AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

TW - [26/11/1995] L'immersion | ft. Eileen & Sessho

 :: Hors-Jeu :: La Pensine :: RP Harry Potter :: Les RP Terminés Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Sam 24 Oct 2020 - 22:22
TW : Ce RP va parler en grande majorité de dépression et d'auto-mutilation.

L'immersion

ft. Eileen King, Elyana Sleepy, Sessho Shinmen

L'eau est devenue l'élément qui libère. Elle lui entoure les membres, le torse, les joues, et lui modèle les formes et lui défait les cheveux.

L'eau est devenue sa meilleure confidente, sa meilleure amie, sa pire ennemie. Il s'y abandonne en sachant qu'il ne peut pas tout à fait. Il se donne à elle en ayant conscience de sa dangerosité. Impossible de lui faire confiance. La tentation est si forte.

L'eau l'attire. L'eau le pousse. L'eau l'éloigne.


.

Ariel ouvrit les yeux dans le noir. Il était très tôt ; peut-être trois ou quatre heures du matin. La pâle lueur de la lune qui filtrait par la fenêtre n'était pas suffisante pour l'estimer. Les respirations bruyantes de ses camarades lui indiquaient toutefois que le matin n'arriverait pas avant plusieurs heures.

Les cauchemars se faisaient de plus en plus présents. Et pressants. En un mois, Ariel pouvait compter le nombre de nuits complètes qu'il avait passées sur cinq doigts. La fatigue lui tirait les traits, et pourtant il ne parvenait pas à dormir. Pire sans doute : il ne voulait pas dormir.

L'eau glaciale, les feuilles mortes détrempées et le vent hivernal hantaient ses nuits.

Heureusement pour lui, les masques morbides des Mangemorts n'avaient pas paru dans ses songes. Inexplicable et particulièrement angoissant. Ariel se sentait anormal ; s'il devait garder des séquelles de la soirée d'Halloween, c'était assurément à cause de la cruauté humaine et du retour potentiel du Seigneur des Ténèbres. L'effet kiss-cool était qu'il ne savait pas quoi raconter à Jules pour lui exprimer son mal-être : quoi de plus ridicule que de s'abîmer la santé à cause d'eau et de quelques éléments inhérents à l'automne ? Il ne parvenait pas à mettre les mots sur ce qui le rongeait. Au fond de lui-même, il savait que la situation n’avait pas tout à voir avec les événements du 31 octobre.

Il soupira, se retourna. Ne pas penser, ne pas réfléchir. Ne pas fléchir.

Il garda les yeux ouverts jusqu'au petit matin.

.

Les poumons se vident, les bulles d'air montent à toute vitesse. Seul humain parmi les animaux, parmi les végétaux. Solitude glaciale et réconfortante. Aller plus loin, plus profond, aller plus en avant, plus en arrière.

L'eau lui offre l'oubli qu'il cherche. L'eau fait éclater ses émotions. L'eau comble le vide qu'il ressent à l'extérieur.

Mourir dans l'eau lui donne l'impression d'être vivant.


.

— Pourquoi tu ne veux plus me parler ?, se plaignit sa soeur.

Ariel haussa les épaules. Il ne pouvait nier qu’il mettait de la distance entre lui et les gens qu’il aimait, mais il avait l’impression dérangeante de leur mentir. De leur cacher le plus important, le plus fondamental en lui, sans pour autant savoir le nommer.

Quelque chose avait changé en lui. S’il se sentait avancer en eaux troubles au début de l’année, il sentait qu’à présent il se perdait de plus en plus. De plus en plus loin.

Le ciel était gris et les marécages devenaient mouvants.

— Je n’ai pas beaucoup de temps, fit-il à la place. Je te l’ai déjà dit.

Il observa un moment ses mains, comme si elles détenaient tous les secrets du monde. En l’occurence, elles lui offraient surtout un excellent moyen de ne pas regarder sa soeur. Parce qu’il devinait la déception qui s’inscrivait sur son visage sans même devoir lever les yeux. Il dérogeait à toutes ses promesses : être là pour Amy, l’accompagner pendant sa première année, ne pas l’abandonner dans les moments difficiles.

Et difficile, ce moment, il l’était assurément.

La fuite demeurait la meilleure solution. La plus facile, la moins risquée.

— Je dois y aller, lança-t-il en faisant demi-tour. Il atteignit la porte : On se voit plus tard.

— Je m’inquiète pour toi, lança la fillette de onze ans. Le Ariel que je connais ne partirait pas ainsi comme un voleur. Le Ariel que je connais sourit quand il me voit et me consacre du temps sans rechigner.

Le jeune garçon se figea. Un poing au coeur. Du vide, partout.

— Peut-être que le Ariel que tu connaissais n’est plus là, alors.

Il s’en alla.

.

Le lac est calme comme un océan. Pas de son. Pas de jugement. Un silence assourdissant, qui écrase de sa puissance la plus fragile des créatures.

Il se perd dedans et souhaite ne jamais remonter à la surface.


.

C’était petit à petit devenu une habitude. Sans qu’il ne se rende trop compte de la portée de son geste, il l’avait intégré si naturellement à son quotidien qu’il ne se souvenait plus d’un temps sans ça.

C’était assez innommable, sans qu’il ne comprenne pourquoi. “Excursion en eaux profondes” semblait approprié, même s’il n’allait jamais tant en profondeur.

Les eaux sombres du Lac Noir avaient cette vertu, sur lui en tout cas, de faire sortir tout ce qu’il gardait enfoui au plus profond de lui. Ariel ne réfléchissait pas au pourquoi du comment : le fait était qu’il ne parvenait pas à extérioriser ses émotions, ses pensées et ses démons autrement qu’en allant se baigner dans le lac.

Lorsque le vide en lui devenait trop gros, trop présent, il sombrait. Littéralement. Si profondément qu’il en suffoquait. À chaque fois. Comme si la sensation du manque d’air le délivrait d’un mal inconnu, comme si étouffer parmi les algues se révélait plus libérateur que d’évoluer parmi ses pairs.

C’était le cas ce jour-là.

Affalé sur l’appui de fenêtre dans leur couloir, recouvert par un plaid pour lutter contre les courants d’air, ce dimanche-là, Ariel avait l’impression que ses organes étaient aspirés un à un par un trou noir géant. Ses amis parlaient mais il ne les entendait pas. Comme si souvent les jours précédent, le monde réel semblait s’éloigner sans qu’il ne puisse réagir.

Voulait-il seulement le réintégrer ?

Subir son apathie en société et vivre à nouveau une fois immergé semblait plus facile que de s’intéresser à ce qui l’entourait. Même les cours de Métamorphose n’avaient plus la même valeur.

— Je vais faire un tour, annonça Ariel.

Il préféra ignorer les regards inquiets qui se posèrent sur lui.

Le jeune Serdaigle avait conscience que ses proches s’inquiétaient pour lui ; Amy le lui avait dit le matin même. Il savait que son mutisme persistant les mettaient mal-à-l’aise, et qu’ils étaient tous soulagés lorsque surgissaient, à l’improviste, ces moments rares où il redevenait un peu lui-même. Ariel le voyait, il s’en sentait coupable même, mais il n’avait plus la force de faire un pas vers eux.

Il préférait tourner le dos et ne plus les voir du tout.

Comme souvent depuis des jours, ses pas l’emmenèrent dans le parc de Poudlard. Le charme de l’automne commençait à céder la place à la monotonie de l’hiver : à la place des couleurs orangées d’autrefois, des branches nues et vides de leurs habitants.

La paysage était à la hauteur de la puissance de ses sentiments : morne. Le vide qui résidait en lui le fatiguait.

Les berges du Lac Noir étaient désertes. Un sourire releva la bouche d’Ariel. Comme toujours, Poudlard le laisserait tranquille pendant la demi-heure qui suivrait. Ce temps-là lui appartiendrait ; pas de faux-semblant ni d’intérêt forcé, pas d’hypocrisie. Juste lui et ce noir profond qui tapissait son intérieur. Juste lui et ces couleurs qui surgiraient aussitôt en contact avec le fond.

Il ôta ses chaussures et les abandonna près du Saule Pleureur.

Comment ferait-il lorsque les beaux jours reviendraient et que les étudiants investiraient les bords de l’eau ?

Comme s’il répondait à un appel silencieux, le lac l’accueillit dans ses entrailles.
Code by Ariel
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Dim 25 Oct 2020 - 12:23
L'immersion
Ariel, Sessho & Elyana
Dans ma faiblesse, j'avais cru que je serais incapable d'accorder à nouveau ma confiance, que je serais incapable de me rapprocher des autres, que je serais incapable de supporter leur présence. Pourtant, il m'avait fallu si peu de temps, à l'époque, pour me raccrocher à une de mes amies comme à une bouée de sauvetage en pleine tempête. Et même si nous avons eu nos hauts et nos bas, je ne serais jamais allée aussi loin sans elle.

J'apprécie la solitude d'un feu de cheminée ou celle d'une pluie mélancolique ruisselant sur mes joues, dansant avec mes larmes camouflées. La colère, je maîtrise, je la vivais au quotidien, tapis au fond de moi comme une bête féroce qui n'attendait que de gronder. L'isolement pur et simple, je n'aurais jamais pu le supporter. Et au fond, je crois que sans cette réalité, sans ce renard polaire qui m'en a fait prendre conscience, je n'aurais pas pu être au bon endroit quand il le fallait.

Parfois, il arrive un événement inattendu, impossible à prédire, qui nous fait grandir, mûrir. Qui nous force à bouger à nouveau, quitte à trébucher, quitte à tomber et devoir ramper. L'important, fait que j'avais occulté, c'est de toujours avancer, quoi qu'il advienne. Parce qu'ainsi, qu'importe la fin, le jour où je serais forcée de me retourner, je ne pourrais qu'être fière du chemin que j'aurais parcouru.
Solitude, souffrance, colère. Une spirale infernale qu'Eileen avait subie en début de mois. Honteuse suite à la scène qu'elle avait offerte dans la Grande Salle, qui avait amené d'autres élèves à se faire remarquer dans un simulacre de rébellion, elle avait souhaité s'isoler. Elle n'avait pas supporté les mensonges de la Gazette et la fuite de Tabata. Puis, elle n'avait pas su encaisser le comportement plus que distant de son secret. Au fond, elle savait que sa décision, celle de fuir ses proches, était égoïste. Les membres de Salazar avaient essayé de l'approcher, mais l'illusionniste, ombre d'elle-même, s'était contenté de son mutisme du premier jour.

La seule qui était parvenue à la faire parler était Elyana. Dans le même dortoir, il était difficile de prétendre que l'autre n'existait pas. Si au départ, elle avait eu l'intension de l'ignorer, comme tous les autres en dehors du Shinmen qui s'était métamorphosé en fantôme introuvable, elle n'avait finalement pas su s'y résoudre. L'animagus aussi était partie à la recherche de Sessho. Elle aussi avait fait face à Tabata. Elle aurait même pu être blessé, si la King n'avait pas réagi pour la protéger au mépris de sa propre vie.

De plus, Eileen comprenait mieux le poids que la jeune femme portait depuis le début de l'année. Et si elle ne parvenait pas à calmer la colère froide qui grondait en elle, elle pouvait se rendre sourde à l'émotion pour s'occuper de son amie. Elle était agitée. Par ce fait, il était assez évident pour l'Américaine que, débutante, la blonde risquait de reprendre une forme animale à tout moment si elle ne se calmait pas.

Cependant, Eileen n'avait aucune idée de comment elle pouvait adoucir la rage de la Sleepy. Ne parvenant pas à le faire avec elle-même, comment pouvoir prétendre y arriver avec les autres ? Elle avait néanmoins toujours ses capacités intellects et c'était comme ça qu'elle avait pu imaginer un plan. Si elle ne pouvait empêcher les transformations, l'animagus pouvait néanmoins les contrôler en partie en les effectuant régulièrement.

Il ne s'agissait que de ce que brune espérait, plus que d'une vérité absolu, mais ce n'était qu'en essayant cette théorie qu'elle saurait si elle fonctionnait. De manière à esquiver le sujet de la Française, ou même la soirée de Halloween, elle avait mis le sujet sur le tapis dès le premier soir. L'idée était assez simple : se rendre dans le parc, proche de la forêt interdite et laisser Elyana s'y transformer pendant qu'elle lisait. Si quelqu'un la remarquait, elle se ferait convaincante pour inventer une histoire plus ou moins cohérente pour expliquer la présence du canidé.

Plusieurs fois dans le mois, les deux jeunes femmes s'étaient donc rendu dans le parc. Là-bas, sous un chêne à l'orée du bois, elles s'étaient installées, la blonde sous sa forme de prédatrice. Dans ces moments-là, la née-moldu se penchait sur les livres de potion qu'elle empruntait à la bibliothèque, bien plus régulièrement qu'avant.

Incapable, depuis le début du mois, de supporter ses déboires répétés, elle essayait de comprendre ce qui rendait ses créations inutilisables. À chaque fois qu'elle pensait toucher du doigt la raison, ses expériences lui prouvaient qu'elle se trompait. Encore, encore et encore. Si au début de l'année, et les années antérieures, elle s'en était amusée, allant jusqu'à créer un commerce de farce et attrape innovant à l'intérieur du château, ce dernier était maintenant gelé.

Les jumeaux, fournisseurs de ses sucreries piégées, avait essayé de lui parler pour comprendre sa décision. Ils n'avaient récolté pour réponse qu'un regard mauvais. Elle n'avait pas su leur donner la cause, incapable de le formuler. Incapable de leur dire qu'elle ne parvenait plus à garder son calme. Chaque nouvelle création, qu'elle essayait et qui ne fonctionnait pas comme elle le voulait, était détruite dans la foulée, sous le poids de sa rage, de sa culpabilité.

Encore aujourd'hui, dernier dimanche d'un mois qu'elle garderait en mémoire pour être l'un des pires de sa vie à Poudlard, elle essayait de saisir la cause de ses échecs. Ses yeux passaient d'une explication à une autre sur les pages noircis d'un grimoire trop volumineux, déposé sur ses jambes allongées. Installée au pied de l'arbre, elle maintenait le manuscrit ouvert de sa main droite, l'autre lui servant à caresser la tête de son amie.

Une main qu'Eileen retira après plusieurs minutes. La douleur n'avait pas été grande, mais toute à sa concentration, la morsure du renard l'avait surprise. Elle en fit tomber les écrits sur le sol et lancer un regard électrifié à la sorcière à ses côtés. L'incompréhension suite à son geste ne la fit pas remarquer, directement, son agitation. Une réalité qui l'amena à reprendre le livre qui s'était échoué au sol, dans l'idée de reprendre sa lecture après un soupir. Elle roula des yeux quand Elyana recommença, attrapant la manche de sa veste pour la tirer en grognant.

« Par la barbe de Dumbledore, qu'est-ce qui te prend ?! », grogna l'orpheline.

Agacée, elle observa la renarde qui, maintenant qu'elle avait son attention, commençait à se diriger en direction du lac. Comprenant que, quoi qu'elle veule lui montrer, la blonde ne la lâcherait pas tant qu'elle ne l'accompagnerait pas, elle ferma le manuscrit avec plus de violence que nécessaire. La seconde suivante, elle se redressait, effectuant quelques mouvements pour chasser l'engourdissement de ses membres dû au froid et à sa position immobile prolongée.

Ce ne fut que quand elle fut certaine d'être totalement maître de ses mouvements qu'elle daigna prendre le chemin emprunté par l'animagus. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle avait pu sentir, mais la magicienne, avec du recul, se fit la réflexion qu'elle ne l'avait pas mordu pour rien. Sous sa forme de canidé, à l'aide de son instinct animal, Elyana avait une meilleure perception du monde qui l'entourait. Ce fut cette réalisation qui la fit accélérer le pas, jusqu'à parvenir sur la plage.

Son cœur manqua un battement quand elle comprit. Et si pendant une petite seconde où son esprit voulut forcer le déni, elle crut rêver, la vue du renard, nageant déjà dans la direction du garçon qui s'immergeait, chassa sur l'instant cette possibilité. Une peur sourde la prit aux tripes l'instant suivant, quand la dernière mèche disparut de son champ de vision.

Le froid mordit sa peau dès qu'elle retira sa veste et son haut, mais elle ne s'en formalisa pas. Elle courrait déjà vers l'eau qui n'attendait que de l'accueillir de son étreinte glacée. Elle ne prit pas la peine de retirer son jean. Le pantalon, trop serré, lui aurait fait perdre trop de temps. Seuls ses Dr. Martens furent, à l'image des vêtements retirés et du grimoire, abandonnés sur la rive.

Les premiers pas dans le lac furent compliqués. À chaque mètre supplémentaire, l'eau qui léchait ses jambes engourdissait ses muscles et la faisait ralentir. Elle plongea quand même dès qu'elle le put.

C'était de la folie. De la folie, car elle devait forcer pour nager, pour ne pas couler. De la folie, car chaque mouvement supplémentaire aspirait ses forces comme le lac souhaitait l'engouffrer. De la folie, car ses membres étaient déjà presque paralysés par le liquide gelée. En quelques minutes, elle eut l'impression de vivre une éternité. Elle eut le temps de refuser tout abandon possible. Elle eut le temps de se décourager. Elle eut le temps de souhaiter rattraper l'élève qui, pour elle, allait se noyer. Elle eut le temps de vouloir le rejoindre dans sa danse mortuaire.

Pour la première fois de sa vie, avec l'impression d'être aux portes de la mort, elle se demanda si elle n'accepterait pas cette éventualité. Elle n'arrêta pas de bouger pour autant, car le moment suivant, la seconde d'après, elle se souvint qu'elle n'avait jamais accepté cette fatalité. Qu'elle ne l'accepterait pas ; pas aujourd'hui, pas avant des années.

Retenant son souffle comme elle ne l'avait jusqu'alors jamais réalisé, elle s'immergea entièrement et elle le vit. Si proche et si loin à la fois. Elle avait la sensation qu'un gouffre les séparait. Pourtant, elle continua de descendre, de se diriger vers les profondeurs, refusant de l'y voir s'éloigner et disparaître.

Quand ses doigts frôlèrent le tissu d'un vêtement, puis qu'elle parvint à attraper son poignet, ce fut avec un soulagement palpable qu'elle sentit une décharge d'adrénaline la traverser. Elle ignorait d'où lui venait cette soudaine énergie qui l'animait, mais loin de se questionner, la Gryffondor s'en servit pour remonter à la surface avec son fardeau.

Le retour vers le rivage du lac noir fut, malgré cette vigueur éphémère, d'autant plus complexe. Bien qu'aidée par une Elyana plus déterminée que jamais, mais toujours sous sa forme de renard, Eileen ne pouvait plus que se servir d'un bras pour avancer, l'autre lui servant à garder le garçon contre elle.

Fatalement, elle crut qu'elle n'y arriverait pas. Chaque nouveau mètre passé lui donnait le vertige, lui donnait l'impression désagréable que la terre ferme s'éloignait un peu plus au lieu de se rapprocher. Tout comme elle avait l'impression d'avoir des poids qui se formaient sur ses jambes, sur ses bras, qui n'attendait qu'une faiblesse de sa part pour l'envoyer par le fond. Elle refusa pourtant de se laisser aller à son pessimisme lattant. Un refus qui paya d'une manière inattendue : une vague submergea les flots.

Un raz-de-marée miniature, formé par la puissance mystérieuse d'un animal légendaire, qui les poussa à grande vitesse vers le rivage. Par son action, il permit à Eileen de se redresser et de prendre appui sur ses jambes. Dès lors, avec le peu de force qui lui restait et sans chercher à savoir ce qu'il venait de se passer, la jeune femme tira son poids, le traîna jusqu'à la plage. Quand l'eau fut suffisamment éloigné à son goût, cependant, elle ne tint plus et le lâcha sans grande douceur.

La seconde d'après, en pleine redescente d'adrénaline, elle s'effondrait elle-même à quatre pattes. Elle avait froid. Elle était exténuée. Et, par-dessus tout, bloquée dans cette posture, ses poumons la brûlèrent comme ça ne lui était jamais arrivé par le passé. Elle fut prise d'une quinte de toux d'une violence rare. Si brutale qu'elle en vint à régurgiter, à rendre tout le contenu de son estomac. Tremblante, trempée jusqu'aux os, la respiration sifflante et inégale, le regard plongé dans la bile crachée, c'était à peine si elle parvenait, à présent, à percevoir ce qui l'entourait.
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Mer 28 Oct 2020 - 22:39
L'immersion
“Elyana Sleepy & Eileen King & Ariel Melwing & Sessho Shinmen”
La colère, la haine, la rage… Voilà plus d’un mois que mes inquiétudes et mes peurs diverses et pesantes ont laissé place à un feu intérieur ravageant tout sur son passage. Les mensonges, les accusations, les rumeurs… Tout m’était insupportable depuis ce fameux soir. Et pourtant tout cela partait tellement dans le bon sens… Me faisant sentir bien, libre, pas loin d’un bonheur qui me semble inatteignable désormais. Que ce soit la gazette, le Ministère, ou les adultes en eux-mêmes, je ne pouvais plus en supporter aucun… Plus faire confiance à un seul de ces êtres qui voulaient mettre au silence nos terreurs et blessures bien qu’enfuis, toujours aussi douloureuses…

Mais si c’était tout… Si et seulement s’il n’y avait que ces mots et ces silences qui animaient ma flamme de rage gagnant de plus en plus de terrain au fond de moi… Mais comme dit un tristement célèbre dicton, un malheur ne vient jamais seul. Et le silence de mes parents malgré diverses tentatives de communication, n’arrangeait en rien mon état. Et si mes agissements à cette soirée avait produit ce qu’avec ma mère on souhaitait éviter ? Et si cette dernière avait payé le prix de mon insolence ? Et si la mort de ma maternelle n’était rien comparée à ce qu’elle vivait à cet instant ? Toutes ses questions sans réponses, me faisant imaginer les pires scénarios possibles étaient de l’huile dans mon cœur bien trop petit pour tout ce qui pouvait l’immerger depuis ce terrible soir, déclencheur de tout ce qui se produisait depuis lors…

La colère, la haine, la rage, chaque jour je les ressentais davantage depuis ce fameux matin, où la flamme de mon cœur est devenue une tornade envoyant valser toutes ces conneries de papiers. Je n’avais plus que cela en tête… La colère… Plus que ce mot à la bouche dans mes longs silences… La haine…. Plus que cette sensation quotidienne… La rage… La peur n’arrivait que difficilement à se faire une place, se contentant de me rappeler à l’ordre quand des oreilles manquaient de faire leur apparition en plein couloir…

Point positif de tout ça ? Je sais désormais ce qui déclenche mes transformations non voulues : La haine ! La tristesse, la peur et le doute ne sont rien comparé à cette sensation qui m’empare, me transformant en une boule de poils blanches voulant garder son existence ne serait-ce qu’un minimum secret… Point négatif ? C’est incontrôlable, et encore plus dure à cacher que depuis le début d’année… Le contrôle sur moi était de l’histoire ancienne, rejoignant désormais mes douces aventures en montagne….

Mais dans toute cette agitation, une pluie fine et agréable, réussit à atteindre mon brasier intérieur : Eileen ! Comme un nuage partageant quelque peu de sa pluie, elle s’était montré l’amie qu’elle avait toujours été… Et même plus… De toute évidence je n’avais pas été la seule touchée par la fuite de Tabata, et je ne pouvais que comprendre la solitude que pouvait ressentir l’américaine en l’absence définitive de sa pétillante française… Même sans forcément en parler, je pouvais ressentir qu’un vide s’était installé… Tout comme cette chambre semblait plus vide en l’absence d’une blonde volcanique.  Mais c’était ainsi…

Me contrôlant un maximum la journée pour éviter d’exploser dans les cours ou les couloirs depuis ce fameux soir, je pris rapidement l’habitude de me lâcher dans les dortoirs… Mais malheureusement une fois n’étant pas coutume le contrôle me perdit, et ma chair laissa place à ma fourrure… Heureusement pour moi, ce fut Eileen qui me découvrit, et qui me fit une proposition que je ne pouvais qu’accepter et trouver parfaite.

C’est ainsi que petit à petit au fil des jours et semaines, une habitude prit place dans notre relation amicale. A la lisière de la forêt, mon amie me permettait régulièrement de m’abandonner à a forme animale, évacuant ainsi toute la frustration, toute la haine et la colère l’espace d’un instant.

Ce jour-là, en fait un parfait exemple. Aussitôt arrivé à notre petit coin de tranquillité, tout simplement en me laissant aller et en relâchant la pression que je garde en moi depuis ce fameux soir, mes vêtements rouges et or firent place à un blanc éclatant. Le froid hivernal commençant à pointer le bout de son nez, ma fourrure devient plus épaisse, faisant penser à une grosse peluche poilue que l’on aimerait câliner…. Mais pas tout de suite… Les premiers instants, je saute partout, cours partout, comme si un surplus d’énergie avait besoin de sortir ! Ma colère, ma haine, ma rage…. Tout disparait ne serait-ce qu’un instant, que durant ce bref moment, où je me sens presque bien, presque apaisé, comme si plus rien n’existait, juste Eileen, la forêt et ma forme animale plus confortable que celle humaine….

Plus d’une fois durant ce mois une idée me traversait l’esprit… Et si j’abandonnais tout ? Et si je restais ainsi …. Pour toujours… A jamais…. L’idée ne faisait à chaque fois que passé, mais revenait en force encore et encore, c’était à chaque fois brefs, mais présent, prenant de plus en plus de place dans ma tête avec le temps...

