement répétitif. Elle laissa son regard vagabonder sur l'extérieur, attendant que la conversation arrive du garçon.

Le parc était beau dans le givre de l'hiver. Les feuilles de la forêt interdite avaient disparu depuis longtemps, ne laissant que l'impression de silhouettes ombrageuse, centenaires, qui renfermaient de lourds secrets et de grandes histoires. Elle lui faisait songer à son impérieux camarade dont les ailes blessées ne pouvaient être guéris et qui ne parvenaient plus à s'envoler et qui ne souhaitait plus s'y essayer.

« Tu souhaitais me parler, finit-il par souffler. Je t'écoute. »

Eileen prit quelques secondes pour replacer ses mots et ses idées, puis elle tourna un regard soucieux vers son ami. Elle espérait qu'il allait comprendre que ce n'était pas de la pitié, mais simplement une inquiétude naturelle.

« Je n'ai pas pris la peine de te remercier, pour le lac, alors je souhaitais le faire, pour commencer. Merci. »

Sans lui, qui sait ce qui serait advenu ce jour-ci ? La rage qui obscurcissait son cœur, prenant le dessus, l'aurait-elle poussé à commettre l'irréparable ? Elle en doutait, tout comme elle se doutait qu'à force de s'oublier pour les autres, ils ne remarquaient pas qu'il était celui qui avait besoin de soutien en ce moment.

« Elle peut paraître idiote comme question, mais j'me demande si on te l'a déjà posée. Je connais déjà la réponse, mais… Sessho, est-ce que ça va ? »

Elle tourna un regard un peu inquisiteur vers le Serdaigle, souhaitant voir sa réaction. Si le vide qu'elle avait remarqué des mois plus tôt revenait à la charge en bouclier, elle allait devoir hurler pour se faire entendre. Dans le puits d'ombres et de ténèbres qu'était sa nouvelle cage, lui faire entendre sa voix n'allait pas être aisé, mais elle l'espérait, celle-ci allait le guider vers des jours plus lumineux si elle y parvenait.

Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Mar 20 Sep 2022 - 20:02
Clair de lune

Très tôt, elle avait appris que ça ne servait à rien de pleurer. Elle avait aussi appris qu'à chaque occasion où elle avait cherché à alerter quelqu'un sur quelque chose dans sa vie, la situation n'avait fait qu'empirer. C'était donc à elle-même de résoudre ses problèmes avec les méthodes qu'elle jugeait nécessaires. • Stieg Larsson


Le givre avait presque tout recouvert.

Adieu couleurs orangées et textures humides. Adieu la pluie et le brouillard. Adieu beaux panoramas et trésors des hauteurs. Il avait accueilli la fraîcheur avec bonheur, souhaitant découvrir la simplicité esthétique d'une danse de flocons dans le vent, et la présence d'une cheminée crépitante avec pour seule compagnie d'une brise claquant une vitre, et un livre lourd dans les paumes. Puisant dans ses réserves, le japonais s'était reculé devant le dédain et le mépris de son frère, pour mieux bondir par-dessus un gouffre qui, jusqu'à lors, lui avait paru trop grand. Le déni servait toujours de refuge confortable à sa conscience, bien que parfois, plus lucide et courageux, il s'autorisait quelques regards soutenus, notant le chemin qu'il lui restait encore à parcourir. Ses progrès s'étaient manifestés d'abord timidement, s'exprimant par des passions qui lui revenaient avec plus de force, et des interactions sociales qu'il se surprenait à souhaiter, ou bien à débuter.

Eileen était l'une d'elle. De celles qui s'étaient d'abord imposées d'une invitation, mais qui finalement, s'incrustait fluidement sur son emploi du temps. L'Hiver lui avait apporté tout cela : résolution, conviction, et implication. Là où son repli s'était intrinsèquement lié à la pluie et à tous ses passes-temps d'intérieurs, calmes et reposants, la tranquillité de balade dans le blanc était devenu aussi importante qu'une contemplation sous l'eau. Le pétrichor, odeur qu'il aimait, pourrait être détrônée par la flagrance du froid piquant et la pureté de la poudreuse. Bien que ne pouvant les comparer, l'Automne ayant une place particulière dans ses ressentis, dont les éléments traduisaient si justement ses émotions et réflexions ; cette saison-ci s'était imprimée en lui d'une seule image : Celle du vide dans son dos, du plat d'une vaste étendue immaculée, uniquement marquée de son passage.

