AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment : -39%
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
Voir le deal
399 €

[12/01/96] La Morsure du froid | Aria & Laurel

 :: Hors-Jeu :: La Pensine :: RP Harry Potter :: Les RP Terminés Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Dim 15 Mai 2022 - 15:42
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.
Vendredi 12 Janvier 1996

Cela faisait à présent deux mois qu'Aria avait la sensation de n'être plus que l'ombre d'elle-même lorsqu'elle avançait dans les couloirs du château. Si la magie avait effacé les traces de son mal-être sur son avant-bras gauche, ses cernes, eux, ne mentaient pas. Et depuis son retour au château, elle ne se préoccupait même plus d'appliquer sa lotion cache-misère, davantage préoccupée à grappiller les dernières minutes de sommeil qui lui restaient, lui qui ne venait à elle qu'une fois l'aube installée. Quand son frère ou d'autres Serpentard lui faisaient une remarque sur sa mine abominable, elle mettait tout sur le compte des BUSE. Comment ne pas être stressée et submergée par le travail avec leur arrivée de plus en plus imminente ?

Tu te plais à plonger au sein de ton image, Aria.

Parfois, oui, elle se perdait dans son reflet monochrome. Elle se voyait translucide, faite de rien, si ce n'était de poussière. L'illusion lui sautait aux yeux, et alors, plus rien ne semblait vraiment exister. Il n'y avait plus de réalité palpable. Rien que des images qui mentaient en brodant leurs histoires. La sienne était celle d'une étudiante esquintée par ses révisions acharnées. Son image était factice mais bien polie, et valait mieux que celle qui laissait transparaître le vide qui l'habitait.

Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur.


Faire semblant aux yeux des autres finissait presque par la convaincre elle-même, la berçant dans une routine mécanique et sans émotions. Mais le soir tombé, ses tourments finissaient inéluctablement par revenir pour lui susurrer au creux de l'oreiller que son mal-être n'était pas prêt de l'abandonner. Seule dans son lit, elle se sentait vulnérable et elle frissonnait.

Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage. 

Chaque nuit, c'était la même angoisse qui persiflait à ses oreilles. Et ça n'était pas celle qu'elle affichait au grand jour. Elle n'angoissait pas pour les BUSE, non, ces examens ne lui avaient jamais parut aussi futiles qu'en cette période. L'angoisse qui lui volait son sommeil, c'était la sempiternelle raison de ses aléas émotionnels, et elle s'appelait Eileen M. King.

Comment donc arriver à l'oublier ?

Elle s'était voilée la face en novembre dernier et il avait seulement fallu une lettre, un mois après, pour lui faire tout regretter. Son choix, ses mots, son égoïsme. Mais, à présent, comment revenir en arrière ?

Un vendredi après-midi, elle fut incapable de se concentrer une seule minute durant son dernier cours de la semaine, celui d'étude des Runes. Cela faisait douze jours qu'elle avait remis les pieds à Poudlard et elle n'avait toujours pas été fichue de refaire un seul pas vers son Secret alors même qu'elle n'avait envie que de ça. Alors, elle s'était jurée de prendre les choses en main ce soir-là en lui déposant un mot dans la salle où elles avaient autrefois l'habitude de se retrouver en cachette, le « Laboratoire de Salazar » comme l'avait nommé Eileen, avec l'espoir que cette dernière y passe dans les jours qui suivraient.

Mais, à la sonnerie annonçant la fin des cours, l'angoisse qui ondulait dans le ventre de la Sang-Pur s'intensifia et elle faillit se dérober encore une fois à sa volonté. En prenant le chemin des cachots, elle s'obligea toutefois à bifurquer vers le chemin menant au Laboratoire plutôt que de se réfugier directement dans sa salle commune. Au fur et à mesure que les sous-sols de château devenaient déserts, ses appréhensions se firent de plus en plus retentissantes, chahutant ses pensées et l'empêchant de rationaliser. Plus elle descendait les escaliers, plus ses espoirs se taisaient et les mots de la lettre s'évanouissaient, rendant brumeuses les raisons qui la poussaient à continuer d'avancer.

Puis, elle vit la porte.

Elle se figea à quelques mètres d'elle. Le souvenir du dernier instant passé de l'autre côté de ce mur revint heurter sa mémoire. Elle se revit elle, gisant au milieu d'un Ventus s'échappant de sa propre baguette, des fioles s'écrasant à ses pieds, des éclats de verre frôlant sa peau, des feuilles s'arrachant de leur carnet et des meubles s'écroulant de tous côtés.

Elle ne voulait pas revoir la scène. Elle ne voulait pas entrer. Elle ne voulait pas constater l'étendue des dégâts qu'elle avait causés.

Elle ne voulait pas revoir le regard brisé de son Secret.

Là encore, elle faillit faire demi-tour et prendre la fuite. Le souvenir de leur dernière discussion était trop douloureux et elle ne voyait même pas comment elle pouvait réparer le mal qu'elle avait fait ce jour-là. Mais elle se força à prendre une profonde inspiration et à franchir les derniers pas qui la séparaient de la porte. Et alors, sans oser toucher la poignée, elle glissa par-dessous le battant le mot qu'elle avait soigneusement rédigé. Elle s'y était reprise à plusieurs fois et ce, pour coucher uniquement deux brèves phrases sur le papier.

« Retrouve-moi à 18h30.
Je t'attendrais ici.»

Oui, Aria y serait, qu'importait le jour. Elle s'y rendrait tous les soirs jusqu'à ce qu'Eileen y soit aussi. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, c'était encore trop dur, elle n'en avait pas la force. Elle s'accorda cet ultime répit.

Le souffle court, elle ne prit pas la direction de sa salle commune, mais celle du parc. Elle avait besoin d'air et de solitude. Le vent glacé et chargé de silence fut un réconfort inestimé pour la Serpentard et, si son myocarde affolé se calmait peu à peu alors qu'elle approchait des rives du lac, tout le reste de son corps restait terriblement crispé. Ce n'est qu'à cause du froid, qu'elle aurait voulu se convaincre.

Elle n'eut pas besoin de trop s'éloigner du château pour s'isoler : en cet hiver gelé, rares étaient les élèves qui s'aventuraient encore dehors une fois le soleil couché, hormis les joueurs de Quidditch. La Beurk s'assit sur un rocher au bord de l'eau recouverte par une plaque de glace épaisse. Elle regretta alors de ne pas être passée par son dortoir pour récupérer Heinrich, son crapaud, et lui offrir à lui aussi un bon bol d'air.

La vapeur créée par son souffle captura ses pensées et elle en oublia rapidement le vent froid qui s'immisçait entre ses vêtements. Son regard se perdit sur la surface lisse de la glace. Mais ce ne fut pas le calme ambiant qui la cueillit, non, juste le vide. Son âme était happée par le vide. L'angoisse et les pensées noires refirent surface devant le jugement muet du lac.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets.

La glace était sombre et l'eau, en dessous, silencieuse. L'adolescente aurait pu s'y allonger et s'y dissoudre, s'oublier, ne faire qu'un avec la surface gelée. Ou peut-être que la glace aurait craqué et que son corps, mordu par le froid, se serait laissé couler.

Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes.

Tout au fond, elle y aurait déposé ses maux et se serait endormie à côté. Les algues auraient enveloppé sa chair et protégé les dernières lueurs de son âme.

Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes.

Et ainsi se seraient éteints les derniers mystères de son existence. Tout aurait été fini. Mais tout serait resté ancré. Dans le sable, l'esquisse mélancolique de son dernier sourire aurait alors été gravé. Mais jamais personne n'y aurait assisté.

Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Tremblante, elle releva la manche de son bras gauche dans un automatisme malsain et se mit à observer son épiderme intact. Aussi lisse que la glace. Mais la glace, par endroit, avait ses imperfections, ses craquellements, ses fissures. Son avant-bras était similaire, mais elle seule pouvait le voir.

De son index, elle se mit à retracer sur sa peau ces stigmates effacés, semblables à des rivières cristallisées, puis oubliées. Alors seulement, toutes ses autres pensées commencèrent à s'effacer. Il ne restait que ce souvenir défendu et l'envie frileuse... de réessayer.

Défi:


code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Ven 27 Mai 2022 - 16:00
S’envoler et filer dans l’azur (ou, ahem, la grisaille) à toute vitesse pour laisser ses soucis derrière soi. En ce vendredi après-midi, Laurel avait laissé sur la terre ferme l’ambiance pesante qui régnait dans l’école depuis le début de la semaine, et s’était donnée à fond sur l’entraînement de Quidditch de son équipe. En dehors du sport sur balai, elle ne se serait pas qualifiée de sportive, et elle n’avait jamais vraiment cru avant à tous ces gens qui disaient que le sport les rendait heureux alors que ce qu’ils décrivaient ressemblait plus à de la torture mais… c’était vrai. Transpirer et se dépenser lui permettait de mettre son cerveau en pause par rapport à tous les soucis du quotidien, de se concentrer sur quelque chose d’autre plus matériel et tangible, et elle en ressortait toujours apaisée. C’était même libérateur, si on arrivait à faire abstraction des courbatures.

Laurel était douée pour le Quidditch, elle le sentait, et ça aussi c’était incroyablement motivant. Pas sur-douée, mais bonne, et chaque entraînement la faisait progresser. Maintenant que la moitié de l’année scolaire était passée, elle pouvait se tranquilliser sur le fait qu’elle avait vraiment sa place dans cette équipe, qu’il n’y était pas simplement une bouche trou. Les Serpentard prenaient leur équipe de Quidditch trop au sérieux pour y accepter les nuls, même avec un nom de famille prestigieux. Il fallait gagner sa place, et Laurel avait enfin mérité la sienne.

Et heureusement car elle n’avait jamais eu autant besoin d’une telle récréation. Elle était heureuse de tout donner sur son balais, même par un temps aussi glacé qu’aujourd’hui, si cela lui permettait d’oublier quelques instants toutes les embrouilles se déroulant en bas sur la terre. La semaine avait mal commencé : la Gazette avait annoncé l’évasion de Mangemorts notoires d’Azkaban, présenté ses excuses au professeur Dumbledore et à Harry Potter, et annoncé le retour probable du Seigneur des Ténèbres. Pour un revirement, c’en était un ! Laurel était restée confuse devant un tel demi-tour, qui donnait moyennement envie d’accorder la moindre crédibilité au journal. A quel mage se vouer, qui croire ? Deux jours plus tard, le professeur Ombrage avait organisé un cours au thème sans équivoque : Vous-Savez-Qui était bel et bien de retour, et il pouvait attaquer partout.

C’était terrifiant, et Laurel avait la sensation que la terre ferme, sous son balai, était engluée dans un brouillard d’angoisse qui la happerait dès qu’elle redescendrait. Qui disait Mangemorts disait danger, et guerre. S’il y avait des attaques, il y aurait des blessés, des morts peut-être. Peut-être bien qu’elle-même n’était pas la personne la plus en danger : elle était Sang-pure, du bon côté, et elle avait également confiance en les facultés de sa famille à s’en sortir et réussir à naviguer en eaux troubles. Les Flint manoeuvraient à travers les courants de l’histoire comme dans les tempêtes, en mer ou dans les airs : à la fin, ils avaient fait des bénéfices.

Mais justement, elle n’était pas certaine que cette fois-ci, s’en sortir soit suffisant. Déjà, l’ambiance angoissée qui régnait dans l’école lui enlevait toute joie malgré son optimisme naturel. Elle se sentait oppressée et n’avait pas envie que ça dure. Ensuite… ensuite venait le malaise. Juste parce qu’elle avait, elle, le bon statut de sang, et qu’elle croyait volontiers ce qu’on lui avait répété en boucle depuis l’enfance, à savoir que la magie des sang-purs était plus pure et meilleure que celle des autres, cela ne voulait pas dire qu’elle souhaitait du mal aux sangs-mêlés ou aux nés-moldus. Au quotidien, ils ne passaient quand même pas leur temps à scruter leurs veines : ils étaient ses camarades de classe, ses adversaires sur le terrain de Quidditch, ses voisins de table ou de dortoir, ses tuteurs, ses amis… Est-ce que cela allait changer, si le Seigneur des Ténèbres revenait ? En tout cas, certaines langues dans la salle commune de Serpentard se déliaient déjà : les nés-moldus, qui n’avaient jamais été en odeur de sainteté, prenaient plus cher que jamais en insultes depuis une semaine. Sang de bourbe par ci, sang de bourbe par là. A la vérité, Laurel évitait désormais la salle commune le plus possible, inquiète de certains propos qui pouvaient y flotter, mais également du jour où on l’obligerait à se positionner.