Alors que j’évacue tout ce que je peux évacuer à cet instant, mon amie semble essayer de se détendre devant un livre au pied d’un arbre auxquelles elle s’est adossée. Un moment dont chacune profite à sa façon. Une fois vidait, mais voulant profiter de cet instant de liberté, ma fourrure me portant suffisamment chaud, aussi douce que si quelqu’un l’avait au préalable brossé, Je me blottis alors contre Eileen, à la manière d’un canidé apprivoisé, partageant de sa chaleur naturelle avec son humain. Je soupire brièvement après une longue inspiration, comme si le temps s’arrêté. Je me sens bien est apaisé… Mais pour combien de temps… Certainement pas une éternité.

Soudain un son, une odeur, une sensation… Quelque chose se produit à cet instant, et mes sens animales sont en éveilles. Malheureusement pour moi, ils ne sont pas aussi développés qu’un être sauvage… Mais comme si une sensation m’en donné l’ordre, mes oreilles bougent dans tous les côtés, mes naseaux sentent l’aire comme si un indice s’y trouvé… Quand une image me vient en tête, mettant en accord les sons odeurs et sensations. Le lac, quelque chose s’y produit... Un plouf ? Je ne sais pas exactement mais une force extérieure me demande d’aller voir ce qu’il se passe.

Je me redresse alors, et mordille la main de mon amie pour attirer son attention. J’essaie de lui indiquer la direction du lac, mais elle ne semble pas comprendre vu comment elle reprend son bouquin, prête à continuer son ouvrage. Grognant quelque peu devant l’incompréhension de mon amie, je lui attrape cette fois la manche, essayant de la tirer dans la direction souhaitée. Cette fois-ci elle se relève, prête à me suivre, ce qu’elle fait par la suite. Je cours alors sur mes quatre pattes, essayant de ne pas aller trop vite pour la bipède m’accompagnant.

Une fois sur place, une odeur familière me chatouille le museau, et sans vraiment réfléchir je plonge alors dans le lac – Bordel pourquoi je n’arrive toujours pas à me retransformer en humaine quand je le souhaite – Je nage vers une silhouette qui m’est étrangement familière, profitant d’une fourrure m’empêchant de ressentir le froid comme ce garçon doit le ressentir à cet instant.

Mais qui dit canidé, dit pas de bras, et beaucoup moins de forces… Seule je ne parviens à rien, et c’est une Eileen surement frigorifiée qui vient m’aider. Ce n’est pas avec la seule force de ma petite gueule de renarde que je lui étais d’une grande aide – Vite avant qu’ils meurent de froid – Malgré ma détermination à sortir de l’eau le plus rapidement possible, ma force alliée à celle de mon amie ne sont pas suffisantes… Je n’abandonne pas, mais commence à me dire que ce n’est peut-être pas possible… Quand l’eau semble entendre notre détermination à Eileen et moi, et une espèce de vague inexplicable nous aide à rejoindre le bord.

Aussitôt arrivée, le corp de l’élève déposé, et les poils violemment secoués à la manière d’un chien mouillé, l’entente d’une régurgitation attire mon attention. – Aller retransforme toi bordel de merde – Je me dirige rapidement vers mon amie, me frottant contre son flan lui montrant ma gratitude ainsi que mon soutiens… Mais même si elle parait mal en point, l’état du jeune aiglon dont je n’arrive pas à rappeler d’un nom, mais seulement du visage et de sa tignasse, m’inquiète d’autant plus. Un renard ça ne miaule pas, ça hurle ou aboi encore moins, mais le bruit que je peux faire, j’espère attirera de l’aide dont nous avons expressément besoin. Je me cale donc le long du garçon, autant collée à luj que possible, espérant que la chaleur naturelle de ma fourrure encore humide puisse l’aider en attendant que quelqu’un vienne nous aider…



©️ nightgaunt
Invité
Invité
avatar
Revenir en haut Aller en bas
Jeu 29 Oct 2020 - 2:02

L'immersion
La pluie. L'orage. Le feu. Le sang. Comme une ombre, comme une bulle, ils coulent sous mes pas.
Lundi

Une main qui soutient la tête, l'autre qui passe sur le drap. Les paupières fixes sur un plafond trop noir. Il est tard. Il est toujours tard. La respiration calme, les ronflements à côté, les ombres de la Lune dansent sur les rideaux, sur ses pupilles rêveuses. Comme un songe tournant sous le vent, sous la houle de la brise claquant contre la vitre. Un cauchemar s'effritant au réveil, au lendemain, aux prémices du jour. Le souvenir des cases qu'il remplit, qu'il coche, qu'il encaisse et aligne. Les jours qu'il enquille comme des rails, comme des cales, des fûts, des shots d'ivresse, d'excitation, de retombées, de redescentes, qui l'assomment, qui l'épuisent, qui le lassent. Les mots. Les remarques. Les croche-pattes. Les attaques. Elles ne sont rien, face à lui. Face au reflet des lettres qui brûlant dans ses veines, dans son souffle, le lancent de son inaction, de sa lâcheté, de son indécision.

Dehors, le temps défile, pour lui, il est au ralenti, un peu à l'arrêt, un peu sur pause, jamais totalement. Un sablier truqué, aux grains souples, lourds comme du plomb, comme de l'acier, comme une enclume qui le fout tout au fond. Au fond de tout. Au fond du reste. Au fond de lui. Au fond de rien. Il entend tout, et il n'entend rien. Il comprend et ne retient pas. Le Soleil le nargue. La nuit le berce. Finalement, il n'y a qu'elle qui l'accueille sans détour, directe, toujours à l'heure. Éreinté, il voudrait dormir. Clore ses yeux et se laisser guider. Si ses gardiens ne venaient pas l'attacher. Si sur une table, il ne finissait pas abandonné et sous une lame ne pourrait que crier. Aujourd'hui, il était présent, au rendez-vous, sur le même poste, dans ses souvenirs, dans ses rêveries. Ce n'est pas cette fois encore qu'il espérera guérir.

Dehors, il ne pleut plus, et c'est tout aussi bien ainsi. Fatigué, il voudrait rester au lit, se blottir contre la vitre et ne voir que la nuit. Mais il est tard, et il n'aura pas dormi.

Mardi

Les couloirs se remplissent, ils le sont souvent trop. Comme une marée, il s'en sent de trop. Engloutis par leur dispute, leur rire et sourire, il ne se reconnaît plus dans leurs semblants d'imposture. Étranger d'une culture, d'une arrivée, d'une adoption, son adaptation a viré à l'implosion. Il voudrait courir, fendre la foule et s'en éloigné, mais il est là, incapable de s'en détacher. Elle le compresse, elle le serre de ses regards, de ses œillades, de ses jugements, de ses brimades. Il ne voit plus qu'elle, plus qu'eux, plus que le gris, plus que le terne, plus que l'inerte. À bout de force, ses jambes le portent un peu plus. Elles le gâtent encore de ses ressources, de ses entraînements. Comme son esprit se cramponnent à ses efforts.

Attendre, se dit-il quand tout s'en va, quand tout s'arrête et que les larmes le prennent. Il s'y refuse, il les rejette, s'en contrefout. Il n'est pas à plaindre, pense-t-il en voyant tous leurs doutes. Certains finissent trempés, muets et isolés. D'autres s'en cognent, s'en blessent, s'en arrachent. Si seulement, tout pouvait s'arrêter en un virage. Il les regarde, il les observe, souvent de loin. Il ne s'approche plus, ne parle plus, voudrait être là. Tout aspirer, tout transformer et tout faire disparaître. Parce qu'une seule gueule cassée dans le périmètre leur éviterait le cimetière. Il en souffre de voir leur rage, leur colère, les voir si solitaire, il en ressent de la honte, de la peine, de la rancœur, pour tous ses actes qui n'ont plus de valeurs. Aider, recoller les morceaux des amitiés, des ennuis, des soucis, sécher leurs joues, leur cri et leurs insomnies. Être parfois plus qu'une main, qu'un conseil, qu'un détour. Aujourd'hui, depuis des jours, il leur volerait bien leur chagrin, leur douleur pour couler, pour dans un dernier acte altruiste, se tuer dans le sacrifice.

Mercredi

Ils lui parlent, mais il n'a pas envie d'écouter. Ils sont présents, insistants, il pourrait les envoyer chier. Il ne le fait pas, n'est pas sûr d'en nourrir l'envie, alors il se tait, et attend que son assiette se vide. Il mâche sans penser, sans réfléchir, il prête oreille à leurs paroles, sans les inscrire. Il discerne vaguement les cours, les devoirs, les lignes à discourir, même ça, lui semble interminable. Depuis le levé, il ne désire que s'allonger, quitter la salle, et regagner son oreiller. Il sait qu'il n'y trouvera pas de repos, mais peut-être que temps lui paraîtra moins long. Moins submersible, moins regardant sur ses soupirs, sur ses façades, sur ses obligations.

Ils s'acharnent, le poussent, l’alpaguent. Les mots lui manquent pour décrire le vide qui le hante. Le rien qui consume ses pas, ses phrases, ses blagues. Il le surprend, le prend à la gorge, l'empêche de respirer. Il est toujours là, à l'attendre au pied de guerre. Ses absences de réactions, son manque de sensations, d'émotions. Peut-être qu'il ne ressent plus rien, et ne parvient pas s'en faire. Ce n'est pas plus mal de ne pas vouloir sauter par la fenêtre. C'est comme un creux, comme un trou noir, comme un précipice. Il saute dedans si ça l'empêche de faire une crise. De se taper la tête contre les murs, de s'ouvrir les veines de leurs injures, de leur venin, de leur poison, de cet orage qui tourne en rond.

Aujourd'hui est une nouvelle croix, un nouveau jour, un nouveau stade. Aujourd'hui, c'est presque supportable.

Jeudi

Les chaudrons fument, il n'en sent pas l'odeur. Sous ses doigts, s'enlisent les pétales des fleurs. Il en a oublié le nom, et ne cherche pas à le garder, ses notes pourront bien baisser. Il suit les gestes, les consignes. C'est mécanique, c'est laconique. Il est un peu-là, c'est déjà pas mal. À ses côtés, son ami s'agite, reprend tout à zéro, se frappe la cuisse de sa maladresse, de son perfectionnisme. Alors, il l'aide, une fois de plus, un tour à gauche, un tour à droite, le couteau d'un cran, les racines dans le pot. Ses ongles ripent, il se coupe. Il saigne un peu, pas vraiment beaucoup. Ce n'est pas grave, affirme-t-il, ce n'est que quelques gouttes. Le rouge lui attire l’œil. Il est perçant. Il est de trop.

Il le cache, s'en détache pour ne pas s'enfuir. Il n'a pas mal, il l'oublie déjà. Mais sur son torse la lame court et ne s'arrête pas. Elle passe, repasse en boucle, d'une lettre à l'autre, sans lui laisser de souffle. Il angoisse, il se noie, il voudrait inspirer, crier, ou même pleurer. Mais rien ne vient, rien ne coule, rien ne le soulage. Comme cette plaie, il reste à vif et s’assèche, s'assoit et se tempère. Il n'y ait plus, sa raison le soulage. La peur s'en va, le vide revient, c'est agréable.

Demain, on n'y verra plus rien.  

Vendredi

Il est un peu seul, pour une fois. Le parc est vide, il fait froid. Il n'est pas bien couvert, mais il ne le sent pas. Le vent souffle, comme cette nuit-là. Les branches craquent, les sons s'accentuent. Ils ne s'atténuent pas quand ils ne sont plus là. Quand dans sa tête ne restent que les planches, que la pluie et le bois. Quand sous ses yeux les feuilles disparaissent pour s'embraser d'un millier d'étincelles. Sur son index, il n'y a plus qu'une ligne, comme sur sa chaire ne restent que des cicatrices. Plus de carmin, plus de métal, plus de peur, la honte l'empoigne et il s'en veut de déprimer. De ne voir que le noir, où le blanc brille. Il pense à eux, à ses amis qui traînent, il pourrait les rejoindre, mais il n'en a pas le courage.

Il ne veut pas parler, pas s'expliquer sur sa mine morne. Certains veulent courir, se dépenser, s'étreindre, lui, il reste immobile, impassible sur la pelouse orangé. C'est joli, mais il ne le voit pas. Sous ses pieds, ne s'étends que le parquet. Un peu bloqué, un peu confus, au sommet d'une cabane. C'est un peu sa punition, de rester dans le noir. Il en a besoin, c'est étrange. De continuer de se souvenir, de se rappeler. Parce que cette fois-ci, il avait mal, il avait peur, il n'était pas vide.

C'est terrifiant de ne plus se sentir en vie.

Samedi

Le piano est mal accordé, ou est-ce lui qui n'arrive pas à jouer ? Le Do sonne comme un Sol, le Mi comme un Ré. L'aigu et le grave se confondent, comme une mélasse, comme une bouillie désordonnée. C'est mauvais. C'est catastrophique. Il abandonne, ramasse ses partitions et s'efface, s'échappe de son banc. Ses pas résonnent, et il se joue d'une maigre danse. D'un tour sur lui-même devant le violon, à quelques enjambées de la contrebasse. Les papiers pèsent lourd dans ses paumes. Il s'accoude et regarde la cour. Des fourmis forment des cercles, des ovales, des losanges, qu'il redessine sur la mosaïque.

Il ouvre la fenêtre, se giflant d'une rafale. Il pleut. Une fois de plus. Ses joues sont humides. Le ciel pleure pour lui. Ses doigts tordent ses parchemins, les chiffonnent, les entassent. Il en détache un, le façonne en une paire d'ailes, en un bec d'oiseau. Un cygne majestueux au cou plié. Avec une impulsion, il le mêle au vent.

Il s'envole. Un peu, défiant la pluie, défiant le temps. Une brise de trop et il s'affaisse. Il suit sa chute, son tourbillon avant l'ultime impact, le point de non-retour. L'encre dégouline de son support, comme des plaies réalistes.

La prochaine fois, il irait plus loin.


Dimanche

Un jour comme les autres. Le dernier de la semaine. Morphée l'a fuit, une fois de plus, et il n'avait pas cherché à le retenir, à le capturer. C'était aux premières lueurs qu'il s'était faufilé, glissant sur les escaliers, dans les couloirs, rasant les murs et les tableaux. Comme une ombre, comme un spectre. Silencieux, respirant à peine, il déambula, sans but, sans destination. Un peu dans les étages, au rez-de-chaussée. Près des cuisines, à la bordure, à la frontière des cachots. Le contenu l'intéressa, le réveilla, mais il le refoula, se détourna pour grimper, au quatrième, au cinquième, au détour des tours, des portes closes, sans savoir quoi faire, quoi penser de sa journée, de sa semaine, de sa matinée. Un calme plat, sans remous qui lui rappela sa sérénité sans ne serait-ce que l'effleurer.

Le temps passa, et Sessho additionna mentalement les dizaines des aiguilles quand l'horloge se perdait sur son trajet, sur son parcours cyclique. Une routine, une habitude. Des sentiers qu'il empruntait sans les apprécier, sans les savourer. Les graviers percèrent ses bottes, son ouïe, dans une descente, dans une pente. Le gazon amortit ses foulées, et il ralentit sous la caresse des feuilles mortes.

Du jaune automnal, de l'orange fané, du marron boueux. La saison des chagrins. Le fantôme d'Halloween lui collant à la peau, aux vêtements, au cœur. La pointe de sa chaussure chassa l'insecte qui grimpa sur son long, l'identifiant vaguement comme volant, et il se suspendit aux craquements sous ses talons. La nuque tordue sur la cime des chênes, des érables, il en retraça la rangée, l'alignement étrange. Les fleurs n'existaient plus. Ne restaient d'elles qu'un amas squelettiques se fondant dans le fouillis terreux des récentes averses. Défaitiste, il n'en perçu pas le message, le renouveau, l'appel à un recommencement infini. Devant lui ne s'étendait que la plus pure des évidentes conclusions : Elles étaient mortes et ne pourraient revenir. D'autres les remplaceraient, émergeraient de leurs entrailles, et bourgeonneraient en ignorant leur existence passée.

Absorbé par sa contemplation de l'éphémère et le maussade de la palette terne de coloris extérieur, il ne tourna pas à son embranchement familier. Quittant donc la possibilité de profiter des terrains de son sport favori déserté de leurs occupants, préservés des premiers affrontements de cette période, il s'enferma dans l'absolu d'une intervention forcée. Quelque part, dans sa vision périphérique se profila un plongeon, et il capta une course, un sprint d'une silhouette fine, androgyne de ses contours.

L'adrénaline lui tomba dessus de la tête aux pieds, comme une décharge, comme un éclair, et sans parvenir à assembler le puzzle de ses pensées, il se mit lui aussi à courir. À en perdre haleine. À ne plus sentir les battements de son cœur. À ne plus craindre les piques gelés de Novembre. À ne plus redouter la fatigue. Pourquoi ? Pourquoi ne parvenait-il pas à s'arrêter ? À ne pas cesser de foncer ? Encore et encore ? Pourquoi allait-il les aider ? Leur prêter assistance ? Alors qu'il avait compris que c'était inutile.

Les berges du lac se firent plus proches, et il put tendre le bras pour se donner de l'élan, de l'appoint, encouragé par la vague qui recracha les noyés des eaux. Deux personnes. Et un animal, à la forme imprécise. Il les voyait bouger. Sans doute respirer. Et tout cessa. Ses pas s'affaissèrent en un lent ralentissement. Il manqua de trébucher sur le sable, s'y enfonçant légèrement. Essoufflé, las, il laissa la fatigue l'accrocher à la taille, rendant les derniers mètres pénibles.

Les boucles d'Ariel lui rappelèrent son entrée le lendemain de cette nuit. Trempé, encore tremblant d'une tentative de noyade, d'exécutoire, de soulagement. Cette fois-ci, ses mots avaient sonné creux, comme à tant d'autres moments. De la sagesse vide de sens. Comme devant les enclos. Comme sa cape qu'il avait posée sur ses épaules. Eileen vomissait, recrachait sa verve, ses organes, tout son être, déversant en une flamme toute sa colère contre le monde. Contre elle-même. Et ce renard qui, trop proche pour être sauvage, lui fit penser à une amie apeurée du tonnerre de ses ressentis.

Comme dans la grande salle, les couloirs, son dortoir, la culpabilité le submergea. Et la honte de rester immobile devant leur détresse, leur appel à l'aide. Après un temps d'inaction, il tira sa baguette de sa poche et la pointa vers les trois sorciers, qu'il sécha d'un moulinet, leur ôtant le manteau de froid les rendant inertes.

Le silence accompagna son geste, sa modeste contribution à l'immersion de leurs douleurs, de leurs traumatismes. Il n'était personne. Et aujourd'hui, son effacement de tout jugement le couvrait d'une totale opacité, d'un manque de mots réconfortants.  
code by bat'phanie
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Lun 2 Nov 2020 - 15:49
L'immersion

ft. Eileen King, Elyana Sleepy, Sessho Shinmen

Ariel était incapable de dire si c’était le froid mordant ou le manque d’oxygène qui l’emportait le plus ; en tout cas, l’anesthésie qui enveloppait son corps ravivait ses émotions et ses sensations. C’était délicieux de se sentir en vie. C’était enivrant de percevoir son coeur qui battait fort, qui ralentissait petit à petit, de ressentir ses sentiments couler dans son sang et de voir l’anxiété s’en échapper. C’était agréable d’abandonner son enveloppe corporelle qui perdait peu à peu de sa consistance pour se consacrer à son esprit en plein essor.

Ses yeux s’ouvrirent, les ultimes traces d’air s’échappèrent de ses poumons. Il atteignait la limite. Il poussait un peu plus de jour en jour, mais il ne perdait pas de vue qu’il faudrait finalement remonter. Ses jambes entamèrent un mouvement pour remonter à la surface. Abandon d’un paradis paisible. La vie suivait son cours. L’heure n’était pas venue et ne viendrait pas tout de suite.

Une main le saisit par ses vêtements - ou était-ce juste les algues qui se languissaient sur sa peau ? - et avant de réaliser ce qu’il se passait, il fut entraîné plus vite vers la surface. Mouvements brusques, puissants. Pas possible qu’ils soient provoqués par sa seule force. Son cerveau, engourdi par le Lac si puissant et par la lassitude omniprésente, eu du mal à comprendre la suite des événements. Quand il percuta enfin que quelqu’un le tirait vers les berges de Lac Noir, il était déjà au-dehors, toussotant. L’air fut salvateur.

Ariel leva les yeux. L’incompréhension tirait ses traits. Le froid persistant lui crispait les membres.

L’eau lui manquait déjà.

Qui était cette jeune femme qui vomissait ses tripes un peu plus loin ? Sa propre image lui martela le cerveau, pitoyable pantin rendant son repas au beau milieu d’une forêt embrumée, réminiscence d’une soirée d’horreur. Il eut envie de retourner dans les tréfonds froids du lac. Il s’en abstint, presque préoccupé par l’état de la fille.

Elle ressemblait à Eileen King, l’idole de Jules. Mais sans habit, à moitié nue et les cheveux plaqués contre ses épaules, il n’en aurait pas parié sa baguette. Pourquoi tremblait-elle, pourquoi ses dents claquaient-elles, pourquoi sa peau presque translucide semblait virer bleue ?

Elle a plongé, comprit-il. Elle avait plongé en pensant qu’il se noyait.

Quelle connerie.

Inconsciemment, il avait préféré cacher le but de ses “moments de solitude” - des baignades aux accents glaciaux et surtout irrationnelles. Il comprenait maintenant pourquoi : on le prendrait pour un fou. Bon à l’asile. Et on se mettrait en danger pour les mauvaises raisons - preuve en était d’Eileen King “Peut-être-pas-Eileen-King”. Que lui était-il passé par la tête ?

Il dodelina le menton, encore sous l’emprise du froid. Il n’avait pas la force d’y réfléchir. Pas l’envie.

Ariel tenta de se lever, repoussa quelque chose de mou qui collait son flanc. Une boule de poils, polaire, chaude, aussi mouillée que les adolescents.

Un animal.

Malgré les circonstances, Ariel ne put retenir le cri de terreur que la vision du renard lui inspira. Sans prendre la peine de se mettre debout, il s’en éloigna le plus loin possible. Le mouvement rafla l’herbe boueuse et il sut d’instinct que son pantalon serait fichu. Il n’en eut rien à foutre.

Il ne réalisa pas tout à fait que pour la première fois depuis presque un mois, une émotion s’osait à s’épanouir en dehors de l’eau. Née de la terreur pure, engendrée par une phobie irrationnelle, mais elle était tout de même là.

La vague de chaleur qui l’enveloppa, phénomène inapproprié pour la situation et qui passa pourtant inaperçu, ne suffit pas à détourner son attention. Ses vêtements soudain secs empirèrent même son obsession pour le canidé - le froid glacial n’était plus là pour détourner canaliser sa peur. Sa première vraie réaction, vive et vivante, froide et brûlante en même temps, l’accapara tout entier.

Oubliée l’adolescente qui vomissait, oublié le lac aux profondeurs trop noires ; oublié le besoin de vivre, oublié le besoin de mourir. Seule comptait cette peur, si différente de celle qui l’habitait au quotidien et pourtant si puissante. Elle avait les bords tranchants et pourtant ne possédait pas de forme définie. Tapie dans l’ombre du renard, il la sentait prête à bondir en même temps que l’animal.

Sessho apparut, souvenir d’une ombre protectrice et rassurante. Ariel rampa derrière sans se poser de question sur les raisons de sa présence.

Trop de temps avait passé. Il ne savait plus comment parler. Plus comment s’exprimer. Il ne savait plus quel moment était approprié pour dire quelque chose ou pour dire rien.

L’eau l’attirait de nouveau. Comme un échappatoir cette fois. La situation était trop compliquée, trop inédite, trop inconnue, surtout trop terrifiante pour qu’il ne veuille la gérer. Pour qu’il ne puisse la gérer. Nager loin paraissait plus facile.

S’éloigner de l’animal. Seule solution viable. Seul instinct valable.

Et en même temps, sans qu’il ne le réalise trop consciemment, Ariel savait qu’en fuyant l’animal, qu’en mettant de la distance entre lui et cette peur viscérale, l’apathie le prendrait à nouveau.

En y réfléchissant bien, il ne savait pas s’il préférait la terreur insupportable ou le vide insurmontable.
Code by Ariel


HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Ven 6 Nov 2020 - 18:17
L'immersion
Ariel, Sessho & Elyana
Je n'ai qu'une seule certitude : la Mort.

Un jour viendra où elle m'accueillera d'une étreinte éternelle. À ce moment-là, je l'accepterai, ne la repousserais pas et l'accueillerais comme une vieille amie. Au fond, je la connais déjà. Douce et amère, brutale et cruelle. Elle possède un millier de visages, une centaine d'expressions. Pour autant, je ne la recherche pas et ne l'ai jamais recherché.

Adolescente, je n'étais pas prête à l'accepter, à la retrouver. Je sais que ce jour-ci, elle aurait dû me cueillir comme elle le fit avec la vie de mes parents, fauchés par des tonnes contrôlées par un endormi. Les secousses étaient d'une violence indescriptible et pourtant, j'en suis ressortie sans la moindre égratignure. Une miraculée, disaient-ils. Une maudite, pensais-je à cette époque.