Il était seul. Seul au milieu de nulle part, avançant dans une direction inconnue. Il s'était senti perdu dans le désert, gelé des doigts jusqu'aux orteils, la poitrine comprimée et les yeux secs. Longtemps, il était resté ainsi, immobile, statufié dans le temps qui passe, voulant s'allonger et disparaître dans une mer de glace. Comme un arbre où les fleurs tombent et finissent par mourir, il s'était demandé si c'était cela que son cœur réclamait. Si avoir la gorge nouer, être épuisé et ne vouloir que dormir pour l'éternité, c'était cela périr.

La vue lui rappela tout ceci ; sa solitude et sa marche continuelle sur un chemin qu'il ne maîtrisait qu'en surface. Elle amena à son souvenir un exutoire qu'il s'était naturellement trouvé ; réfléchir pour ne pas se laisser envahir par cette vague trop forte pour lui. Émotions qui se déversaient malgré lui dans ce flot de pas s'effaçant après quelques minutes ; le blanc lui semblait assez vierge pour protéger toute sa peine et sa souffrance. Elle ne coulait pas sur ses joues, mais faisant s’effondrer tout son intérieur, dont il pouvait contempler la ruine dans tous ses cristaux fondant au soleil. Quand il repartait, le temps avait fait disparaître sa culpabilité et le manteau était aussi lisse que s'il n'y était jamais passé.

Dans un soupir, il regarda sa main, qui, exprimant sa nervosité, continuait à battre la mesure sur la cymbale. Dans une tentative de contrôle, il l'arrêta aussi soudainement qu'elle avait commencé. Puis, les doigts encore tremblants, il les amena à s'entrelacer sur sa cuisse.

Faisant suite à une inspiration, il se tourna vers son amie. Sa silhouette était petite dans l'immensité de la pièce, comme une poupée de papier écrasée sous le haut plafond. Elle s'avança vers lui, puis se plaça à ses côtés. Sans un mot, elle buta contre le rebord, le profil pensif et contemplatif. L'imitant, il s'en retourna à l'extérieur, lovant sa respiration en une tâche sur le coin du verre, près de là où, finalement, il posa un bout de sa tête. Plus à son aise dans cette atmosphère intimiste, il fut celui qui brisa la bulle, leur rappelant à tous deux que leur réunion, sous ses airs improvisés, était l'aboutissement de plusieurs semaines de patience.

Il la sentit pivoter, plus qu'il ne la vit réellement. En miroir, il décala son visage pour accrocher leurs pupilles. Son empathie s'était déclenchée dès l'enfance. Là où les autres garçons, cousins éloignés, ou bien son frère, étaient exclusivement soumis à la dictature stricte de la force, lui, cadet et rejeté, avait été materné, protégé par une audience féminine. Sa mère, sa grand-mère, aussi bien issue du côté maternel que paternel, tantes et cousines, étaient devenues instructrices, confidentes et modèles.

Petit, il avait navigué entre une éducation mettant en avant la discrétion et le perfectionnisme, imitant la réserve de ces dames élancées, mais humbles, douces et puissantes, légères et en retraits. Il avait pris leur silence comme une vertu. Dans le cadre mondain, elles étaient ces plantes que les hommes aiment montrer. En privé, il avait découvert les rires et les ragots, les langues acérées, la complicité et les secrets. Il avait vu les armes se cachant derrière un joli minois. Les femmes pleurent puisque les hommes n'en sont pas capables, c'est ce que lui avait confié l'une de ses tantes, alors qu'elle était occupée à se peigner. Pourquoi, avait-il bien sûr demandé. Parce qu'on leur a séché le cœur. Être un homme signifiait donc d'être de pierre, aussi bien de visage et de paraître, que de vision et de raison ; là, où, être une femme, revenait à être l'eau ; sensible, joueuse, mobile, vive et sauvage. Elles l'avaient abreuvé de conseils et de leçons : traite les femmes avec respect, avait dit l'une, ne sois jamais grossier avec quiconque, avait ajouté l'autre. Comprends, écoute, observe, ressens, même si cela t'est inconnu, avait terminé sa mère. Elles l'avaient poussé vers le cœur des autres pour qu'ils puissent garder le sien vivant.

Comprends, écoute, observe, ressens. Dans les yeux de chacun, il avait deviné la peur, la tristesse, la joie et la colère. Dans les gestes, il avait saisis la détresse d'une noyade, le désespoir d'un geste impulsif, la souffrance dans l'abandon. Dans ceux d'Eileen, il lut l'inquiétude. Elle lui transperça l'être aussi bien que l'aurait fait une flèche. Pudique, il s'en échappa, tournant son faciès vers ce qui lui sembla moins profond. La neige recommença à tomber.