Voilà pourquoi elle ne s’était pas pressée, à la fin de l’entraînement, pour rentrer immédiatement. Après la morsure du froid et du vent dans les hauteurs, elle avait apprécié une longue douche chaude dans le vestiaire des filles, puis avait pris le temps de se refaire une beauté, avec coiffure et maquillage complet. Elle serait parfaite pour le dîner. Malgré ses craintes, elle n’en était pas encore au stade où elle était prête à abandonner les apparences, bien au contraire : c’était quelque chose qu’elle maîtrisait et qui la rassurait. Elle était donc la dernière à avoir quitté le terrain de Quidditch, et, histoire de savourer quelques instants de plus le calme, elle décida de rentrer au château en faisant le grand tour, en passant par le lac. La météo lui semblait presque clémente au sol, comparée aux hauteurs des anneaux de Quidditch, et ce serait somme toute une balade agréable.

Elle serait passer à côté d’elle sans l’apercevoir si le mouvement du petit nuage de vapeur flottant devant son visage n’avait pas attiré son regard. Laurel ralentit le pas, surprise de voir quelqu’un dans le parc en cette fin d’après-midi. Elle dû plisser les yeux pour distinguer les traits de sa camarade : Aria Beurk. A à peu de distance, ses cheveux avaient presque la couleur de la neige. Après un bref instant d’hésitation, elle décida de se rapprocher. Il y avait quelque chose d’étrange dans l’immobilité de sa condisciple.

« Bonsoir Aria. »

C’était un peu gênant. Elle avait l’impression d’interrompre quelque chose, et puis, les deux jeunes filles n’étaient pas vraiment proches, même si elles se côtoyaient depuis toujours ou presque. Laurel avait toujours admiré les talents de musicienne de son aînée, mais celle-ci n’avait jamais sembler goûter les compliments, et sa froideur l’avait bien vite éloignée. Toutefois, ça ne l’avait pas empêchée de continuer à l’admirer de loin, pour sa musique, à défaut de son amabilité. Et ces derniers temps, il lui avait semblé déceler une émotion nouvelle lorsqu’Aria jouait du violon. Elle n’aurait pas su la définir exactement, mais ça lui serrait le cœur à chaque note, comme si l’archet essayait en vain de faire pleurer les cordes. Laurel se demanda quoi faire exactement, plantée là avec son balai sous le bras.

« C’est rare que je trouve d’autres promeneurs par un temps pareil. » Aria devait être gelée, avec les manches relevées comme ça, ses bras nus offerts aux morsures de l’hiver. Laurel s’assit finalement à son tour sans attendre d’y avoir été invitée, balayant l’étendue du lac du regard. Son regard se perdit rapidement dans la pénombre. « C’est drôle de penser qu’on est exactement au-dessus de notre salle commune, non ? » Elle était douée pour le small talk. Ce n’était peut-être pas ce qu’il fallait exactement, en cet instant, mais c’était le mieux qu’elle avait à offrir et elle avait la sensation qu’elle ne devait pas laisser sa condisciple seule.

« Tu veux mes mitaines ? Il fait frisquet ce soir. »

Joignant le geste à la parole, elle commença à tirer sur les longs gants en laine fine, achetés chez Madame Guipure, qui lui montaient jusqu’aux coudes sous sa cape. Comme des gants de bal, mais pour l’hiver, et assurant une parfait prise en main de sa baguette. C’était l’une des pièces préférées de sa garde-robe d’hiver, mais elle était encore réchauffée par l’exercice et sa camarade semblait vraiment en avoir besoin. A la réflexion, elle aurait aussi eu besoin de sa trousse à maquillage, et particulièrement de son anticerne, mais le proposer aurait été… indélicat. Elle se contenta de lui tendre les mitaines.

Laurel Flint
Membre
Laurel Flint
Revenir en haut Aller en bas
Mar 28 Juin 2022 - 11:54
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.

Vendredi 12 Janvier 1996

- Bonsoir Aria. 

Cette voix sortie de nulle part fut comme une déferlante d'eau gelée perçant la glace pour venir fouetter son visage. Sortie brutalement de sa torpeur, la blonde platine sursauta sans demi-mesure puis pivota aussitôt sur son rocher pour appréhender l’intrus. Ses yeux se posèrent alors sur le visage poupin et un peu trop coquet à son goût de Laurel Flint. Son teint radieux lui rappela l'aspect blafard que devait revêtir le sien, bien plus en accord avec la météo actuelle.

- C’est rare que je trouve d’autres promeneurs par un temps pareil, commenta-t-elle pour combler l'absence de réponse d'Aria qui peinait à se redonner une contenance alors que sa cadette venait de pénétrer sa bulle hermétique.

Figée, la Beurk se contentait d'observer de son regard vide la Flint broder un début de conversation unilatérale.

- C’est drôle de penser qu’on est exactement au-dessus de notre salle commune, non ?

Les pupilles d'Aria revinrent se poser sur la terre partiellement enneigée, puis sur le lac gelé. En dessous, elle ne visualisa pas leur salle commune et ses idiots de camarades de maison, non. En dessous, tout l'univers aquatique qui y évoluait se dessina dans son esprit, les plantes qui y ondulaient et les créatures qui y nageaient. Elle crut même apercevoir le visage singulier de Washa, la selkie qu'elle avait rencontré un an plus tôt, apparaître sous la surface glacée mais l'illusion s'évapora aussitôt que la douleur de sa disparition ressurgit. Aria finit par hausser les épaules en réponse au commentaire de l'autre blonde. Elle était fatiguée, elle n'avait pas la force de jouer la comédie, ni même de la repousser avec les mots acides qu'on lui connaissait.

- Tu veux mes mitaines ? Il fait frisquet ce soir.

Étonnée par l'altruisme de cette proposition - chose à laquelle elle avait peu l'habitude d'être confrontée -, elle redirigea son regard vers Laurel pour la découvrir qui était déjà en train de retirer ses gants laineux. Ce fut alors qu'Aria prit conscience de la manche encore relevée sur son avant-bras gauche et elle s'empressa maladroitement de la redescendre, prise de honte, comme si sa cadette avait pu voir ses cicatrices et ainsi découvrir son sombre secret. Elle se rendit également compte qu'elle était parvenue, inconsciemment, à se couper de ses sensations pendant un temps et celles-ci lui revinrent alors en une nuée de picotements sur la partie de son épiderme qui avait été à découvert. Mordue par la surprise, le froid et la pudeur, elle se mit à bafouiller :

- Oh, euh... Non, c'est bon... Ne t'en-

Mais la Flint lui tendait déjà ses mitaines. Aria les observa comme un présent inestimé, d'un air pantois et incrédule. Sa propre mère n'aurait jamais sacrifié son propre confort en lui laissant ses gants, alors pourquoi une fille comme Flint le ferait ? Chassant ses pensées qui étaient formatées à recevoir ce genre de geste avec méfiance, accusant l'altruisme de manipulation voilée, elle s'autorisa à accepter la gentillesse de l'autre Serpentard, qu'importait qu'elle fut factice ou non. Elle était fatiguée de tout analyser, de tout calculer. Ce soir-là au bord du lac, elle souhaitait seulement se laisser porter par le courant, sentir son corps flotter, le laisser dériver.

- Merci, dit-elle d'une voix frêle en enfilant les mitaines qui apportèrent douceur et chaleur à sa peau meurtrie.

Elle observa un instant ses doigts nus qui s'échappaient du tissu en laine, s'abreuvant inconsciemment de la sérénité se dégageant de Laurel. Si sa cadette nourrissait elle aussi quelques angoisses, l'endorphine parcourant son corps suite à son entraînement devait les avoir temporairement chassées car l'Empathe ne ressentait à présent qu'un grand calme en sa présence. C'était reposant. Et presque fascinant. Si bien qu'elle ne se reconnût pas quand les mots suivants firent vibrer ses cordes vocales :

- Comment fais-tu pour ne pas être une peste comme toutes les autres de notre... rang ?

Elle faillit dire « sang ». Elle n'aurait pas su expliquer elle-même pourquoi elle s'était appliquée à changer de terme au dernier instant.

Ses iris sondaient à présent celles de sa cadette, déterminée à trouver une réponse et à ne pas écouter la pudeur que lui inspirait sa propre question.

Elle s'en voulait d'être malgré elle comme toutes les autres Sang-Pur, d'être détestable, acide et haineuse, même si elle ne voilait pas tout cela derrière une voix mielleuse. Le monde dans lequel elle avait grandi l'avait forgé plus qu'elle n'aurait voulut l'admettre. Elle s'en voulait d'être ainsi, parce que ça l'avait poussé à rejeter la plus précieuse des amitiés qu'elle avait été capable de tisser jusqu'ici. Elle s'en voulait parce que son mépris ne l'avait toujours mené qu'à la solitude. Et même Washa ne venait plus à la surface.

Était-ce pour cela qu'elle avait toujours autant détesté Merlin ? Parce qu'elle représentait la pureté inatteignable dans leur monde empli de vices ? Un monde où les femmes n'étaient éduquées que pour plaire à coup d'amabilité factice pour ensuite mieux déverser leur venin au bon vouloir de leur mari, un monde fait de secrets, de non-dits, de rumeurs et d'hypocrisie, un monde ou un simple sourire n'était jamais qu'un simple sourire.

Et maintenant que la Shafiq était notée absente suite à son accident, était-ce à Laurel qu'elle attribuait le nouvel insigne de Miss Parfaite ?

Étrangement, elle n'arrivait pas vraiment à détester la jeune Flint. Elle ne la connaissait guère, si ce n'était de surface de par leur milieu commun, et savait pertinemment que, mieux que personne, elle savait jouer de son apparence. Pourtant, il semblait y avoir quelque chose en plus cachée derrière tout ça.
De la candeur ?
Pouvait-elle donc être de ces personnes qui prêtaient volontiers leurs gants sans rien attendre en retour ?

Peut-être était-ce le moment de le vérifier.


code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Jeu 30 Juin 2022 - 22:55
Oups, elle l’avait fait sursauter. Laurel hésita vaguement entre s’excuser et s’enfuir, et opta finalement pour lancer la conversation la plus étrange de tous les temps. C’était comme si le regard d’Aria, avant de redevenir aussi vide, lisse et noir que la surface du Lac, lui avait crié un instant de rester. Elle n’aurait pas su dire pourquoi ni comment, mais elle ne pouvait pas laisser sa condisciple là toute seule. Sa fixité avait quelque chose de presque hypnotisant, mais ça lui renvoyait des ondes négatives. Laurel était une jeune fille spontanée et pas toujours la plus attentive aux subtilité des états d’esprit de ses interlocuteurs, mais il fallait reconnaître que ses cours de divination commençaient à porter leurs fruits : à défaut de véritablement savoir lire le futur dans des tasses de thé, elle commençait à être réellement meilleure pour être présente et observatrice quand il s’agissait des autres.

Proposer ses mitaines à Aria sembla la faire fondre et revenir à la vie, puisqu’elle se mit enfin en mouvement, et Laurel prit une grande inspiration satisfaite tout en tirant sur ses doigts pour enlever ses mitaines. C’était comme voir un mauvais sort se lever, et elle préférait franchement ça. Pas question, donc, de revenir en arrière, et elle tendit ses gants à sa camarade, ignorant ses protestations bafouillées. Si elle n’avait même plus à articuler correctement, il était vraiment temps qu’elle se réchauffe.