La vie est fragile. Une délicate fleur. Il est si facile de la piétiner, si facile de la geler, si facile de la brûler, si facile de la consumer. Pour autant, ce cadeau n'est pas le présent le plus précieux que nous avons, et il faut arrêter d'avoir peur de sa disparition. C'est une réalité à affronter si simpliste que je me suis aveuglée des années. Aujourd'hui, je le sais et si je dois dire qu'une seule chose à mon moi du passé, ce serait ceci :

« Fonce, cours, fais ce que tu désires sans jamais t'arrêter, qu'importe leurs paroles et leurs actes, qu'importe leurs jugements. La seule certitude est la Mort, mais toi, tu es en vie. Alors lâche prise et profite. Profite de ton bien le plus précieux. Profite du temps qui t'aie imparti. »
Elle se sentait en vie. Elle venait de frôler la mort, le savait, le comprenait, mais elle se sentait en vie.

Tout son corps le lui hurlait dans un silence assourdissant. La douleur dans chaque muscle, allant jusqu'à lui en faire découvrir l'existence de certain. La brûlure dans sa poitrine, dans sa gorge, à chaque inspiration, à chaque expiration. Sa vue plongée dans les restes d'un repas à demi-digéré. Les perles d'eau qui caressaient sa peau, collaient ses cheveux et le peu de vêtements qui la recouvrait toujours.

Elle se sentait en vie, mais les crocs de la Mort restaient plantés dans sa chair.

Elle en discernait la présence. Le froid, nappe de gel, de brouillard, qui venait recouvrir ses sens. Sa vision qui se floutait, rétrécissait à mesure des secondes qui défilent. Son ouïe qui, paralysé par des barrages aqueux, répugnait à lui transmettre les sons. Son odorat qui, assiégé par les parfums du lac, se refusait à toutes autres flagrances.

Elle se sentait en vie, mais elle distinguait déjà la voie menant outre-tombe.

Si ses réserves n'étaient pas presque épuisées, l'illusionniste en aurait ri. Un fou-rire à en perdre la notion de l'espace et du temps. Une exclamation si forte à faire trembler les montagnes. Le seul éclat de sa voix, qui s'extirpa de ses entrailles, fut un râle. Un grognement à peine audible.

Elle se sentait en vie et refusait de voir le fil se briser. Elle n'acceptait pas l'idée de voir la feuille se déchirer. Elle n'admettait pas que le chapitre pouvait se consumer.

Comme un envoyé des anges, des dieux, ayant reçu son appel, sa prière inconsciente, et offrant un soutien éphémère, l'intégralité du liquide qui maculait sa peau se dissipa. Ce fut si soudain qu'il fallut presque une minute à Eileen pour le comprendre. Une délivrance. Le millier de poids entravant chacun de ses gestes, l'empêchant de respirer correctement, s'évapora dans les airs pour ne laisser que son arrière-goût amer.

À présent qu'elle pouvait se mouvoir, son premier réflexe fut de regarder son sauveur. Sessho se tenait là, immobile et silencieux, la baguette encore brandie dans leur direction. Ce fut ainsi qu'elle capta le mouvement à sa droite dans sa vision périphérique, ce qui attira son œil dans un besoin de compréhension.

Ariel Melwing, tout aussi sec, rampait aussi loin que le peu de force qui lui restait le lui permettait. Il souhaitait mettre un maximum de distance entre lui et l'animal qui venait de chuter. Elle n'assimila pas ce qu'il se passait sur l'instant.

Il lui fallut une nouvelle bonne minute pour saisir l'intégralité de la scène. Comprendre que l'ami de Jules était le plongeur. Se souvenir qu'Elyana était sous sa forme animale. Prendre pleinement conscience de la présence du pianiste.

Là, une question s'imposa à son esprit comme un cheveu s'invitant sur une préparation de potion. Elyana, souhaite-t-elle reprendre sa forme humaine ? King la chassa d'un revers mental et reporta son attention sur le sang-pur bienfaiteur en courbant l'échine devant lui.

« Merci pour ton aide », offrit-elle sobrement au sixième année.

Néanmoins, loin de se décourager, l'interrogation persista et revint à la charge. La peur que le secret de son amie soit découvert de la sorte la força à se centrer dessus, sur sa camarade de dortoir.

Pour s'en rapprocher, l'Américaine se remit sur ses pieds et laissa s'évaporer ses doutes. Le doute n'était pas permis. Elle devait reprendre le cours de sa vie, mettre de côté sa peau bleutée et ses dents qui claquaient toujours. Elle s'en préoccuperait plus tard.

Le froid, bel ennemi, était toutefois toujours présent et l'invitait dans un ballet mortuaire. Une danse qu'Eileen accepta à l'aveuglette, ne prenant pas la peine de se couvrir.

Elle tangua, prise d'un vertige, mais continua sa route jusqu'à parvenir au chevet du renard. Là, elle se laissa sombrer à genoux sans une once de compassion pour ses pauvres articulations.

Elle ne pouvait pas la nommer par son prénom. L'idée de lui attribuer un surnom pour l'occasion se fit pressentir et la jeune femme n'y réfléchit pas. Le premier mot qui lui vint à l'esprit fut choisi.

« Amortentia ne mord pas, dit-elle à l'intention du troisième année, en hachant ses mots à cause de la température trop basse de son propre corps. Tu n'as pas à avoir peur d'elle. »

En réalité, c'étaient des créatures sous-marines dont il aurait dû se méfier. Une réalisation de la demoiselle qui se fit la seconde après qu'elle ait ouvert la bouche. Le comment était facile à deviner : à bien y réfléchir, il était seul. Il n'y avait personne aux alentours, en dehors d'elle-même, Elyana et Sessho. Et le préfet des Serdaigles, la Gryffondor y mettait sa baguette à briser, n'aurait jamais poussé un autre élève dans l'eau. Il s'était donc immergé de son plein gré.

Par quelle folie ce garçon, effrayé par la vue d'un canidé, pouvait-il penser que c'était une bonne idée ? Le froid qui engourdissait les membres était un premier danger, mais le nombre de dangereux animaux qui vivaient dans cette étendue en était bien d'autres. Les strangulots, pour ne songer qu'à un exemple parlant, auraient pu l'envoyer par le fond.

La réalité figea la brune. Ses épaules se secouèrent d'une raillerie silencieuse. Elle était partagée. La tentation de le renvoyer elle-même dans le lac ou de le gifler pour le réveiller était présente. Cependant, la vipère refoulée se contenta d'un reniflement dédaigneux et n'en fit rien. Elle n'en avait tout bonnement plus l'énergie. Pour l'instant.
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Ven 13 Nov 2020 - 13:08
L'immersion
“Elyana Sleepy & Eileen King & Ariel Melwing & Sessho Shinmen”
Qui aurait pu me dire qu’il réagirait ainsi… Tout peut-être… Remarquez, il n’y avait bien que moi ou Eileen pour songer qu’un canidé semblant sauvage, même si il ressemble à une peluche en soit, n’effraierait personne. Mon pelage blanc tombe alors sur le côté, sous la peur du Serdaigle récemment sauvé. Ne sachant pas exactement quoi faire, et n’ayant clairement pas l’intention de révéler ma véritable identité, je m’assois sur mon postérieur moelleux, le regard vers mon amie frigorifié. Je peux lire l’appel à l’aide de son corps, suite à cette baignade imprévu, que ce soit dans ses tremblements, ou de la couleur de ses lèvres anormalement bleutées… Je m’en veux quelque peu de l’avoir entraîné dans cette histoire, la fin aurait pu être tout autre, bien plus dramatique et macabre… Il faut dire que nous avons tous eut de la chance sur ce coup-là, et l’arrivé du charmant asiatique nous ayant séché ne faisait qu’accroitre mon avis de la bonne étoile du jour.

Les étoiles… Elles sont dans mes yeux à la vue de cet être qui bien que j’ignore le comment et le pourquoi, m’apaise rien qu’avec sa présence, rien que son visage pâle associé à ses yeux en amande et ses cheveux de geais, me réchauffe le cœur pourtant bien instable ces derniers mots… Mon âme me hurle d’aller vers lui, comme un aimant attiré par son appuie, mais ma conscience à la vue de mon amie titubante, m’oblige à rester là, le museau inquiet, gémissant devant ma confidente en détresse. Je lui donne un petit coup au visage, montrant mon attention, essayant de lui apporter un soutien comme je le puisse sous cette forme qui me va si bien. Mais alors que Eileen essai de rassurer le baigneur du jour, je soupire intérieurement devant le nom qu’elle me donne… Sachant par avance que cette idée pour sauver mon secret va me poursuivre pour l’éternité…

Amortentia… La potion dite la plus dangereuse en vue de son irrésistibilité à toute épreuve… Le filtre d’amour par excellence, que toutes les jeunes adolescentes souhaitent savoir maitriser, afin de conquérir le cœur de l’être aimé. Toute ? Non… Personnellement, ce domaine ne m’a jamais attirée, je n’y connais rien, et ne veux rien en savoir, j’ai déjà assez de choses compliqués à gérer pour rajouter cette étrangeté dans ma petite vie d’étudiante en magie animagi.. Et pourtant… A l’entente de ce mot, de cette potion si attirante… Je ne peux m’empêcher de tourner le regard vers le seul qui a déjà réussi à fendre ma carapace. Ce fut bref, mais ressentit, et c’est me secouant le museau, voulant chasser cette idée comme l’on chasse une mouche, que je me reconcentre sur le moment présent, et mon amie m’accolant.

Voyant qu’autant pour sauver mon secret, que pour apaiser la situation actuellement compliquée par mon apparence de canidé, je lèche doucement la joue de mon amie, avant de m’approcher oreilles baissées et queue au sol très doucement vers le garçon apeuré qui lui se cache derrière la jambe de l’aiglon plus âgé. Après un regard doux vers ce dernier, je viens m’asseoir doucement aux côté de l’apeuré, puis pose ma patte douce et poilus sur la jambe du garçon, espérant qu’il comprenne que la viande humains n’est pas vraiment mon plat préféré.

Mais je ne peux m’en empêcher… Et mon regard se retourne vers cet être aussi étrange qu’apaisant, avec qui je n’ai toujours pas eu le temps de discuter depuis tout ce qui s’était passé… Le temps… Ou l’envie… Je l’ignore… Mais je dois bien l’avouer que cette forme me facilite les choses, m’empêchant de devoir me révéler, et d’affronter cette étrangeté…

Puis je rabaisse le regard, observant mon jeune ami d’un regard doux et inquiet… Car j’ignore toujours ce qu’il vient de passer… Pourquoi a-t-il pris le risque de se noyer, pourquoi était-il dans cette eau gelée ?.. L’a-t-on poussé ?.. J’en doute, je n’ai senti aucune odeur ni présence autre que le baigneur et nous… Etait-ce volontaire ?... Cette idée m’effraie, et j’ignore comment on peut l’aider… Mais il hors de question de le laisser recommencer ! Cette fois-ci mon museau et moi nous étions là… Mais qui dit qu’il y aura quelqu’un la prochaine fois ?....



©️ nightgaunt
Invité
Invité
avatar
Revenir en haut Aller en bas
Jeu 19 Nov 2020 - 21:20

L'immersion
La pluie. L'orage. Le feu. Le sang. Comme une ombre, comme une bulle, ils coulent sous mes pas.
L'eau était belle, elle était calme, apaisée de l'extraction de ses intrus. Mais il ne parvenait pas à s'y attarder. Il n'avait pas tout vu, n'avait pas tout senti, et se retrouvait là, dans l'incapacité de bouger davantage. Bras le long du corps, Sessho gardait au creux de sa paume la lourdeur de sa baguette. Un bois pesant comme le plomb, comme l'acier le faisant grincer dans le sable d'une berge délaissée de toute sa populace, de toute son attention. Le cerisier de l'honneur de ses origines le renvoyant à son impuissance. Le souffle court, l'air se raréfiant dans ses poumons comprimés par le froid, par l'automne, il les regarda à tour de rôle, récoltant leurs impressions, leurs expressions, leurs grimaces, leurs souffrances séchées de leur peau, mais déjà trop ancrées à l'intérieur. Hagard, il avait couru, s'était perdu dans l'adrénaline de l'utilité, comme un sprint contre le temps, contre la peur, contre le cafard le coulant dans le béton à chaque enjambée, chaque réveil, chaque insomnie. La fatigue à bras-le-corps, il ne s'était arrêté que sur un : Pourquoi ? Pourquoi continuer ? Pourquoi lutter ? Pourquoi penser ?  

Pour fuir. Pour rien. Pour se bercer dans la houle de l'illusion, du désespoir. Son estomac se retourna à la vue de la flaque tapissant les cailloux, résidus d'un repas trop maigre, trop frêle, lui rappelant son absence l'unique présence de la bile dans ses entrailles. De son désintérêt pour ces plaisirs simples qui semblaient être aussi futiles que tout le reste. Que le beau temps. Que la couleur de la mer. Que les bordures du lac. Que la floraison tardive des plans orangés. Que la danse des feuilles dans le vent, sur le courant de la brise accueillant les premiers émois de la saison, et les derniers de la précédente. Que les rires s'accrochant aux conifères. Que le temps s'imageant de l'avancée inexorable des aiguilles. Que toutes ses métaphores se liant à son parler, à ses conseils, à ses paraphrases pertinentes, qui ne faisaient peut-être réfléchir que lui. Comme une claque, comme un fil se brisant d'une simple pression, il se retrouvait sans voix, sans vue, sans ouïe, sans odorat. Le terne des vagues suintant de son azur saturé accrocha ses pupilles dilatées par l'effort, par l'ivresse d'une fatigue lui lacérant les genoux.

Il ne broncha pas, ne s'écroula pas sur les rotules, et conserva la ligne de sa bouche définitivement close. Oubliant déjà ses questionnements auto-centrés, il se noyait, suffoquait dans le flot ininterrompu de ses observations minutieuses, se complaisant dans une éducation chassant les miettes égoïstes de ses plaintes. Manie le contraignant à l'isolement. L'enfermement. La résignation de ne pas s’épancher sur la monotonie suçant la moelle de son émerveillement habituel. Comprendre. Sans juger. Sans porter atteinte à leur dignité. Analyser la scène, la pièce se muant en une flopée d'interrogations sans réponses concrètes. Hypothèses amenant à d'autres suppositions. À d'autres excuses, d'autres justifications. Alors, pour ne pas se fier à ses intuitions le guidant vers une avancée traumatique vers les flots pour rafraîchir ses pensées bourdonnantes, il se plaça en spectateur silencieux.

Statue figée coincée entre deux pierres érigées. Comme sur un carnet, il annota les détails imperceptibles, l'éclat dans un regard, la peur dans la convulsion d'épaules secouées par une toux, par un haut-le-cœur. La terreur dans la posture voûtée se glissant derrière lui, sous la menace d'un animal sauvage, trop docile pour l'être réellement. Le présent se superposa au passé, aux jours d'avant qui ne retenaient plus tout à fait ses convictions et ébranlements. Le premier novembre revenait toujours. Les journaux, les cris, la révolte, et les algues perdues dans les boucles brunes d'un oiseau sans ailes. Un moineau se désirant poisson pour quitter cette terre aride de sentiments.  

Il avait sauté. Il avait plongé à cœur perdu pour danser avec la mort sous la mélodie de son oxygène en bulles orchestrales. Pour tromper l'ennui. Pour gagner contre le chagrin. Pour combattre l'apathie. Pour ressentir la vie dans l'étreinte glacée d'une ligne rouge, d'un passage sans retour possible. S'éprouver, s'ébranler d'une éternité de doutes, de ressentiments, de contradictions. Se découvrir le courage de remonter, de se soumettre à sa bravoure de ne pas se supprimer. S'éprendre d'un vide se comblant sous le gel, sous la glace, sous le trépas de cette vision sans fin.  

Sessho se força à se mouvoir, incliner sa jambe d'un pas chassé pour s'opposer en rempart, en bouclier, sans en attendre la moindre reconnaissance, la moindre empathie ou considération. Sans doute, était-ce la demande d'Ariel, en accordant un brin de confiance à sa stature, il n'aurait su le dire ou l'affirmer, qui le poussa à récidiver ces signes qu'il lui avait envoyé par deux fois depuis la rentrée ? Sa plus pure assistance dans les troubles de son être. Rassuré des paroles d'Eileen, et ne les contestant aucunement, il abaissa ses cils sur le canidé immaculé, pour épouser ses formes duveteuses.

Elle s'était approchée, timide emprunte d'une crainte humaine, la prudence de l'inquiétude, des émotions trop réelles pour être instinctives. Leurs regards s'accrochèrent un instant, et dans les méandres mordorés, il lui capta une intelligence stupéfiante. Un soupçon d'un, il ne savait quoi qui amorça le pli de ses sourcils dans un froncement imperceptible. Essayait-elle de communiquer avec eux ? Aussi sûrement que l'aurait fait l'un de ses congénères avec ses cordes vocales ? C'était absurde. Mais en l'absence de preuves tangibles, même l'impossible devenait envisageable, et aussi irréfutable que l'addition de deux nombres s'ajustant en un résultat positif. Gardant en mémoire qu'Eileen était assez étrange, en dehors de leur plan d’existence dans ses réflexions, qu'il n'était pas si étonnant qu'elle trouve un familier à son image.

La voyant converger vers le plus jeune, il s'accroupit, apposant sa main sur sa truffe humide pour l'en détacher, la faire reculer en y risquant une défense sur le tranchant de ses crocs, de sorte à implanter  une distance de sécurité permettant à Ariel de respirer, de se reprendre après le déluge qui venait de l'assaillir. Un repos. Un faible répit. Ses doigts se refermèrent sur la gueule de l'animal transformé, et le coude tendu, il l'incita à rejoindre les côtés de celle qui se proclamait sa propriétaire. L’œillade appuyée ne laissant aucune place à la négociation, ou à la récidive. Sa patience s'effilait depuis des jours, malmenée par les rumeurs, par les ombres d'une nuit d'orage en constante reproduction. Le bois de son alliée contre la cuisse, imbibant le bas de son pantalon de la boue de la frontière herbeuse et sableuse, il s'humecta les lèvres de ces mots qui désiraient venir, de ces confessions et caresses qui arrivaient sous sa langue dans le désordre. Il voyait la colère briller dans les éclairs bleutés d'une brune s'insinuant dans la brèche d'une explosion retardée.

« Avant toute question ou accusation, je vous demanderai de bien vouloir respirer. », commença-t-il du bout des lèvres, le timbre rauque, ténu, aphone.

« De vous laisser le temps de reprendre vos esprits. », ne pouvant s'imposer acteur, il endossait le rôle du médiateur.

La voix de la raison. La banalité de conseils sans fondements, inutiles, tentant de faire taire le murmure insidieux le confrontant à ses résolutions, ses mille et un échec. Pourquoi ? Pourquoi essayer une dernière fois ? Pour ne pas regretter de ne pas avoir tenté de comprendre, de saisir, d'aider.  
code by bat'phanie
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Dim 22 Nov 2020 - 19:48
L'immersion

ft. Eileen King, Elyana Sleepy, Sessho Shinmen

Ariel supposerait que la fille qui l'avait tiré de l'eau était bien Eileen King, la Gryffondor dont Jules lui avait plusieurs fois parlé. D'abord car dans sa situation, il était sans conteste plus rassurant de savoir à qui il avait à faire ; des amis, des ennemis ou des mi-amis mi-ennemis, l'information était capitale. Ensuite car ses doutes concernant l'identité de sa vis-à-vis étaient très faibles et qu'il avait une plutôt bonne mémoire des noms. Le risque qu'il se trompe était minime.

Eileen King, donc, était frigorifiée. Même après l'intervention de Sessho, ses dents claquaient et son cerveau semblait tourner au ralenti. En tout cas c'était l'impression qu'elle donnait, à moitié écroulée à terre, observant la scène sans réagir aux événements qui s'y passaient.

Ariel, ratatiné derrière son préfet en chef, attendait désespérément que quelqu'un remarque la présence du renard. Un animal sauvage n'avait rien à faire ici ; en tout cas pas à proximité des étudiants. Et à première vue, le jeune garçon était le seul à s'en apercevoir. Ses peurs irrationnelles s'agitaient derrière ses yeux. Personne n'allait donc chasser cette bête ?

Puis la bouche d'Eileen s'ouvrit, comme pour marquer le signal du retour de son leadership.

— Merci pour ton aide, adressa-t-elle à Sessho.

Ses membres raidis semblaient engourdis par le froid. Ses lèvres bleues, gercées, appelaient à être réchauffées.

Vaguement, Ariel se rendit compte qu'il était responsable de son état. Sans lui, elle n'aurait pas eu à plonger dans le Lac Noir, aux eaux à moitié gelées en cette saisons ; sans lui elle n'aurait pas eu à tenter le diable pour essayer de le sauver. Et pourtant, le Troisième Année ne ressentit aucune culpabilité face à la faiblesse de la Gryffondor. Une sourde colère agitait même quelque chose au fond de lui. Faiblement, évidemment. Il la sentait à peine. Mais elle était là, tapie derrière sa faible conscience du monde, déformée par son absence de vie intérieure, amenuisée par les visions qui le harcelaient.

Ce n'était pas la faute d'Ariel, non. L'état pitoyable d'Eileen résultait uniquement de sa stupide témérité. Aucune fierté à en tirer.

Personne ne lui avait demandé de le récupérer au fond de l'eau.

La King entama son périlleux voyage vers le renard, comme si ses membres pouvaient la lâcher à tout instant. Les yeux de l'animal brillaient d'une intelligence rare – Ariel ne savait s'ils l'apaisaient bizarrement ou si au contraire, ils l'inquiétaient encore plus. Il s'attendait à le voir sauter dessus sans crier gare.

— Amortentia ne mort pas, dit Eileen en atteignant le canidé. Tu n'as pas à avoir peur d'elle.

— 'F 'i part, répondit Ariel d'une voix rauque. 'Tin le. (1)

Même lui ne comprit pas bien ce qu'il avait dit.

Incapable d'en dire plus, incapable de s'exprimer correctement, il se recula encore un peu. Peut-être était-ce le froid, peut-être ne savait-il plus converser avec ses pairs, tout simplement. Peut-être qu'on l'avait surpris à un moment trop intime, trop important, peut-être qu'on avait violé son espace vital et ce qu'il lui restait d'autonomie, peut-être qu'ils l'avaient empêché de s'échapper et qu'il voulait recommencer.

Ses états d'âme perdirent soudain de leur consistance quand le renard se mit en mouvement. Brusquement, Amortentia fut la seule à occuper l'espace. Disparu, le bouclier rassurant qu'offraient les jambes de Sessho. Envolés, les tremblements et les reproches qui dansaient dans les yeux d'Eileen. Effacés, les regrets d'Ariel sur son moment de solitude gâché.

Plus rien d'autre n'existait que ce renard qui rampait inéluctablement vers lui. Comme un prédateur traquant sa proie, Ariel était persuadé qu'il était chassé. Ses membres figés ne répondirent pas lorsqu'il leur hurla de s'actionner pour prendre la fuite. N'importe quelle destination ferait l'affaire : le château malgré le monde qui y régnait, le lac même s'il n'était plus dans l'état d'esprit de se baigner, qu'importait – il voulait s'enfuir.

Il ne pouvait pas.

Sa respiration s'accéléra, ses yeux s'agitèrent, à la recherche d'un échappatoire.

En temps normal, peut-être que sa réaction aurait été plus rationnelle. Il aurait eu peur, certes ; il aurait certainement juré, se serait reculé doucement et aurait fui sans se retourner. Mais les circonstances étaient particulières. Il était affaibli. Ses émotions instables tapaient du pied dans son thorax, même s'il ressentait le tout comme une immense boule d'angoisse. Il sortait juste de l'eau. C'était toujours éprouvant physiquement et moralement, même si ce moment était libérateur.

Lorsque le renard posa sa patte sur sa jambe, un frisson prit possession de l'ensemble de son corps. Sa respiration se coupa. Il voulut pleurer. Il voulut hurler. Il ne put rien faire. Le monde trop flou, le cœur trop bruyant, l'angoisse trop tranchante.

Sessho éloigna l'animal avec douceur avant que les barrières ne cèdent, avant que sa tension n'implose.

Le préfet savait à quel point Ariel avait peur des animaux. Peut-être que l'initiation au Soins aux Créature Magique n'avait marqué que le petit Serdaigle, mais l'aîné avait assisté à sa crise de panique irraisonné. Il avait vu comment les animaux pouvaient lui faire perdre la raison. Il avait compris qu'il ne faisait pas semblant.

Ariel sut qu'il pouvait lui faire confiance.

L'expression du plus âgé était lointaine, douce et inaccessible. Sans en déterminer la raison, Ariel eut l'impression de se voir dans le profil de l'adolescent. Un visage en retrait, sans expression, sans jugement. Un visage effacé. On avait l'impression qu'il était là sans l'être tout à fait.

Ou peut-être qu'Ariel voulait simplement trouver des ancres qui l'aideraient à se maintenir à bord.

— Avant toute question ou accusation, je vous demanderai de bien vouloir respirer, dit Sessho de la voix sans timbre que le jeune garçon lui avait imaginée. De vous laisser le temps de reprendre vos esprits.

Ariel suivit ses yeux. Eileen paraissait furieuse. Il se demanda pourquoi elle n'avait pas encore craqué – visiblement, elle le prenait pour un fou. Peut-être se retenait-elle par respect pour Sessho, qui n'avait rien à voir avec l'histoire. Peut-être attendait-elle que le renard s'éloigne pour qu'Ariel ait pleine possession de ses moyens.

Ce dernier se leva brusquement, imprimant deux mètres au moins entre l'animal et lui. Il fallait que ses pensées s'organisent. Il fallait qu'il se tire de ce foutu pétrin. La situation était aussi incongrue qu'inconfortable.

— Pas... (Il toussota le temps d'ajuster sa voix : elle était rauque et inégale.) Pas la peine. Je vais y aller. Vous n'auriez pas dû intervenir, c'était une erreur.