« Je n'ai pas pris la peine de te remercier, pour le lac, alors je souhaitais le faire, pour commencer. Merci. »

Sessho fronça les sourcils si brièvement qu'il douta même que son corps se soit exprimé. Un brin incertitude que le sujet soit abordé, lui qui l'avait déjà clos sans en faire mention à aucun des deux concernés, il se tourna vers son interlocutrice. S'il avait choisi de faire abstraction de l’événement, adoptant une conduite cordiale, c'était également pour préserver ses cadets des retombées émotionnelles. L'une devait nourrir des remords qui ne l'avait pas réellement quitté, tandis que le second, peinait à résister à ces pulsions ; qui s'il n'avait pu qu'imaginer jusqu'à lors, étaient ainsi devenues plus concrètes pour lui aussi.

Il secoua la tête, puis, de l'index, se gratta la tempe.

« Inutile de me remercier. », il haussa une épaule, puis, glissa sa main contre sa nuque, intimidé par sa soudaine reconnaissance et s'en sentant peu légitime. « Je suis certain que si la situation avait été inversée, tu te serais empressée de faire de même. », souffla-t-il doucement.

Son autre bras remonta contre son torse, pour soutenir son coude, et réchauffait ses doigts qu'il sentait s'engourdir. Afin de ne pas exposer les instruments à l'humidité, et ainsi, ne pas abîmer le bois d'un piano ou d'un violon, la pièce demeurait froide. Une température idéale aux plus grands piques de chaleur de l'été. Le contact avec le tissu de sa robe de sorcier lui donna des frissons, qu'il put palper sur sa peau de la pulpe de ses doigts. Son dos trouva appuis contre l'arête de l'arche encadrant le rebord de la fenêtre, où il finit par se hisser, invitant sa camarade à faire de même. Contorsionné pour garder sa position, tout en étant assis, il finit par poser son genou contre la vitre, gardant un pied près du sol et l'autre dans le vide. L'arrière de sa tête rencontra la pierre en une marque glacée qui traversa son cuir chevelu.

Le blanc recouvrait les plus hautes branches à présent.

« Elle peut paraître idiote comme question, mais j'me demande si on te l'a déjà posée. Je connais déjà la réponse, mais… Sessho, est-ce que ça va ? »

La question le fit presque sursauter. Il avait eu droit aux interrogations détournées, dont la majorité avait uniquement récolter son sourire ou un vague hochement de tête. Plus récemment, ses larmes avaient été la réponse à une demande d'en parler. Durant sa thérapie, elle était énoncée à chaque début d'entretien, comme une mise en bouche. Respectant la consigne de développer son état à chaque fois que le sujet était énoncé, il résolvait le tout comme un problème auquel il était seulement spectateur. Son pragmatisme et sa logique semblaient être à la hauteur des espérances de la spécialiste, si bien, qu'il n'avait pas eu besoin d'aborder la chose sous un angle plus personnel et sensible. Il douta que le recul qu'il réservait à ses séances conviendrait à la jeune fille.

Massant son cou, il échappa un rire grave, qui secoua ses épaules une demie-seconde, avant se tarir dans une esquisse triste.

« J'admets avoir pu voir des jours plus colorés. », dit-il doucement, si bas que ça ressembla à un chuchotement.

Ses ongles s'enfoncèrent dans sa chaire et dans une grimace, il céda. Est-ce-que ça va ? Il oublia la présence d'Eileen dans tout le blanc qu'il continua à fixer. Il lui donna le courage de parler.

« Parfois, je vois de la pluie où il neige et du gris où il y a du rouge. J'entends, mais je ne comprends pas, je vois, mais tout me semble étrange, comme si j'errai dans un monde silencieux où tout est déformé comme dans une bulle. Je respire du vide et je me remplis de tout ce que je n'exprime pas. »

Il soupira, puis ferma les yeux un court instant. Si son ton était resté lent, en murmure, son criant désespoir se répercuta dans toute la salle, comme s'il l'avait hurlé à plein poumon. Quand il les rouvrit, ils n'étaient pas brillants.

« J'avance sans vraiment savoir si je nourris réellement le désir de voir demain. », il haussa les épaules. « J'ai envie de tomber. Tomber encore. Ou de m'allonger dans la neige et qu'elle me recouvre pour l'éternité. »

Disparaître.
CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR PINTEREST
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1

Sauter vers :
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: Poudlard :: Les Étages :: Les Salles des Clubs-