« De rien. »

Laurel voulut agrémenter sa réponse d’un sourire, automatique sans pour autant en être moins sincère, mais Aria semblait perdue dans son propre monde en enfilant les mitaines. A quoi est-ce qu’elle pouvait bien penser ? Elle avait la même allure d’intériorité que les fois où Laurel l’avait vue jouer du violon, si profondément à l’intérieur d’elle-même qu’elle en devenait illisible. Sans musique pour lui donner un indice, la petite blonde était désormais bien en peine pour deviner ce qu’il pouvait y avoir dans la tête de l’autre adolescente. Laurel se cala sur son bout de rocher, tira un peu sur les manches de son cardigan d’uniforme et resserra les pans de sa cape en un cocon confortable autour d ‘elle pour ne pas se laisser pénétrer par le froid alentour et conserver encore un peu la chaleur des vestiaires.

« Comment fais-tu pour ne pas être une peste comme toutes les autres de notre... rang ? »

La question la prit tellement au dépourvu que sa propre réponse fusa sans aucun filtre.

« Vraiment, tu trouves ? » Elle releva la tête, tout son visage irradiant du compliment qu’elle venait de recevoir. « Et bien, merci ? »

Son sourire s’effrita peu à peu sous le regard scrutateur d’Aria, alors qu’elle réalisait l’incongruité de la question. Si c’était réellement un compliment, alors ça impliquait une vive critique pour le reste de leur « rang ». Les filles populaires ? Les Serpentards ? Les Sangs-Purs ? Laurel était candide, mais pas obtuse, et l’actualité déplaisante lui était suffisamment présente à l’esprit pour que l’association d’idées se fasse naturellement. A quel point pouvaient-elles se parler franchement ? La question était si brute que ça en était déstabilisant… rafraichissant aussi. Cela faisait des jours qu’elle évitait la Salle commune et redoutait toute conversation verte et argent virant sur les statuts de sang. Elle n’avait pas honte de ses opinions, mais le fanatisme de ses camarades la mettait profondément mal à l’aise. Il y avait quelque chose de… de mal à haïr d’autres élèves juste parce qu’ils avaient eu le malheur de naître avec un sang inférieur. Ils avaient un sang « impur » mais au quotidien, au fond, ça ne changeait rien. Pas pour elle, en tout cas. L’idée qu’on puisse être violent envers quelqu’un juste pour ça la répugnait, et elle ne pouvait même pas le dire.

Avec ses meilleures amies de dortoir comme Lavinia, elle pouvait parler de plein de choses, de garçons, de chatons, de potions, de corsets et de jupons. De choses dont on ne parlait pas à la maison, même : si Laurel s’était contentée de l’éducation sexuelle dispensée par ses parents, elle aurait probablement encore cru à 14 ans que les bébés naissaient par la grâce de deux sortilèges de fertilité enfermés dans des alliances et combinés via les liens sacrés du mariage. Bon. Mais parler de s.e.x.e. en gloussant plus ou moins avec ses copines n’effaçait pas pour autant les tabous sociaux. On pouvait gossiper sur qui allait se fiancer à qui, mais les plaisanteries étaient toujours à moitié feintes, parce que c’était un sujet sérieux. On ne parlait pas non plus de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom et de ce que les familles des uns et des autres avaient fait quinze ans plus tôt, ou alors, seulement par sous-entendus que seuls les initiés sauraient déchiffrer. Il y avait des parties de soi, des idées, des pensées, qu’elle ne pourrait jamais révéler : ça aurait été répété, déformé, amplifié et ça aurait ruiné sa réputation, celle de sa famille, leur avenir. C’était un triomphe des apparences permanent, et elle était excellente à ce jeu, y trouvait même un certain plaisir, du talent, des avantages à ce charme qu’on avait toujours cultivé chez elle. Mais c’était aussi souvent pesant.

Etouffant, actuellement. La franchise radicale d’Aria était détonante. Dangereuse ? Si jusque-là, les actions de Laurel avaient été purement spontanées et sa sollicitude sincère, elle choisit de répondre à la question par une autre, comme un test :

« Est-ce que tu t’inclus dans la catégorie ? »

C’était demandé sans animosité, avec curiosité. Aria pouvait être tellement froide ! Quand elle l’entendait jouer de la musique, sa cadette était toujours frustrée de ne pas réussir à mieux la connaître. Avec tout son talent, ça devait forcément être quelqu’un d’intéressant. Et sa manière de laisser ses émotions transparaître dans le vibrato de ses cordes, dans la précision de ses pizz, sans pour autant laisser rien transparaître dans son quotidien… Laurel aurait voulu savoir en dire autant d’un subtil coup d’archet, admirative, curieuse, touchée, et finalement toujours déçue d’être tenue à distance de manière hautaine.

Elle rendit son regard à Aria. Pas de façade, si ce n’était la pénombre environnante, qui oblitérait jusqu’aux contours du lac. Elle ne pouvait pas reprocher à Aria son éternelle distance d’un côté, et esquiver sa question d’une pirouette de l’autre. Et si elle osait vraiment répondre ?

« Je ne vois juste pas l’intérêt d’être cruelle. Et je… ce n’est pas toujours obligé d’être une compétition, tu vois ? J’ai envie qu’on voit ce que je sais faire, moi. »

Il devait y avoir une autre position que Pansy Parkinson, reine des Serpentards, ou marche-pied essuie-botte de Sa Majesté. La maison des Serpents, les cercles puristes étaient des écosystèmes sans lesquels elle n’aurait évidemment pas existé, mais elle cherchait à y creuser sa propre trajectoire, si c’était possible tout en continuant d’y être estimée, appréciée, admirée. Le tout sans faire dérailler les fragiles orbites des membres de sa famille. C’était exactement pour ça qu’elle n’avait pas souhaité rejoindre la Brigade Inquisitoriale. Dont Aria, elle, était membre, elle ne devait pas l’oublier.

« C’est pour ça que tu es là ce soir ? Pour éviter les pestes ? »

Elle ne pouvait pas être la seule à fuir leur salle commune en ce moment. C’était étrangement réconfortant, même si leur zone de repli du jour était glacée.
Laurel Flint
Membre
Laurel Flint
Revenir en haut Aller en bas
Mer 3 Aoû 2022 - 16:00
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.

Vendredi 12 Janvier 1996

- Comment fais-tu pour ne pas être une peste comme toutes les autres de notre... rang ? avait demandé Aria.

La réponse de Laurel arriva aussitôt, servi sur un plateau de spontanéité.

- Vraiment, tu trouves ? Et bien, merci ?

Mais sa réaction n'était pas une réponse et Aria en observa tout le paradoxe. Son intonation vive ne pouvait être plus sincère, mais le fait d'accueillir la question de son aînée comme une flatterie prouvait le besoin d'être valorisée de la benjamine. À vrai dire, Laurel avait beau n'être que d'un an sa cadette, Aria avait la sensation qu'elle était bien plus jeune, comme si l'innocence enfantine qu'on lui avait volé trop tôt vivait encore dans son regard à elle. Était-ce pour cela que son mépris naturel semblait s'être adouci en sa présence, comme bâillonné par un instinct de préservation ? Oui, il fallait préserver cette spontanéité, elle s’épuisait beaucoup trop vite sur la pente grimpante du Mont Maturité.

Aria haussa encore une fois les épaules, incapable de vraiment confirmer la flatterie ; elle attendait toujours sa réponse.

- Est-ce que tu t’inclus dans la catégorie ? s'enquit ensuite la Flint.

La jeune vipère continuait à se faufiler entre les mailles du filet. Aria, quant à elle, décida de ne pas passer par quatre chemins et elle lui répondit droit dans les yeux sur un ton indifférent :

- Évidemment.

La Beurk excellait dans l'art de se rendre détestable. Mais, loin d'être poussé par l'attrait du pouvoir ou de la domination sur autrui, son mépris naturel lui venait d'un simple mécanisme de défense. Si elle se montrait antipathique, personne ne viendrait déranger sa tranquillité, non ? Jusque-là, cela avait toujours fonctionné et de ce fait, son visage hautain et froid n'était désormais plus un masque mais s'était entièrement greffé à sa personnalité. Sans s'en rendre compte, son caractère s'était ainsi laissé engrener dans le même schéma que celui de la majorité des autres Sang-Pur. Bien que, dans le cas de Pansy ou encore de son cousin Drago, leur animosité guindée se manifestait encore différemment, alimentée par l'ambition de recueillir l'admiration et le respect et non l'isolement et la tranquillité.

Alors que la blonde platine continuait de scruter son interlocutrice dans l'attente de sa réponse, celle-ci se décida enfin à la formuler :

- Je ne vois juste pas l’intérêt d’être cruelle. Et je… ce n’est pas toujours obligé d’être une compétition, tu vois ? J’ai envie qu’on voit ce que je sais faire, moi.

Aria fronça brièvement les sourcils. Comment montrer ce que l'on savait faire sans entrer en compétition dans une société où quiconque serait prêt à nous écraser pour pouvoir briller ? Si l'on ne savait pas s'imposer, qui donc s'intéresserait à nos capacités ?

La Beurk avait beau être une fille de l'ombre, elle était aussi l'une des plus ardentes compétitrices de sa promotion lorsqu'il s'agissait de décrocher les meilleures notes en cours. Pourtant, une part d'elle comprenait les propos de la Flint. Elle aurait aimé qu'on la considère pour ce qu'elle était et ce qui la passionnait et non pas pour ce qu'elle valait de par son sang ou ses attributs. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle se donnait autant de peine pour exceller dans chaque matière : elle voulait se distinguer pour ses compétences magique, à défaut de ses compétences sociales. Comme si, à travers la magie, elle pouvait clamer qui elle était sans avoir à utiliser sa voix. Comme si un mouvement de baguette suffisait à la faire sortir de l'ombre. Comme si une potion réussie prouvait mieux sa valeur que de belles paroles. Comme si se perdre dans les bouquins lui offrait la promesse d'un avenir où elle se sentirait enfin exister.

Alors, Laurel était-elle sincère en affirmant qu'elle ne se prêtait pas tant à la compétition, elle qui semblait pourtant si populaire ? Les gens voyaient-ils vraiment qui elle était ou s'arrêtaient-ils à son visage de poupée ? De son côté, Aria se demandait de plus en plus ce qui se cachait derrière ces cils rehaussés. Pour autant, elle ne s'attendait pas à ce que la jeune Serpentard lui témoigne aussi de l'intérêt en retour.

- C’est pour ça que tu es là ce soir ? la questionna-t-elle. Pour éviter les pestes ? 

La violoniste laissa échapper un rire cynique.

- Pour éviter absolument tout le monde, rétorqua-t-elle.

Son regard délavé glissa à nouveau sur la surface gelée du Lac Noir. Les mitaines lui avaient apporté un peu de chaleur mais les bouts de ses doigts restaient en proie au froid ; elle les avait de ce fait repliés dans ses paumes. Elle se posa fugacement des questions sur l'idiot qui avait eu l'ingénieuse idée de faire des trous au bout des gants, mais ne trouvant de justifications ni pratiques, ni esthétiques, elle relégua cette énigme au domaine de la bêtise humaine.

- La présence du lac m'est plus agréable que qui que ce soit, rajouta-t-elle finalement. Ici, il n'y a pas de compétition, de cruauté, d'hypocrisie ou de chose à prouver. Ici, il y a juste à être soi.

L'eau avait ce don de voler ses pensées pour les emporter dans le courant. Mais celles-ci ressurgissaient toujours du maelström dès lors qu'elle s'éloignait de la source sacrée. Elle rêverait de se voir pousser des branchies et des nageoires pour pouvoir vagabonder à vie dans ces fonds noirs, loin du bruit et du soleil. Une quiétude infinie.

Elle se laissa bercer par cette utopie inatteignable, laissant doucement s'ouvrir sa coquille vide. Si vide qu'elle n'avait peut-être plus peur de laisser apparaître son contenu.