Ses chaussures et sa baguette patientaient de l'autre côté de la scène, jouxtant racines du saule pleureur. Ariel hésita à partir sans : il ne voulait pas leur donner une occasion de le retenir. Puis il envisagea le sol détrempé, évalua les risques qu'il prenait en rentrant au château pieds nus – une mauvaise rencontre, une sanction – et décida que le jeu n'en valait pas la chandelle.

D'un large cercle, il contourna l'espace. Le floc-floc de ses pieds dans la boue le rassura. Arrivé au pied de l'arbre, il se saisit de sa baguette, se sécha les pieds et enfila ses baskets. Comme le répétaient certains : « Lorsqu'on se trouve face à un tigre, inutile de raisonner trop longtemps, il faut vite choisir entre le combat et la fuite. » Et lui, il était tout sauf un soldat : il choisissait la fuite.
Code by Ariel


(1) "Faut qu'il parte. Retiens-le."

HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Dim 22 Nov 2020 - 21:45
L'immersion
Ariel, Sessho & Elyana
Si mes souvenirs sont bons, il n'y a que deux choses dans ce monde qui peuvent totalement me faire vriller. J'entends par là que je les ai en horreur. Le premier, j'ai finalement appris à me défendre contre, il s'agit des détraqueurs. Ces créatures putrides et horribles.

La seconde... J'en viens parfois à me demander, d'ailleurs, si la peur que j'ai de ces non-êtres n'est pas causé par le renvoi vers moi-même qu'il me procure. Bref, ce n'est pas la question. La seconde, c'est les reflets.

Je ne sais plus depuis quand exactement, mais je ne supporte plus les miroirs. Plus exactement, je ne supporte plus de me voir dans un miroir ou tout ce qui peut s'en rapprocher. Moi qui adore l'eau, qui aime tant m'immerger dedans, c'est parfois handicapant, je l'avoue.

Pour autant, j'ai appris à vivre avec. Je n'ai pas vraiment le choix, vous savez. Cette phobie que j'ai développée, ce n'est pas quelque chose que j'arrive à surpasser. Ça fait partie de moi. C'est ainsi, on ne peut pas le changer, alors on doit apprendre à vivre avec et continuer malgré tout.
Eileen, depuis presque un mois maintenant, avait la sensation d'être une équilibriste.

D'un côté, un gouffre sans fond, un néant absolu. Rappel constant de ses échecs à répétition, ses désillusions, ses délires, ses caprices irraisonnés, son impuissance dans laquelle elle risquait de se perdre.

De l'autre, le puits d'un volcan en fusion, une lave bouillonnante. Rappel constant de sa colère, sa haine du monde, ses excès de violence, son envie de frapper, faire mal et son besoin de vengeance.

Au centre, un fil trop fin, loin d'être solide et elle. Elle qui déambulait dessus, les bras tendus de part et d'autre de son corps, priant pour éviter le moindre faux pas qui signerait sa chute. Une chute vers un enfer ou un autre, qu'importe dans lequel elle se noierait si ça arrivait.

Dans un cas comme dans l'autre, elle savait qu'elle risquait de se perdre complètement. Elle ne souhaitait pas que cela arrive. Elle ne voulait pas être le témoin neutralisé, désarmé, qui assisterait à sa propre disgrâce, à sa propre destruction.

Depuis presque un mois, la jeune femme subissait ses journées avec la peur de tomber. La peur de réaliser un saut sans retour en arrière possible. Depuis presque un mois, Eileen n'aspirait plus à vivre, mais à survivre au cauchemar qu'elle avait l'impression de subir en continu.

Alors, la question se posait vraiment : quand elle avait plongé pour sauver le garçon, le visait-elle lui, ou se visait-elle elle-même ? La réponse à cette question, elle ne l'avait pas et, sans doute, ne l'aurait jamais.

La seule certitude qu'elle avait à cet instant, en comprenant, c'était qu'elle voyait à vu d'œil la corde s'effiler sous ses pieds. C'était qu'elle assistait au spectacle, paralysée, de sa barrière invisible, en dessous d'elle, qui se fissurait de toutes parts. D'ici quelques secondes ou minutes, le plongeon allait être inévitable. L'immersion dans le désert glacé qui s'ensuivrait, risquait-il de la briser ? Aucune objection.

Alors, elle lutait. Et elle lutait. Lutait encore et toujours, malgré son défaitisme, avec le peu de force qui lui restait. Pour s'empêcher de sombrer. Pour ne pas se voir réaliser l'une de ses plus grandes peurs. Pour ne pas faire souffrir. Elle l'avait déjà fait. Elle savait comment elle était dans ces moments-là. Et se voir ainsi l'effrayait plus que quiconque d'autre. Alors, elle lutait.

« Avant toute question ou accusation, je vous demanderai de bien vouloir respirer, dit Sessho ; Eileen, qui se perdait déjà, l'entendit à peine. De vous laisser le temps de reprendre vos esprits. »

Elle aurait voulu écouter la voix de la sagesse. Elle aurait souhaité entendre, comme un hurlement, les mots de Sessho se répercuter dans son crâne, dans son corps, jusqu'à atteindre son âme. Pour enfermer l'ombre qui se tapissait. Pour cloisonner le monstre qui détruisait tout sur son passage. Son unique but était de sortir, qu'importe les dégâts causés.

« Pas..., toussa Ariel. Pas la peine. Je vais y aller. Vous n'auriez pas dû intervenir, c'était une erreur. »

Ces mots-là, par contre, elle les comprit comme s'il venait de les lui crier directement dans l'oreille. Sa perception dissonante fut comme un déclencheur. Le troisième année venait, sans le savoir, d'allumer la mèche, de provoquer un bombarda maxima à retardement. Il ne restait plus que quelques secondes pour que tout s'enclenche, s'entraîne et s'enchaîne. Pour qu'Eileen implose, puis lui explose au visage.

Ariel Melwing. Le nom s'imprima devant ses yeux et flotta comme une brume étourdissant ses sens pendant une seconde. Elle ne lui avait jamais parlé par le passé. Elle ne le connaissait que de vue. Connaissance importante pour la suite, elle se souvint aussi qu'il s'agissait d'un ami de sa petite protégée. Jules lui avait-elle déjà offert quelques récits où le Serdaigle apparaissait ? La brune ne s'en souvint pas.

Et elle décida que ça n'avait aucune forme d'importance quand la corde lâcha. Dans son esprit, il y eut comme un déclic, mais c'était très loin d'être bénéfique.

L'Américaine vrilla et vit rouge. Aussitôt, elle eut l'impression de sortir de son propre corps, de se voir en dehors de la scène, de pouvoir regarder l'échange sans en être l'une des actrices. Bien trop sereine pour ce qui se jouait. Bien trop passive et distante vis-à-vis de ce qu'elle s'apprêtait à faire.

La Gryffondor laissait sa place, intégralement, à ce que le Choixpeau avait senti en elle et qui avait causé son hésitation. Elle laissait sa place au serpent, fier, violent, sournois, destructeur. Elle laissait sa place à sa terreur ; à ce qu'elle refusait de devenir, d'être, sans parvenir à le retenir.

« Tu restes et tu t'expliques. », cingla la lionne d'une voix aux accents réfrigérants ; ou plutôt la vipère refoulée, car toute son attitude le laissait entrevoir pour la première fois.

Ce n'était pas un félin qu'ils pouvaient percevoir, c'était un reptile. Une vipère prête à mordre, à laisser son venin se répandre lentement, insidieusement. Pour faire mal. Pour causer de terribles souffrances. Tout en prenant son temps pour aller récupérer ses affaires et se vêtir de nouveau, la demoiselle se dressa en position de force avec la lenteur d'un prédateur s'apprêtant, à tout instant, à bondir sur sa proie.

Et ce fut avec un sourire à faire froid dans le dos qu'elle reprit, bien plus posée. Trop calmement.

« A moins, bien sûr, que tu préfères devoir t'expliquer devant tes petits amis, Melwing ? »

À trop se prendre de coups, à trop les encaisser, Eileen avait finalement appris à les rendre, à les donner. Frapper fort, là où on est sûr de faire mouche. Viser pour toucher. En paradoxe, il n'y avait plus aucune forme de brutalité dans son ton.

« Je suis certaine qu'ils seront ravis d'apprendre que tu te tapes des baignades glacées dans le lac noir en plein mois de novembre. »

En lieux et place, sa voix s'était faite de velours. Pour enrober les non-dits, pour enrober la menace, pour enrober d'un nappage de méchanceté cette vérité cruelle. Celle qu'elle ne se gênerait nullement d'user et d'abuser de ses relations et de ses talents pour le crucifier en public. Il était simple de saisir durant ce moment que l'avoir en ennemi n'était, concrètement, pas une excellente idée à tenter.

Avec du recul, quand l'adolescente redeviendrait maître d'elle-même, la culpabilité s'emparerait de tout son être. Et ce serait avec une spectrophobie nouvellement acquise qu'elle éviterait de croiser son propre reflet, ne souhaitant pas y distinguer les affres de sa perversité.

Pour l'heure, néanmoins, seul la possibilité d'infester de sombres illusions l'esprit d'Ariel lui importait. Et son sourire. Son sourire de chat qui lui mangeait les joues et laissait entrevoir le démon. Et l'éclat. L'éclat brillant de ses pupilles qui dansait, mauvais, délectation certaine d'une ombre pour sa nouvelle liberté.
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Ven 5 Fév 2021 - 18:18

L'immersion
La pluie. L'orage. Le feu. Le sang. Comme une ombre, comme une bulle, ils coulent sous mes pas.
En ombre protectrice, il s'était accroupit, la main en avant, le nez vers le sol, le regard vers le ciel, les muscles fatigués, lassés de paroles, de confessions mentales, de coups, de contrecoups, de chutes, de cette tristesse faisant tanguer ses émotions sur une mer déchaînée. Le renard s'était reculé, et dans son dos, il entendait la respiration de l'ami des profondeurs s'apaiser, se faire plus sereine, un peu plus calme, sans doute. Le soulagement qui le traversa, étincelle de vie faisant luire ses pupilles, ne fut que de courte durée. Le soleil se para de nuages, d'une brume mélancolique intellectualisée. Il avait fait la chose à faire. Une juste intervention, un pas dans l'intimité sensorielle de ses cadets, de ces échoués sur le rivage de leur dépression traumatique. Devant lui, Eileen se reprenait, lionne rugissant d'un souffle perdu dans sa poitrine, à mi-chemin entre sa peur panique, et cette colère montant en geyser, enflant sa gorge d'une veine pulsant sur un tempo anarchique.

Le genou dans le sable, il avait fait sonner sa voix en signe de paix, d'un juste milieu médiateur. En vain. Derrière lui, le forçant à se redresser à son tour, Ariel s'éloignait déjà, éprit d'une urgence qui fit trembler ses paupières d'une compréhension lente. Trop. Beaucoup trop lente. En miroir, Sessho marqua un pas, puis un deuxième, suivant les traces humides laissées sur le rivage, pour déboucher à quelques mètres d'un saule pleureur. L'arbre était beau. Grand. Magnifique, éphémère dans sa floraison, éternelle dans ses branches tombant en larme près des épaules. Les mains proches du corps, des cuisses, il alterna son regard entre les deux protagonistes de la scène, se plaçant en parfait spectateur impuissant, sans réelle conscience de lui-même.

L'aiglon se saisissait de ses chaussures, balbutiant quelques bribes de paroles rapides pour faire cesser les questions inconvenantes, trop personnelles. Une erreur, qu'il disait. Je ne veux pas en parler, voulait-il dire. Pas la peine, avait-il commencé. Je vais y aller, finirait-il par faire. Le plus rapidement possible, pour ne laisser aucune ouverture aux interrogations curieuses, ou à la fureur sans doute légitime d'une victime collatérale.

Il comprenait. Plus qu'il ne l'aurait bien souhaité. Parler. Parler. Parler. Il savait faire. Les mots n'avaient aucun secret. Aucune parade. Les conseils fleurissaient sur ses lèvres en arc-en-ciel de vérité, de ces éclats philosophiques d'une sagesse douce. Les mots, il les aimait. Ils pouvaient soigner, panser des blessures que seul le son pouvait débloquer, l'acceptation d'un fait, d'un état se lovant dans une couverture de bons sentiments, de bienveillance généreuse. Les mots étaient une arme puissante. Porteurs de bonnes nouvelles, ou de tourments dévastateurs, d'ennuis encore plus malheureux. Un optimisme enlaçant les atours d'une pluie diluvienne, en toile de fond d'un reflet brouillé sur une surface d'acier. Les mots pouvaient bien avoir le sens que tous voudraient bien leur donner, lui, il n'était plus certain de désirer en user. Ni pour consoler. Ni pour cajoler. Ni pour se confier.

Alors, il comprenait cette envie de fuir, de courir loin des problèmes, pour mieux les garder enfouis près des algues, et s'échouer sur la houle d'une vague, là où ils ne seraient qu'une écume momentanée jusqu'au prochain plongeon. Lui, ne bougea pas plus, posté raide à quelques pas de l'arbre, peinant à retenir un soupir face à son propre abandon de la situation. Eileen, elle, capta toute son attention dans son mouvement. Comme au ralenti, il la vit crisper ses mâchoires par intermittences, ne pouvant retenir plus longtemps le venin de cette colère qu'il avait pressenti dans ses inspirations incontrôlées. Une lionne aux écailles réfléchissant la blafarde luminosité. Ses pieds, faisant corps avec l'herbe séchée en jonction du sentier et du lac, il assista à la morsure cuisante de cette chimère glacée avec effroi et surprise.

« Tu restes et tu t'expliques. », tonna la cinquième année en une interruption froide, faisant céder son inspiration sous la stupeur. Il ne la reconnaissait. Cette voix. Ce timbre. Ce plaisir malsain tranchant avec son altruisme perpétuel. Les lèvres entrouvertes, il sentit l'inquiétude gagner ses doigts, qui se serrèrent plus fort à son appui, à cette baguette vibrant de magie dans sa paume.

« A moins, bien sûr, que tu préfères devoir t'expliquer devant tes petits amis, Melwing ? », il ne la reconnaissait pas, et derrière ses pupilles s’agrandissant dans l'horreur, il se demanda s'il l'avait déjà connu réellement, la méfiance endormie par cette amitié qu'il chérissait d'excursion entre les notes d'un piano, s'aménageant accompagnateur d'une trompette d'un autre continent. Les souvenirs d'après-midis musicales volèrent en éclat, et le verre brisé ne lui renvoya que la flamme perverse allumant de tous ses feux, les tréfonds des yeux de sa camarade.

« Je suis certaine qu'ils seront ravis d'apprendre que tu te tapes des baignades glacées dans le lac noir en plein mois de novembre. », son sourire satisfait, suffisant dans le noir de cette verve tranchant, activa ses jambes, qui foncèrent de grandes enjambées jusqu'au plus jeune, qu'il protégea de son corps une fois de plus, comme si son visage pouvait absorber les coups de ces paroles sanglantes. Si seulement c'était possible.

« Eileen ! », ne pu-t-il s'empêcher d'intervenir avec cet empressement qu'il ne se connaissait pas, l'essoufflement faisant poindre le nez de sa colère en écho à toutes ses émotions contraires. Qu'elle se taise, souhaita-t-il ardemment. Qu'elle se taise, par pitié avant qu'elle ne puisse plus revenir en arrière.

« Arrête ça. Tu ne sais pas ce que tu dis. », fit-il avec plus de sévérité, d'assurance cette fois-ci, comme si après s'être raclé la gorge, il était parvenu à reprendre un rôle plus mesuré, plus raisonnable.

Après une seconde, il abaissa ses paupières, vaincu. Les leçons de sa mère le piquaient encore de sa transgression. Qui sommes-nous pour décider des sentiments d'autrui ?, lui avait-elle appris. Il existe en ce monde mille raisons de se battre, de se venger. Comme il existe mille raisons de pardonner. Elle avait raison. Sa boucle s'arqua dans une moue affligée, puis dans un sourire brisé, triste. Comme un soufflé fauché par les vents, il affaissa ses épaules dans une posture d'abandon, les bras écartés de découragement, d'une ouverture au dialogue.

« Pitié, Eileen, arrête. Tu vas le regretter, je le sais. », ses sourcils se plièrent avec douleur, marquant son nez d'une ride soucieuse. Pourquoi ? Pourquoi ? Je veux te comprendre, essaya-t-il de lui faire comprendre. Sans doute n'était finalement qu'une brise dans un tourbillon, qui se perdrait dans la tornade de sa revanche.
code by bat'phanie
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Jeu 11 Mar 2021 - 22:04
L'immersion

ft. Eileen King, Sessho Shinmen

Les yeux fixés sur la silhouette brumeuse du château au loin, Ariel marcha comme un automate. Seule sa volonté de quitter les lieux et d'échapper aux trois regards inquisiteurs lui permettait d'avancer. Un somnambule. Un zombie.

Du coin de l'œil, il devina plus qu'il ne perçut le renard reculer doucement. Sans accroc. Comme s'il avait compris que sa présence incommodait le jeune garçon. Qu'elle était indésirable. Mouvement feutré dans l'ambiance morte, la silhouette blanche s'éloigna. Ses grandes pupilles restèrent fixées sur le groupe quelques instants, puis ce fut tout. Il s'en était allé.

Sans raison particulière, les larmes finirent par déborder. La sensation chaude de leur chemin sur ses joues lui laissa une sensation étrange. Un mois à ne plus rien sentir, un mois à ressasser ses souvenirs les plus horribles sans parvenir à proférer un mot, un mois qu'il se baignait presque tous les jours dans une eau aussi glacée et inhospitalière que le Grand Nord, et voilà qu'il pleurait. Qu'il sanglotait !

Ariel pinça les lèvres. Ferma les yeux. Oublia le monde. La scène se délita dans les méandres de sa terreur, de sa tristesse, et le nœud qui l'oppressait prit encore plus de place. La présence des deux adolescents se para de gris, indiscernables et trop bruyants dans le brouillard de son esprit.

Il voulait hurler, pleurer librement et hurler, crier de tout son soûl et hurler, injurier ses sauveurs et hurler jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Jusqu'à ce que des lames tailladent ses cordes vocales, jusqu'à ce que la nuit tombe et ne se relève plus.

Une voix le ramena à la réalité. Ses larmes gelèrent, figées par la colère brutale d'Eileen King.

— Tu restes et tu t'expliques.

Sa voix n'avait aucune faille. Aucune brèche qui laissait croire qu'elle plaisantait. Rien qui indiquait qu'elle comprenait. Un gouffre de fureur pure, sans concession, sans courbe ni demi-tour. Furie totale. Noire.

Lentement Ariel se retourna, et ses larmes coulaient encore. Il ne sentait qu'elles. Il ne comprenait pas. Quelque chose se tordait dans son ventre mais il ne savait pas. Ne savait plus.

Sur le visage d'Eileen, aucune émotion ne transparaissait. S'il avait cherché, Ariel n'aurait sans doute pas retrouvé la bienveillance tapageuse des Gryffondor – il n'y en avait plus. Une pointe de peur se ficha dans son estomac, pernicieuse. Une douleur latente et difficile à localiser.

Elle reprit plus calmement, et peut-être était-elle encore plus effrayante ainsi.

— À moins, bien sûr, que tu ne préfères devoir t'expliquer devant tes petits amis, Melwing ? Je suis certaine qu'ils seront ravis d'apprendre que tu te tapes des baignades glacées en plein mois de novembre.

Quelque chose de sombre naquit dans la poitrine d'Ariel. Quelque chose qu'il n'avait jamais vécu, rien qu'effleuré du bout des doigts. Quelque chose qu'il pressentait mauvais.

Les larmes coulèrent à nouveau et noyèrent les protestations de Sessho.

— Eileen ! Arrête ça, tu ne sais pas ce que tu dis.

Pourquoi intervenaient-ils ? Pourquoi ne pouvaient-ils juste pas le laisser tranquille ? Pourquoi l'espèce humaine s'estimait-elle si parfaite, si au-dessus du reste, qu'elle se permettait d'interférer dans des affaires qui les dépassaient de loin ? Car c'était ainsi : Ariel allait se baigner, inlassablement, mais il n'avait aucun contrôle sur les événements. Aucun contrôle sur son corps, aucun contrôle sur son esprit. Et encore moins sur ses pulsions.

— Pitié, Eileen, acheva l'aîné Serdaigle. Tu vas le regretter, je le sais.

Le jeune garçon tenta un geste dans sa direction, renonça.

Les nœuds dans sa poitrine se serrèrent, compacts, denses, se tordirent, gauche, droite, explosèrent, violents, impact.

Et il éclata de rire, aucune barrière, aucune limite, juste ce rire sans fin et profond qui lui secoua tout le corps, juste les traits de son visage rigide qui se délièrent, les yeux mouillés, les joues mouillées, la bouche et le cou mouillés, rien ne compte, et les deux plus âgés qui le regardent bêtement, ils ne comprennent pas, oh non qu'ils ne comprennent pas, ils ne comprennent jamais, d'ailleurs lui-même ne comprend pas, n'est-ce pas drôle ? N'est-ce pas si absurde que la seule réponse valable soit le rire ?

L'éclat de joie se tarit petit à petit, trop lentement peut-être pour la situation. Plus rien n'avait de sens. Ariel devenait fou – seule explication plausible. La transition entre la morosité parfaite qui l'habitait autrefois et les réactions excessives l'animaient désormais était définitivement trop nette.

— Tu n'es pas ma mère, répondit Ariel en reprenant son souffle. Tu n'es pas ma mère et tu n'as aucune forme d'autorité sur moi. Ni Jules ni les autres, si c'est à eux que tu faisais allusion.

Il ferma les yeux un instant. La colère, un sentiment en demi-teinte paré de tristesse, prit doucement le dessus sur la folle allégresse qui venait d'exploser. Une réaction un peu moins étrange que la première, même si Ariel ne s'y reconnaissait toujours pas.

Peut-être que la présence de Sessho, peut-être que la sécurité qu'Ariel ressentait près de lui, l'aidaient à s'affirmer. À parler. À arrêter d'avoir peur.

Ses yeux se fichèrent dans ceux d'Eileen et il y mit toute la douleur qui le harcelait depuis des jours. Prisonnier d'un corps dont il ne voulait plus, démembré par une dépression qu'il ne maîtrisait pas, victime d'une déréalisation trop violente pour qu'il ne songe à s'acharner. Doucement il glissait, et il aimait ça. Le seul à l'avoir fait réagir se nommait Kayser, mais il préférait oublier les épreuves qu'il avait vécues.

— Tu sais quoi, King ? Moi aussi j'ai le droit d'être en colère. Je t'ai rien demandé. Toi tu débarques, comme ça, petite héroïne qui s'en tape des sentiments des autres, petite cheftaine qui ne pense qu'à sa personne, et tu penses pouvoir faire ta loi. Bah ça marche pas comme ça, pas aujourd'hui. Va donc dire à mes « petits amis » que je plonge dans le Lac chaque soir si ça te fait tant plaisir.

Il devenait méchant, il en avait conscience. Mais ses mots l'avaient trop tiré, sa douleur l'avait trop blessé – il ne pouvait plus faire demi-tour. Il ne voulait plus faire demi-tour.

— Je m'en fous, reprit-il en crachant. Je m'en fous parce que j'ai déjà trop mal. Tu veux savoir pourquoi je vais dans l'eau alors qu'elle ne dépasse sans doute pas les huit degrés ?

Inconsciemment, il avançait, comme si s'approcher pouvait donner plus de force à ses paroles. Comme si elles pouvaient ainsi fracasser Eileen avec plus d'efficacité.

Parce que la vérité, c'était ça : là, entre cette étendue d'eau géante et cet arbre centenaire, ses pieds nus recouverts de boue et ses joues trempées de larmes, il voulait la détruire comme lui-même était brisé. Il voulait que quelqu'un ressente ce qu'il ressentait ; qu'ils comprennent, eux qui prétendaient à l'omniscience, ce dont Ariel Melwing avait vraiment besoin.

— Le froid me coupe la peau et me fait tellement de bien que j'en redemande une fois que je suis sorti. Le manque d'air me fait suffoquer et me libère tellement que je recherche cette sensation à chaque heure de la journée. L'obscurité me vole les sens et m'offre la meilleure des rédemptions.

Ariel était à présent à quelques mètres d'Eileen. Attentif, il nota avec soin chacune de ses expressions.

— Ne mens pas, King. Même toi tu ne résisterais pas à de telles promesses. Moi, j'y ai déjà goûté.
Code by Ariel


HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Dim 14 Mar 2021 - 11:01
L'immersion
Ariel & Sessho
Avez-vous déjà été incapable de vous regarder dans un miroir ? Avez-vous déjà eu peur de croiser votre reflet dans une surface réfléchissante ? Avez-vous déjà été dégoûté par la vue de votre visage, de vos formes, de votre regard ?

J'en ai peur. Peur d'y voir ce qu'il s'y cache, tapis dans l'ombre.

Pour autant, ce n'est pas le pire. Le pire ? C'est le vide.

Rien, pas même les détraqueurs, ne me font aussi peur que lui. Quand il est là, ce n'est pas juste de la peur... C'est... C'est cette émotion qui nous empêche de bouger, de respirer.

L'effroi.
Si Eileen était présente physiquement, son esprit s'était déjà perdu dans les tréfonds obscurs d'un monde qui n'appartenait qu'à elle. Là sans être là, elle entendait à peine les mots qui franchissaient ses lèvres. Elle ne se reconnaissait plus dans les paroles qu'elle formulait, disait sans en comprendre elle-même l'entière teneur. Une délicate attention pour faire peur, pour faire mal, pour que l'autre sombre lentement dans une folie qu'elle désirait partager. Sa propre folie. Ses propres démons. Plus on est de fous, plus on rit. Une phrase qui prenait un sens bien plus tragique.