- Et il n'y a que ce calme-là qui me semble encore supportable, confia-t-elle un ton plus bas, la pâleur de la glace se reflétant dans ses iris.


code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Dim 14 Aoû 2022 - 19:30
« Evidemment. »

Laurel fit la moue : il lui était désormais égal de ne pas afficher un sourire poli, et qu’Aria en pense bien ce qu’elle en voudrait. Sa réponse était aussi attendue que frustrante. Et fausse, se dit la petite Flint, qui hésita à le signaler. Etait-ce un air que la Beurk se donnait, ou est-ce qu’elle y croyait réellement ? Dans tous les cas, elle n’était pas à proprement parler une peste, ou pas selon la définition de sa cadette. Mais puisque les règles de la conversation ne semblaient pas tout à fait s’appliquer à la surface du lac comme elles le faisaient en dessous…

« Je ne suis pas d’accord. » Oh Merlin, elle ne pouvait tout de même pas lui reprocher frontalement d’être méprisante avec les gens ? Le désir de franchise de Laurel n’allait pas jusque-là pour une camarade avec laquelle elle avait à peine échangé quelques mots au fil des années, et qui était, et bien, une Beurk. Son polissage et la prudence inhérente à l’art de la conversation mondaine ne permettaient pas les reproches francs. « Tu te rends solitaire. » Elle était hautaine et plus froide que certaines plaques de glace à la surface du lac, oui ! En voulant trouver un euphémisme socialement acceptable, Laurel était sans doute plus juste qu’elle ne s’en rendait compte.  « Mais tu n’es jamais une « peste » avec les autres. »

Sèche, cassante et indifférente, sévère parfois sans doute, mais elle n’avait pas souvenir de l’avoir vue inutilement cruelle, prenant l’initiative de titiller des élèves plus jeunes ou nés-moldus pour le simple plaisir d’affirmer son rang. Elle avait sans doute ses raisons, même si ce comportement était incompréhensible pour le papillon social qu’était Laurel. Être coupée des autres aurait été une souffrance pour elle : pourquoi diable est-ce que Beurk s’imposait ça à elle-même ?

Elle se demanda à nouveau si elle aurait dû s’éloigner, respecter le désir évident de solitude  de sa condisciple, et croisa inconsciemment les chevilles, prenant son bout de rocher pour un fauteuil. Non, il y avait quelque chose dans la fixité d’Aria au premier abord qui l’avait attirée et elle s’en serait voulue de l’abandonner maintenant. D’ailleurs, l’autre ne l’avait, étrangement, pas rejetée explicitement. Une situation inédite qui méritait bien qu’elle se dévoile un peu à son tour, répondant enfin à la question initiale.

Au haussement de sourcils d’Aria, Laurel répondit par un petit haussement d’épaules et un vague geste d’ouverture de ses mains, comme pour mieux se justifier. Elle avait consciente de ne pas être la plus éloquente quand il s’agissait de sujets sérieux, mais son petit discours avait sa propre logique qu’elle aurait aimé réussir à faire partager. Il fallait dire que ce n’était pas des sujets sur lesquels elle avait l’habitude de théoriser, ni à voix haute, ni même consciemment.

« Pour éviter absolument tout le monde. »

Elle avait osé une question, sans trop savoir si sa camarade daignerait répondre, ou si elle l’éloignerait d’une remarque hautaine. Elle n’avait pas spécialement envie d’attendre immobile et en silence que la lune monte dans le ciel glacial, et elle estimait que si elle avait répondu honnêtement à Aria, celle-ci pouvait bien lui retourner la faveur. Pas parce qu’il s’agissait de compter les points, d’ailleurs, mais bien parce qu’elle espérait avoir lancé une conversation. Et si la Beurk était venue là pour justement éviter ses semblables et se réfugier dans le silence tout son saoul… et bien tant pis pour elle. Laurel osait croire que sa différence, sa « non-pestitude » pouvait rendre sa compagnie un peu moins indésirable que celle de l’écolier moyen. La jolie quatrième année ne manquait pas de confiance en elle quand il s’agissait de sociabiliser.

La cinquième année se lança dans une description assez poétique du lac. C’était bizarre de considérer le lac comme une personne, et ça témoignait bien du caractère solitaire d’Aria. Comment pouvait-on préférer une étendue d’eau à ses amis ? A moins de ne pas en avoir ? Et pourtant, elle comprenait jusqu’à un certain point. Elle sourit à la surface partiellement gelée, presque complice, sans interrompre sa camarade, lui laissant dérouler ses pensées jusqu’au bout. Elle se sentait privilégiée de l’entendre enfin parler sincèrement (car elle en était sûre, il n’y avait aucun artifice dans ces mots, et c’était bien la première fois).

« Je crois que je vois ce que tu veux dire. Pas avec le lac, il est trop petit et trop calme pour moi, mais quand je suis face à la mer… » Celle du Nord, qui bordait les côtes de son Suffolk natal, ou la joyeuse Méditerranée des vacances, peu importait. « … J’ai l’impression que mes pensées se dissolvent dans les vagues. »

C’était une sensation de vide et de plénitude qui l’avait toujours laissée à la fois joyeuse et mélancolique, sérieuse et sereine, un état qui contrastait avec sa manière d’être au quotidien. Peut-être était-ce parce que l’étendue d’eau était si immense qu’elle allait au-delà de son regard, au-delà de son imagination. Elle devait avouer que le lac de Poudlard, surtout à moitié gelé comme il l’était, ne lui faisait pas autant d’effet.

En revanche, la dernière phrase d’Aria la laissa désemparée. Elle avait failli ne pas l’entendre, avec le vent et les bruits nocturnes du parc qui s’installaient autour d’elles, enveloppants comme une grande cape. Et maintenant, elle ne savait quoi répondre. Pas une banalité. Elle n’avait aucune solution toute faite à offrir face au mal-être évident de sa camarade, ne la connaissait pas assez pour offrir plus que de l’empathie. Elle soupira, et son haleine s’échappa en un petit nuage blanchâtre devant elle, vite dissipé par la bise.

« Je trouve notre salle commune absolument étouffante, en ce moment. »

Manière de dire que c’était autorisé d’avoir envie de fuir le collectif permanent imposé par l’internat, et le microcosme astringent des Sangs-Purs.  Il lui semblait toutefois qu’il y avait quelque chose de plus. Comme si le vide du lac, avec sa surface parfaitement lisse, aspirait Aria de l’intérieur.

Gelée et soupoudrée de neige à son tour, la lune aux trois-quarts pleine émergea de derrière un nuage, éclairant momentanément la scène. Laurel en profita pour observer franchement sa camarade. Aria semblait appartenir au décor, presque inhumaine avec ses cheveux d’argent filé et sa peau couleur de givre. Comme une illusion de conte de fée qui fondrait aux premiers rayons du soleil.

« Si tout est trop calme ou trop dissonant, peut-être que cela t’aiderait de faire entendre ta propre musique ? » demanda-t-elle doucement, comme pour ne pas rompre le charme.
Laurel Flint
Membre
Laurel Flint
Revenir en haut Aller en bas
Ven 2 Sep 2022 - 17:02
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.

Vendredi 12 Janvier 1996

- Je ne suis pas d’accord.

Aria haussa un sourcil. Elle ne s’était pas attendue à ce que sa cadette la contredise. Généralement, ses répliques nettes et froides ne laissaient pas de place à la contradiction, elles coupaient juste court à la conversation.

- Tu te rends solitaire, développa Laurel. Mais tu n’es jamais une « peste » avec les autres.

La vision que la Flint avait d’elle la surprit. Le pensait-elle sincèrement ou cherchait-elle à la caresser dans le sens du poil pour mieux découvrir ses failles ? Dans son état habituel, Aria se serait montrée méfiante, mais à cet instant-là, elle se sentait presque aussi démunie que le jour où Eileen l’avait trouvée en pleurs au bord de cette même étendue d’eau. Alors, elle se laissa piéger par le charme de ces paroles réconfortantes : quelqu’un semblait enfin s’apercevoir de sa solitude indurée derrière son mépris.

Mais l’empathie de la plus jeune ne la réconforta qu’à moitié car elle n’avait malheureusement pas tout à fait raison. Si Aria témoignait de l’indifférence à la grande majorité des élèves de ce château, il y avait quelques exceptions auxquelles elle avait maintes fois manifesté de la méchanceté gratuite. Deux visages lui vinrent à l’esprit, deux visages qu’elle n’avait plus croisés depuis un moment. Le premier, celui de Tabata Wyatt, fit remonter en elle une bouffée de haine : elle l’avait détesté dès le premier jour avec son orgueil de Gryffondor et ne s’était jamais retenue de le lui faire savoir en s’engageant avec elle dans une guérilla qui avait paru sans fin jusqu’à son départ de Poudlard. En second, le visage de Merlin Shafiq, la parfaite Serdaigle irréprochable qu’elle avait tenté de faire sortir de ses gonds depuis leur première année. Ce visage-là se transposa sur celui, tangible, qui se trouvait face à elle. Merlin et Laurel ne se ressemblaient-elles pas par bien des aspects ? Deux Sangs-Purs admirées et appréciées de tous simplement pour leur… gentillesse ?

Aria avait encore du mal à accepter ce fait pour la première des deux, mais, paradoxalement, il lui semblait arriver à voir ce trait derrière l’apparente superficialité de Laurel. Et si ça avait été Merlin qui l’avait ainsi sorti de ses pensées abyssales sur cette berge, se serait-elle ouverte avec elle comme elle était doucement en train de le faire avec la Flint ?

Cette dernière avait en tout cas visé juste sur un point : la Beurk se rendait solitaire. Et c’était précisément pour cette raison qu’elle se laissait à présent progressivement glisser sur la pente des confidences. Elle avait besoin de lancer son appel à l’aide.

- Je crois que je vois ce que tu veux dire, réagit la quatrième année suite à la confession abstraite de son aîné. Pas avec le lac, il est trop petit et trop calme pour moi, mais quand je suis face à la mer… J’ai l’impression que mes pensées se dissolvent dans les vagues.

L’Empathe trouva cette dernière phrase aussi jolie que juste. Un sentiment peu familier l’anima, comme si elle se sentait un peu moins étrange et incomprise qu’à son habitude. Elle hocha la tête d’approbation, le regard voguant à nouveau sur la surface de la glace, et sentit une mince vague de sérénité s’installer en son âme.

À ce moment-là, le silence aurait pu s’installer et envelopper leur contemplation introspective. Mais les deux jeunes filles se connaissaient à peine et, comme un animal en alerte, l’humain cherchait constamment à fuir le silence quand il n’était pas en territoire connu. Ce fut naturellement la plus extravertie des deux qui, après un soupir, réalimenta la conversation :

- Je trouve notre salle commune absolument étouffante, en ce moment.  

« Elle l’a toujours été », aurait pu répondre Aria. Mais son fatalisme ne résonna qu’en son esprit, ne voyant pas l’intérêt d’appuyer cette évidence. Si elle avait grand besoin de parler, cela semblait aussi lui coûter une dose conséquente d’énergie rien que pour prononcer un mot. Contrairement à son interlocutrice, elle n’était pas bavarde pour une Noise, elle ne savait pas « faire la conversation » et le silence, elle ne l’habillait que de mots qui, pour elle, avaient du sens. Mais derrière son éloquence passe-partout, Laurel la surprit par la finesse et la perspicacité qui se dégagèrent de sa prochaine question :

- Si tout est trop calme ou trop dissonant, peut-être que cela t’aiderait de faire entendre ta propre musique ?

Aria tourna son visage vers la Flint pour croiser ses yeux noisette éclaircis par les premiers rayons de lune qui venaient de se dégager. Elle ne sut pas vraiment décrypter l’intention de Laurel à travers cette question. Voulait-elle qu’elle lui joue un morceau au violon, ici et maintenant ? Ou bien l’encourageait-elle seulement à partager sa musique avec d’autres personnes pour se sentir moins seule ? Étant donné qu’elle ne se sentait pas suffisamment à l’aise pour lui jouer quoique ce soit dans l’intimité actuelle de leur rencontre et qu’elle partageait déjà sa musique de temps en temps avec Sessho, elle décida d’esquiver la question par un nouvel aveu.

- Je viens souvent sur les berges du lac pour jouer.

Elle porta sa main et son regard à son pendentif, enveloppant son nouvel instrument couleur nuit de ses longs doigts de musicienne.

- Mais ces derniers temps, j’ai la sensation que le brouhaha me suit jusqu’ici et il me faut alors trouver une autre échappatoire.

Un frisson parcourut son échine alors qu’elle réalisa elle-même ce qu’elle venait de prononcer. Pour la première fois depuis les vacances de Noël, elle réalisa qu’au milieu de ses tourments, son refuge premier n’était peut-être plus le violon, mais la scarification. Finalement, Laurel avait peut-être visé bien plus juste qu’elle ne l’aurait pensé avec sa question. L’Empathe prit peur.  

- Désolée, c’est ridicule, s’empressa-t-elle d’ajouter en balayant ses précédentes paroles d’un geste de la main. Je ne sais pas pourquoi je te dis tout ça.

Parce que tu n’as personne d’autre à qui le dire, Aria, lui susurra une voix au fond d'elle. Tu as éloigné Eileen de toi, Sessho a ses propres tourments à affronter, tu refuses de t’ouvrir à ta grand-mère et Washa n’est plus là. Tu es seule, Aria, désespérément seule.


code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Dim 16 Oct 2022 - 6:32
Laurel se redressa sur son bout de rocher, le dos instinctivement droit pour recevoir la réaction d’Aria à une critique qu’elle avait énoncée avec plus de conviction apparente qu’elle n’en possédait. A moins qu’elle ne vienne de faire un compliment malgré elle ? Dans tous les cas, elle ignorait comment Aria allait le prendre. Malgré toutes les pincettes qu’elle s’efforçait de prendre, il y avait plus de franchise dans ces quelques phrases échangées que dans.. et bien, dans quatre ans à se côtoyer dans ce château, à partager une salle commune, à manger à la même table. C’était pour le moins inattendu, inédit, et elle en était décontenancée.

Sans repères, elle avait presque espéré une nouvelle question caustique de son aînée et reçu, presque déçue, son silence. Au moins, ce n’était ni une contradiction, ni un reproche. Se pourrait-il qu’Aria soit d’accord avec ce qu’elle venait de déclarer ? Laurel laissa le silence les envelopper tel une couverture trop fine pour vraiment les réchauffer, elles qui ne se connaissaient pas assez et se retrouvaient là à échanger au creux d’une nuit d’hiver écossaise, avant de finalement relancer la conversation.

Comme les vagues qu’elle venait d’invoquer, ses paroles allèrent se dérouler, s’échouer et mourir les unes après les autres aux pieds d’Aria, qui resta silencieuse. Quelque chose était en train de changer, cependant. Un hochement de tête minuscule, dont elle perçu le mouvement plus qu’elle ne le vit vraiment. Le parallélisme des deux jeunes filles, quelque part entre le côte à côte et le ensemble, devenait plus confortable. Un peu. Laurel demeurait partagée entre une empathie croissante pour la souffrance évidente de sa condisciple, une pudeur toute adolescente, un relent de méfiance presque politique et l’hébètement face la qualité nouvelle de leur échange, surprise plus ou moins masquée par ses babillages.

Si Aria Beurk aimait tant le lac, c’était peut-être parce que comme lui, sa surface lisse cachait des trésors. La curiosité de Laurel était piquée. Qui se cachait vraiment derrière la carapace de solitude de la brigadière inquisitoriale ? Et comment percer cette armure ? Elle lança ses phrases suivantes telles des hameçons. Elle était bonne conversationnaliste mais piètre pêcheuse à la ligne, semblait-il. Ce n’était pas que c’était un jeu : il lui semblait qu’elle devait à tout prix faire quelque chose pour empêcher Aria de… glisser. Comme un présentiment désagréable, moins urgent qu’insistant. Sa camarade devait se sentir si seule. Elle avait beau dire le vouloir, ça ne pouvait pas non plus être agréable. Pas quand on était seule même au milieu des autres.


Enfin, elle sembla avoir réussi à capter son attention. Aria tourna la tête vers elle et malgré la lumière argentée qui cascadait, ce simple geste sembla lui rendre son allure humaine. Laurel lui retourna son regard, les yeux sérieux, la bouche étirée en demi-sourire. Être cryptique n’était pas son style, mais elle manquait d’idées pour accrocher Aria et n’arrivait pas à s’exprimer aussi clairement qu’elle l’aurait voulu, ce qui donnait un tour plus nébuleux qu’anticipé à sa phrase.

« Je viens souvent sur les berges du lac pour jouer. Mais ces derniers temps, j’ai la sensation que le brouhaha me suit jusqu’ici et il me faut alors trouver une autre échappatoire. »

Elle suivit sa main du regard, examinant de plus près son bijou. Un minuscule violon noir. Laurel devina immédiatement qu’il ne s’agissait pas d’un simple pendentif, mais probablement d’un véritable instrument de musique. N’avait-elle pas elle-même porté un vif d’or miniaturisé en guise de collier au bal des Shafiq, quinze jours plus tôt ? C’était un bon moyen de garder près de soi un objet précieux, et un message puissant, quand on ne le cachait pas derrière une cravate d’uniforme.

Toutefois, elle n’avait pas forcément voulu parler de jouer littéralement du violon. C’était une bonne solution, mais elle ne réclamait pas de concert immédiat. Parfois, jouer sa propre musique, c’était aussi bête que d’enfourcher son balai, cultiver des amitiés en dehors de sa propre maison et des conventions sociales. Il n’y avait pas besoin de faire la révolution pour « être soi », et la présence d’un lac n’était pas obligatoire non plus. Elle était bien placée pour savoir que leur héritage sang pur pouvait être lourd, écrasant même, surtout en ce moment, mais ce n’était pas pour autant un tombeau dans lequel elles seraient enfermées. Un corset peut-être. On pouvait choisir de ne pas le lacer à s’étouffer, de profiter du support qu’il offrait, l’embellir de broderie et de dentelle… Mmh. Elle doutait qu’Aria soit sensible à ses métaphores vestimentaires.

Sa camarade devait pourtant bien trouver du sens dans ses paroles. Elle venait de frissonner. A moins que ce ne soit le froid ? Laurel considéra ses propres vêtements, mais malheureusement, si elle lui passait sa cape, ce serait elle qui tremblerait en quelques secondes, ce qui n’arrangerait personne.

«  Désolée, c’est ridicule. Je ne sais pas pourquoi je te dis tout ça. »

Parce que le lac ne lui répondrait pas, contrairement à elle ?

« Ce n’est pas bête du tout. Ici au moins, on peut parler tranquilles. Pas de murs, pas d’oreilles. »

Laurel fronça les sourcils et décida que cette conversation, pour importante qu’elle soit, ne méritait pas qu’elles souffrent d’engelures. Elle sorti sa baguette, et la pointa vers le premier amas de brindilles et de feuilles mortes recouvertes de givre qui dépassait dans la pénombre.

« Incendio ! »

La vivacité des flammes oranges bouscula l’éclairage, dessinant de nouvelles ombres mouvantes et allongées sur leurs visages, ramenant des couleurs dans leur monde quasi-spectrale. C’était presque choquant. Laurel tendit ses mains nues vers ce feu de camp improvisé pour les réchauffer.

« Ce n’est rien qu’un petit feu. » Elle désigna d’un geste du bras le rideau d’arbres qui les séparait du château. « Personne ne nous verra. » Ses paroles résonnèrent avec plus de confiance qu’elle n’en avait vraiment. Elle espérait qu’elle ne regretterait pas son initiative. Qu’elle n’avait pas casser… quelque chose. Quoique. Peut-être que c’était exactement ce qu’il leur fallait.

Aria avait l’air différente à la lueur des flammes. Plus vivante, plus réelle et accessible. Plus fragile, aussi, peut-être, comme si une partie d’elle-même aurait préféré échapper à la lumière.

« Quand je vole sur mon balai, j’ai l’impression de laisser ce… marasme en bas, et d’être plus légère. Parfois j’aimerai ne jamais devoir redescendre. Tu devrais essayer. Si tu voulais passer après le prochain entraînement, on pourrait aller admirer le lac d’en haut ? »

Accepterait-elle son offre ? Elles n’étaient pas amies, loin de là. D’un autre côté, voler n’impliquait pas une grande conversation. Ou d’ailleurs, Aria aurait pu y aller toute seule, si elle préférait, du moment que cela lui faisait du bien.

« A moins que tu n’ais déjà trouvé ta propre diversion ? »

C’était l’impression qu’elle avait donné en en parlant, en tout cas. Les diversions, les échappatoires n’étaient pas entièrement satisfaisants, ils ne suffisaient qu’un temps : comme pour son balai, on ne pouvait vivre éternellement dans les airs. Mais c’était mieux que rien, et ça les aiderait peut-être à passer cette phase gênante de transformation adolescente dans un pays au bord de la guerre civile.
Laurel Flint
Membre
Laurel Flint
Revenir en haut Aller en bas
Dim 5 Fév 2023 - 17:03
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.

Vendredi 12 Janvier 1996

Ce lac était habité d'une magie inexplicable et insondable, Aria en était persuadée. C'était sur ses berges qu'elle avait vécus les instants les plus rares et précieux de sa scolarité et qu'elle avait fait des rencontres aussi insoupçonnées qu'inestimables. Si cette eau jade avait surtout bercé sa solitude, elle avait aussi fait jaillir des petits miracles de ses profondeurs. Puis, la Sang-Pur se sentait toujours différente à proximité de cette surface sage. Comme prise d'une sérénité qu'elle ne connaissait en nul autre lieu. L'âme du lac venait déposer son index sur ses lèvres gercées et, alors, tout se taisait.

Ou du moins, seuls les mots qui avaient de l'importance pouvaient être prononcés. Ils se devaient, même, d'être prononcés. L'intimisme se greffait à l'ambiance et une bulle se créait pour accueillir n'importe quelle confidence. Mais Laurel, qu'Aria connaissait à peine, aurait-elle seulement les épaules pour porter le poids des aveux qui bordait les lèvres de son aînée ?

- Ce n’est pas bête du tout, la rassura la Flint. Ici au moins, on peut parler tranquilles. Pas de murs, pas d’oreilles. 

Si ce n'étaient les leurs... Laurel irait-elle ensuite répéter ce qu'il se dirait ici pour alimenter les rumeurs du château ? Peut-être bien. Peut-être qu'elle jouait le jeu de la gentille comme tant d'autres, juste pour collectionner les secrets inavouables des plus faibles. Aria se sentait actuellement faible. Elle n'avait plus envie d'écouter la voix de la méfiance. Auprès du lac, elle était différente.

- Ni de tableaux bavards, renchérit la Cinquième Année.

Parmi les choses qu'Aria détestait dans ce château, les portraits qui tapissaient les trois-quart des couloirs devaient bien se trouver en tête de liste. Partout et tout le temps, elle sentait sur sa silhouette ces yeux qui scrutaient le moindre de ses faits et gestes et jamais les murmures de couloirs ne semblaient se taire. Ne faudrait-il pas soumettre l'idée à la nouvelle directrice de troquer tous ces portraits par des peintures de paysage ? De l'aquarelle aveugle et muette ? Quoique, le risque était de se retrouver avec les tapisseries recouvertes de chatons miaulant à longueur de journée. Mieux que des pseudo-humains qui jacassaient, mais pas l'idéal pour autant.

Du coin de l’œil, Aria aperçut sa camarade sortir sa baguette et, l'instant d'après, des brindilles s'embrasèrent au pied du rocher. La blonde platine fronça une courte seconde ses yeux clairs, accommodés à l'obscurité. La lumière orangée était maigre mais contrastait nettement avec la blancheur des rayons lunaires. Sa douce chaleur n'était pas perceptible que pour l'épiderme, toute l'atmosphère s'en voyait enveloppée.

- Ce n’est rien qu’un petit feu. Personne ne nous verra.

Personne ne nous verra, mais nous à présent, nous nous voyons.