Pour saisir la scène dans son ensemble, il fallait comprendre qu'à cet instant, la seule émotion qui habitait Eileen, ou celle qui avait pris sa place, était une forme particulièrement perverse de satisfaction. Loin du dégoût profond qu'elle ressentirait envers elle-même d'ici quelques heures, quand son contrôle d'elle-même reviendrait et qu'elle se rendrait enfin compte de ce qu'elle avait fait, la jeune femme se délectait du visage qui s'effritait devant ses yeux.

La seule ombre sur le tableau, pour la partie sinistre de l'Américaine, était la présence d'un témoin, et en particulier parce qu'il s'agissait de Sessho Shinmen, le seul qui, à ses yeux, avait la légitimité de s'effondrer. Ce fut pour cette unique raison qu'elle daigna se détourner de sa cible pour accueillir les phrases du Japonais. Les accueillir, oui, mais sans les comprendre, sans les accepter.

« Eileen !, s'exclama-t-il. Arrête ça. Tu ne sais pas ce que tu dis. »

Pour seule réponse, la brune arqua un sourcil. Son expression ne témoignait, en vérité, d'aucune surprise. Seulement du dédain. Envers qui ? Elle-même ? Lui ? Le garçon ? Elle n'en avait aucune idée.

Il était trop tard pour faire demi-tour. Trop tard pour faire machine arrière. Trop tard pour s'avouer vaincue, rendre les armes et s'évanouir dans la nature. La King s'était perdu, trop enfoncée dans les méandres nébuleux des affres noirs de ses envies pour s'arrêter en si bon chemin. Elle ne voulait plus luter. Elle préférait se laisser couler.  

« Pitié, Eileen, arrête. Tu vas le regretter, je le sais. »

Peut-être, peut-être pas. Qui pouvait prédire le futur ? Elle ne le prétendait pas et elle ne désirait pas le découvrir. Elle souhaitait seulement appréciait le moment présent, ce répit insistant offert par le démon. Un démon qui, enfin, pouvait ressortir et ne plus se tapir dans sa cage trop étroite. Un démon qui ne la laisserait pas ressurgir. L'ombre qui s'était échappée, qui avait pris possession de son corps, n'avait pas idée de laisser la jeune femme émerger de son demi-sommeil, pas après toutes ses années à patienter en attendant son heure.

Bien sûr, la King était toujours présente. Elle se voyait faire. Spectatrice impuissante et involontaire de ses propres actions ; des actions et réactions qui ne lui ressemblait peut-être pas, mais qu'elle s'apprêtait tout de même à accomplir. Des sentiments, ou plutôt l'absence de sensations, qui n'étaient pas de son fait, non plus, mais qu'elle ne voulait pas quitter. La douleur était moins insoutenable ici.

Agréable. C'était agréable.

« Pourquoi est-ce que j'arrêterai ?, questionna la sorcière dans un murmure à peine audible. Ce n'est qu'un début. »

Celle qui parlait, parce qu'Eileen ne pouvait tout bonnement pas croire qu'elle agissait de la sorte de son plein gré, n'attendait aucune réponse. Son seul souhait à présent était de voir le Melwing tomber et sombrer dans le gouffre à ses pieds.

Sa patience, sournoise, amena la jeune femme à se détourner de lui. Ses pas la ramenèrent jusqu'à la plage de galet où elle récupéra ses affaires pour se revêtir.

Ce faisant, du coin de l'œil, elle remarqua la fuite d'Elyana vers la forêt interdite. Cette simple action de la part de son amie aurait pu faire ressurgir Eileen, d'autant plus devant le risque encouru par le renard. La forêt ne faisait aucun cadeau et la King savait devoir agir pour le bien de son amie.

L'éclat de rire d'Ariel fut l'électrochoc empêchant la magicienne de refaire surface. Par la peur. Par la fuite. Par le besoin de se protéger. Parce qu'elle savait qu'elle en était la cause. Parce qu'elle pressentait que le rire était l'alarme qui allait précéder la tempête et qu'elle en serait l'unique cible.

Une partie d'elle, néanmoins, s'en réjouissait.

Le son, violent, n'ayant pas sa place dans la pièce qui se jouait, amena celle-ci à commander encore, à reprendre le dessus. L'Américaine se retourna vers ses camarades. Elle réajusta sa manche où se trouvait, caché, le bois de charme dans son mouvement.

Désireuse d'en voir plus, de s'en régaler, sans doute, et satisfaite d'un résultat qu'elle avait désiré, qu'elle avait recherché, elle se rapprocha d'Ariel. Ce fut les premiers mots prononcés par le garçon qui l'amenèrent à s'immobiliser à quelques mètres de sa position. Son regard, ses pupilles, se posèrent sur le troisième année, frappa son visage et ne le quitta plus.

« Tu n'es pas ma mère, répliqua-t-il. Tu n'es pas ma mère et tu n'as aucune forme d'autorité sur moi. Ni Jules ni les autres, si c'est à eux que tu faisais allusion. »

Seule réaction d'Eileen sur l'instant, elle pencha son visage sur le côté, arquant un sourcil dans une mimique qui affichait sa curiosité. Les mots ne l'atteignirent tout bonnement pas. Comment l'auraient-ils pu, alors même qu'elle ne ressentait aucune culpabilité devant le fait accompli ? Ariel allait sombrer, en partie par sa faute, et le seul sentiment se nichant dans l'estomac de l'automate qu'elle devenait était une jubilation qui, au fond, la dégoûtait autant qu'elle s'en délectait.

« Tu sais quoi, King ? Moi aussi j'ai le droit d'être en colère. Je t'ai rien demandé. Toi tu débarques, comme ça, petite héroïne qui s'en tape des sentiments des autres, petite cheftaine qui ne pense qu'à sa personne, et tu penses pouvoir faire ta loi. Bah ça marche pas comme ça, pas aujourd'hui. Va donc dire à mes "petits amis" que je plonge dans le Lac chaque soir si ça te fait tant plaisir. »

En colère ? Non. Pour Eileen, il n'en avait pas le droit et c'était pour cela qu'elle agissait de la sorte. Égoïstement et paradoxalement, elle refusait d'admettre que ce qu'il disait était vrai. Relevant la tête en le voyant approcher, tout dans son attitude défiante transpira le mépris que lui inspirait à présent Melwing. Pour la Gryffondor, le seul à avoir droit de souffrir, de se lamenter, en dehors d'elle-même, se trouvait derrière lui, et il s'y refusait. Du Shinmen n'émanait qu'un pacifisme assourdissant.

Incompréhension. Frustration.

L'illusionniste ne parvenait pas à comprendre. À le comprendre. À les comprendre. Et l'être humain avait tendance à réagir toujours de la même manière face à quelque chose ou quelqu'un qu'il ne parvenait pas à cerner.

« Je m'en fous, lui cracha-t-il au visage. Je m'en fous parce que j'ai déjà trop mal. Tu veux savoir pourquoi je vais dans l'eau alors qu'elle ne dépasse sans doute pas les huit degrés ? »

Si la née-moldu était encore-là, si la jeune femme ne s'était pas déjà effondrée dans les méandres de ses cauchemars éveillés, sans doute aurait-elle compris qu'il s'agissait d'un cri du cœur. Que c'était un appel à l'aide. Que le violet avait besoin de quelqu'un sur qui s'appuyer. D'une épaule sur laquelle pleurer. D'une oreille pour écouter, sans juger, ses questionnements. Pour accepter ses sombres songes.

Mais le problème résidait justement dans l'incapacité de la jeune femme à saisir l'importance du hurlement émanant de cet être trop jeune, trop frêle. Maitrise et contrôle de soi avait volé en éclat plus tôt. Elle ne cherchait plus à démêler le vrai du faux. Pour elle, la seule vérité valable était la suivante : Ariel n'avait aucune idée de ce qu'était la souffrance. Pour l'instant.

« Le froid me coupe la peau et me fait tellement de bien que j'en redemande une fois que je suis sorti. Le manque d'air me fait suffoquer et me libère tellement que je recherche cette sensation à chaque heure de la journée. L'obscurité me vole les sens et m'offre la meilleure des rédemptions. Ne mens pas, King. Même toi tu ne résisterais pas à de telles promesses. Moi, j'y ai déjà goûté. »

Dans d'autres circonstances, la vipère refoulée aurait eu un mouvement de recul. Elle aurait désiré fuir. Elle aurait voulu être ailleurs. Dans d'autres circonstances, la jeune femme n'aurait pas supporté de telles accusations, aurait cherché à s'expliquer, à s'excuser. Dans d'autres circonstances, mais, précisément, les circonstances actuelles étant ce qu'elles étaient, Eileen se contenta d'un sourire.

Il n'atteignit pas ses yeux. Des yeux à demi-dans le vague, qui continuait à regarder Ariel, même si elle ne le voyait plus vraiment. La douleur transparut un instant dans une grimace.

Parce qu'Eileen ne s'estimait pas être quelqu'un de mauvais. Parce qu'au fond, elle ne désirait pas faire souffrir. Parce qu'elle préférait, en temps normal, encaisser seule plutôt que détruire les autres.

Parce qu'Eileen comprit à quel point elle avait perdu face à elle-même.

Parce que les mots d'Ariel, même si ça ne se vit qu'une demi-seconde, avait eu bien plus d'effet que le troisième année pourrait l'imaginer.

Parce qu'Eileen s'apprêtait à commettre l'irréparable et qu'elle ne pouvait pas se laisser faire.

Parce qu'Eileen se retrouva emprisonner dans son propre corps sans pouvoir lutter.

Il ne fallut que quelques pas à l'adolescente pour se rapprocher de sa cible. Sa main gauche se releva avec une lenteur presque surnaturelle. Elle voulait prendre son temps. Elle voulait qu'il comprenne pleinement l'erreur qu'il venait de faire en s'en prenant à elle. Juste avant de prendre conscience qu'il n'y avait plus aucun retour en arrière pour lui. Qu'il ne pourrait plus faire marche-arrière. Et qu'elle non plus n'en avait pas l'intention.

« Je ne suis ni ta mère, ni une cheftaine, ni une héroïne, Melwing. », murmura la demoiselle à l'oreille du garçon.

Penchée pour que ses lèvres effleures à peines sa peau, elle vint déposer son index sur son front la seconde suivante. Elle ne lui laissa toutefois pas le temps de réagir et le retira. Son mouvement suivant fut de se redresser de toute sa hauteur en face de lui. Son expression oscilla entre un respect étrange et le dégoût quand son regard se reposa le visage de l'Aiglon.

« Et tu vois, susurra la jeune femme, tu peux t'expliquer quand tu le souhaites, même s'il faut un peu te bousculer. »

Son rictus ne s'était pas dissipé. À aucun moment. C'était une promesse. La promesse d'un méfait qui allait arriver plus tôt que ce qu'ils devaient sans doute s'imaginer.

Parce que la lionne en avait assez.

Parce qu'elle s'était battue toutes griffes dehors dans l'espoir d'aider les autres sans jamais recevoir le moindre remerciement. Parce qu'elle en avait assez de lutter pour des personnes qui ne le remarquaient pas. Elle avait toujours préféré encaisser pour ne pas inquiéter, se saigner pour les autres plutôt que les voir souffrir.

Aujourd'hui, c'était différent. Parce qu'elle en avait assez de se prendre des retours de bâtons alors qu'à ses yeux, elle ne les méritait pas.

Ariel était un exemple parmi d'autres. Malheureusement pour lui, le chaudron débordait complètement suite à son agression. Et il allait devoir rembourser la dette de tous les autres. Plus tard, elle s'en voudrait. Pour l'heure, elle s'en amusait.

« Pauvre enfant. Tu dis que je n'y ai pas goûté ? C'est donc une invitation. »

D'un mouvement vif, la née-moldu attrapa le col d'Ariel. Elle ne lui laissa pas le temps de comprendre ce qu'il se passait. Elle se retourna vers le lac et, l'adrénaline pulsant dans son corps et l'y aidant, elle commença à le trainer vers la berge. S'il hurlait, la griffait, cherchait à la faire lâcher, elle ne le remarqua pas, enfermée dans une émotion bien plus vicieuse que la colère. La haine. Féroce. Insoutenable.

« Si ça te manque tant, Melwing, tu ne verras aucune objection à ce que je t'offre une nouvelle baignade. »

Le velours de sa voix s'était totalement dissipé. C'était un sifflement glacial qui avait pris sa place. Celui d'un serpent prêt à étouffer sa proie lentement. Pour lui faire saisir le danger sans lui laisser la possibilité de s'en sortir. Pour qu'il sente que ses forces le quittaient. Pour qu'il finisse par abandonner après s'être débattu, encore et encore, jusqu'à constater qu'il n'y avait plus aucune échappatoire.

Un pas. Deux pas. Les dents serrées, le regard fou, les cheveux en bataille, Eileen ne ressemblait plus du tout à la trublionne.

Le salut d'Ariel ne vint ni de lui, ni de la part de la brune.

Ce fut Sessho qui la stoppa. Ayant presque oublié sa présence, la jeune femme s'étant enfermée dans son envie presque meurtrière, elle fut surprise de sentir deux bras s'enrouler autour d'elle pour l'immobiliser.

Son premier réflexe fut de tenter de se dégager par la force, mais le japonais, entrainé depuis son enfance, en possédait bien plus qu'elle. Elle en fut tout bonnement incapable. Si bien que la jeune femme finit par lâcher l'ami de Jules. Elle chercha à se débattre, un temps, avant de finalement arrêter en comprenant que c'était inutile. Elle abandonnait, ou du moins, en donnait l'impression.

La vérité, toutefois, était tout autre. L'insatisfaction de se voir immobiliser de la sorte l'entraîna dans une spirale d'émotions bien plus dense que les précédentes. Des émotions qui se lurent enfin sur son faciès. Tristesse, colère, incompréhension, remord. Douleur.

Elle avait mal. Si mal qu'elle en venait à vouloir le faire ressentir aux autres. Un paradoxe lattent alors qu'elle refusait d'admettre qu'ils pouvaient souffrir eux-mêmes.

« Lâche-moi !, siffla-t-elle entre ses dents serrées. Lâche-moi ! »

Dans l'optique de l'y obliger, Eileen se servit de son coude et visa à l'aveuglette. Elle ne sut pas où elle le frappa, mais son coup toucha sa cible. Elle sentit les bras relâcher leurs prises et, incapable de discerner l'ami de l'ennemi, elle mit à profit cette seconde de relâchement.

D'un mouvement précis, elle se dégagea de l'emprise du Shinmen. D'un autre, elle fit volteface. Sa baguette atterrit dans sa main à une allure prodigieuse. Pointée sur la gorge de celui qui, longtemps, lui avait prouvé son amitié.

Il arrive parfois un moment où l'esprit lâche complètement. Où, par une forme anormale de paranoïa, une personne se retrouve incapable de reconnaître l'ami de l'ennemi. Où il peut se montrer agressif envers tout et tout le monde. Où il serait incapable de reconnaître l'ennemi de son meilleur ami. Où sa seule solution est de se battre dans l'espoir de s'échapper d'un piège qui, en vérité, n'existe pas.

Elle venait de toucher le fond. Elle ne parvenait pas à remonter. Elle ne s'en croyait pas capable. Et les deux présents lui donnaient la sensation de boulets à ses chevilles.

Eileen, d'une certaine façon, ressurgissait enfin, où se fusionnait au reste. Métaphoriquement parlant, elle se retrouvait de nouveau maîtresse d'elle-même. Ou, plutôt, en avait l'illusion.

Tout comme elle avait l'impression que Sessho s'apprêtait à l'attaquer, à lui faire mal. Peut-être parce qu'elle ne voyait rien. Parce qu'il ne possédait aucune émotion. Parce que dans cet état, statue de marbre au regard perçant, il l'effrayait plus encore que ces êtres qui aspirait la joie. Parce qu'elle ne voyait pas sa bienveillance. Parce que sa vue, ses analyses inconscientes pour découvrir les ressentis de ses camarades ne fonctionnaient plus sur le préfet.

L'agressivité fut sa seule défense face à l'attaque qu'elle imagina.

« Comment ?!, grinça-t-elle. Comment peux-tu être aussi vide ?! »

Les jointures de sa main blanchirent tant elle serra sa baguette. Elle tremblait. Entièrement. Ce n'était pas le froid. Elle l'aurait préféré.

« Toi qui as été enlevé et torturé, comment peux-tu rester aussi stoïque ?! Comment peux-tu ne ressentir aucune colère, aucune haine, aucune tristesse ?! »

La haine s'évaporait lentement pour laisser sa place à autre chose. Face à lui. Face à un être qui lui paraissait presque céleste. Face à un humain dont le corps et l'esprit ne laissait filtrer aucune émotion. Ce n'était pas naturel. Ce n'était pas normal.

Elle fit un pas en arrière. Elle avait perdu. Depuis le début.

« Aucune souffrance..., termina-t-elle, sa voix baissant de volume. Comment ? »

La vérité, bien sûr, résidait dans le secret, mais Eileen n'en avait jamais rien su. Et à cet instant, ce manque de savoir se fit ressentir et pu être lu sur son visage, au plus profond de son regard.

La terreur. Viscérale.
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Sam 17 Avr 2021 - 17:41

L'immersion
La pluie. L'orage. Le feu. Le sang. Comme une ombre, comme une bulle, ils coulent sous mes pas.
Les yeux fixés sur Eileen, il avait vu défiler la fureur et la désolation. Il les avait vus, mais n'avait pas pu les arrêter. Ni en s'imposant. Ni en suppliant. Elle était partie. Elle s'était endormie. Il voulut la réveiller. La faire réagir. Il voulut l'étreindre, la réparer. Il voulut comprendre. Avant les larmes. Avant l'éclat de rire. Avant toutes ses émotions qu'aucun ne parvenaient à contrôler. Ariel avait fait demi-tour. Et là, il sût. Il sût qu'ils atteignaient un point de non-retour. Une ligne rouge d'amertume, de souffrance, de ressentiments.

Il souffrait.
Ils souffraient.

Et les premières paroles du plus jeune les lui confirmèrent. Il aurait souhaité faire plus que les écouter, que de s'y perdre.

Mais c'était trop tard.

Les mots se confondirent, se noyèrent, s'embrouillèrent, et bientôt, les phrases n'eurent plus aucun sens. Elles l'attaquèrent, le coupèrent, le broyèrent tout entier. Des pieds à la tête. Leur douleur fut sienne, et il ne put qu'en trembler, en avoir envie de crier, de pleurer. Elle s'ajouta au fardeau pesant sur ses épaules depuis des jours, des semaines, toute une éternité. Son impuissance lui sauta au cou, l'étranglant brutalement, sans la moindre pitié ni attente. Il était encore enchaîné. Incapable de réagir, de soulager, de comprendre. Comme cette nuit-là. Comme face à lui.

Ses paumes se plaquèrent sur ses oreilles pour étouffer le moindre son, et ses paupières se plissèrent si fort qu'il en ressentit les fourmillements. La colère. La rage. Le désespoir. Les cris, les murmures le firent suffoquer, grincer des dents déjà serrées. Sa bouche s'ouvrit sur une respiration archaïque, sur un sifflement en une toux douloureuse. Dans sa poitrine, il sentait son cœur s'arrêter, rater des battements, rependre dans ses muscles l'engourdissement d'une crise d'angoisse. Tout lui échappait. Tout glissait. Il suffoquait. Il étouffait. Il se sentait mourir. Il se sentait léger. Et lourd. Bienheureux dans sa suffocation. Et paniquer de ne plus avoir de souffle. Plus de raison. Plus de rationnel. Seulement une plongée en apnée dans sa propre envie de crever. D'être ailleurs. D'être déjà mort. Dans cet abandon qu'il avait rejoint contre son gré.

« Je m'en fous parce que j'ai déjà trop mal. Tu veux savoir pourquoi je vais dans l'eau alors qu'elle ne dépasse sans doute pas les huit degrés ? »

Parce que j'ai déjà trop mal.
Parce que j'ai déjà trop mal.

Il ne pleuvait pas, mais c'était tout comme. Il faisait jour, mais dans sa tête, il faisait nuit. Il était là. À deux pas. Il sentait son poids sur son abdomen. Il tremblait. Il hurlait. Il frappait. Un. Deux. Trois. Il avait froid. Il avait chaud. Tout le brûlait. Tout le gelait. Ses mains glissèrent sur l'arrière de sa tête, qu'il enserra convulsivement. La cicatrice était lisible sous ses doigts, des contours imbibant sa chaire d'opalines poisseuses. Ses dents arrachèrent ses lèvres, faisant couler une ligne rouge le long de son menton. La massue. La boue. Les flaques. La Lune. L'orage. Les éclairs. Le feu. L'acier. Le décor fila des galets jusqu'aux silhouettes des deux adolescents, transparents dans le rez-de-chaussée de la cabane. Ses poignets étaient lestés. Deux membres morts, qui tombèrent contre ses hanches. La lame traversa le paysage. Droite. Fine. Linéaire. Belle. Terrifiante. Elle était si proche. De son oreille. De sa gorge. De son torse.

Tu dois me haïr !
Tu dois me haïr !

Il se haïssait, comme il n'avait jamais pu détester quelqu'un. Il était lâche. Il était inconscient. Il était un spectateur. De leur vie. De la sienne. De l'horreur. De tout. Il n'avait rien dit. Il n'avait rien fait. Son propre dégoût le fit haleter, lui donna envie de rire comme un dément. Comme lui. Son poing se serra, griffant sa peau, pour s'abattre sur sa tempe. La culpabilité enfla. Encore et encore, jusqu'à déborder sur une apathie complète, une étincelle qui implosa ses organes et ravagea ses pensées d'un incendie, d'un pathétique florilège de haine intérieure, d'émotions refoulées, de travers sous-estimés. Minable. Négligeable. Couard. Déchet. Pourrit. Déception.

Tu dois me haïr !
Tais-toi.
Parce que j'ai déjà trop mal.
Tais-toi.

Mon art est votre, qu'il lui murmure.
Tais-toi, qu'il souhaite lui répondre.

Réveille-toi, l'implore sa mère.
Tais-toi, qu'il s'obstine.

Laissez-moi là-bas. Laissez-moi mourir.

Et puis le vide.
Le néant de portes qui claquent.
Le feu qui cesse sous une averse.
Le fou qui finit sous les verrous.

Il n'a plus froid. Il n'a plus chaud. Et sur ses paumes, la douleur est absente. Sessho était là. Et il n'était plus. Il existait. Et pas tout à fait. Il ne ressentait rien. Ni rouge colérique. Ni vert d'espoir. Ni jaune d'amertume. Rien. Et c'était mieux ainsi. Oui, c'était mieux ainsi. Il déplia ses doigts, faisant gémir ses articulations tendues. Il inspira. Lentement. Mécaniquement. Il regarda autour de lui, hagard. Les vagues frappèrent contre la berge, au même instant où Eileen empoigna le col d'Ariel, les invitant dans les bras des profondeurs. Il ne les entendit pas. Il saisit à peine. Les mots n'avaient plus de sens. Encore. Lointains. En sourdine.

Mais il bougea. Ses jambes s'activèrent. Un pas après l'autre. Droit. Strict. Franc. Cinglant. Distant. Son bras gauche entoura les épaules de la brune et le droit son cou, appuyant sur sa trachée. Ne bouge pas, sous-entendait-il dans sa prise. Une poigne dure, sans appel. Elle frappa à l'aveugle. Et lâcha. Lui aussi. Il n'avait pas mal. Il ne sentait rien.

Il recula d'un pas, la pointe d'une baguette sous le menton, là où le sang avait séché. Un peu. Il aurait dû avoir peur. Mais il ne ressentit rien. Pas même le frisson du danger, de cette lueur dingue flamboyant dans le regard de la lionne. Elle était terne. Comme tout le reste.

« Comment ?! Comment peux-tu être aussi vide ?! », un sifflement qui le rendit aussi stoïque qu'un simple coup de vent.

Le vide, il y avait plongé. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il le soulageait. Il faisait taire les voix, les chuchotements, les images. Comme si les insomnies n'existaient plus. Comme si le vide ne l'attirait plus. Comme s'il ne se détestait pas. Comme si plus rien n'avait d'importance. Ni eux. Ni lui. Ni personne. C'était flotter dans une bulle de silence. C'était oublier jusqu'à sa propre existence. C'était fuir jusqu'à son ombre. C'était dormir pour toutes ces fois où il n'avait pas pu.

« Toi qui as été enlevé et torturé, comment peux-tu rester aussi stoïque ?! Comment peux-tu ne ressentir aucune colère, aucune haine, aucune tristesse ?! »

Elle recula. Lui, ne bougea pas. Elle avait peur. Elle avait mal. Elle était triste. Tu dois me haïr, résonnait encore. Tu dois me haïr, parce que c'est ta seule survie. Tu dois me haïr, sinon tu te haïras. Trop tard. Encore. Il se décala d'un pas de côté pour tendre la main au plus jeune. Cruel rappel à ses nombreux essais. Pas de pitié. Pas de jugement. Seulement une récidive. Il pouvait refuser son aide. Il pouvait le repousser. Il pouvait pleurer. Il pouvait courir. Il essaierait. Il resterait.

Il était comme lui. Comme elle.

Il voulut lui sourire. Mais ses lèvres restèrent fixes.