Pudique, Aria n'osa détourner son regard des flammes devant elle. L'ombre de son interlocutrice semblait plus grande à présent, sa silhouette plus réelle, sa présence plus prégnante. Mais, lorsqu'elle déplia à son tour ses doigts pour les rapprocher du feu, la chaleur légère émanant de ce dernier prit finalement un aspect rassurant. La voix claire et posée de Laurel appuya ce ressenti :

- Quand je vole sur mon balai, j’ai l’impression de laisser ce… marasme en bas, et d’être plus légère. Parfois j’aimerai ne jamais devoir redescendre. Tu devrais essayer. Si tu voulais passer après le prochain entraînement, on pourrait aller admirer le lac d’en haut ?

La proposition déstabilisa un instant la Beurk, peu habituée à ce qu'on lui suggère des activités extra-scolaires. Un sourire aurait presque pu se dessiner sur son faciès mais elle secoua la tête.

- Non merci, très peu pour moi.

Un silence bref glissa entre les deux jeunes filles et la plus âgée réalisa alors la potentielle rudesse que l'on pouvait percevoir dans sa réponse. Elle s'efforça alors d'ajouter :

- J'ai horreur du vol sur balai. Du vol tout court, même.

Si elle avait un jour décollé ses pieds de la terre ferme pour se risquer à des voltiges aériennes, c'était bien parce qu'on l'y avait forcé. Heureusement que les cours de vol n'avait duré qu'une seule année, car ç'avait été pour elle une vraie plaie. C'était bien là le seul cours qu'elle aurait souhaité sécher, si sa déontologie stricte ne l'en avait pas empêché. En plus de devoir affronter son vertige, cette matière avait mise a mal sa dignité : l'adresse sur un balai n'était définitivement pas quelque chose d'inné pour tous les sorciers. L'humiliation avait de nombreuses fois atteint son comble, bien qu'heureusement, il y avait toujours eu Neville Londubat dans sa promotion pour la surpasser dans la non-maîtrise du vol.

- A moins que tu n’ais déjà trouvé ta propre diversion ? se hasarda Laurel, faisant probablement référence à l'échappatoire dont parlait son aînée plus tôt.

Aria remonta doucement son regard vers celui de la Flint. Pour le sonder ou s'y accrocher ? Palper le terrain ou trouver une ancre ? Devant la lueur des flammes, les iris de sa cadette renvoyaient une couleur plus claire, plus chaude, presque orange et entièrement empreinte de bienveillance.

- Oui, mais ça n'a pas la même innocence qu'un vol sur balai... avoua Aria, n'ayant plus la force de retenir les mots qui brûlaient d'atteindre le pavillon d'une oreille soucieuse.

Ses opales translucides se détournèrent à nouveau pour se nicher dans les ondulations du feu. Elle crut y voir la silhouette d'Eileen, dansante, joyeuse, réchauffante. Mais aussi lointaine et insaisissable. L'image s'évapora. Ses angoisses prirent la forme de démons surgissant des maigres braises. Le feu pouvait prendre des proportions gigantesques, au point de détruire la forêt entière, si elle continuait de le fixer ainsi. Elle ne savait pas comment calmer les flammes qui grandissaient dans son esprit malade. Elle avait besoin d'aide.

- Cette diversion, c'est un peu comme se confronter au froid, murmura-t-elle sans vraiment y réfléchir, ça abîme la peau et épuise le corps. Et malgré ça, l'envie de retourner dehors revient à chaque fois, grandissante, effrayante, comme pour voir si l'on peut supporter des températures plus basses encore.

Le sang était chaud, mais lorsqu'il coulait, c'était le corps entier qui se refroidissait.

- Je ne saurais l'expliquer, mais il y a quelque chose de... grisant, dans la souffrance physique. C'est sûrement que ça éloigne celle qui est psychique.

Ça y était. Tout avait été dit. Et rien à la fois. Un aveu à mi-mot. Une confession abstraite. En tout cas, un quelque chose qu'elle n'avait encore jamais prononcé. À présent, son secret était palpable. Là, juste devant les yeux de celui qui voudrait bien voir. Mais Laurel aurait-elle seulement envie de voir cette vérité défendue ?

La pudeur de la Sang-Pur revint à l'assaut et, avant qu'une question ne vienne dépoussiérer davantage encore ces sombres abysses, elle en formula une à l'adresse de la Poursuiveuse :

- Mais au final, c'est un peu la même chose que tu t'infliges à voler tout là-haut, non ? Quelle idée de se confronter à un tel vide...


code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Sam 15 Avr 2023 - 13:22
Naïvement, il n’était pas venu à l’esprit de Laurel que les murs, les oreilles et surtout les grandes bouches qu’Aria pourrait craindre soient les siens. Ce n’était pas qu’elle n’aimait pas les ragots : elle les appréciait comme toute adolescente populaire qui se respecte. Être bien informée était vital dans le microcosme étudiant du château, et elle n’aurait pas voulu être la dernière à savoir qui sortait avec qui, qui était fiancé à qui, qui s’était humilié en faisant exploser son chaudron sur lui en cours de potion. Ne pas savoir aurait été être en marge de la société étudiante, en retard, et perdre de la valeur sociale. C’était aussi une source de divertissement dans un lieu fermé, et souvent, un besoin vital quand tout se machinait dans un cercle exclusif de familles Sang-Pur.

Mais Laurel, si elle mettait un point d’honneur à connaître les informations et jouer sa part dans leur circulation, n’avait rien  de la prédatrice à rumeurs que pouvait être son amie Lavinia. Sa camarade de dortoir le faisait pour le pouvoir que cela lui donnait sur les gens, et non pas sur elle-même : elle chassait activement les secrets, pour mieux les répandre et s’en délecter, ce qui lui valait une apparente appréciation de ses camarades, qui en réalité se méfiaient souvent de ce qu’ils pouvaient dire en sa présence (mais accouraient pour recevoir les cachoteries des autres, ainsi va le monde).  

Laurel, elle, était satisfaite d’être sociable et au courant relativement tôt de ce qui serait de toute façon inévitablement de notoriété publique. Faire du chantage par des sous-entendus doucereux n’était pas dans sa nature : elle y avait déjà pensé, tant elle l’avait vu faire, mais la méthode lui répugnait. Tant que les secrets des gens étaient de nature privée… et bien, n’étaient ils pas plus précieux quand on vous faisait assez confiance pour vous les confier volontairement ? En l’occurrence, la conversation qu’elle avait actuellement avec Aria était de celles-là, même si son aînée ne lui avait pas exactement livré de confidences controversées. Leur échange, en dehors des murs de l’école, appartenait au lac.

« Ni de tableaux bavards. »

Elle hocha la tête lorsque sa camarade se réjouit de l’absence de tableaux. Eux aussi comméraient constamment, ou du moins, observaient de manière incessante, veillant sur les élèves avec plus d’acuité qu’une armée de surveillants. Même s’ils gardaient la majorité des informations pour leur monde de pigments, semblait-il, Lavinia et les gens de son espèce savaient leur soutirer des informations en leur proposant leur compagnie au-delà de ce que la politesse exigeait. Laurel s’était habituée à cette sensation constante d’être observée, et n’en avait même plus conscience la majorité du temps, mais quand elle y pensait, voilà qu’elle inspirait elle aussi plus profondément l’air glacé mais solitaire du lac.

Le froid devenant cependant de plus en plus difficilement supportable, elle alluma un feu sur un coup de tête. Grâce à cette nouvelle source de lumière, elle vit Aria froncer les sourcils, comme pour repousser la lueur des flammes, avant de la fixer avec défi. Avec une non-chalance plus feinte que réelle, Laurel la laissa tranquille un instant, se concentrant sur la chaleur qui léchait ses doigts tendus, y faisant picoter le sang.

Lorsqu’il était gelé, le lac devenait trop silencieux. Le craquement des branches en train de se consumer formait un contre-point rassurant aux seuls mugissements sourds du vent. La petite Serpentard inspira de nouveau à fond, observant Aria à la dérobée. L’air avait pris une légère odeur de fumée, qui rappelait vaguement leur salle commune. Un parfum qu’elle trouva plus rassurant qu’oppressant, malgré leur récente conversation. Ca l’ancrait dans leur réalité présente, et elle se sentait un peu plus en contrôle de la situation, malgré la jeune Beurk qui semblait toujours lui échapper, vouloir échapper au monde de la matière. Une Dame Blanche.

« Non merci, très peu pour moi. »

Laurel se recula légèrement sur son siège de pierre, rentrant son visage dans l’ombre. Elle aurait dû s’attendre à ce qu’Aria rejette son offre. Un feu ne faisait pas tout. Elles n’étaient pas amies. Malgré cette logique implacable, elle ne pu s’empêcher de se sentir piquée, presque rejetée. Elle avait commencé à croire que…

« J'ai horreur du vol sur balai. Du vol tout court, même. »

Oh. Les épaules de la quatrième année se détendirent imperceptiblement, et ses doigts retournèrent s’étirer vers les flammes. Les Flint avaient le vol dans le sang, et la notion de vertige lui était étrangère, mais elle savait que tout le monde n’avait pas cette chance. Être à l’aise, voire douée sur un balai faisait partie de son identité, quelque chose sans lequel elle aurait eu du mal à se définir. Elle avait beau essayer de comprendre comment Aria aurait pu ressentir la même chose pour le lac, lieu inerte et figé, elle avait du mal. Et « du vol tout court » ? Est-ce qu’Aria avait déjà volé autrement qu’en balai ?! Elle lui adressa un regard intrigué : en carrosse volant, comme les élèves de Beaubaton ? En chevauchant sur une créature magique ? Elle mourrait d’envie d’en savoir plus, mais quelque chose lui souffla qu’une approche trop frontale ne lui révèlerait rien, d’où sa question sur les diversions.

« Oui, mais ça n'a pas la même innocence qu'un vol sur balai... »

Leurs regards se croisèrent franchement, et les yeux de Laurel s’agrandirent. Elle n’était pas certaine de ce dont son aînée parlait, exactement, mais elle n’avait pas l’impression qu’il s’agisse d’une chevauchée sur un hypogriffe ou un dragon. Aria regardait à nouveau le feu, qui commençait déjà à se racornir faute de combustible. Elle semblait y voir un autre monde, comme on regarde une boule de cristal en cours de divination, et sa cadette n’osa pas l’interrompre. Silencieusement, elle se contenta d’amener d’un mouvement de poignet de nouveaux branchages dans l’âtre improvisé. Un peu de neige fondit en sifflant, la faisant sursauter.

« Cette diversion, c'est un peu comme se confronter au froid, ça abîme la peau et épuise le corps. Et malgré ça, l'envie de retourner dehors revient à chaque fois, grandissante, effrayante, comme pour voir si l'on peut supporter des températures plus basses encore. »

Laurel n’était pas certaine de comprendre, mais elle écoutait intensément, le nez retroussé sans s’en rendre compte comme pour mieux réfléchir. Elle semblait avoir perdu sa langue et laissa Aria dérouler ses pensées sibyllines sans l’interrompre. Malgré ses propos, elle ne semblait évoquer ni anges de neige, ni bains froids suédois. Le froid dont elle parlait était vide et coupant, dénué de joie. L’étrange sensation de malaise et d’urgence que Laurel avait ressenti en la voyant figée au bord de l’eau gelée ressurgit et se solidifia, comme un boule au creux de son estomac. Quelque chose n’allait pas du tout, mais quoi ?

« Je ne saurais l'expliquer, mais il y a quelque chose de... grisant, dans la souffrance physique. C'est sûrement que ça éloigne celle qui est psychique. Mais au final, c'est un peu la même chose que tu t'infliges à voler tout là-haut, non ? Quelle idée de se confronter à un tel vide... »

Elle ne su quoi répondre immédiatement et laissa le silence planer encore un peu. Aria était belle, son visage immobile seulement animé par les flammes. L’idée lui traversa l’esprit qu’elle aurait pu être populaire, jolie comme elle l’était, si elle l’avait voulue. La pensée mourut presque aussitôt, hors de propos. Finalement, elle secoua la tête doucement, cherchant à attirer son regard trop fixe, en répondant posément.

« Non, je vole par plaisir. Parfois il fait froid, mais alors je me couvre. J’aime voler, je ne me sers pas de mon balai pour me faire du mal. »

L’énigme dans les propos d’Aria s’était dévoilée toute seule en lui offrant une réponse concrète. Laurel se sentait horrifiée par ce qu’elle commençait à comprendre. En ces temps incertains, il y avait tant de menaces floues à l’horizon… comment pouvait-on en plus se faire du mal à soi-même ?

« Est-ce que… est-ce que tu te fais du mal volontairement ? C’est pour ça que tu viens au lac ? »

Sa voix était toute petite, à peine au-dessus du craquement du feu, mais la question était pour la forme. Une fois dit à haute voix, cela semblait soudain si évident. Elle avait du mal à concevoir comment c’était seulement mécaniquement possible. En dehors du Quidditch, elle-même était plutôt chochotte. Impulsivement, elle posa sa main sur celle d’Aria, doigts nus contre paume gantée, comme pour la retenir.

« Est-ce que c’est dangereux ? » Les grands yeux noisette de Laurel étaient pleins de soucis mêlé à une curiosité perplexe. Malgré les apparences, Aria était une adolescente bien vivante, et non une dame blanche. Qu’elle bascule dans l’immatériel, de sa propre main, aurait été… C’était tabou, elle le sentait bien. Aria le savait aussi, elle avait dit elle-même que ce n’était pas innocent. Aria était une bonne élève, un membre modèle de la Brigade Inquisitoriale : pas quelqu’un qui défiait les règlements ou brisait gratuitement les interdits. Alors pourquoi ? Pourquoi ça et pas… les échecs, la poésie, le soin à une chouette ? « Est-ce que ça fonctionne ? »

Laurel Flint
Membre
Laurel Flint
Revenir en haut Aller en bas
Sam 10 Juin 2023 - 12:47
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.

Vendredi 12 Janvier 1996

La surface venait de se craqueler et une goutte d'aveu s'était échappée des commissures glacées. Son apparence calme et impassible n'était qu'un subterfuge ; derrière l'insondable régnait un maelström. Sous le lac gelé, un océan déchaîné. Derrière la chevelure nacrée, un regard tourmenté.

Les mots qu'Aria avait elle-même prononcé étaient à la fois trop et pas assez. Comment décrire ce qu'elle ressentait ? Comment dépeindre la noirceur qui se répandait chaque jour un peu plus au creux de sa cage thoracique ? Les mots manquaient, ils lui paraissaient soit trop sobres, soit trop poignants, il n'y avait guère de juste-milieu dans ces aveux. Elle souhaitait crier à l'aide mais répugnait paradoxalement l'idée qu'une once de pitié puisse la toucher.

Elle avait donc avoué à moitié mais avait aussitôt cherché à détourner le sujet.

- Non, je vole par plaisir, réfuta Laurel avec toute l'insouciance qui la caractérisait. Parfois il fait froid, mais alors je me couvre. J’aime voler, je ne me sers pas de mon balai pour me faire du mal.

Face à la réponse de sa cadette, Aria eut un sursaut de lucidité. Pourquoi donc se confiait-elle à la Flint ? Elle qui semblait si pure et innocente maintenant qu'elle la voyait à la lueur chaude d'un feu crépitant, pourquoi lui confier le poids de son secret, si sombre et laid ? Risquerait-elle de s'éteindre, aussi fragile que les flammes grelottant dans ses pupilles ?

L'Empathe vit Laurel frissonner, ou plutôt, elle le sentit. C'était quelque chose de viscéral. L'ambiance avait pris un nouveau tournant et leur petit feu ne suffisait désormais plus à faire fuir le froid. Tout semblant de quiétude s'en était allé.

- Est-ce que… est-ce que tu te fais du mal volontairement ? tâtonna Laurel. C’est pour ça que tu viens au lac ?

Aria ne venait pas au lac pour se faire du mal, non. C'était trop ouvert, trop vaste, trop grand, trop visible et aussi trop pur. Il lui fallait plutôt un endroit clos, exigu, sombre, sale, délaissé, détesté, isolé. Pratiquer ses noires arcanes dans un cagibi, c'était sa façon à elle de « laisser ses démons au placard » pour le reste de la journée.

Cependant, elle ne pouvait nier à la première question posée. Toutes les souffrances physiques qu'elle connaissait ces derniers temps, elle se les faisait subir d'elle-même. Seule. Volontairement.

L'Aria enfant avait été douillette, pourtant. Le moindre petit bobo provoquait autrefois un torrent de larmes chez la fillette, ainsi qu'un flot de moqueries de la part de son frère aîné. La Beurk, ayant grandi dans une bulle princière et n'ayant jamais été de nature casse-cou, n'avait connu aucune grosse égratignure dans sa vie.

Était-ce l'ennui ou le désespoir qui conduisait inéluctablement le serpent à se mordre lui-même la queue ?

Un comble dans lequel la Sang-Pur se reconnut et se sentit alors prise au piège. Sa respiration s'accéléra imperceptiblement derrière son silence désemparé. La main de Laurel se posa sur la sienne et la chaleur de ce contact se répandit à travers le tissu. Réconfortant ou oppressant ? Indécise, Aria garda ses doigts figés. L'autre blonde ressentait-elle la force de son pouls qui battait dans sa paume ?

- Est-ce que c’est dangereux ? poursuivit la plus jeune.

Dangereux ? La voix de Laurel avait beau se faire de plus en plus basse, le mot en lui-même paraissait lointain. Le danger, c'était abstrait, un peu comme une peinture sans forme, une image sans contour, non ?

Dernièrement, Aria avait la sensation d'être assaillie par tout un tas d'émotions et, dans un même temps, de n'en ressentir aucune. Mais s'il y avait bien une chose de sure, c'était que la peur n'en faisait pas partie. Du moins, pas lorsqu'elle sortait la baguette et le grimoire dérobés pour réciter des incantations prohibées, ô combien dangereux cela s'avérait. De la culpabilité, de l'incertitude et du désespoir, ça oui. Mais pas de la peur. Plus maintenant. Alors même que c'était précisément cette émotion qui l'avait poussé à prendre la décision la plus douloureuse de sa vie, deux mois plus tôt.

Oui, c'était la peur qui lui avait susurré de fuir Eileen. Pour protéger cette dernière mais aussi les Beurk. Pour écarter le danger. Mais qu'en était-il maintenant ? N'était-ce pas aussi dangereux ce vers quoi la solitude l'avait dirigé ?

Voilà ce qu'elle aurait pu répondre : « Pour ceux qui ont peur, oui, c'est dangereux. Pour ceux-là, tout est dangereux. » Et ces mots auraient très bien pu être tout droit sortis de la bouche de son père, lorsque, plus jeune, il lui apprenait les notions de base pour manipuler un objet de magie noire. Mais ce soir-là, au bord du lac, ces mots ne sortirent d'aucune bouche, seule de la vapeur expiratoire s'échappa de celle d'Aria.

- Est-ce que ça fonctionne ?

Cette ultime question, enchaînée sans réelle pause avec les précédentes, fut celle qui acheva de déstabiliser complètement la blonde platine. Elle sentit son souffle s'effilocher et sa vision se troubler. C'était là la dernière question à laquelle elle se serait attendue et elle l'avait touché en plein cœur. Était-ce donc cela, ce qui s'apparentait à de la compassion ? L'intonation douce de la voix de Laurel avait en tout cas chassé tout écho de curiosité malsaine. Mais qu'elle était alors l'intention derrière cette question ? Voilà bien ce qui créa tout le déboussolement d'Aria.

- Oui... non... je...

La violoniste se sentit fébrile d'un coup. Que répondre à ça ? Se faire du mal pour aller mieux, ça fonctionnait ? L'absurdité de tout, de ça, du monde, de la vie, de la mort la heurta de plein fouet.

- Je ne sais pas...

Elle enfouit son visage dans ses paumes et secoua la tête.

- Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne sais plus rien.

Tout dissonait. Elle se leva.

- C'est à la fois trop et pas assez, c'est bon et c'est mauvais, c'est long et c'est court, c'est là et ce n'est plus là, et je ne sais jamais si je dois ou si je ne dois pas.

Tirade saccadée, pressée, récitée d'une traite sous le joug d'une impulsion confuse. Ses épaules s'affaissèrent ensuite.

- Je ne sais pas...

Elle refusait de laisser couler les larmes qui bordaient ses paupières. Elle retroussa son nez, regarda vers le ciel, puis retira les mitaines portées et reposa ses prunelles sur Laurel.

- Désolée, tu ne devrais pas savoir tout ça, tu es trop...

Pure.
Innocente.
Insouciante.

- On ne se connait même pas, acheva finalement Aria.

Elle lui rendit ses gants.

- J'aimerais que tu gardes tout ça pour toi, s'il te plaît.

Ses iris pâles l'implorèrent. Mais si on les observait bien, leur voile glacé avait fondu et quelque chose de doux et fragile, comme une sorte de gratitude pudique, y miroitait à présent. Cela faisait des mois que la jeune sorcière ne s'était plus confiée à qui que ce soit.


code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Sam 24 Juin 2023 - 22:44
Il y avait une tension dans l’air. Laurel aurait voulu pouvoir fermer sa bouche, arrêter ses questions, mais celles-ci sortaient aussi inéluctablement qu’une pluie battant le carreau d’une fenêtre fermée à la tempête. Aria demeurait silencieuse, hermétique, et son silence était une réponse en soi. Si elle avait réellement été une vitre, Laurel s’imagina qu’elle aurait pu voir le verre se fissurer, les ramifications dessinant des labyrinthes abstraits et délicats. Si fragile. Pour la première fois de sa vie, Laurel se sentait responsable de ce secret qui venait de lui être dévoilé presque par erreur, responsable pour la première fois de quelque chose de plus grand qu’elle qui n’avait rien à voir avec la famille Flint. C’était un pouvoir qui lui faisait peur, et dont elle n’avait pas vraiment envie. En même temps… qui aurait pu regarder Aria se fendiller sous son regard sans réagir ? Pas elle.

Ne lui restait que son instinct, et leurs mains qui se touchaient à travers un gant. Le contact était léger, mais Laurel avait la sensation que si elle lâchait Aria, celle-ci s’enfuirait, s’évaporerait dans les brumes du lac, peut-être. Vaporeuse comme leurs souffles mêlés. La douceur laineuse des mitaines, elle, était bien réelle. Sous ses doigts à peine posés sur la paume de sa camarade, elle pouvait sentir un peu de chaleur humaine. Cette main, contrairement aux apparences, n’était pas celle d’une statue. Elle ne savait pas quoi faire, pas encore, mais elle pouvait essayer de comprendre. Est-ce que ça fonctionnait, de se faire mal ? Aria était une jeune femme intelligente et sensible, il y avait forcément une logique à son comportement.

« Oui… non… je… Je ne sais pas… »

Aria se dégagea légèrement pour se cacher le visage dans les mains, et Laurel resta hésitante. Si elle avait eu cette conversation avec l’une de ses amies, elle l’aurait prise dans ses bras, lui aurait murmuré des choses rassurantes dont le sens n’aurait pas eu d’importance. Sa présence aurait suffi. Oui mais voilà, elle n’ait pas amie avec Aria Beurk, reine des glaces. Elle-même n’aurait jamais eu cette conversation avec aucune de ses amies, d’ailleurs : en avait-elle une seule avec laquelle elle aurait ouvert son cœur aussi profondément ? Elle n’en était même pas sûre.

L’amitié était un balai incessant d’entraide pour les devoirs, de chuchotements dans le noir des dortoirs, de teatimes avec les mères de familles, de fou-rires retenus au dernier rang d’une salle de classe, de conseils plus ou moins piquants quand on était indécise devant son armoire. Où ranger des confidences aussi subversives ? Comment partager, montrer, imposer peut-être sa souffrance à des gens qu’on appréciait et qu’on voyait au quotidien, au risque de se la faire renvoyer en permanence ?  

« Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne sais plus rien.  C'est à la fois trop et pas assez, c'est bon et c'est mauvais, c'est long et c'est court, c'est là et ce n'est plus là, et je ne sais jamais si je dois ou si je ne dois pas. »

Aria s’était levée.