« Aucune souffrance..., elle baissa la voix, Comment ? »

Il avait mal. Toujours. À chaque seconde. De la coupure à la brûlure. Des larmes aux cris. Du déni à la réalisation. De la colère au désespoir. De la terreur à la paralysie. De l'espoir à la solitude. De la rage à l'apathie. De l'optimisme à la lassitude. De la mélancolie à l'aphasie. Il avait mal. Depuis des jours. Depuis des mois. Depuis des années. Et ça lui sautait au visage sans prévenir, ça l'empoisonnait d'une seringue dans le pied avant de disparaître. Ça déferlait en vague, ça le foutait en l'air, ça le rendait malade. Il manquait d'air, il manquait de temps, il manquait de tout. Il implosait. Il explosait. Il s'effritait à la face du monde et préférait crever par altruisme qu'abandon.  

« Parce que je choisis de ne rien ressentir. », répondit platement Sessho après un instant, reportant son regard morne sur la brune.

Une porte s'ouvrit. Et les larmes lui montèrent doucement aux cils. La détresse le fit tressaillir. Et il lutta pour garder cette dignité qui le maintenait droit, sobre, pudique. Pas de sanglots. Pas de rire hystérique. Pas de tornade. Seulement des traits écroulés sous le trop pleins.

« Parce que si je ressens, je ne dors plus, je ne mange plus, je ne parle plus, je ne suis plus là. Je ne vois que lui. Je ne vois que .. ça. », il appuya sur sa poitrine, à l'endroit même où sa cicatrice palpitait encore.

Quatre mots sur sa chaire. Quatre mots. Une promesse. Un échec.

« Si je ressens, je plongerai la tête la première, et je ne remontrai pas. »
code by bat'phanie
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Ven 7 Mai 2021 - 18:37
L'immersion

ft. Eileen King, Sessho Shinmen

Les mots mouraient à peine entre les lèvres du jeune garçon qu’il se demanda quel monstre le possédait. Il souffrait – il pouvait l’admettre. Il commençait à l’admettre. Mais chercher à faire souffrir les autres ne faisait pas partie de son caractère. Ni du caractère du Ariel en bonne santé, ni de celui du Ariel dépressif. La violence gratuite, psychique ou physique, lui était intolérable.

Et voilà qu’il essayait de pousser à bout cette fille qu’il ne connaissait pas, observé par un garçon dont les démons surpassaient sans doute les siens, le bout des doigts rigide et gelé.

Un monstre lui avait bouffé le corps, l’esprit et l’espace.

Un monstre qui ne faisait que ça : faire mal, mal faire, l’effondrer et effondrer les autres.  

La sensation d’oppression émergea plus forte, plus violente, plus nette. Les contours flous de Sessho se disloquaient dans le coin de son champ de vision, à moitié déformés par le brouillard qui lui cachait la vue. Le refus d’Ariel de l’observer faisait le reste. L’aîné lâchait prise.

Le jeune garçon entendait les bruits de couloir qui parcourait sa Salle Commune : torturé, mutilé, désintégré, Sessho le survivant n’avait pas bronché, n’avait pas crié et n’avait pas pleuré. C'était l'une des nombreuses raisons qui culpabilisaient Ariel d’avoir arrêté de se battre : si Sessho parvenait à tenir debout, pourquoi lui ne réussirait-il pas ?

En face de lui, Eileen King souriait. D’un sourire vague, inquiétant. Un sourire qu’Ariel connaissait : il signifiait qu’un monstre menait la danse chez elle aussi. Il signifiait que la tempête se levait, qu’il était inutile de lutter. Des fantômes dansaient autour d’eux en une danse macabre, les harcelaient, les piquetaient de leur colère et de leur rancœur, et eux les goûtaient, les absorbaient et les réclamaient.

Ils creusaient, plongeaient, et ne remontaient pas.

Il cligna les yeux, elle fut devant lui. Plus menaçante qu’elle ne l’avait jamais été, moins toutefois que les feuilles qui hantaient son esprit. S’il avait réussi à s’en défaire la veille, s’il avait réussi à combattre ses pires démons, ne parviendrait-il pas à faire de même ce jour-là ?

Abandonné par la fureur meurtrière qui l’avait porté plus tôt, Ariel se sentit vulnérable. Et plus que tout, il prit conscience de la détresse qui régnait entre eux depuis le début.

Il eut peur.

— Je ne suis ni ta mère, ni une cheftaine, ni une héroïne, chuchota Eileen en se penchant à son oreille.

Un doigt sur son front, et se fut tout. Elle se retira, se redressa, et Ariel put recommencer à respirer. Quelque chose dans l’attitude de la Gryffondor lui indiquait qu’il ne s’agissait que d’un prologue.

Incapable de réagir. Figé. Sa baguette était comme un poids mort dans sa main droite tandis qu’il tentait de reprendre le contrôle de ses réactions. Alors quoi, le monstre était parti, emportant son libre-arbitre avec lui ?

— Et tu vois, tu peux t’expliquer quand tu le souhaites, même s’il faut un peu te bousculer.

— Je veux pas m’expliquer, Eileen. Je vous ai demandé de me laisser tranquille. Depuis le début. J’ai jamais voulu d’aide, ni de toi ni de personne.

La lassitude et l’aigreur se disputaient dans sa voix rauque. Rauque de crier trop, rauque de parler trop peu, peu importait : ses mots sortirent dans un filet murmuré à peine audible.

Son sourire inquiétant était toujours là, ne vacillait pas. Plaqué sur des lèvres figées, indéchiffrable.

— Pauvre enfant, susurra-t-elle.

Comment deux mots pouvaient-ils renfermer tant de haine ? Si peu de sentiments ? Comme une voix si ténue pouvait-elle porter tant de menaces ?

— Tu dis que je n’y ai pas goûté ? C’est donc une invitation.

Ariel recula. Anticipa la suite.

Elle était bien plus folle que lui, bien plus cassée que lui. Elle ne réfléchissait plus, n’écoutait plus. Elle se perdait dans les méandres de sa propre personne, dans ceux infinis de sa rancœur exacerbée. Il n’avait jamais vu tant de haine dans les yeux de quelqu’un.

Ce n’était pas censé exister.

Il ne fut pas assez rapide. Une main de fer se saisit de son collet et l’étrangla à moitié. À présent, loin des élans monstrueux qui avaient habité Ariel, c’était la peur qui dominait. Peur pour lui, peur d’elle. Peur pour elle, peur pour eux.

Elle le traîna, haine et absence, il résista, désespoir et incompréhension.

Spectateur.

À quel moment avaient-ils pris le mauvais virage ? Quelle étape avaient-ils manquée, quel panneau avaient-ils ignoré ? Ils s’étaient perdus, tous, le chemin s’était effacé, impossible à retrouver.

— Si ça te manque tant, Melwing, crachait-elle, tu ne verras aucune objection à ce que je t’offre une nouvelle baignade.

Il se battit encore, la griffa, l’insulta. Le lac, promesse de mort et de gel, s’approchait à chaque seconde. Il ne voulait pas y aller, pas comme ça, pas maintenant. Il ne voulait pas y retourner, il ne voulait plus y retourner. Les profondeurs le répulsaient, les algues le répugnaient, il voulait que tout s’arrête.

Il était prêt à arrêter de se détruire, réalisa-t-il soudain. Expier ses besoins et ses envies de mort et de douleur autrement. Se purifier. Réapprendre à respirer. À vivre. Fuir en courant et ne plus jamais se retourner.

Cesser d’avoir mal en permanence. Dans son cœur, dans sa tête et dans son corps.

Comment était-il supposé s’y prendre si on l’emmenait de force à la rencontre de ses démons ?

En quelques secondes, Ariel renonça à l’espoir de se dégager. Elle était trop forte pour lui, trop grande. Lui était trop léger. Il blinda son cerveau pour résister aux assauts du froid que lui infligerait le lac, fortifia son corps pour qu’il résiste aux soubresauts qui allaient sans doute le saisir. S’il ne pouvait y échapper, il fallait s’y préparer.

Si lors de ses baignades quotidiennes le froid était bienvenu comme un anesthésiant des maux de son esprit, c’était loin d’être le cas en-dehors de ces moments. Il était alors plongé dans une transe qui l’isolait du reste, qui le coupait des ressentis normaux. À présent, il fuyait le froid et la haine, et comptait bien ne pas céder aux fantômes et aux monstres qui continuaient de le titiller.

Il banda encore ses muscles, désespéré, et leur progression s’arrêta brutalement. Un instant, il crut qu’il avait réussi. Qu’il avait vaincu la force effrayante d’Eileen et qu’il s’était dégagé de son emprise surhumaine.

Lorsqu’il tourna les yeux vers la scène, il se sentit bête : c’était Sessho qui l’avait tiré de là, le visage fermé, engagé dans une lutte que la Gryffondor n’avait aucune chance de gagner.

— Lâche-moi !, fit Eileen. Lâche-moi !

Elle frappa, encore, précise, et le Serdaigle finit par céder. Ariel eut peur un instant que l’attention de la jeune fille se reporte immédiatement sur lui ; après tout, elle avait l’air déterminé à le balancer dans l’eau à peine deux minutes plus tôt. Mais elle dégaina sa baguette, dans un mouvement hallucinant de rapidité, et la pointa sur son vis-à-vis. Sessho ne réagissait toujours pas, hermétique aux événements. Il se contenta de reculer d’un pas.

Un seul.

Insuffisant pour se soustraire à l’emprise de l’enragée.

Peut-être qu’Ariel aurait dû intervenir, peut-être qu’il aurait dû se mettre entre les deux pour éviter qu’ils se fassent mal. En tout cas, détourner la tête n’aurait pas dû être une option envisageable – mais il estima être témoin de trop de violences, s’infliger à lui-même trop de blessures, pour assister à un massacre de plus. Il s’y refusa.

Et il était parfaitement conscient qu’il n’avait aucune chance face à ses deux aînés, rôdés au combat, plus savants, plus vifs, plus grands et plus lourds que lui.

— Comment ?!, entendit Ariel pendant que ses yeux se perdaient dans l’immensité du parc. Comment peux-tu être aussi vide ?!

Les larmes montèrent. S’il lui restait un peu d’humanité, un peu de conscience, elle devait s’arrêter. Car l’équilibre de Sessho, déjà brisé, ne tenait plus qu’à quelques bousculades – Ariel le voyait, Ariel le sentait. S’il s’avérait que les injonctions d’Eileen le brisait en deux, ni elle ni Sessho ne se relèveraient tout de suite.

S’ils se relevaient.

— Eileen, tenta-t-il, le regard toujours fuyant.

Il n’alla pas plus loin : pas le courage, pas l’utilité, et la rouge et or ne l’écoutait pas. Elle poursuivait, plus virulente que jamais :

— Toi qui as été enlevé et torturé (Ariel grimaça, auparavant ignorant des faits exacts), comment peux-tu rester aussi stoïque ?! Comment peux-tu ne ressentir aucune colère, aucune haine, aucune tristesse ?

Parce que c’est son moyen de rester debout, sombre idiote.

C’était le sien également. Se soustraire à la réalité.

Ses yeux se posèrent sur la scène, étrangement figée malgré la violence des émotions qui l’habitaient.

Une fois de plus, il se tut, se dissipant dans les brumes de leurs consciences.

Eileen tremblait plus que jamais. Ariel n’avait jamais vu personne céder de la sorte.

Il la vit abandonner. Rendre les armes. Elle recula.

— Aucune souffrance... Comment ?

— Parce que je choisis de ne rien ressentir, dit Sessho.

Les battements de son cœur envahirent les oreilles d’Ariel, remplirent son champ de vision. Bien sûr qu’il s’agissait d’un choix. Ariel aussi aurait voulu choisir – choisir d’oublier, choisir de se défaire de ses souvenirs. Il aurait aimé sortir de son propre corps, abandonner son propre cerveau, et se contenter de suivre les autres, suivre le mouvement, suivre le cours des choses.

Au lieu de cela, la seule arme qu’il avait trouvée pour se défendre, c’était un lac gelé.

Une pointe de culpabilité perça la tristesse et la détresse. À présent suffisamment lucide sur ses émotions pour se rendre compte qu’une jalousie mal placée s’installait lentement, il se sentit sale. Sale et illégitime. Ce qu’il avait vécu était mille fois moins pire que ce que Sessho gardait au fond de lui ; Ariel n’avait pas le droit d’envier ses capacités à survivre.

Égoïsme. Lâcheté. Mauvais.

Ariel serra les dents, accepta l’attaque de sa conscience. Une attaque coupante, blessante mais justifiée.

D’autres souffraient plus que lui.

— Parce que si je ressens, je ne dors plus, je ne mange plus, je ne parle plus, je ne suis plus là, dit encore Sessho, et chacune de ses affirmations était plus tranchante que la précédente dans le cœur d’Ariel.

La bile lui monta, mais il ne bougea pas, le dos toujours tourné aux deux protagonistes. Il voulait leur apporter un peu de soutien malgré la colère qui lui remuait le ventre. Il voulait leur montrer qu’il était là, courageux, malgré son incapacité à affronter la scène. Il voulait prouver à Eileen qu’il n’avait besoin ni de sa pitié, ni de son aide, ni de sa haine.

— Je ne vois que lui, continuait Sessho. Je ne vois que... ça.

Il préféra ne pas penser à ce que représentait le ça.

— Si je ressens, je plongerai la tête la première, et je ne remonterai pas.

La bile se fit plus présente, plus insistante. Ariel s’accroupit lentement, comme réticent à abandonner sa position fuyante, et entoura ses genoux avec ses bras. Une respiration, deux respirations.

Se calmer. Repousser la crise d'angoisse.

Il voulait y retourner. Dans le lac. Plonger plus profond, plus loin, plus noir, plus violent. Lui non plus ne voulait plus remonter.

Cette fois conscient de ce qui l’entourait, conscient du contact de son corps avec le sol et avec le vent, conscient des enjeux de la conversation qui se tenait derrière lui, il avait mal. La douleur qu’il n’avait pas ressentie lors de sa joute avec Eileen explosait dans toute son immensité dans sa poitrine. Il recommença à sentir la tristesse et l’abandon, l’envie d’arrêter et celle de continuer. Il reprit conscience du monde qui l’entourait et de son cœur qui battait.

La morsure apaisante du lac lui parut plus attrayante et plus répugnante que jamais.
Code by Ariel


HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Lun 12 Juil 2021 - 11:45
L'immersion
Ariel & Sessho
L’eau. Un élément traitre. Il vous parait calme, il vous parait apaisant, il vous parait essentiel. Il l’est. Tout comme il est meurtrier, implacable, abris des créatures les plus inconnus, les plus étranges, les plus effrayantes. Nous nous sommes perdus à couler dans ses profondeurs, prêts à nous noyer dans l’espoir de ressentir les bienfaits d’une bouffée d’air frais.
Comment, après ce qu’elle venait de dire, après ce qu’elle venait de faire, pourrait-elle se regarder en face ? Les yeux écarquillés par la surprise, les pupilles dilataient par l’horreur et la peur, le regard fuyant, elle ne savait plus où se mettre.

« Parce que je choisis de ne rien ressentir. »

Le retour à la réalité fut brutal. C’était comme ce jour-là. Après l’accident. Reprendre pied et voir de plein fouet l’horreur de la situation lui donna la nausée. Pour ne rien arranger, son esprit la trahissait, ne lui laissant pas le choix de voir tous les détails, d’analyser les positions, les mouvements, les respirations.

Comme à l’époque, où elle n’avait pu qu’observer, impuissante. Le manque de réactions de son père et sa mère. Les sirènes qui hurlaient au loin. Ses appels qui restaient sourds. Les secours qui la tiraient de la voiture. La taule pliée, les regards sans vie, les corps brisés.

Le chant des quelques oiseaux et des vagues, indifférents à la scène, sonnaient comme leur arrivée.

Il n’y avait aucun corps à recouvrir, seulement leurs esprits morcelés. Sessho était devant elle, le visage aussi stoïque qu’une statue sans vie. Une statue qui se fissurait lentement, qui commençait à laisser voir le gouffre sous ses pieds. Un gouffre qui ne demandait qu’à l’engloutir.

Parce que je choisis de ne rien ressentir.

La voix du Japonais n’avait eu aucune variation. Comme celle que l’on imaginait aux robots dans les films de science-fiction. Le simple fait que ce fut possible avait figé Eileen dans sa démarche pour mettre de la distance entre eux.

Elle n’avait jamais entendu parler d’une telle capacité. Et, maintenant à demi-lucide, fait lui vrillant les tympans, elle se doutait que ce fût loin d’être une bonne méthode pour se remettre de ses traumatismes.

Elle ne pouvait néanmoins pas le juger. Si elle avait su se perdre à travers cette possibilité, remarqua-t-elle, elle ne se serait pas fait prier.

Ce fut à cet instant qu’elle les vit. Écho à la détresse ambiante, les larmes à peine visibles qui perlèrent sur les cils du plus âgé des Serdaigles.

Eileen, bien que toujours tremblante, resta sur ses positions. Elle avait souffert, elle souffrait toujours, mais elle remarquait qu’elle n’était pas la seule. Elle comprenait que d’autres vivaient des émotions similaires. Elle voyait enfin qu’elle n’était pas seule.

« Parce que si je ressens, je ne dors plus, je ne mange plus, je ne parle plus, je ne suis plus là. Je ne vois que lui. Je ne vois que… ça. »

Elle n’était pas seule. Et la légitimité de ses émotions en prirent un coup. Elle avait des amis qui cherchaient à l’entourer. Elle avait des personnes sur qui elle pouvait compter. Et elle se comportait comme la pire des pestes, incapable de se relever, impuissante sur la ligne fine sous ses pieds et les ombres qui y dansaient. Elle n’avait aucun moyen de les remercier pour ce qu’ils essayaient de faire.

Sans y arriver, bien sûr. Parce qu’elle ne le voulait pas. Pas encore. C’était trop tôt. Comme ça devait l’être pour eux. Pour ces deux âmes qu’elle comprenait plus qu’elle ne l’aurait souhaité.

« Si je ressens, je plongerai la tête la première, et je ne remontrai pas. »

Comment ? Comment avait-elle pu reprocher les actions des deux autres, alors même que l’idée de les suivre lui traversait l’esprit ? Comment pouvait-elle leur en vouloir de se comporter de la sorte ? Elle-même, même si ce n’était pas en se jetant dans le lac ou en se laissant sombrer dans un labyrinthe de non-ressenti, se laissait couler à sa manière.

Eileen se sentit abjecte devant la souffrance du Shinmen.

Un regard en coin plus tard vers Ariel et elle endura le nouveau sentiment d’impureté qui la prit à la gorge. La nausée ne s’était toujours pas dissipée.

Elle n’était pas légitime. Ni de leur en vouloir, ni de leur faire porter le poids de ses propres démons. Elle n’en avait pas le droit, pas après ce qu’ils avaient traversés, pas après ce qu’ils subissaient encore.

Elle força autant qu’elle put pour ravaler ses larmes, sa rancœur, sa colère, sa tristesse. Son désespoir latent. Pour ne plus montrer ses faiblesses. C’était trop tard, bien sûr, mais elle souhaitait bien faire. Si elle ne pouvait pas être forte pour elle-même, elle pouvait au moins essayer pour eux. Parce qu’ils le méritaient plus qu’elle, plus que tous les autres à cet instant.

« Je... »

Sa voix mourut dans un murmure inaudible. Que pouvait-elle dire ou faire ?

Les mots d’Ariel et de Sessho faisaient si sens. Elle se reconnaissait. Elle s’imaginait sans mal leur difficulté à se lever le matin. La complexité que leurs relations leur imposaient. L’envie de rien, si ce n’était une proximité avec soi-même sans autre intrusion que leurs cauchemars et leur désespoir.

Elle entrevoyait-là une proximité aussi étrange qu’effrayante. Parce que, aussi forte voulait-elle paraître, le lac ne lui paraissait plus aussi dangereux.

L’idée lui arracha une grimace ; elle se dégoûtait de penser de la sorte. Alors, dans un réflexe de préservation, elle voulut mettre le plus de distance entre les eaux et elle, mais elle ne parvint à effectuer aucun geste. Elle ne savait pas quoi faire, les bras ballants et l’âme engourdie.

Son immobilisme dura plus d’une minute. Une minute où son cerveau essaya en vain de formuler une pensée cohérente. Elles venaient, passaient, sans que la demoiselle parvint à en agripper une, les oubliant aussi vite qu’elles poursuivaient leur course folle, à vive-allure, sans s’arrêter.

Jusqu’à ce qu’elle prît une inspiration puissante, lui faisant mal à la poitrine. Elle cilla et se décida. Sans aucune réflexion, ni autre forme de procès, elle se mit en branle.

Elle ne savait pas ce qu’était son but précis sur le moment, mais elle préféra ne pas y réfléchir. Son action était le reflet même de son impulsivité occasionnelle. Elle se rapprocha de Sessho, attrapa sa main dans la sienne et serra aussi fort qu’elle le put pour l’attirer. Elle se dirigea vers Ariel et s’accroupie face à lui.

Elle était en roue-libre, ne comprenait pas son geste, mais elle en ressentait un besoin urgent, vibrant, la forçant à se mouvoir.

Elyana attendrait.

Repliée vers le Melwing, elle l’attira dans une étreinte, amenant Sessho à s’y insérer. C’était idiot. Elle n’aimait pas les contacts qui la prenaient trop par surprise et faisait exactement le contraire de ce qui pouvait être attendu dans une telle situation. Ariel risquait de la repousser, de lui hurler dessus, de lui cracher sa haine. Sessho voudrait peut-être s’extirper, fuir leur proximité. Elle n’aurait aucun droit de leur en vouloir après ce qu’elle avait fait.

Mais c’était-là une action qu’elle aurait aimé recevoir d’autrui, qui lui manquait tant. Un besoin viscéral qui la prenait aux tripes depuis des années. Avoir le droit à une étreinte. Si elle n’était pas aussi chaleureuse qu’elle le voulait, c’était le mieux qu’elle avait à offrir. Maladroite et peu assurée, le manque d’habitude pouvait se ressentir dans son geste. Un geste qu’elle espérait réconfortant, aussi insolite pouvait paraître la posture après leurs échanges plus que houleux.
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Mar 21 Sep 2021 - 17:47

L'immersion
La pluie. L'orage. Le feu. Le sang. Comme une ombre, comme une bulle, ils coulent sous mes pas.
Plus les mots lui échappaient et plus il se sentait coupable. Était-ce ainsi que cela devait se passer ? Que les confidences devaient être accueillies ? Le mépris de sa confession, le dégoût de sa faiblesse, l'amertume d'avoir céder à une pulsion. Il en eut la nausée.

Sessho n'était pas adepte des grands aveux, de ceux qui soulagent, de ceux qui blessent, de ceux qui permettent de guérir. Il écoutait souvent, toujours, résistant à la tentation pernicieuse de juger sans assembler le puzzle d'un souvenir traumatique. Il cueillait les moindres bribes de souffrance pour faire éclore un bourgeon d'espoir. Il dessinait un arc-en-ciel dans un ciel obscur par les couleurs de diction préconçu ou de parallèles philosophiques. Il amortissait les éclairs de leur colère intérieure en se mettant en bouclier. Il s'effaçait par humilité, par modestie, politesse et sagesse, comme sa mère le lui avait mainte fois suggéré et peut-être enseigné. L'isolation sentimentale et émotionnelle pour lutter contre la vanité d'en faire trop et l'hypocrisie de feindre l'intérêt et l'implication.

Il ne s'était jamais imposé. Ni dans une conversation, ni dans une situation, ni dans un groupe, ni dans la vie d'un autre sans qu'il ne l'y invite d'un signe ou d'un mot. Et il partait toujours au premier signe de déception et de rejet. Il fuyait l'abandon en dialoguant avec sa propre solitude. Celle qui l'empêchait maintenant de dormir. De sortir. De vivre. Il détestait peu de choses, peu d'êtres. Il jalousait le vide, mais pas l'humain. Il rêvait de décisions qu'il se sentait illégitime de prendre, d'imposer. Ni à lui. Ni au reste du monde. La poitrine comprimée dans un étau brûlant, il sentait ses yeux le piquer et le gel dégringoler dans une goutte sur ses cils.

Il s'était exprimé. Il avait quitté son siège de spectateur impuissant dans leur joute verbale. Il tremblait, la nuit d'horreur encore dans la peau. Leurs mots résonnants dans le crâne. Parce que j'ai déjà trop mal. Comment peux-tu être aussi vide ? Il aurait souhaité l'être. Ça leur aurait épargné à tous les deux un cruel retour à la réalité. Il ne reconnut pas dans cette démonstration et ce spectacle affligeant qu'il soumettait à ses condisciples. Où était donc passé sa dignité ? L'honneur de rester droit même devant la pire des atrocités ?

Sa douleur lui éclata au visage au même instant où les larmes gagnaient le regard d'Eileen, où Ariel cessa de les appeler à s'arrêter, à se taire.

Il s'en voulut d'avoir répondu. Il s'en voulut d'être responsable des regrets germant en excuses à mi-mots dans la posture de son amie. Il s'en voulut que son ego ait pris une place suffisamment grande pour qu'il devienne central à leur discussion, lui qui préférait désigner ses états d'âmes comme un grain de poussière plutôt qu'un ras de marrée. Il eut l'impression d'avoir été fauché en plein vol, de s'être écrasé contre des rochers et d'en finir en morceaux.

Il détourna les yeux, encore ému et haletant pour observer le dos du plongeur. Il respirait. Fort. Comme pour échapper à un prédateur prêt à le juguler. Pudiquement, le japonais essuya sa joue, où un unique sillon se dessina dans le froid. Il lui laissa une trace glaciale, humide et collante. Il inspira profondément, s’imprégnant du sel marin baignant la berge. Les galets crissèrent quand il bougea nerveusement d'un pied sur l'autre.