« Ca n’a pas l’air très efficace. »

Son pragmatisme n'était pas sans compassion. Laurel chercha du sens dans ses mots, une réponse, mais peut-être que la signification n’appartenait qu’à la cinquième année. Se faire mal ne semblait pas la solution la plus efficace pour aller mieux, en tout cas. Est-ce que c’était si irrésistible qu’elle ne pouvait s’en empêcher, malgré la douleur qui semblait rester ensuite comme un fantôme envahissant ? Laurel se leva à son tour. Elles devraient sans doute rentrer avant de tomber malades. Une pneumonie, ça au moins c’était sûr, n’avait jamais soulagé aucune peine. Elle fit un pas vers sa condisciple, mais s’abstint de la prendre dans ses bras comme son instinct l’y poussait. Ca aurait été trop dans leur petite bulle fragile. Elle préféra détourner le regard vers les flammes languissantes, comme si la lumière pouvait être une alliée.

« Désolée, tu ne devrais pas savoir tout ça, tu es trop... » Laurel attendit la suite, curieuse de voir comment elle était perçue. Les réponses honnêtes sur le sujet étaient trop rares. « Trop quoi ? », insista-t-elle, la douceur de l’instant dans la voix, mais une pointe de défi aussi.

« On ne se connaît même pas. »

Elle attrapa ses gants par réflexe, les caressa vaguement, et puis, parce qu’il faisait froid, commença à les enfiler en silence. Les mitaines étaient encore tièdes d’avoir été portées par Aria. Voilà la seule étreinte qu’elles partageraient ce soir.

« Et alors ? » Elle n’était pas blessée : c’était vrai, elles n’étaient pas amies, même si Laurel avait souvent souhaité pouvoir échanger avec elle, avant d’être définitivement découragée par sa froideur. « Tout ça, tu ne l’aurais pas raconté à une amie, non ? » Est-ce qu’elle avait seulement des amies, d’ailleurs, la Beurk ? Elle paraissait toujours si solitaire. Peut-être des élèves plus âgés qu’elle connaissait mal, mais ça ne frappait pas les yeux. Peut-être juste son violon.

« J'aimerais que tu gardes tout ça pour toi, s'il te plaît. »

Laurel se mordilla la lèvre d’hésitation, au risque de la gercer, et rendit à Aria un regard sans détour. Elle était flattée par la confiance réticente de sa camarade, et elle avait envie de préserver cet instant important. Un secret comme un pont pour relier Aria au monde trivial, réel et vivant de l’école, pour l’empêcher de devenir une véritable Dame Blanche. Et en même temps… la responsabilité pesait lourd sur son cœur de quatorze ans, maintenant qu’elle en prenait conscience.

« Tu n’as pas répondu à ma question : est-ce que c’est dangereux ? »

Lui dire quoi, qu’elle ne voulait pas qu’elle se fasse du mal ? C’était tout le but de cette mystérieuse opération. Laurel aurait préféré qu’un adulte de confiance soit dans la confidence. Quoique… qui, exactement ? Madame Pomfresh ? Le professeur Rogue ? Il n’y avait pas vraiment de candidat idéal. Rusard rêvait d’infliger aux élèves des châtiments corporels et ne s’en était jamais caché. Le professeur Ombrage le faisait officiellement, avec ses plumes maudites, dont les rumeurs gonflaient les méfaits, galopant de couloir en couloir. Elle ne savait pas exactement comment Aria procédait précisément pour se faire mal, mais le monde des adultes n’offrait pas de solutions adéquate immédiate.

Pour la première fois, en plus de se sentir angoissée par les évènements extérieurs, Laurel réalisa qu’elle se sentait seule dans Poudlard. Le cours de la Grande Inquisitrice n’avait même pas été vraiment rassurant, même s’il matérialisait le fait que les adultes étaient là pour les protéger (à peu près) des dangers extérieurs. Pour ce qui était de leurs besoins quotidiens, en revanche, ils n’avaient personne vers qui se tourner. Elle inspira à grand coup, surprise par cette sensation d’abandon nocturne qui n’avait pourtant pas picoté ses yeux depuis la première année et les premières à l’internat. Elle n’était plus une petite fille, elle était autonome, maintenant. Alors pourquoi cette soudaine boule au ventre ?

Elle lissa une mèche blonde derrière son oreille et carra imperceptiblement les épaules, sa décision prise. Puisque les grandes personnes étaient aux abonnées absentes, les deux Serpentard seraient au moins seules ensemble.

« D’accord, je vais garder ton secret. Mais tu dois me promettre que tu ne feras rien de… permanent. Viens me voir si ça… enfin, si ça risque de déraper. Tu n’auras qu’à prétendre que tu veux m’aider pour un devoir de potion, d’accord ? On pourra même réellement faire des potions, si tu as besoin de t’occuper le temps que ça passe. »


Ca, elle ne savait pas exactement quoi, mais c’était offert de bon cœur. Et ce serait crédible en plus. Elle était maladroite comme tout en potions quand le Professeur Rogue lui lançait son regard à la fois sévère et mort à travers les cachots. Lors du dernier cours, son chaudron avait même explosé, la couvrant d’une substance rose et visqueuse pile quand le professeur était venu l’inspecter. Elle était persuadée que c’était la faute de son binôme de Poufsouffle, mais même en étant certaine de ses maigres compétences, l’humiliation demeurait cuisante. Rien qu’à s’en souvenir, un peu de rouge monta à ses joues glacées, et elle se força à sourire. L’autodérision n’était pas son fort.

« On rentre avant de se transformer en statues de glace ? »

Elle fit un pas en avant, et se baissa pour jeter une poignée de neige sur le feu, qui agonisa en chuintant.

Laurel Flint
Membre
Laurel Flint
Revenir en haut Aller en bas
Mer 23 Aoû 2023 - 12:56
La Morsure du froid
si le vent pouvait emporter mes tourments
et la glace cristalliser mes espoirs,
je m'allongerai sur le lac
et attendrai que le temps passe.

Vendredi 12 Janvier 1996

- Désolée, tu ne devrais pas savoir tout ça, tu es trop...

- Trop quoi ?

- On ne se connaît même pas.

- Et alors ? Tout ça, tu ne l’aurais pas raconté à une amie, non ?

- Non, en effet, car je n'en ai pas.

Un silence un peu lourd, un peu gênant, un peu maladroit se déposa entre les deux adolescentes, ce genre de silence un peu bouche bée qu'aucun code social ou règle de bienséance ne sait vraiment combler. Aria en avait l'habitude et ne s'en sentait presque plus gênée, ces silences-là, elle les répandait presque au rythme de ses ponctuations. Socialement trop marginale, trop peu intégrée, trop décalée, elle n'avait jamais vraiment réussi à intégrer les codes qui rendaient les conversations plus fluides et plus aisées, ces règles pour bien s'incorporer en société, et pas seulement par manque de volonté ou par désir de provoquer. Elle n'avait simplement jamais vraiment réussi à les intégrer.

Et c'était sûrement pour ça que, des amis, elle n'en avait pas. Ou plus. Ou peut-être une à nouveau, si Eileen et elle renouaient. Ou peut-être même deux, si Laurel et elle décidaient à l'avenir de pousser plus loin ce début de confessions. Mais tout ça, c'était beaucoup de peut-être et donc, beaucoup d'illusions. Des amis, elle n'en avait pas, point.

Et Sessho ? Si l'amitié se jouait à travers une partition et que les confessions s'exprimaient en clé de sol, alors peut-être que Sessho était un ami.

Encore un peut-être.

- J'aimerais que tu gardes tout ça pour toi, s'il te plaît, finit par ajouter Aria avec pudeur.

Des confessions exprimées en mots, à une quasi-inconnue de surcroît, c'était nouveau pour elle. Un brin déroutant, parfaitement effrayant mais indéniablement réconfortant. Toutefois, il n'y eut rien de rassurant dans la manière dont Laurel se mordilla la lèvre et encore moins dans sa réponse qui vint esquiver la promesse d'un secret scellé :

- Tu n’as pas répondu à ma question : est-ce que c’est dangereux ?

Il ne fallait pas être devin pour comprendre l'arrière-pensée de la Serpentard. Lui répondre oui, c'était sceller son secret dans une enveloppe qui serait tout droit livrée, pressée par l'inquiétude, jusqu'au bureau de leur directeur de maison. Lui répondre non, c'était sceller son secret dans l'air vaporeux, cadenassé à un souvenir protégé, sans un mot ni un soupir de plus. La question était : quelle importance Aria accordait-elle à la vérité ?

L'angoisse de la Flint vint également se nicher dans le ventre de l'Empathe. Trop pure, trop innocente, trop insouciante. Tout le monde n'avait pas les épaules pour porter le poids de l'entière vérité, songea-t-elle à nouveau.

- Pas vraiment si c'est maîtrisé, lui répondit-elle sans déloger son regard de celui de sa cadette. Et je suis quelqu'un qui aime garder les choses sous contrôle, crois-moi.

Mais n'était-ce pas justement cette volonté de contrôle qui la poussait à se mutiler ? Afin que la souffrance devienne un choix qui lui revenait et non une situation qu'elle subissait ?

La Beurk fut convaincue par sa propre réponse. En y mettant les formes, nul besoin de mentir. Du moins, c'était seulement sa vérité à elle qu'elle proposait là avec tous les filtres inconscients qui y étaient englués, comme le déni, le relativisme et le flegmatisme. Entre autres.

- D’accord, abdiqua Laurel, je vais garder ton secret. Mais tu dois me promettre que tu ne feras rien de… permanent.

La blonde platine hocha la tête.

- Viens me voir si ça… enfin, si ça risque de déraper. Tu n’auras qu’à prétendre que tu veux m’aider pour un devoir de potion, d’accord ? On pourra même réellement faire des potions, si tu as besoin de t’occuper le temps que ça passe.

La préoccupation sincère de la Flint secouait à nouveau les émotions d'Aria. Elle se sentait fragile comme une feuille à se tenir là, debout, à se montrer nue et à recevoir une main tendue. Incrédule, voilà ce à quoi ressembla sa réponse :

- Vraiment ? M-merci.

Elle ne savait que prononcer d'autres. Deux mercis en une journée, mieux encore, en moins d'une heure, c'était un témoignage de reconnaissance plus que notable pour la Sang-Pur.

Cet échange inattendu avec Laurel bouleversait Aria plus qu'elle n'osait le montrer. Elle qui commençait à sentir la solitude lui ronger les os ces dernières semaines, ces confessions à demi-mots lui avaient redonné de quoi respirer. Et si l'air venait à nouveau à lui manquer, Laurel voulait bien à nouveau l'aider. Le savait-elle seulement que, ce soir-là, elle l'avait vraiment aidé ? Aria elle-même ne le réalisait pas encore tout à fait.

- On rentre avant de se transformer en statues de glace ? proposa la Flint.

Aria acquiesça, réalisant alors qu'elle tremblait de tout son corps. Plus aucun mot ne vint chasser le froid jusqu'à leur retour au château, c'était un silence presque cérémonial qui entourait les deux silhouettes dans leur traversée du parc. À peine eurent-elles franchit la massive porte en bois qu'Aria salua pudiquement Laurel pour s'enfuir avec empressement dans le dédale des escaliers et couloirs de Poudlard, recréant en quelques pas la distance qui avaient toujours existé entre elles deux, la distance qu'elle maintenait soigneusement avec tout autre étudiant.

Mais peut-être qu'un jour, dans un mois, dans une semaine, ou bien le lendemain, Aria se dirigerait dans le fauteuil où Laurel serait installée dans leur salle commune et lui proposerait son aide pour un devoir de potion. Comme convenu. Parce qu'Aria était très bonne élève. Et parce qu'au fond, c'était elle qui avait besoin d'aide.

code by black arrow
Aria Beurk
Admin empathique
Aria Beurk

_________________




Ecoute cette médolie troublante.
C'est l'eau qui chante.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1

Sauter vers :
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: Hors-Jeu :: La Pensine :: RP Harry Potter :: Les RP Terminés-