Il reprit contact avec son environnement. Le lac s'étendant devant eux et ses troubles vagues finissant de creuser la roche à chaque va-et-vient. Le vent fouettant leurs cheveux comme un ballet mal chorégraphié. La saveur des algues et d'eau claire ayant séché sur leurs vêtements. Les sons et les odeurs se mêlèrent dans un méli-mélo de sensations contradictoires, s'opposant à son désir de disparaître dans les profondeurs, de ne retrouver que le noir et pas le gris des nuages, de couler et pas de contempler l’orange des feuilles en tapis sur la pelouse du parc, de manquer d'oxygène et non de gonfler sa poitrine du sel jonglant dans la brise.

Il se sentit chanceux d'en avoir conscience et étranger d'en faire partie. L'urgence d'avancer et de continuer, et le besoin de souffler et d'arrêter.

Pendant plus d'une minute, il resta immobile, incapable de se détacher du panorama ou de se décider vers l'un ou l'autre côté de cette balance fragile. Il se contenta de sentir son cœur battre la chamade, d'admirer les jeux de lumière sur la surface de l'eau et d'inspirer et expirer à intervalle régulier, ne se sentant plus l'énergie d'autre chose.

Il en oublia Eileen et sa douleur. Il en occulta Ariel et ses cauchemars. Le plafond troué et le rire de son agresseur se dissipa en toile de fond comme une fumée bien vite invisible dans l'air. Il ne resta que le lac. Profond. Sombre. Insondable. Lisse comme un miroir.

La main chaude de l'américaine le réveilla de sa torpeur et il cligna faiblement des paupières. Les contours de sa silhouette se détachèrent du paysage comme si elle avait été découpée au Diffindo. Entourés autour de ses phalanges, ses doigts le serrèrent fort. Il était encore palpable. Il ne s'était pas totalement perdu dans le vent, ne s'était pas dissous comme un spectre.

Il serra en retour, un peu gauche et peu habitué à ce genre de familiarités. Chez lui, on ne touchait pas, on ne s'étreignait pas. On ne pleurait pas. On se contentait d'opiner sans discuter. Il s'accrocha à elle, basculant en avant dans un pas puis un autre. Comme si c’était l'unique chose à faire. Comme si c'était logique. Il sentit son estomac faire un salto arrière dans son abdomen. La nausée s'évanouit et avec elle se noyèrent ses doutes et le noir des profondeurs. Tout se serra en lui. Il ressentit quelque chose par delà le vide qui revenait malgré lui. L'espoir. L'envie de gagner. L'envie de vaincre. L'envie de continuer sans conditions, sans excuses.

Il tomba à genoux, s'écrasant aux côtés des deux adolescents. Il ne s'attarda pas sur la morsure des cailloux. Elle le tira contre eux. Leur chaleur était palpable par-dessus leurs manteaux. Douce. Délicate. Éphémère. Il se dégagea pour les entourer de ses bras, lovant son menton au sommet de leurs têtes, comme un protecteur, un gardien. Celui de leurs secrets. De ce qui s'était dit et ce qui serait encore pensé plus tard. Demain. Dans la semaine. Mais plus tard. C'était la première fois qu'il se permettait d'être aussi présent, aussi intrusif.

Il les appuya contre son torse, paternaliste et bienveillant. Là où l'autre s'était acharné une nuit. Mais était-ce important ? Il décida que non. Que ça ne le serait jamais autant qu'eux.

« Vous avez le droit de souffrir. », commença-t-il d'un timbre bas, complice et serein. « Vous avez le droit de pleurer. Vous avez le droit d'être en colère. Vous avez le droit d'être fatigué, d'être désespéré. », Sessho remonta ses paumes contre leurs biceps, caressant jusqu'aux épaules dans un mouvement rassurant.

« Ne vous l'interdisez pas. », souffla-t-il plus bas encore. « Il y a des jours où cette douleur vous semblera intolérable, impossible à surmonter. Où vos démons seront plus présents qu'hier, plus douloureux et incisifs. », il inspira, affirmant sa prise en appuyant ses talons sous ses cuisses. « Souvenez-vous d'aujourd'hui, de cette fois où vous avez été assez fort pour leur faire face et leur dire : Non, tu ne m'auras pas. Où vous avez eu le courage de ne pas fuir vos émotions. Ce jour où vous avez gagné. Où vous les avez vaincu. », sa voix le décontenança. Assurée et déterminée. Comme s'il voulait se convaincre autant que les encourager.

« Vous êtes des survivants. Et vous pouvez en être fiers. »
code by bat'phanie
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Ven 8 Oct 2021 - 22:26
L'immersion

ft. Eileen King, Sessho Shinmen

De tous les scénarios qui s’étaient formés dans la tête d’Ariel, si tant est qu’il en avait formulés, aucun ne ressemblait à celui-ci. Pendant le bref laps de temps qu’il avait passé sur les berges du lac, il lui semblait qu’ils avaient tout vécu, Eileen, Sessho et lui.
 
Le désespoir, évidemment, car c’était là que tout avait commencé ; une envie bouillonnante d’en finir, ou peut-être pas, peut-être juste un besoin mordant de faire comprendre à son esprit qu’il était encore en vie, que son corps avait – finalement, il l’admettait – une importance fondamentale dans ce qu’il se passait dans sa tête. Ce corps qu’il rejetait, ce corps qu’il reniait, ce corps dont il ne voulait pas, était le seul vecteur viable qu’il avait trouvé pour se maintenir au-dessus de l’eau. Pour ne pas se noyer.
 
Et les autres, ses aînés, ceux qui avaient vécu mille fois plus que lui, mille fois pire que lui, s’accablaient eux aussi par toute la noirceur qui leur avait pourri l’envie de vivre. Ils survivaient.
 
La colère, ensuite, parce que comment réagir autrement à l’attaque frontale d’Eileen ? Que dire, que montrer lorsqu’on le tirait ainsi de ses démons ? Lorsqu’on l’acculait ensuite contre un mur invisible, un mur qui n’existait que chez lui, et qu’on pointait du doigt toutes ses faiblesses et toutes ses incohérences ?
 
Eileen avait été en colère, Ariel aussi. Sessho, le jeune homme n’aurait su le dire. Sessho ne ressentait plus rien – en tout cas, c’était l’impression qu’il donnait. Leur fureur était aussi légitime que la sienne. Plus, sans doute. Rien n’était légitime, chez lui. Ils avaient vu l’horreur – était-ce réellement l’horreur qu’il avait aperçue ? Les feuilles mortes, le vent, le sortilège qui avait frappé Merlin, pouvait-on la qualifier d’horreur lorsque visiblement, il existait cent fois plus d’atrocités dans la tête des autres ?
 
L’abandon et la résilience, ensuite, car les deux étaient venu de paire chez lui. Et s’il en jugeait par l’expression d’Eileen qui se décomposait au fil des mots de Sessho, il en allait de même pour elle. La réalité les avait frappés de plein fouet – tous les deux. Ils n’étaient pas seuls, et se rebeller contre la noirceur de leur quotidien ne relevait que d’une volonté d’accepter la présence des autres. D’accepter la vie qui courait encore autour d’eux, d’accepter l’inquiétude de ses amis, l’inquiétude de sa famille, l’inquiétude d’Amy.
 
Où se situait Sessho, dans tout ça ? Sessho était celui qui rassurait, qui consolait. Il n’avait pas dit un mot de travers, pas esquissé un geste déplacé. De l’avis d’Ariel, il ressemblait davantage à l’ange gardien qu’à l’ange meurtri ; alors que, sans savoir ce qui l’avait blessé, il était sans doute le plus meurtri des trois.
 
Ils avaient traversé toutes les émotions qu’Ariel était pour le moment capable de nommer – toutes celles qu’on pouvait décliner sous le panel du gris et du noir -, et le Serdaigle avait envisagé toutes les possibilités inhérentes à ces sentiments. Cris, frustration, menaces. Pleurs, déchirement, blessures. Vide, accablement, renoncement.
 
En tout cas, pas la pulsion qui guida Eileen après les mots de Sessho. Elle se leva, prit d’abord par la main, et – Saint Merlin – Ariel crut qu’elle s’en tiendrait là. Il les sentit plus qu’il ne les vit. D’ailleurs, il ne voyait plus rien. Guidant le bleu et bronze vers lui, elle s’accroupit ensuite auprès d’eux, les attirant dans une étreinte maladroite.
 
Une étreinte qui puait la tristesse, parfumée de quelque chose d’autre qu’Ariel ne sut nommer. Une touche d’espoir ? Quelque chose qui leur disait, à tous, qu’ils se ressemblaient, qu’ils étaient là, tous ensemble ?
 
Ariel ne voulait pas d’eux. La crise d’angoisse était là, niché au fin fond de sa gorge, et elle n’attendait qu’un signal pour exploser dans toute sa splendeur – une splendeur destructrice, portée de tous les cauchemars qui le consumaient, nourrie de sa propre auto-destruction.
 
Il y avait pire autour de lui, il pouvait s’en sortir s’il le voulait, ses amis étaient là pour lui servir de béquille – sauf que voulait-il vraiment recommencer à vivre ? Ne dit-on pas que l’humain se complaît dans ses propres vices ?
 
Ariel ne bougea pas.
 
Peut-être qu’il voulait vraiment recommencer à vivre. Sans doute. Son cerveau vacillait d’une certitude à l’autre sans trop savoir laquelle choisir.
 
Ce fut à peine s’il remua. Ses tremblements, accentués par le froid et par la peur, s’espacèrent peu à peu. Le jeune garçon, un bébé sans défense à ce moment-là, ne voulait pas de ce réconfort ; pourtant son corps ne fit rien pour s’en défaire.
 
Il sentit imperceptiblement Sessho répondre à l’invitation, l’englober dans son halo de bienveillance.
 
Une larme tomba, puis deux. Ariel pleurait trop. Il le savait. Il ne voulait plus pleurer. Il ne voulait plus montrer à quel point il était faible. Il ne voulait plus affaiblir les autres.
 
Il ne put se retenir.
 
L’espace-temps semblait s’être figé, une sorte de parenthèse que personne n’aurait pu crever de l’extérieur, et Ariel ne comprenait pas trop ce qu’il faisait à l’intérieur. Le sentiment d’oppression se disputait avec la chaleur de leur soutien, et l’envie de partir faiblissait face à celle de rester. Peut-être que le lendemain, il penserait que tout n’était qu’imaginaire ; qu’il avait rêvé ce moment hors du temps, cette trêve avec eux-mêmes, et peut-être que tout redeviendrait comme avant.
 
Peut-être pas.
 
Une flèche perça la bulle de silence. Autour d’eux, il lui sembla que les bruits de la nature reprirent leur droit en même temps que la voix de Sessho s’éleva.
 
— Vous avez le droit de souffrir, dit-il. Vous avez le droit de pleurer. Vous avez le droit d’être en colère. Vous avez le droit d’être fatigué, d’être désespéré.
 
Ariel eut honte de ses épaules qui tressautèrent, de ses larmes qui dégringolaient. S’il avait pu choisir un moment pour revêtir un masque d’impassibilité, il aurait sans aucun doute choisi celui-ci. Sa respiration se refit lourde, maladroite, inégale.
 
Son aîné reprit, et sa voix n’était qu’un souffle sur leurs peaux :
 
— Ne vous l’interdisez pas. Il y a des jours où cette douleur vous semblera intolérable, impossible à surmonter. Où vos démons seront plus présents qu’hier, plus douloureux et plus incisifs. Souvenez-vous d’aujourd’hui, où vous avez été assez forts pour dire : « Non, tu ne m’auras pas ».
 
Ariel étouffait dans la chaleur de leur étreinte. Chaque mot était une flèche de plus. Chaque mot était une attaque supplémentaire contre sa barrière de ronces, contre la carapace d’argile qu’il s’était construite quand des souvenirs trop durs pour son âme d’enfant le harcelaient. Cette même carapace qui se dissolvait dans l’eau, qui se reconstruisait immédiatement après qu’il en sortait, elle se fissurait, petit accroc par petit accroc, et Ariel n’était pas sûr de vouloir la voir brisée.
 
Comment Sessho trouvait-il des mots pour les rassurer ?
 
Leur effet était double : ses phrases ouvraient les vannes de l’enfant, mais elles lui faisaient sentir à quel point il était faible. À quel point sa douleur à lui n'était rien face au vide qui hantait Sessho.
 
Il continuait :
 
— Où vous avez eu le courage de ne pas fuir vos émotions. Ce jour où vous avez gagné. Où vous les avez vaincus. Vous êtes des survivants. Et vous pouvez en être fiers.
 
La voix s’éteignit. Le silence les enveloppa, encore une fois. Ariel n’osait pas bouger, effrayé à l’idée que l’angoisse profitât d’un mouvement inconscient de sa part pour prendre le dessus. Il se concentra sur les bruits du vent, les craquements des branches mortes sur les arbres qui les entouraient, les clapotis de l’eau du Lac sur la berge.
 
Il tenta d’occulter le reste, et quand il se sentit plus calme, il voulut dire quelque chose.
 
N’importe quoi.
 
Quelque chose pour les remercier d’être là, parce qu’il n’était pas tout à fait ingrat même s’il aurait préféré rester seul. Quelque chose pour leur dire que ça allait, même si c’était faux. Quelque chose pour détourner leurs yeux de sa minable apparence, de sa minable prestation, quelque chose pour qu’ils ne pensent pas qu’il était au fond, alors qu’il l’était, ou qu’il s’apprêtait à le toucher, ce n’était qu’une question de temps.
 
Quelque chose pour les rassurer, quelque chose pour faire comme Sessho.
 
Il ouvrit la bouche, et les spasmes reprirent.
 
Il se dégagea soudain de l’étreinte, c’était trop pour lui, trop de proximité, trop de place, trop d’eux, trop de lui, il ne savait pas comment faire, le Lac était trop proche, il l’appelait, il refusait d’y retourner, pas comme ça, plus comme ça.
 
Les larmes cristallines continuaient à couler, et il les essuya d’un geste rageur. À présent debout et loin d’une proximité trop immédiate, la violence de sa réaction lui sauta aux yeux. Ariel savait comment ils l’interprétaient : le rejet, un rejet malvenu après tout ce qu’ils avaient fait pour lui, un rejet puéril de quelqu’un qui se lamentait sans rien faire pour aller mieux.
 
— Je… Je n’arrivais pas à respirer, s’excusa-t-il d’une toute petite voix.
 
La banalité de sa phrase le heurta. Il était incapable de leur dire autre chose, incapable de les rassurer à son tour, incapable d’être comme Sessho.
 
Le Lac attira ses yeux, comme toujours. Cette fois, au lieu d’être mû par une envie malsaine, son regard se fit contemplatif. Une échappatoire mentale plutôt que physique ; une issue au malaise qu’il ressentait à présent. Il ne voulait pas les blesser. Pas plus qu’ils ne l’étaient déjà.
 
— Désolé. C'est juste que…
 
Il chercha ses mots, pas certain du comportement à adopter.
 
— Les contacts physiques, des fois... Bref.
 
Les contacts physiques, et les corps de manière générale. Son corps. Il ne savait que faire de ses membres, de sa chair, il ne savait comment se coordonner. Il ne savait que faire de son apparence, de son expression, de ses dix doigts.
 
Peut-être que ses idées noires n’étaient pas parties de là, mais elles les avaient sans doute nourries.
 
— Mais… C’était une bonne chose. Ça, dit-il en faisant référence à l’étreinte. Je veux dire… Ça m’a fait du bien. Je crois. Mais c’était un peu trop.
 
Il se tordit les doigts. Ses mots étaient maladroits, il s’en rendait compte lui-même.
 
Pour Ariel, les remerciements étaient des moments particuliers ; il s’agissait d’un instant où l’on mettait son âme à nu, où ses pensées sortaient brutes, ou peut-être un peu polies, mais en tout cas pures et sans voilage. L’âme d’Ariel était déjà nue, déjà fragile. Il ne savait comment se rendre plus vulnérable.
 
Peut-être qu’il n’en avait pas vraiment envie non plus.
 
Peut-être que la sensation qu’il s’était trop livré, qu’il avait dévoilé les recoins les plus enfouis de son jardin secret, lui faisait déjà trop peur.
 
Alors il acheva, maladroit et bancal, englobant la scène d’un vague geste d’une main aux doigts crispés par l’inconfort :
 
— Mais c’est… Vous… Enfin, merci.
Code by Ariel


HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Lun 28 Fév 2022 - 15:42
L'immersion
Ariel & Sessho
Tu te demandes si tu es une bête féroce ou bien un saint. Mais tu es l'un et l'autre et tellement de choses encore. Tu es infiniment nombreux. Celui qui méprise, celui qui blesse, celui qui aime, celui qui cherche et tous les autres ensembles. Trompe-toi, sois imprudent, tout n'est pas fragile. N'attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie. Parce que le plus important n'est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d'être ! ~ FAUVE, Blizzard
Elle avait endormi le serpent. Pour combien de temps, elle ne pouvait le dire, mais elle appréciait l'accalmie du moment. Avec une forme d'audace étrange, avec un courage discret et une impulsivité naturelle, l'adolescente avait été le point départ d'une étreinte maladroite, difficile, inattendu, mais profondément bienveillante.

Elle avait du mal à respirer.

Elle n'aimait pas les contacts, surtout quand ça venait des autres. C'était synonyme de souffrance. C'était synonyme d'abandon. C'était synonyme de tant de possibilités douloureuses que la Gryffondor avait fini par fuir. Elle en avait besoin, profondément, mais elle les esquivait.

Avec les jumeaux Weasley qui passaient leur temps à vouloir la chopper par les épaules par surprise. Avec Chaïm, même si c'était facile parce que lui non plus n'aimait pas ça. Avec Alistair et Roxane, où c'était plus compliqué, puisqu'ils étaient expansifs. Avec Maylone, qui pouvait être vraiment collant quand il s'y mettait, même si elle l'acceptait plus facilement. Avec Tabata, avant, comme si elle avait su que leur amitié n'était pas voué à durer, même si ça faisait encore mal. Avec Elyana, sous sa forme humaine, la plus discrète du trio. Avec Aria… Avec Aria, c'était différent, mais elle ne préférait pas y penser.

La perte de ses parents. Les mots et les maux infligés par sa tante. Ses personnes avec qui elle avait tissé des liens avec espoir. Ces mêmes liens, qu'elle pensait si forts et qui s'étaient brisées. Ses espoirs endormis en pensant à certaines personnes, même si elle ne se l'avouait toujours pas, parce qu'elle avait peur. Une chaîne avec de trop nombreux maillons pour en comprendre la véritable profondeur.

À cet instant, ce qui se jouait dans cet échange particulier, n'avait rien d'anodin. Un puissant lien se tissait, se nouait, entre trois âmes torturées. Un nœud un peu bizarre, racine d'une relation peu commune qui, c'était évident, laisserait des traces.

« Vous avez le droit de souffrir. », commença Sessho, dans un souffle, brisant le silence.

Eileen, si elle n'avait pas été retenue par les deux garçons, en aurait certainement sursauté. C'était comme sortir d'une torpeur à la fois reposante et douloureuse.

« Vous avez le droit de pleurer, dit-il. Vous avez le droit d'être en colère. Vous avez le droit d'être fatigué, d'être désespéré. »

Elle sentit la main dans son dos, sur ses épaules et ferma les yeux. Elle n'aimait pas les contacts, mais avec eux, c'était différent. Si elle avait été la première à initier le mouvement, et même si Ariel n'y répondait pas vraiment, elle se savait habituellement oppressée dans une telle posture. Ici, ce n'était pas le cas.

« Ne vous l'interdisez pas. », souffla le Japonais encore plus bas.

Si bas que la Louisianaise pensa rêver avant qu'il reprenne.

« Il y a des jours où cette douleur vous semblera intolérable, impossible à surmonter. Où vos démons seront plus présents qu'hier, plus douloureux et incisifs. »

C'était douloureux de l'entendre, mais les mots paraissaient si justes qu'ils en devenaient beaux et poétiques à ses oreilles. Le chant d'un oiseau blessé, en proie aux doutes et à la désillusion, qui observait son nid, trop haut, qu'il ne pouvait atteindre avec ses ailes brisées.

« Souvenez-vous d'aujourd'hui, de cette fois où vous avez été assez fort pour leur faire face et leur dire : Non, tu ne m'auras pas. Où vous avez eu le courage de ne pas fuir vos émotions. Ce jour où vous avez gagné. Où vous les avez vaincu. »

Eileen n'avait pas la sensation d'avoir vaincu ses émotions. Elle avait plutôt l'impression que c'était l'inverse qui était arrivé. Des émotions qui, en prenant le contrôle total de sa personne, l'avait fait devenir un être qu'elle aurait initialement méprisé. Elle se sentait mal rien qu'à l'idée.

Elle venait de faire une tentative de noyade sur un étudiant de deux ans son cadet. C'était une tentative de meurtre. Elle ne pouvait pas en connaître la finalité, ayant été arrêtée avant, mais elle ne préférait pas savoir. Était-elle vraiment capable de tels actes ?

C'était comme se prendre un coup de poing dans le ventre, si fort qu'il donne envie de vomir. Elle eut la nausée et se cramponna un peu plus aux autres. Elle ne voulait pas croire en ce qu'elle venait de réaliser. Ce n'était pas elle, ce n'était pas possible.

« Vous êtes des survivants. Et vous pouvez en être fiers. »

Était-elle réellement une survivante ?

Ce ne sont pas vos ressemblances avec ceux qui vous ont fait du mal, miss King, qui sont importantes. Ce qui l'est, ce sont vos croyances et vos choix.

Oui, elle désirait y croire. Elle voulait faire le choix d'être une personne respectable. Elle allait se battre contre ses sombres pulsions, tous les jours s'il le fallait, pour ne plus sombrer dans de tels travers. Elle ne souhaitait qu'émerveiller et faire sourire, alors elle allait se battre pour ça.

Ce ne serait pas facile. Ça semblerait même parfois insupportable. Elle fauterait, elle tomberait, mais elle allait se relever, encore et encore, plus forte et plus déterminée. Elle y arriverait. Même si ça prenait des années. C'était son choix, sa voie, le chemin qu'elle allait emprunter.

Pour tous ceux qui avaient la sensation d'être dans un tunnel trop sombre, où seuls leurs tourments se faisaient visibles, elle voulait être cette lueur d'espoir qui lui avait tellement manqué après l'accident. Pour Ariel. Pour Sessho. Pour ses amis qui avaient souffert et souffraient encore eux aussi.
 
Ariel se détacha si soudainement de leur proximité que la King manqua de tomber vers l'avant. Elle se rattrapa à l'aide de ses mains sur les graviers et laissa une légère grimace se peindre sur ses traits. Elle venait de s'écorcher les paumes, elle le sentait.

Cependant, tout en paradoxe, la douleur fut salvatrice. Comme une signature de ce qu'elle venait de penser. Dans peu de temps, elle sombrerait encore, mais s'en relèverait plus hardie.

Elle se redressa et repoussa doucement Sessho, sans brusquerie ni méchanceté, pour reprendre son espace vitale.

« Je… Je n’arrivais pas à respirer. », s'excusa Ariel d'une petite voix.

Eileen hocha la tête. Elle n'avait pas idée de toutes les émotions qui avaient traversé le plus jeune durant l'échange muet, puis les paroles de leur ainé. Par contre, elle pouvait parfaitement croire les mots du jeune aiglon. La lionne elle-même avait la sensation d'étouffer quand des bras l'enserrait. Ce jour-ci, c'était différent, mais c'était un fait rare.

« Désolé. C'est juste que…, reprit le plus jeune, avant de chercher ses mots : les contacts physiques, des fois… Bref. »

Là encore, Eileen acquiesça. Elle ne pouvait que comprendre ce que le troisième année affirmait.

« Mais… C’était une bonne chose. Ça, dit-il en faisant référence à l’étreinte. Je veux dire… Ça m’a fait du bien. Je crois. Mais c’était un peu trop. »

La vipère refoulée se sentit un peu idiote. Enfin, d'un côté, il disait que c'était une bonne chose, même s'il expliquait ensuite que c'était trop. La partie la plus importante d'une phrase se situait toujours après un "mais". La Queen à la carte préféra ranger ses analyses dans un coin pour cette fois, néanmoins et profiter simplement de cette quiétude qu'ils avaient retrouvée, avec amertume, dans leur supplice.

« Mais c’est… Vous… Enfin, merci.
De rien..., répliqua l'Américaine du tac-au-tac. Enfin, je crois. »

Elle chercha ses mots et, miroir évident au plus jeune, vint se triturer les mains dans sa réflexion. Son regard fut attiré vers le lac, puis la forêt interdite.

Elyana s'imposa à nouveau à son esprit. Il fallait qu'elle la retrouve. Elle ne pouvait cependant pas partir comme ça, pas sans leur dire. Elle prit une profonde inspiration, avant de se tourner vers Melwing.

« Je comprends, affirma la King. J'ai du mal avec les contacts, moi aussi, pour des raisons qui me sont propres. »

Non, ce n'était pas assez. Elle ferma les yeux, se pinça les lèvres avec ses dents si fort qu'elle s'en arracha un petit bout, mais n'y fit pas attention. Elle souffla par le nez, puis ouvrit les yeux et regarda le ciel. C'était reposant de voir l'étendu céleste au-dessus de sa tête. Une constante qui ne changeait et ne changerait jamais.

« Je sais que ça ne vaut pas grand-chose, souffla la rouge-et-or sans lâcher le ciel des yeux, mais je m'excuse de m'être... emportée de la sorte. Tu le méritais pas. Tu le mériteras jamais. »

C'était... Un début. Ariel allait sans doute lui en vouloir, une fois le choc passé, mais si elle pouvait un peu apaiser sa colère… Il souffrait déjà suffisamment pour en rajouter. D'un autre côté, elle savait qu'il y avait une part d'égoïsme dans son intention. Se détester elle-même pour ce qu'elle avait fait, c'était une chose, mais avoir quelqu'un pour le lui rappeler lui serait insupportable, elle n'en doutait pas.

« Je n'ai pas le droit de juger, de te juger, sur ta façon de... gérer tes problèmes. Je n'aimerais pas qu'on me le fasse. »

Poussée dans sa réflexion, elle ne trouva rien d'autre à ajouter pour le plus jeune. Par contre, pris d'une pulsion soudaine, elle fit volteface et braqua ses pupilles dans celle de son nouvel interlocuteur. Son ami devait savoir. Il devait comprendre le bien qu'il venait de lui faire, mais surtout, pour elle, il devait prendre conscience qu'il devait s'en convaincre lui aussi.

« Sessho, merci pour tes mots, déclara-t-elle. Mais garde ça à l'esprit : toi aussi, tu as le droit de souffrir. »

Le convaincre n'allait pas être aisé. Peut-être que ses mots ne l'atteindrait pas immédiatement, mais avec un peu de chance, ils finiraient par faire le chemin. Elle ne pouvait que le lui souhaiter.

« Tu as le droit de pleurer, affirma la cinquième année. Tu as le droit d'être en colère. Tu as le droit d'être fatigué et désespéré. Toi aussi. »

Eileen garda le silence pendant quelques secondes, essayant en vain de rassembler ses pensées pour être sûre de dire quelque chose de censé. Ce ne fut pas une franche réussite. Instinctive, elle reprit. Sûrement que ce n'était pas une bonne idée, mais elle prenait le risque.

Elle était prête à se tromper. Elle préférait être imprudente plutôt qu'inactive. Elle était en vie et lui aussi. Il devait le comprendre et s'en saisir.

« Tu ne dois pas te l'interdire et ne rien ressentir, chanta presque la sorcière avec plus d'aplombs. C'est parce que tu ressens et que tu souffres que tu es profondément beau, grandiose, sage et juste dans tes mots. Ne fais pas l'erreur de croire que tu dois juste le contempler chez toi ou chez les autres… Ce n'est pas en regardant la montagne que tu finiras par arriver à la franchir ! »

Et si je dis ça, c'est parce que tu me l'as fait comprendre, manqua-t-elle d'ajouter, mais elle se retint. Elle n'en connaissait pas la raison, mais elle sentait qu'il valait mieux qu'elle garde cette pensée pour elle-même.

Une autre idée traversa sa psyché et elle la captura. Celle-ci, elle pouvait la confier.

La même seconde, elle se recula de quelques pas, s'assurant qu'elle n'oubliait rien aux alentours d'un regard circulaire. Elyana attendait toujours et allait attendre encore un tout petit peu.

Si son sourire, destiné aux deux aiglons, ne fut pas aussi solaire qu'elle l'espérait, il fut profondément sincère. Il venait du cœur.

« C'est parce que vous avez mal que vous êtes qui vous êtes. C'est pour ça, aussi, que vous êtes importants. J'ai manqué de l'oublier… Merci de me l'avoir rappelé. »

Très gênée d'un seul coup, la Gryffondor passa une main dans ses cheveux pour amener quelques mèches obscurs à se perdre devant son faciès. Sa tignasse lisse s'avérait très utile dans ce genre de moment où elle perdait ses moyens.

Elle avala sa salive et tourna un regard vers l'un, puis l'autre, avant de souffler.

« Il faut… Il faut que je retrouve Amortentia, affirma la lionne. La forêt interdite n'est pas vraiment un bon lieu d'habitation pour un renard polaire… Encore désolé et merci et… Et à bientôt, peut-être... »

Elle ne préférait pas attendre de réponse. Elle venait indirectement de percer leur bulle et se rendait compte qu'à l'extérieur de cette dernière, la vie poursuivait son chemin. Si elle ne se mettait pas à la recherche de sa camarade très vite, elle risquait de la perdre dans le bois. La retrouver deviendrait alors improbable, voir impossible et elle ne voulait pas tenter le Voldemort.

Proche de la forêt interdite, cependant, elle ne parvint pas à s'en empêcher. Elle s'arrêta, se tourna vers les deux garçons puis leur fit un petit signe de la main. Ils n'étaient pas loin, donc elle n'eut besoin que de forcer un peu sur sa voix pour se faire attendre.

« J'espère. »

La seconde suivante, prenant vraiment sa décision, qu'importait les mises en garde ou les remontrances du préfet, elle pénétra entre deux arbres. Elle disparut de leur vue et s'enfonça dans la sylve.
(c) princessecapricieuse
Eileen M. King
Admin enragé
Eileen M. King

_________________
Rêve ta vie en

COULEUR
• lilie
Revenir en haut Aller en bas
Lun 25 Avr 2022 - 20:41

L'immersion
La pluie. L'orage. Le feu. Le sang. Comme une ombre, comme une bulle, ils coulent sous mes pas.
Il avait les bras assez grands pour trois.

C'était idiot. En les enserrant, il s'en rendit compte. Il les sentit trembler. Il entendit leurs larmes. Il inspira leurs sanglots silencieux se mêlant dans la brise. Il huma le sel de leur chagrin dans une enveloppe de feuilles mortes. C'était oppressant. C'était dérangeant. Maladroit, il voulut dire quelque chose, une philosophie sage. Combler les trous béants de leur souffrance. Il souhaita les rassurer. Et peut-être, calmer les battements de son propre cœur. Il voulut oublier et contempler la pluie. Sa tempête. Il désira se retourner sur une lame et sur le sang, puis s'en enfuir aussi loin que possible. C'était lâche. Parce que je souffre déjà trop, résonnait en écho. Si je ressens, je plongerai et je ne remonterai plus. La porte du vide lui tendit les bras. La facilité lui donna un vertige et il hésita à sauter à pieds joints dans le néant, dans ce déni et ce choc qui l'empêchaient d'être tétanisé ou de céder à la pulsion de couler dans un total abandon. Il vacillait d'une décision à l'autre sans déterminer laquelle choisir.

Pas aujourd'hui. Plus comme de cette manière, décida-t-il soudainement.

Il accepta le gris de leurs silhouettes fondues les unes aux autres. Il regarda en face les mots durs, les menaces, les confidences sourdes et la colère des vagues. Il trouva le courage de tenir la main du spectre de ses hurlements, des murmures et des inscriptions sur sa peau. Il retraça le chemin de leurs traumatismes. Les algues dans des mèches violettes, les plongeons dans le froid, le feu du mensonge, la rage dans un céruléen assombri, l'impuissance d'un spectateur, les rideaux blancs d'un réveil, l'orange de l'automne, le rouge de l'hémoglobine et le noir de la nuit.

Tout lui coupa le souffle. Il ferma les yeux. Sous ses paupières abaissées continuaient d'évoluer leurs plaies communes. Elles s'infectaient. Elles gagnaient du terrain de seconde en seconde. Elles les rendaient fiévreux et confus. Le contact le crispa et le réchauffa. Il l'associa à l'acier et à la peine, mais aussi au réconfort, au timbre chaleureux, aimant d'une mère. Dans sa famille, on ne se touchait pas. Jamais en société. Peu en privé. On souriait. On acquiesçait. On gardait au fond de soi démons et vices. Comme un souvenir brumeux et inexact, il se remémora un tendre effleurement dans ses cheveux. Il fit le choix de s'accrocher au confort qui l'enveloppa tout entier. C'était doux. C'était brûlant.

Sessho abandonna sa pudeur et sa retenue. Avec bienveillance, il les avait bercés de paroles douces, patientes et apaisantes. Il leur offrit ce qu'il voulut recevoir : la certitude d'être pardonné et de pouvoir se relever. La conviction qu'aujourd'hui était morne, mais que demain le serait un peu moins. Il chercha à leur donner ce qui venait à leur manquer à tous trois : De l'espoir.

Il avait les bras assez grands pour trois.

Il en eut la confirmation. Il se trouva assez fort pour supporter le poids de leurs respirations, le lourd et oppressant fardeau de rester statique, insubmersible et stoïque. Ils flanchèrent, ils épousèrent la détresse et le désespoir. Il couva leur faiblesse de sa patience et d'un ton protecteur. Il pouvait leur être utile. Il pouvait alléger le fardeau les rendant suffoquant, si haletant d'angoisse et de torpeur, qu'il lutta pour garder un rythme clair et rassurant.

Jusqu'à ce que le plus jeune repousse ce moment. Le japonais chuta brutalement vers l'avant de surprise. Il se rattrapa du genou, en y appuyant plus de son gabarit, là où il vit dans sa vision périphérique, les éraflures tâchant les paumes de son amie. Une piqûre grimpa faiblement. La douleur s'évanouit quand l'air inonda ses poumons.

C'était trop. Quand elle s'éloigna aussi, il prit conscience de la place que leur proximité avait prise. De l'importance douce qui l'avait accompagné. Quand elle le rejeta, il s'en sentit creux. Vide. Lourd et léger, comme s'il avait retenu sa respiration trop longtemps. C'était trop. Et c'était terminé. Il regarda longuement ses doigts sur son pantalon, inertes et gelés. Ils tremblèrent un peu. Les paupières à demies-closes, il tourna son profil vers le lac. Les vagues étaient encore plates sous le vent frais. L'horizon couvrit la conversation et ses enjeux. Il regarda ses bonnes résolutions, promesses éphémères se disperser dans la brise et les feuilles mortes. Il les observa s'échouer dans les profondeurs sans intervenir pour les rattraper.

La lassitude l'empêcha de se relever. Il s'était désiré rempart, mais ne garder de la face de pierre qu'une rigide expression neutre et imperturbable. En dedans, c'était le chaos. Un ouragan de déni, d'incompréhension, d'émotions sans raison le clouant à son poste de spectateur. Il avait été utile. Un peu. Et il décida que c'était plus important que les larmes et les cris de son âme. Il pouvait vivre de ça, de ce bien-être qu'il inspirait aux autres. Peut-être qu'il finirait par laver son chagrin et sa souffrance. Qu'il serait une affliction, un poison réparateur. Respirer à travers leurs souffles lui sembla être une alternative suffisante.

Il était épuisé.

Il souffla et quitta la jonction constante du ciel et de la terre. Il poussa sur ses articulations et se redressa sans mot dire. Le bourdonnement dans ses tympans lui envoya en écho les excuses de la rouge et or et des remerciements. Il serra le poing. Ses ongles pénétrèrent sa chaire, ravivant sensations et environnement immédiat. Les sons étaient violents. Les nuages étaient gris. Autour de lui, c'était froid et encore chaud. C'était un peu amer et sucré. Il pivota dans leurs directions. En les voyant debout, encore essoufflés, mais vivants, il décréta qu'il avait prit la bonne décision. C'était assez. La flamme vacillante dans leurs yeux était assez.

C'était assez. Il s'y agrippa si fort à cette certitude que son cœur se serra. Une boule se forma dans sa gorge, comme un poids de compression l'étranglant à chaque seconde. Il se dit trop empathique, trop dans l'écoute, trop dans le mimétisme pour mesurer la portée de ses traumatismes enfouis. Alors, par habitude quand la vague approchait, il inspira un grand bol d'air. Savoure l'air dans ta poitrine, affine ton ouïe, ne penses qu'autour de toi et oublie-toi. Il se souvenait d'avoir lu ça quelque part. Peut-être une leçon méditative pour renforcer des barrières mentales.

La fatigue persista. Mais le reste s'enleva d'une pénible déglutition. Il digéra l'angoisse et la solitude. C'était assez. Et c'est tout ce qu'il décida de garder.

Eileen se tourna vers lui. Elle était belle dans sa tristesse, les cheveux encore emmêlés et l'air perdu. Comme Aria, elle possédait ce grain. Une fêlure d'âme brisée, mais toujours intacte. Il l'avait vu chez tant de gens qu'il aurait pu être dégoûté de la superficialité de la ressemblance. Mais il n'en était rien. Elle était unique. Comme une tasse ébréchée, imparfaite, pourtant si magnifique. Ariel était là, plus en arrière, la silhouette encore voûtée par les sanglots et les idées noires. Il avait ce spectre, cette ombre autour de lui, comme une cape opaque lui prenant la nuque, la tête et tout le corps dans une seule pensée. Il planait dans son sillage l'aura d'un esprit tournant à cent à l'heure, fourmillant de questions et d'énigmes sur une vie qu'il ne comprenait qu'à moitié.

Sessho les observa un temps, incertain de l'attitude à adopter devant l'insistante observation dont il était victime par sa cadette. Il entortilla ses doigts, le menton incliné dans le questionnement.

Tu as le droit d'être en colère. Tu as le droit de pleurer. Tu as le droit d'être désespéré.

Il resta interdit, la bouche légèrement entrouverte sous la stupeur. Il s'était attendu aux remontrances, aux banalités gênées suivant un moment si… Singulier. Mais pas à cela. Il la laissa continuer sans l'interrompre. Après tout, on ne cherchait pas à stopper une tornade avec les mains.

Beau. Grandiose. Sage. Montagne à franchir. Ressentir.

Les mots dansèrent dans sa tête. Ils volèrent et explosèrent comme une bulle. Il les apprécia silencieusement, touché et attendri de son emportement. Ses lèvres se relevèrent dans une esquisse modeste et timide. Dans sa poitrine, quelque chose se réveilla, papillonna un peu des paupières. Il garda en lui cette reconnaissance qu'il venait de recevoir comme le plus beau des cadeaux. Il inclina le buste, puis le dos pour l'en remercier de la façon la plus naturelle qu'il lui venait. Sans fioritures ni démesures.

« Une montagne se gravit pas à pas, Eileen. N'oublies pas de t'arrêter en chemin pour en apprécier les étapes. », lui répondit-il avec un brin de tendresse. « Merci. », souffla-t-il, sincère.

Il la regarda s'enfuir entre les arbres, volatile comme un elfe des bois. Elle partit sur une demie promesse. Celle d'essayer. Et de renouer. Avec elle. Avec les autres. Avec eux. Pour, elle aussi,, c'était assez. Au moins pour cette fois-ci. Il tourna les talons vers le lac. Les mains dans les poches, il passa de l'embrun à l'écume sur les galets. Faire semblant et avancer étaient supportables maintenant. Moins oppressant et angoissant.

J'ai déjà trop mal. Ça restait en toile de fond. Persistant. En murmures acides. Mais il pouvait en faire abstraction.

Il resta là quelques longues secondes. Avant de se détourner. Ses talons grincèrent. D'un geste, il invita le plus jeune à le suivre. Rester si proche de l'eau était un constant appel. Il le comprenait. Ils remontèrent le sentier. Il ne parla pas. Il ne jugea pas. Il ne fit aucune morale, ni sermon. Il marcha à son rythme. Le parc était désert. L'automne n'attirait personne. Il n'aimait plus cette saison. Elle était trop grise. Trop orange. Il y avait trop de pluie. Le château les attendait au loin. Un colosse de pierres et de tuiles d'ardoises, tout en tours et mystères. Parfois, il aimait l'observer et s'y trouver. Et puis, à d'autres occasions, il ressentait son envoi si loin de son pays comme un abandon.

Il franchit les portes grandes ouvertes. Dans les couloirs, il faisait plus froid. Il grelotta et se ratatina dans son blouson le temps d'un frisson. Pour ne pas être trop insistant, il bifurqua vers la droite, loin des escaliers menant aux dortoirs. Mais avant de s'y engouffrer totalement, il fit volte face.

« Melwing. », l'appela-t-il. Pas vraiment fort. Sa voix ne résonna que faiblement dans le grand espace. « J'ai entendu dire que tu aimais la Métamorphose. Que dis-tu que je t'apprenne un sortilège un peu plus avancé que ce que tu peux lire dans tes livres ? »

Ce n'était qu'une proposition. De peur de paraître trop intrusif, il enchaîna :

« Ce n'est qu'une idée. Je ne souhaite pas te mettre mal à l'aise. »

Je ne veux pas que tu te sens prit au piège, sous-entendit-il à demi-mot.

Tout avait été lourd. Les mots. Les confessions. Les appels à l'aide. Les cris. Les pleurs. La colère. L'impuissance. Tout avait paru plus grand dans cette immersion.  
code by bat'phanie
Sessho Shinmen
Préfet Serdaigle
Sessho Shinmen

_________________
Un enfant perdu qui fond en larme

Revenir en haut Aller en bas
Mar 11 Oct 2022 - 2:52
L'immersion

ft. Eileen King, Sessho Shinmen

Il eut peur de les avoir blessés en rompant l’étreinte, mais contre tout attente, ce fut une forme de compréhension qu’il lut dans leurs yeux. La remarque d’Eileen le déstabilisa un instant ; sa fureur avait laissé place à une sorte de résignation si rapidement qu’il lui semblait que son cerveau n’avait pas encore assimilé l’information.

— Je sais que ça ne vaut pas grand-chose, ajouta-t-elle, les yeux fixés sur le ciel, mais je m’excuse de m’être… emportée de la sorte. Tu le méritais pas. Tu le mériteras jamais.

Elle fit une pause brève, à peine marquée en fait. Son souffle se perdit dans la brise de l’automne.

— Je n’ai pas le droit de juger, de te juger, sur ta façon de… gérer tes problèmes. Je n’aimerais pas qu’on le fasse.

Alors que son aînée demeurait le regard accroché aux nuages, le sien s’ancra à la terre. Dire que sa réaction ne l’avait pas marqué serait mentir. Dire qu’il comprenait, même, serait mentir. Et affirmer qu’il ne lui en voulait pas, qu’il était prêt à oublier et que cette parenthèse n’aurait pas de conséquence sur lui, serait aussi mentir. Il ne connaissait pas les répercussions qu’aurait leur rencontre, mais il était sûr qu’elle en aurait.

Et il ne voulait pas s’excuser, non plus, parce qu’il savait qu’il ne le devait pas. Il ne leur devait pas. S’il avait compris une chose cet après-midi-là, c’était qu’il vivait sa souffrance comme il le pouvait et qu’il faisait de son mieux.

Alors il ne leva pas les yeux et ne répondit rien.

Il se contenta d’acquiescer tout doucement, presque imperceptiblement. Il n’était pas sûr qu’elle l’eût vu, mais son mouvement de tête était le seul signe qu’il l’eût entendue. Elle n’aurait rien d’autre pour le moment – il n’en était pas capable.

Peut-être plus tard…

Il était étrange comme des instants volés pouvait avoir la conséquence d’un séisme sur une vie. Ariel avait la sensation que le calme qui les entourait désormais était surnaturel, après les cris, les pleurs et les violences.

Eileen décrocha ses yeux du ciel et fit volteface si brusquement qu’il faillit sursauter. Il garda pourtant son regard planté au sol. Les sons étaient envahissants ; il ne se sentait pas prêt à confronter un autre de ses sens à la scène qui se déroulait.

— Sessho, merci pour tes mots, dit-elle à l’intention du plus âgé des Serdaigle. Mais garde ça à l’esprit : toi aussi, tu as le droit de souffrir.

Pourquoi tant de gens souffraient ainsi ?

Ariel ne pouvait qu’approuver ses mots, et il hocha la tête plus fort à mesure qu’elle avançait dans son discours. S’il avait à peine remué lorsqu’elle s’était excusée, il voulait que Sessho sache que ses paroles étaient justes – du moins, elles l’étaient pour Ariel.

Certains comportements humains restaient mystérieux pour le jeune garçon. La façon dont certains vivaient leurs émotions en faisait partie. Pour lui, se retenir de rire, de pleurer ou de crier était inconcevable. Il n’était certes pas friand des débordements, des démonstrations trop évidentes ; mais il ne se retenait jamais de vivre ce qu’il ressentait. D’abord parce qu’il en était incapable – ça sortait tout à coup, sans crier gare, sans qu’il ne puisse le contrôler, même s’il expliquait rarement la raison de ces débordements émotionnels -, et aussi parce que, se disait-il, comment pouvait-on comprendre l’autre sinon ?

C’était sûrement la raison pour laquelle il avait tant de mal à cerner Sessho, la raison pour laquelle il se sentait plus proche d’Eileen malgré leurs différends, aussi, et la raison pour laquelle il approuvait si vigoureusement le discours de la jeune femme.

Elle conclut, et s’adressa pour une fois aux deux garçons :

— C’est parce que vous avez mal que vous êtes qui vous êtes. C’est pour ça, aussi, que vous êtes importants. J’ai manqué de l’oublier… Merci de me l’avoir rappelé.

— Une montagne se gravit pas à pas, fit Sessho, et Ariel tenta de graver sa réponse dans sa mémoire. N’oublie pas de t’arrêter en chemin pour apprécier les étapes.

Un bref silence plana. Il n’était pas vraiment gêné – il était à la croisée de plusieurs chemin, vide ou trop plein d’émotions, c’était difficile à définir.

— Il faut… Il faut que je retrouve Amortentia, finit par dire Eileen, et Ariel sut qu’elle partirait.

Curieusement, la sensation qui naquit au fond de son cœur ne ressemblait pas à de la satisfaction. C’était une impression étrange, qui ressemblait à de la déception sans en être vraiment, qui lui laissait un goût doux-amer derrière la langue. Il sut que ce n’était pas le départ d’Eileen qui lui déplaisait, mais plutôt ce qu’il impliquait : le retour à la vraie vie. La nécessité d’analyser ce qui venait de se passer et l’impossibilité de faire semblant que ça n’avait pas existé. Et le devoir d’affronter les conséquences qui en découleraient inévitablement.

Ariel leva les yeux au moment où la jeune femme disparaissait dans la Forêt Interdit. Sa promesse s’envola au milieu des troncs d’arbres, intangible et éphémère.

Avait-il envie de la revoir ? Avait-il envie de les revoir ?

Ou plutôt, avait-il besoin de les revoir ?

Il devinait que trop de questions resteraient en suspens pour se contenter de ruminer dans son coin et garder ses réflexions pour lui. Il fallait se rendre à l’évidence : il ne pourrait pas rester dans son coin indéfiniment. Pas cette fois. Plus maintenant.

Déconnecté de la réalité, il ne fut capable que d’apprécier le son du vent pendant plusieurs minutes. Même la présence du Lac s’était faite moins menaçante. Et si son appel persistait comme un bourdonnement tentateur, Ariel était tellement troublé qu’il n’avait aucun mal à l’occulter.

Cinq minutes passèrent, ou peut-être quarante-cinq. Le silence s’étirait en douceur, invisible et écrasant. Le garçon avait presque oublié la présence de son aîné lorsque celui-ci se mit en mouvement. Il l’aurait laissé partir seul s’il n’avait pas capté son signe de la main.

Ses jambes tremblantes le portèrent jusqu’au château, à la suite de Sessho. Le trajet fut flou ; il n’était même pas sûr de s’en souvenir complètement. Il se souvint du froid, et il se demanda pourquoi il continuait à se baigner dans une eau gelée. Il se souvint du vent, et il trouva qu’il ressemblait aux courants liquides qui parcouraient les fonds du Lac. Il se souvint des rumeurs qui montaient du château, et il se surprit à penser que le calme des profondeurs était quand même plus apaisant.

Mais il ne fit pas demi-tour.

Sessho s’arrêta au croisement d’un couloir et Ariel aurait bien été en peine de reconnaître les lieux.

— Melwing, dit le Serdaigle. J’ai entendu dire que tu aimais la Métamorphose.

Le jeune garçon cligna les yeux plusieurs fois, incertain de la démarche à adopter. Le son de la voix de Sessho fut comme une claque, et il se sentit brutalement revenir au moment présent. Il chancela.

— Que dis-tu que je t’apprenne un sortilège un peu plus avancé que ce que tu peux lire dans tes livres ? Ce n’est qu’une idée. Je ne souhaite pas te mettre mal-à-l’aise.

— Je…

Sa voix était rauque. D’avoir trop crié, puis d’avoir trop peu parlé ensuite. Il se racla la gorge.

Il tenta de ne pas penser à ce que la proposition impliquait, des moments seul avec Sessho, des moments qui peut-être lui rappelleraient cette confrontation. C’était une occasion en or ; Ariel savait qu’il ne tirerait pas grand-chose de plus de ses livres, pas sans d’énormes difficultés, et il ne voulait pas aller voir McGonagall. Pas encore.

— J’aimerais beaucoup, avoua-t-il enfin. Je connais déjà tout le programme de Troisième Année par cœur…

Il sourit, gêné, et il eut peur de paraître prétentieux.

Après l’orage et la tempête, après le calme et le répit, il avait l’impression que parler n’était plus naturel. Qu’il ne connaissait plus les codes sociaux. Qu’il ne savait plus comment agir.

Alors il sourit, crispé, et dit :

— Tu me diras quand tu es libre, alors. Je…, il hésita, je vais par là.

Il fit demi-tour, toujours incertain quant à sa position dans le château. Avant de s’éloigner complètement, il bredouilla un « À plus tard » à peine audible, et il s’enfuit aussi naturellement qu’il lui était possible.

Il était terriblement fatigué.

Fin
Code by Ariel


HRP :
Ariel Melwing
Modo aquatique
Ariel Melwing
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1

Sauter vers :
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: Hors-Jeu :: La Pensine :: RP Harry Potter :: Les RP Terminés-